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Le
président de la République lors du Conseil des ministres en date du 21 novembre
2021 a décidé d'accélérer la transition énergétique dont le développement des
énergies renouvelables en précisant chaque décision majeure, qui engage
d'ailleurs la sécurité nationale,
devra être préalablement analysée par le Conseil national de l'énergie. Je rappelle que le sujet de la stratégie énergétique de l'Algérie a été débattu lors de plusieurs publications internationales et de différentes conférences que j'ai données, le 08 juin 2021 suite à l'invitation de l'Union européenne au siège de l'ambassade à Alger, devant environ 50 personnalités dont les représentants des pays de l'Union européenne -ambassadeurs et attachés économiques, politiques, le représentant de la Banque mondiale et des organismes internationaux accrédités à Alger, devant la Parlement européen en décembre 2011, au Sénat français à l'invitation du professeur Jean-Pierre Chevènement, grand ami de l'Algérie, en mars 2015, et en juin 2019 où j'ai eu l'honneur de présider la commission de la transition énergétique en Méditerranée, représentant l'Algérie des 5+5+ Allemagne, en présence des organisations mondiales internationales Union européenne, OCDE, BM, FMI, BIRD et également à l'Ecole supérieure de Guerre ESG Alger devant les officiers supérieurs le 19 mars 2019 «les impacts géostratégiques, économiques et sociaux de la dépendance des hydrocarbures». La transition énergétique renvoie à d'autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale. Cela pose la problématique d'un nouveau modèle de consommation énergétique où l énergie de l'avenir entre 2030/2040 sera l'hydrogène : tous les secteurs économiques et tous les ménages sont concernés: transport, BTP, industries, agriculture. Les choix techniques d'aujourd'hui engagent la société sur le long terme. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires. Gouverner c'est prévoir d'où l'importance pour l'Algérie de se préparer à ces nouvelles mutations évitant de vivre sur l'utopie du passé. 1.- Comme je l'ai démontré récemment dans l'interview donnée à l'American Herald Tribune ?USA-le 23 avril 2020 «Prof. Abderrahmane Mebtoul : We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again», l'évolution des prix du gaz et du pétrole dépendra à court terme de la croissance de l'économie mondiale, de la maitrise de l'épidémie du coronavirus et à moyen terme de la future trajectoire du modèle de consommation énergétique mondial. D'ici 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Europe/Chine, Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars où les grosses compagnies devraient réorienter leurs investissements. L'élection américaine sera déterminante pour l'avenir car les démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accords de Paris COP21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste dont les UA sont le premier producteur mondial, s'engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique, le programme de Joe Biden prévoit 2000 milliards de dollars sur les 20/30 prochaines années, soit 10% du PIB 2019, pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques et l'efficacité énergétique. Plus globalement, le plan climat de Joe Biden prévoit d'investir, je le cite, «dans les infrastructures intelligentes pour reconstruire la nation et pour garantir que nos bâtiments, nos infrastructures d'eau, de transport et d'énergie puissent résister aux impacts du changement climatique, de financer 1,5 million de nouveaux logements plus durables et éco-énergétiques, une réorganisation de l'industrie automobile vers les voitures hybrides et électriques, l'Etat fédéral devant programmer notamment l'installation de 500 000 bornes de recharge publiques sur le territoire et instaurer une prime à la conversion». L'Europe va dans la même trajectoire. La Commission européenne a fixé, avec le règlement d'exécution 2020/1294 du 15 septembre 2020, les règles du nouveau mécanisme de financement des énergies renouvelables. Chaque État membre doit contribuer à l'objectif européen de 32% d'énergies renouvelables en 2030. Une trajectoire indicative est fixée pour chacun d'entre eux, pour la période 2021-2030, avec des points de référence à atteindre entre 2025 et 2027, devant mobiliser au moins 1 000 milliards d'euros d'investissements durables dans les dix années à venir avec des incitations pour attirer les financements privés, grâce notamment au rôle essentiel que jouera la Banque européenne d'investissement. La Chine et l'Inde ont un fort engagement pour la transition énergétique. Par exemple, selon le rapport de Global Wind Energy Council de 2019, la Chine et l'Inde font partie des cinq pays regroupant 73% de l'ensemble des capacités éoliennes mondiales installées. En termes d'énergie solaire, le soutien des gouvernements indien et chinois stimule la compétitivité de leurs filières solaire, faisant d'eux les premiers acteurs au niveau mondial. La Chine pour tenter de réduire la pollution atmosphérique due à cet usage incontrôlé du charbon, investit massivement dans les énergies renouvelables : pays leader, prévoit d'investir d'ici 2030 375/400/ milliards de dollars. Quant à l'Inde, elle s'est engagée à fortement développer les énergies renouvelables, en disposant en particulier de 100 GW de capacités solaires et de 60 GW éoliens d'ici à fin 2022 (contre 16,6 GW solaires et 32,7 GW éoliens à fin novembre 2017), devant mobiliser pour cette période près de 190 milliards de dollars selon les estimations de la Climate Policy Initiative (CPI). Les USA/Europe qui représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d'habitants poussent à l'efficacité énergétique et à la transition énergétique afin de luter contre le réchauffement climatique. Car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l'Europe il faudrait cinq fois la planète actuelle. Qu'en sera-t-il de l'Algérie pour les équilibres financiers et avons-nous le niveau de production nécessaire avec la forte consommation intérieure et le désinvestissement dans ce secteur pour pouvoir exporter encore horizon 2030 où la consommation intérieure dépassera les exportations actuelles ? Face à la concurrence internationale en Europe, l'Algérie a perdu des parts de marché entre 2005/2021 (voir notre interview quotidien gouvernemental Horizon 06/07/2021). Les réserves de pétrole sont évaluées selon la déclaration du ministre algérien de l'Energie début 2020 à 10 milliards de barils et entre 2200 et 2500 milliards de mètres cubes gazeux pour le gaz traditionnel, la consommation intérieure dépassant les exportations actuelles horion 2030. L'Algérie profite-t-elle du cours exceptionnel du pétrole et du gaz où tant selon l'OPEP que le FMI, le cours devrait se stabiliser en 2022 entre 70/80 dollars le baril pour redescendre entre 2025/2030 avec l'accélération de la transition énergétique ? A court terme, l'Algérie profite peu de ces hausses puisque selon le rapport de l'OPEP de juillet 2021 la production est passée de plus de 1,2- 1,5 millions de barils/j entre 2007/2008 à environ 950.000 barils/j contre 850.000 en mai 2021,les exportations se situant à environ à 500.000 barils/j et pour le gaz les exportations étaient de 65 milliards de mètres cubes gazeux à seulement 40 dollars le MBTU en 2020, espérant 43/44 pour 2021, du fait de la forte la consommation intérieure, près de 40/50% de la production pour le pétrole et le gaz entre 2019/2020 et devant s'accélérer entre 2021/2030, laissant peu pour les exportations. L'Algérie ne s'est pas adaptée, faute de prévisions, aux nouvelles mutations gazières mondiales avec la percée du marché libre dit spot, ayant privilégié les contrats à moyen et long terme avec un prix fixe qui ne peut être révisé en cas de hausse ou baisse des prix qu'au bout d'une certaine période, après négociations. Aussi la remontrée des prix pour 2021 peut permettre une recette de Sonatrach entre 32/33 milliards de dollars. Cela rend l'urgent un nouveau management de Sonatrach et la publication tant du code d'investissement que des décrets d'application de la loi des hydrocarbures pour attirer les investisseurs si l'Algérie veut profiter de cette hausse des prix, ayant assisté à un net recul des IDE en Algérie entre 2018/2020, Sonatrach ayant signé surtout des lettres d'intention qui n'engagent nullement l'investisseur. 2.-D'où l'urgence de revoir le modèle de consommation énergétique afin de s'adapter aux nouvelles mutations 2021/2025/2030 afin d'asseoir dans les faits et non dans les discours déconnectés de la réalité, les énergies du renouvelable représentent moins de 1% de la consommation intérieure, la transition énergétique autour de cinq axes directeurs pouvant être combinés s'insérant dans le cadre du Mix énergétique. Le premier axe est d'améliorer l'efficacité énergétique car comment peut-on programmer 2 millions de logements selon les anciennes normes de construction exigeant de fortes consommations d'énergie alors que les techniques moderne économisent 40 à 50% de la consommation ? Par ailleurs s'impose une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international) occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. A cet effet, une réflexion doit être engagée par le gouvernement algérien pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d'encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant un système d'information transparent en temps réel. Le second axe est l'investissement à l'amont pour de nouvelles découvertes d'hydrocarbures traditionnels. Soyons réalistes, entre 2021/ 2025, comme pour les années passées, 98% des recettes en devises avec les dérivées dépendront toujours des hydrocarbures, nécessitant une nouvelle politique énergétique axée sur l'efficacité et la transition énergétique. Selon les données officielles du Premier ministère (source APS), l'assainissement du secteur public marchand durant les 25 dernières années a coûté au Trésor l'équivalent de 250 milliards de dollars et le coût des réévaluations entre 2005/2020, 8900 milliards de dinars soit au cours moyen de 135 dinars un dollar environ 66 milliards de dollars : continuer sur cette voie est un suicide collectif. Evitons les utopies par un langage de vérité : si les projets du fer de Gara Djebilet et du phosphate de Tébessa commencent leur production en 2022, l'investissement de ces deux projets étant estimé à environ 15 milliards de dollars ainsi que le projet du gazoduc Algérie dont le coût est estimé par l'Europe principal client entre 19/20 milliards de dollars, la rentabilité ne se fera que dans 5/7 ans. Mais pour la rentabilité des gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables, posant le problème de la rentabilité, et nécessitant de mobiliser plus de 70 milliards de dollars pour les cinq prochaines années alors que les réserves de change sont estimées à fin mai 2021 à 44 milliards de dollars malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l'appareil de production et accéléré le processus inflationniste du fait sue 85% des matières premières entreprises publiques et privées sont importées en devises. Le troisième axe est le développement des énergies renouvelables devant mobiliser au minimum entre 2022/2030, 70 milliards de dollars pour atteindre les objectifs en combinant le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondiale a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l'avenir. Or, avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. La production à grande échelle permettrait de réduire substantiellement les coûts tout en favorisant à l'aval une multitude de PMI-PME, renforçant le tissu industriel à partir des énergies propres (industries écologiques). La promotion des énergies renouvelables suppose des moyens financiers importants en investissement et en recherche-développement. Depuis de longues années les gouvernements successifs ont annoncé que l'Algérie installera une puissance d'origine renouvelable de près de 22 000 MW dont 12 000 MW seraient dédiés à couvrir la demande nationale de l'électricité et 10 000 MW à l'exportation et que d'ici 2030, l'objectif serait de produire 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables : beaucoup de paroles, plus de cinq conseils de ministres lui ont été consacrés depuis et des réalisations insignifiantes faute d'une stratégie clairement définie. Le quatrième axe, selon la déclaration de plusieurs ministres de l'Energie entre 2013/2019, l'Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d'électricité galopante. Les réserves prouvées de l'Algérie en uranium avoisinent les 29.000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d'une capacité de 1.000 mégawatts chacune pour une durée de 60 ans. Mais pour éviter l'exode de cerveaux, il faudra comme d'ailleurs tous les autres secteurs de résoudre le problème récurrent des chercheurs du nucléaire (cela s'applique à l'ensemble des chercheurs) qui depuis des années demandent l'éclaircissement de leur statut, et un environnement propice par la levée des obstacles bureaucratiques qui bloquent la recherche. Le cinquième axe, l'option du gaz de schiste, l'Algérie possédant le troisième réservoir mondial, environ 19500 milliards de mètres cubes gazeux, selon des études américaines pour le gaz de schiste mais qui nécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maitrise des nouvelles technologies qui protègent l'environnement, nécessitant des partenariats avec des firmes de renom (voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul, pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques, Premier Ministère ?Alger, 2015, huit volumes ont abordé le volet de la transition énergétique). En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, un large débat national s'impose, car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au sud du pays. L'Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l'eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d'eau douce (les nouvelles techniques peu consommatrices d'eau n'étant pas encore mises au point, malgré le recyclage, quel sera le coût, fonction de l'achat du savoir-faire), un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce et être pris en compte les coûts (en plus de l'achat des brevets) devant forer plusieurs centaines de puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux. Sans compter la durée courte de la vie de ces gisements et la nécessaire entente avec des pays riverains se partageant ces nappes. En résumé, le monde devrait connaître entre 2025/2030/2040 un profond bouleversement de la carte énergétique et donc du pouvoir économique mondial, l'énergie étant au cour de la sécurité des Nations (interviews- Pr A.Mebtoul AfricaPresse Paris, American Herald Tribune et Afrik Economy 2019//2020). Aussi les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d'ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir. L'Algérie n'a pas d'autres choix que de réussir les réformes dont celle de la numérique et transition énergétique, qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d'espoir à moyen et long terme pour les générations présentes et futures. Rester en statu quo en retardant les réformes structurelles conduira inéluctablement à de vives tensions sociales. J'ose imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons à un retour volontaire progressif des cadres expatriés. Aussi, l'Algérie qui a d'importantes potentialités, grâce à la mobilisation de tous, dans le cadre d'un nouveau contrat social, sera ce que le peuple algérien et les responsables chargés de gérer la cité voudront qu'elle soit. *Professeur des universités, expert international |