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Livres
Toudja, mon beau village. Monographie de Aïssa Kasmi. Editions Imtidad/Editions Atfalouna, Alger 2020, 311 pages, 900 dinars Un véritable travail de fourmi qui a permis à Aïssa Kasmi, certes habitué aux enquêtes de terrain, de reconstituer, bien plus qu'un archéologue, bien plus qu'un historien, bien plus qu'un documentaliste, et bien plus qu'un sociologue, la vie du lieu qui l'a vu naître et grandir jusqu'à l'âge de 16 ans. Il est vrai qu'il a été grandement aidé par ses concitoyens de Toudja qui n'ont pas hésité à lui communiquer les renseignements requis pour l'élaboration des portraits insérés. Car, en plus de nous retracer avec force détails la naissance et le développement du village et de sa région, il s'est aventuré sur le terrain le plus délicat de l'écriture, celui des portraits de bien de ses habitants, décédés ou non, personnages ayant marqué peu ou prou, chacun à sa manière, l'histoire des lieux : simples citoyens , moudjahidine, chouhada... Bien sûr, tous les étages de l'ouvrage sont passionnants, et plongés dans ses pages on arrive difficilement à s'en sortir car, en fait, il y a, en nous, ressurgissant, que l'on soit d'ici ou de là, de Toudja ou d'ailleurs, tout ce qui survit («de plus authentique et de plus personnel» dixit Ahmed Taleb Ibrahimi) de notre enfance et de notre prime jeunesse. Bien sûr, les pages les plus émouvantes sont celles consacrées à certains (54 portraits) moudjahidine et aux chouhada de la guerre de libération nationale. Portraits tous, sans exception, nous replongeant dans une époque et une atmosphère que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. Pour ma part, à titre très personnel, c'est le portrait de Boucheffa Arezki qui m'a le plus touché ayant connu, d'assez près, dans le secteur de l'Information et de la Culture, le moudjahid, un éternel combattant au patriotisme à fleur de peau. L'Auteur : Né le 20 mai 1942 à Toudja (Laazib). A 17 ans, il se retrouve projeté fortement dans la lutte de libération nationale. Moudjahid dans la wilaya VI historique. Carrière dans la Police algérienne (1962-1998). Retraité, très actif dans l'activité socio-éducative et l'écriture. Sommaire : Préface (Abdelhamid Ghermine)/ Introduction/ Toudja village-type de Kabylie enraciné dans l'histoire/ La résistance des populations de Toudja aux envahisseurs/ La vie économique et sociale de Toudja avant la révolution/La participation des populations de Toudja à la guerre de libération nationale/La jeunesse de Toudja face à son avenir : Portraits de certains personnages de Toudja/ Portraits de chouhada et de moudjahidine/Annexes. Extraits : «Pour revenir au village de Toudja, il est l'un des plus typiques et plus beaux villages de Kabylie» (p 25), «A de rares exceptions, nous constatons avec amertume que les quatre institutions ou «moules» chargés de façonner l'individu et de lui donner la forme la plus harmonieuse possible (famille, mosquée, école, groupe social rapproché) sont toutes défaillantes pour ne pas dire en panne» (p 60), «Comme la plupart des villages de nos campagnes partout en Algérie, Toudja se retrouve brutalement projeté dans une modernité de pacotille (...) . La civilisation envahissante et enveloppante du sachet noir et du béton s'installe et se niche dans les alvéoles luxuriantes et rieuses de ses cascades» (p 80), «Tout le monde sait que chaque village a sa particularité, sa bizarrerie, sa diversité, ses personnages de toutes catégories, ses fous, ses moins fous, ceux qui font les fous sans l'être, etc.» (p 131) Avis : Y a-t-il meilleure preuve d'amour et d'attachement à son village natal que celui d'écrire un livre entièrement consacré à son histoire, aux événements connus ou subis, à ses habitants, héros de guerre ou simples citoyens , à ses réalisations, à ses lacunes aussi ? Un genre historique dit mineur, conjuguant passé et présent, sorte «des noms et des lieux» mais qui aide (aidera) nos sociologues et nos historiens à mieux «saisir» le pays profond et nos concitoyens à mieux l'apprécier. Citations: «En fait, le village, c'est un peu et toujours l'enfance enfouie, les racines oubliées» (p 15), «Quand un Algérien se disait Arabe, les juristes français lui répondaient non, tu es Français .Quand il réclamait les droits des Français, les mêmes juristes lui répondaient : non, tu es un Arabe... aux yeux de la loi coloniale, il a cessé d'être algérien. Il n'est pas devenu pour autant Français» (Ferhat Abbas, «La nuit coloniale, 1962» cité p 40) Colbert. Roman de Abdelouahab Hammoudi. Editions El Qobia, Alger 2023, 134 pages, 1 000 dinars Colbert... pour l'Administration coloniale française ( Note : Jean-Baptiste Colbert, né le 29 août 1619 à Reims et mort le 6 septembre 1683 à Paris, est un homme d'État français. À partir de 1665, il est l'un des principaux ministres de Louis XIV, en tant que contrôleur général des finances, secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine)... mais Aïn Oulmane pour les autochtones. Un village de l'Est algérien situé à 30 km au sud-ouest de Sétif. Signification de Aïn Oulmane... en berbère... «Fontaine où on lave la laine». Un village au demeurant tranquille avec même une petite population d'origine européenne de condition modeste. Une coexistence très pacifique... n'eût été la présence de deux policiers racistes chargés de surveiller la population «indigène». Colbert est un village où se réfugient Brahim (un jeune chauffeur de taxi) et Joëlle (une belle jeune fille... de confession juive)... deux amoureux partis précipitamment de Sétif, après les massacres de mai 45. 1940 : Joëlle se convertit à l'Islam, Joëlle-Latifa et Brahim se marient, Latifa et Brahim font beaucoup d'enfants et vivent très heureux, d'autant que la famille juive a, surtout après la naissance des enfants, accepté l'union. Tout va pour le mieux dans le meilleur ( ??) des mondes, d'autant que l'aîné des enfants, Youssef, est un lycéen studieux qui va bientôt passer son bac. Mais Novembre (54) est là. Youssef, âgé de 19 ans, rejoint le maquis et toute la famille se retrouve alors persécutée par les sinistres policiers (doublement) racistes... qui n'ont jamais «avalé» le fait de voir un Arabe épouser une «gaouria», d'origine juive qui plus est. Youssef mourra chahid les armes à la main... l'Algérie sera indépendante... et Latifa, devenue directrice d'école, enseignera aux enfants du village la joie de vivre... libres. Le roman ne nous dit pas ce que sont devenus les policiers racistes et assassins. L'Auteur : Natif de Aïn Oulmane (ex-Colbert). Ancien professeur de lettres anglaises, auteur, scénariste et cinéaste. En 1994, il avait décroché la Médaille de la ville de Bruxelles (Belgique) pour l'ensemble de sa filmographie. Plusieurs scénarii. Aujourd'hui, il vit à El Eulma, travaillant, dit-il, depuis 2008, sur un scénario sur la vie de l'Emir Abdelkader. Extraits : «Les Algériens sont un peuple qui n'accepte pas qu'on lui impose quoi que ce soit (...). A ce peuple, tu lui proposes et tu lui laisses le choix d'en disposer librement. Il sait discerner le bon grain de l'ivraie. Il tâte les nouveautés et si ça lui plaît, il les adopte» (p 32), «Le colonialisme est un système qui dépasse l'individu. Il a sa propre logique qui va à l'encontre de la volonté des individus (...). C'est comme une banque (...).Elle fonctionne telle une machine inexorable» (p 86) Avis : Le récit de vies simples mais engagées, dans un village simple mais accueillant et avec ses drames durant la guerre de libération nationale, en un style simple mais prenant... comme dans un film... d'amour et d'action. «Ce que le jour doit à la nuit» n'est pas très loin ! Citations : «L'amour et la haine sont deux passions invincibles. On ne peut rien contre elles quand elles s'installent. Tout ce que l'on peut faire, c'est les prévenir. Si elles s'emparent des cœurs, c'est trop tard» (p 32), «Certaines personnes entrent dans votre vie comme des magiciens. Ils font de votre existence un enfer ou au contraire la changent vers ce qu'il y a de meilleur» (p 63), «La vraie religion était un message de beauté, de compréhension, de tolérance, d'orientation et, ce qui est plus important, une voie d'espérance» (p 68), «La peur n'est jamais une bonne conseillère. Elle est toujours derrière les mauvais choix et les mauvaises réactions. Souvent, elle est derrière les vies ratées. Exceptionnellement, elle peut être une voie de salut» (p108), «Les photos sont des choses vivantes. Elles ont une sensibilité, une histoire, des secrets, et revivent quand on les regarde» (p126), «La vie, ce sont les choix que l'on fait et les actes qui s'ensuivent» (p134) |
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