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Et
Voltaire n'a pas pensé que «les guerres continuelles avaient un sens, qu'elles
étaient un ultime combat pour les nations faibles de se défendre contre les
nations fortes», et que ce processus était dans l'ordre du Temps de l'époque,
et dans l'Ordre de la Pensée du monde.
Par conséquent, les guerres étaient une nécessité. D'autre part, grâce aux progrès technologiques, industriels, démographiques, militaires, et les guerres en son sein qui sont venues doper sa puissance militaire que l'Europe va étendre durant cinq siècles cette peur existentielle au reste du monde qui l'élèvera progressivement au-dessus des autres peuples du monde. Les Amériques, l'Afrique et une partie de l'Asie étaient colonisées par elle. Mais, à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, la situation va se renverser pour l'Europe. Les guerres qui opposaient les puissances monarchies européennes en Europe et dans leurs colonies vont permettre aux colons, descendants européens, de s'émanciper de leurs tutelles européennes et déclarer leur indépendance. Tout d'abord la guerre de sept ans (1756-1763), une guerre semi-mondiale qui opposa les puissances européennes en Europe, en Amérique et en Asie. Elle sera suivie par l'indépendance des États-Unis en 1776. Ensuite, après la révolution française de 1789, profitant des invasions napoléoniennes, les colons européens en Amérique du Sud s'émancipèrent de la tutelle coloniale européenne. Le Mexique accède à l'indépendance, déclarée en 1813 et reconnue en 1836, le Chili en 1810, l'Argentine en 1816, le Brésil 1822, le Pérou en 1821, la Bolivie en 1825, l'Équateur en 1822. Les pays d'Amérique centrale, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Costa-Rica, sont tous indépendants le 15 septembre 1821. Si les États-Unis sont indépendants en 1776, et donc dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, ils seront rejoints moins de 50 ans plus tard, au XIXème siècle, par les États d'Amérique centrale et du Sud. Il apparaît donc que les guerres ont joué un rôle salvateur pour les peuples. 3. La libération des peuples ne peut-elle venir que par la guerre ? Les nécessités de l'Histoire Ainsi on constate que la guerre de sept ans ainsi que les guerres napoléoniennes ont, en affaiblissant les puissances européennes, permis aux colons américains de s'émanciper de leurs tutelles européennes. Si les puissances européennes ont certes régné en maître sur les Amériques, il demeure que les rivalités entre les puissances européennes et les guerres continuelles qu'ils se faisaient les desservaient au fur et à mesure que l'histoire avançait. Entre-temps, les peuples assujettis à leur puissance mûrissaient et aspiraient de prendre en main leur destin. Et c'est ce qui explique que les guerres continuelles entraient dans un certain sens dans les « lois de la Nécessité », des lois « herméneutiques » que les puissances prises dans le feu de l'action et l'ambition de dominer ne pouvaient « comprendre ». Les puissances ne pouvaient faire la guerre et savoir dans l'absolu pourquoi elles faisaient la guerre. C'est tout simplement antinomique, et c'est la raison pour laquelle les puissances ne pouvaient avoir connaissance sur ce qu'il pouvait résulter de la guerre. Ceci étant, que va-t-il résulter pour les autres peuples encore colonisés ou sous protectorat ? Des pays qui sont sans droits, utilisés comme chair à canon, exploités à outrance et n'ayant pas de dignité humaine ? Le colonisateur étant plénipotentiaire ayant droit de vie et de mort sur eux. D'où va venir la lucarne d'espoir pour les peuples d'Afrique et d'Asie ? Il est évident que le même processus va s'opérer. Seule la guerre est libératrice, et «elle devait venir du centre mondial, c'est-à-dire l'Europe ». D'autant plus que les progrès technologiques et industriels dans les armements ont explosé, entre le XIXe et le XXe siècle. Pour comprendre le processus opératoire dans ses grandes lignes, il faut se rappeler la guerre de sept ans qui a eu lieu entre 1756-1763. Pareillement de nouveaux événements voire similaires vont faire irruption environ 100 ans plus tard. La Prusse allemande cherchait l'unification de l'Allemagne autour d'elle, au cours des années 1860, et la France voyait d'un mauvais œil cette unification. On comprend fort bien l'inquiétude de la France, une unification de l'Allemagne changerait l'équilibre de puissance en Europe. Cependant le processus d'unification de l'Allemagne relève de l'évolution de l'histoire de l'Europe. Il était « inné », « nécessaire » lié à l'évolution de l'Europe qui s'est structurée en grands empires. Comme d'ailleurs les pays d'Europe se sont regroupés dans l'Union européenne pour faire face à la configuration mondiale actuelle dominée par les grands ensembles d'États «unis». En déclarant la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, la France ne savait pas qu'elle ne faisait qu'accélérer le processus de l'Histoire. Six mois plus tard après le début des hostilités, une partie de la France est occupée, et Paris est partiellement occupé. Ironie de l'histoire, l'unification de l'Allemagne est proclamé le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces du château de Versailles (région parisienne). Mais l'avènement d'une Allemagne unie et surtout victorieuse d'un des plus grands empires d'Europe va bouleverser l'ordre impérial européen. Et celui-ci a été dominé jusqu'à cette date par les empires anglais, français et russe. On comprend dès lors les conséquences de cette unification, surtout que l'Italie a fait de même. Elle a opéré son unification la même année, en 1870. Moins de 50 ans passeront qu'une Première Guerre mondiale éclatera. Là encore le concept de guerre libératrice se confirme de nouveau. Les grandes puissances font la guerre mais ne savent dans l'absolu ce qu'il adviendra de la guerre. C'est ainsi qu'après la guerre 1914-1918, quatre empires se sont écroulés. L'empire allemand, russe, austro-hongrois et ottoman. Dix États naîtront suite aux accords du traité de Versailles, en 1919. La Pologne recouvre son indépendance. Les trois pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie), la Finlande, la Tchécoslovaquie et la Hongrie deviennent indépendants. L'Autriche naît suite au démantèlement de l'empire austro-hongrois. La Yougoslavie deviendra indépendante, elle réunira le royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Dantzig devient une ville libre. Le nombre d'États en Europe passera de 25 à 35. Quant à l'empire russe, il est emporté par la révolution russe en 1917. L'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) naît le 30 décembre 1922. Au début des années 1920, le monde a fortement changé. Les États-Unis ont joué un rôle majeur dans l'histoire de l'Europe, au XXe siècle. C'est leur appui au cours de la Première Guerre mondiale qui sauva les alliés au moment où la Russie fut emportée par la tourmente révolutionnaire. De plus ils ont apporté leur aide à l'Europe pour se reconstruire et même ont cherché à prévenir les conflits futurs. Mais la paix à peine signée, en 1919, que les conflits idéologiques en Europe ont commencé à se faire sentir. La montée des régimes politiques totalitaires, la formidable poussée communiste que le désordre et le mécontentement va féconder va mettre en péril les régimes politiques libéraux. Et ce processus historique était tout à fait normal, « naturel », du fait même qu'une guerre qui se terminait sur fond de pays vainqueurs et pays vaincus ne pouvait rester en l'état. Un rééquilibre des puissances, par l'essence même de la nature humaine, était inévitable. Les peuples ne peuvent se plier, c'est une loi de la nature. L'homme dès sa naissance est créé libre. S'il se plie face aux contingences qu'il ne peut commander, il attendra ces mêmes contingences qui, évoluant par l'histoire, viendront le libérer de son état antérieur. Par conséquent, tout ce qui se passait dans les années 1920 était rationnel. C'est l'évidence même, «n'existe que ce qui doit exister par l'essence même du monde.» Pour la simple raison que si un homme naît, c'est qu'il doit naître, si une guerre éclate, c'est qu'elle doit éclater. Et aucune puissance ne peut l'arrêter, sauf bien sûr la Puissance qui transcende l'homme. La révolution russe en 1917 n'était pas venue ex nihilo, ce sont les peuples que ce soit en Russie, en France et ailleurs qui ont cherché à se libérer de l'absolutisme monarchiste. Les peuples d'Europe ont mûri, ils ne veulent plus servir de chair à canon, ils veulent prendre leur destin en main. A la réponse révolutionnaire communiste qui a fait tomber le régime impérial tsariste en Russie, les autres pays d'Europe vont prévenir la menace et ériger à leur tour des barrières à la fois socialistes et nationalistes. Le «national-socialisme» sera dans l'air du temps, sponsorisé en sous-main par l'intelligentsia libérale. Pour les peuples, il sera une réponse à l'angoisse de la guerre, donc à la peur de l'autre des autres siècles qui revenait en puissance. Et ce malgré que l'Europe régnait sur le monde. Pourquoi ? Parce que les heurts entre peuples et gouvernants étaient dans son sein, motivés par cette volonté de grandeur, de domination et de partage du reste du monde. C'est ainsi que le fascisme en Italie, le nazisme en Allemagne qui sont des régimes totalitaires étaient une réponse pour les peuples à la peur de l'autre puisqu'il n'y a que des peuples vainqueurs et des peuples vaincus. Et un peuple vaincu doit-il ou peut-il accepter le diktat du peuple vainqueur ? Comme d'ailleurs les peuples colonisés doivent-ils ou peuvent-ils accepter le diktat des peuples colonisateurs. C'est anti-humain, et cet anti-humain existe puisqu'il existe, et relève donc des «lois de la Nécessité». Que l'homme ne peut qu'accepter puisqu'elles relèvent de la dynamique de l'histoire qui celle-ci n'est pas figée. Et on comprend pourquoi des peuples d'Europe ont adhéré à ces idéologies qui les flattaient, réveillant en eux leur instinct de grandeur. En réalité, l'histoire était déjà en marche. La Première mondiale a bouleversé l'ordre impérial européen. Les peuples vaincus ont voulu renverser l'ordre impérial des peuples vainqueurs. De même, les peuples d'Afrique et d'Asie, par la guerre, par le temps, par la souffrance qu'ils ont endurée par l'autre, ont mûri et cherchent à se libérer du joug colonialiste européen. Leur réveil favorisé par la Première Guerre mondiale qui a montré la faiblesse de l'Europe dominatrice et aussi par les idées socialistes qui venaient de cette même Europe qui les dominait, sont progressivement assimilées par les consciences africaines et asiatiques. Ces idées leur ouvrent un monde nouveau, un monde plus juste. C'est ainsi que les partis communistes sont créés un peu partout dans le monde colonisé, des insurrections sont organisées et bien qu'elles sont vite et durement réprimées, la répression n'empêchera pas la naissance de mouvements de libération, qui constituent un sentiment humain naturel de rejet de la domination européenne. Cependant, malgré l'affaiblissement de l'Europe par la guerre, les empires coloniaux tiennent. D'où va venir, comme pour les peuples passés, la lucarne qui apportera l'espoir aux peuples d'Afrique et d'Asie ? Comme on l'a déjà dit, on le sait et elle ne peut venir que de la guerre. Cependant il faut une étincelle pour la provoquer. D'où viendra cette étincelle historique ? Il faut le dire, l'étincelle doit être suffisante pour créer une situation historique qui amènera un nouvel état du monde, un monde qui sera plus libre, plus viable, plus humain. N'est-ce pas là le sens même de la nature humaine ? Du sens du monde ? 4. L'étincelle historique qui amènera l'espoir aux quatre cinquièmes de l'humanité de se libérer du joug colonial Il faut rappeler que les États-Unis, qui ne sont entrés que tardivement dans le premier conflit mondial en avril 1917, sont devenus l'«atelier du monde». En effet, grâce au progrès du machinisme, au processus de fabrication utilisant des méthodes d'organisation du travail scientifiques, et surtout en suppléant à la production industrielle des pays d'Europe qui étaient en guerre, les États-Unis sont devenus la première puissance économique du monde. Et par conséquent, ils produisaient plus que ne consommaient les Américains en richesses produites et dont l'excédent était acheminé vers l'Europe depuis que l'Europe est en guerre. Et le processus a continué après la guerre pour reconstruire l'Europe des destructions de la guerre. A suivre *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale - Relations internationales et Prospective. |