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«Sonatrach,
c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach» ( Pr Mebtoul HEC Montréal 2010 et
conférence au Sénat français 2014 )
Le Premier ministre, dans une déclaration le 01 octobre 2017, a fait savoir que l'exploitation du gaz de schiste est une option pour l'Algérie. Je rappelle qu'un dossier élaboré sous ma direction internationale auquel ont participé des experts ayant plusieurs décennies d'expérience dans le domaine de l'énergie, ingénieurs et économistes ( 620 pages) intitulé «pétrole/gaz de schiste opportunités et risques» a été remis à l'ex-Premier ministre le 25 février 2015(1). C'est un rapport objectif, mesuré avec des analyses et propositions de toutes les tendances, évitant toute polémique stérile, tant la sinistrose que l'autosatisfaction, devant privilégier uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie. De l'avis de la majorité des experts, l'énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c'est une opportunité pour l'Algérie, qui doit évaluer ses potentialités, mais devant analyser tous les risques négatifs et sa rentabilité à terme, l'objectif stratégique étant de s'orienter vers un mix énergétique. La majorité des experts, notant que ce dossier sensible nécessite une formation pointue et posant une problématique sociétale, s'impose une bonne communication en direction de la société. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, les experts ont souhaité que ses dirigeants évitent de s'exposer aux débats, devant laisser au ministère de l'Energie, seul habilité politiquement, à exposer ses arguments. À ce titre, les experts ont préconisé une institution indépendante créée, relevant non d'un département ministériel, évitant d'être juge et partie, mais du président de la République ou du Premier ministre, associant la société civile de chaque région, des experts indépendants, des représentants du ministère de l'Energie et d'autres départements ministériels, travaillant en étroite collaboration avec les institutions. Le dialogue avec les populations concernées est vital. Pour avoir connu très bien cette région, notamment Ouargla, Ghardaïa, El Goléa et In Salah, en tant qu'officier d'administration de la route de l'unité africaine durant les années 1972/1973, c'est une population paisible, ouverte au dialogue et profondément attachée à l'unité nationale. Il s'agit donc d'éviter de passer en force mais de rétablir la confiance par le dialogue, outil de la bonne gouvernance. 1.-Nature du gaz schiste Le gaz non conventionnel est contenu dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10% de matière organique. Généralement, la profondeur d'exploitation des shale gas est de l'ordre, en moyenne générale, selon les gisements, de 500, souvent 1.000 à 3.000 mètres de profondeur, soit de un à plusieurs kilomètres au-dessous des aquifères d'eau potable, la profondeur étant moindre aux USA, ce qui réduit les coûts. La fracturation de la roche suppose d'injecter un million de mètres cubes d'eau douce pour produire un milliard de mètres cubes gazeux à haute pression et du sable. Une partie de l'eau qui a été injectée pour réaliser la fracturation hydraulique peut être récupérée (20 à 50%) lors de la mise en production du puits après traitement. Ce qui suppose des investissements pour des installations appropriées et des unités de dessalement en cas où l'eau est saumâtre. Le sable injecté combiné d'additifs chimiques a pour but de maintenir les fractures ouvertes une fois la fracturation hydraulique effectuée, afin de former un drain pérenne par lequel le gaz va pouvoir être produit. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. Pour l'Algérie, pays semi aride, le problème se pose avec le risque de pollution des nappes phréatiques, la nappe d'eau étant l'Albien. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. A-t-on prévu les moyens de lutte contre la détérioration de l'environnement ? Et l'Algérie étant un pays semi-aride, a-t-on fait les extrapolations d'arbitrage entre la consommation d'eau des populations, des secteurs économiques et l'utilisation de ce gaz ? En l'absence de technique alternative à la facturation hydraulique grande consommatrice d'eau, l'impact de cette exploitation sur la ressource en eau demeure l'une des principales préoccupations. Parce que dans le climat aride ou semi-aride de l'Algérie, le rechargement des nappes phréatiques est faible. C'est donc dans les nappes profondes que les exploitants iraient pomper l'eau nécessaire à l'exploitation du gaz. Par ailleurs, l'utilisation massive d'eau par l'Algérie ou d'autres pays du Maghreb nécessite une entente régionale du fait que ces nappes sont communes. Certains bassins hydrographiques complexes sont en effet partagés comme celui de Mjradah Wadi, commun à la Tunisie et à l'Algérie ou celui de Deraa qui alimente également le Maroc, sans compter les bassins communs avec la Libye. 2- Pourquoi le gouvernement veut s'orienter vers le gaz de schiste ? Les hydrocarbures constituent l'épine dorsale de l'économie algérienne. Ils ont permis à l'Etat algérien de constituer des réserves de change, bien qu'en baisse, étant passées de 194 milliards de dollars, en clôture fin 2017 inférieures à 97 milliards de dollars, des recettes de devises de Sonatrach 28 milliards de dollars en 2016 pour une sorties de devises de 60 milliards de dollars et entre 55/60 milliards de dollars fin 2017, et selon le PDG de Sonatrach, à 31 milliards de dollars fin 2017. Cela a permis une dépense publique sans précédent entre 2000/2016 estimée, incluant la partie dinars, entre 950/1000 milliards de dollars pour une croissance moyenne n'ayant pas dépassé les 3%. Nos calculs, largement publiés dans la presse nationale et internationale à partir des statistiques douanières, donc officielles, année par année, montrent qu'entre 2000/2016 les sorties de devises de biens ont été d'environ 520 milliards de dollars (560 milliards de dollars à juillet 2017 selon certaines sources ), plus les services 120/140 souvent oubliés dans les déclarations officielles ( 10/11 milliards de dollars/an entre 2010/2016) et les transferts légaux de capitaux de plus de 730 milliards de dollars, pour une entrée de devises d'environ 850 milliards de dollars, la différence étant les réserves de change au 31/12/2016 de 114 milliards de dollars. L'économie algérienne est toujours une économie rentière après plus de 50 années d'indépendance politique, 97/98% d'exportation représentées par les hydrocarbures à l'état brut et semi brut, la pétrochimie étant embryonnaire, et important 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%. Sonatrach, c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. Cet artifice statistique peut cependant cacher la dure réalité. Le chômage apparemment maîtrisé (10 %) mais dominée par les emplois improductifs ( administration) au niveau de la sphère réelle et plus de 50%de la population active étant localisée dans la sphère informelle selon le rapport gouvernemental de l'ONS(2012). Aussi, cette décision stratégique a été prise probablement après que le gouvernement ait estimé que l'Algérie serait une importatrice nette de pétrole dans moins de 10 ans et dans 20 ans pour le gaz conventionnel. La consommation intérieure triplera horizon 2030 et quadruplera horizon 2040, selon le ministre de l'Energie. En cas de non-découvertes substantielles et surtout rentable selon le vecteur prix international, l'Algérie pourrait commencer à importer du pétrole à partir de 2025 et du gaz à partir de 2030 pour satisfaire la demande locale. La solution est-elle en le pétrole-gaz de schiste ? Et ce, en tenant compte tant des exportations que de la forte consommation intérieure du fait du bas prix, un des plus bas au niveau du monde, bloqués par la décision de subventions des carburants et de l'énergie. Pour le gaz, il est cédé à Sonelgaz entre le sixième et le dixième du prix international sur le marché libre, ce taux variant selon les fluctuations des prix internationaux, largement influencés par l'entrée du gaz non conventionnel américain, coté actuellement entre trois et quatre dollars le MBTU. Or les besoins de financement de Sonelgaz selon les déclarations fin septembre 2017 du PDG seraient de 30 milliards de dollars par an soit 150 milliards de dollars pour les cinq prochaines années sans compter les besoins de financement de Sonatrach revus à la baisse de 100 milliards de dollars à 70 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Comment dès lors trouver ce capital argent d'environ 45 milliards de dollars/an dont 70% en de devises, la partie dinars ne contribuant qu'à hauteur de moins 30%, du fait que la part de la masse salariale dans en dinars dans la valeur ajoutée étant relativement faible , pour ces deux grandes sociétés et les sous traitants de Sonatrach et Sonelgaz tributaires des importations pour leurs besoins en grande partie en devises. Alors que les recettes entre 2017/2020 risquent de ne pas dépasser 35 milliards de dollars si le cours est de 55 dollars le baril. Pour Sonelgaz , ce montant tient compte des décisions d'installer des capacités d'électricité supplémentaires. En effet, suite aux coupures récurrentes d'électricité, il a été décidé la réalisation du projet de centrale électrique en cycle combiné à Ras Djinet (Boumerdes) d'une capacité de 1.200 MW confiée au groupe sud-coréen Daewoo EC pour un montant 73,4 milliards de DA (près d'un milliard de dollars). Le projet de cette centrale vise à produire 12.000 MW supplémentaires d'électricité à l'horizon 2017, devant une fois achevé, de doubler la production nationale d'électricité. Ainsi, il est prévu la construction de 9 centrales électriques totalisant une puissance de 8.050 MW, 300 postes très haute et haute tension, près de 10.000 km de réseau de transport très haute tension et 500 km de réseau de transport de gaz destiné à l'alimentation des centrales. Ce programme est appelé à satisfaire une demande en nette croissance avec un rythme annuel moyen de 14% et qui devait être à 19.316 MW fin 2017 contre 11.436 MW projetés pour 2013. Pour le grand Sud, le 15 aout 2012, la Société de production d'électricité (SPE), filiale du groupe Sonelgaz, a diffusé un appel d'offres pour la réalisation d'une vingtaine de centrales électriques diesel. Ces plateformes de production d'électricité sont destinées à alimenter les villes du Grand Sud du pays ; elles seront réalisées à Hassi Khebi (12 000 kW), Tabelbela (2000 kW), Oum Lassel (1000 kW), Talmine (4000 kW), Timaouine (1000 kW), Aïn Belbel (1500 kW), M'guiden (500 kW), Djanet (16 000 kW), Bordj Omar Driss (6000 kW), Aïn Alkoum (300 kW), Bord Badji Mokhtar (6000 kW) et Tin Zaouatine (2500 kW), trois centrales d'une capacité de 24 000 kW pour Tindouf, la ville de Debdeb trois centrales électriques d'une puissance totale de 7200 kW et deux centrales diesel pour la ville d'Idless d'une capacité de 700 kW. Ainsi, Sonelgaz financera via le trésor public environ 27 milliards de dollars d'ici à 2016-2017 pour une capacité supplémentaire de 12 000 MW. Ainsi tous ces investissements fonctionneront en majorité en turbines de gaz, et pour le Sud au diesel. Comme le diesel connait un prix international très élevé, à quel cout produira donc le KWH et à quel prix sera la cession ? Dès lors avec cette augmentation de la consommation intérieure, du fait de la décision de ne pas modifier les prix intérieurs, il y a risque d'aller vers plus de 70/75 milliards mètres cubes gazeux horizon 2030 de consommation intérieure. En effet, si l'on prend les extrapolations d'exportation de 85 milliards mètres cubes gazeux et 70 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieures, il faudrait produire plus de 155/160 milliards de mètres cubes gazeux supposant d'importants investissements dans ce domaine et surtout du gaz. Ici, on doit être prendre en compte les coûts, les concurrents ayant déjà amortis leurs installations, des énergies substituables et des importantes mutations énergétiques mondiales. L'intérêt des autorités algériennes pour les hydrocarbures non conventionnels s'explique donc par la nécessité d'assurer la transition énergétique du pays mais également guidé toujours par la captation de la rente afin d'éviter à terme des remous sociaux. Mais l'objectif stratégique pour l'Algérie n'est-il pas d'aller vers un Mix énergétique combinant certes le gaz/pétrole traditionnel, le pétrole/gaz de schiste et les énergies renouvelables dont l'Algérie a d'importantes potentialités d'autant plus que le coût a baissé au niveau international. Par ailleurs s'impose une nouvelle politique de subventions des carburants ciblées et un nouveau management stratégique afin de réduire les coûts. 3.- Pourquoi la Loi des hydrocarbures de 2013 a peu attiré l'investissement Le Conseil des ministres a adopté le 17 septembre 2012 des amendements relatifs à l'ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07 du 28 avril 2005, objet de cette contribution. Ces amendements introduisaient essentiellement des dispositions permettant de renforcer l'approvisionnement en hydrocarbures et des aménagements fiscaux à même d'encourager l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures dans des zones peu prospectées ou exigeant l'utilisation de moyens complexes. Ces amendements ne s'appliquent pas aux gisements actuellement en production, qui restent soumis au régime fiscal en vigueur et attribue également à l'entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d'hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures. Je rappelle que depuis la loi d'avril 2005, ce n'est plus à Sonatrach d'attribuer les permis de prospection pour de nouveaux gisements et qu'elle reste propriétaire de tous ses domaines miniers, et pour les nouvelles superficies non exploitées, c'est à l'institution Alnaft, dépendante du ministère de l'Energie, de les attribuer, et dans ce cadre aucune modification de la loi. Le constat est que les derniers appels d'offres entre 2008 et 2016 se sont avérés un véritable échec ayant attiré que des compagnies marginales, n'ayant pas de savoir technologique et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n'ayant pas soumissionné. La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi ne répond pas à la situation actuelle du marché au moment ou le cours dépassait 100 dollars, tout en précisant que dans le droit international, une loi n'est jamais rétroactive sauf si elle améliore la précédente, expliquant les litiges au niveau des tribunaux internationaux entre Sonatrach et des compagnies installées avant la promulgation de cette loi, litiges réglés à l'amiable où Sonatrach a été contrainte de revenir en arrière en versant des plus values. Dans ce cadre, l'annonce d'un assouplissement fiscal est nécessaire, car l'Algérie n'est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Mais reste la contrainte des 49-51%. Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. La non-soumission des grandes compagnies, l'expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d'Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcoûts, doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s'attendre à un flux d'investissement étranger avec l'actuelle loi pour la prospection dans l'offshore et surtout le gaz non conventionnel qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes, les recherches actuelles se concentrant sur les techniques anti-pollution. Sonatrach depuis des années n'a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, malgré certaines déclarations fracassantes, car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Sonatrach n'a pas les capacités technologiques, bon nombre de cadres compétents ayant depuis des années quitté cette compagnie, surtout avec l'erreur que j'ai dénoncée à maintes reprises de mettre les cadres à la retraite à partir de 60 ans sans préparer la relève. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l'amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcoûts au niveau des canalisations. 4.- Quelle rentabilité, le gaz de schiste ? Le groupe algérien Sonatrach avait déjà foré son premier puits de gaz de schiste (shale gas) dans le bassin d'Ahnet, situé au sud d'In Salah, qui devait être suivi d'autres. Pour développer ces réserves, Sonatrach devrait conclure des partenariats avec les groupes internationaux dont Shell, Exxon Mobil, Total, Talisman, INIE, etc. Selon le groupe Sonatrach, des études récentes, réalisées durant le second trimestre 2012 sur une superficie de 180 000 km², font état d'un potentiel de gaz de schiste dépassant plus de 19 800 milliards de mètres cubes gazeux donnant avec un taux de récupération de 25% plus de 4 000 milliards de mètres cubes gazeux. Mais l'Algérie a-t-elle établi une carte géologique fiable confirmant ces statistiques ? On peut comme pour le gaz conventionnel découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. La rentabilité économique et par là le calcul des réserves, est fonction de la croissance de l'économie mondiale et de son modèle de consommation, de la consommation intérieure, des coûts d'extraction et du transport, des concurrents et des énergies substituables. Selon les estimations établies par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avec le gaz de schiste, cette nouvelle évaluation majorerait les réserves de gaz techniquement extractibles dans le monde de 40% et les porterait à 640.000 milliards de m3, soit plus du triple des réserves mondiales de gaz conventionnel dont d'ailleurs des découvertes importantes se font chaque jour avec une concurrence accrue. Depuis la révolution du gaz non conventionnel qui fera des USA horizon 2020 le premier exportateur mondial avant la Russie sachant que la Russie détient un tiers des réserves mondiales de gaz conventionnel ( plus de 33%), et qu'elle est le principal concurrent de Sonatrach malgré le gel récent du South Stream approvisionnant à 30% le marché européen. D'autres concurrents comme l'Iran (15/20% des réserves mondiales ) concurrent potentiel depuis la levée de l'embargo, et du Qatar (10/15%) qui a pris des parts de marché en Europe à l'Algérie, sans compter la Chine qui détient les premières réserves mondiales de gaz de schiste, combiné aux investissements dans les énergies renouvelables qui en feront un leader mondial, possédant surtout la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les réserves d'hydrocarbures, le Mozambique qui deviendra le deuxième ou troisième réservoir d'or noir en Afrique, la découverte de plus de 20.000 milliards de mètres cubes gazeux en méditerranée orientale, le retour de l'Irak et de la Libye, la concurrence risque d'être encore plus rude pour l'Algérie. Comme ce marché est segmenté à l'instar du gaz conventionnel où les canalisations représentent environ 70% de la commercialisation mondiale du gaz, la concurrence en Asie des projets russes et qataries, se posera également toute la problématique de la rentabilité des GNL algériens à faibles capacités, en plus des importants investissements en moyens de transport, (méthaniers appropriés). Comme il faudra amortir les installations par canalisations, (Transmed et Medgaz), les projets Galsi via la Sardaigne et le Nigal (Nigeria-Europe via l'Algérie) dont les coûts de réalisation du fait des retards ont augmenté de plus de 50% par rapport au coût initial, étant toujours en gestation. Qu'en sera-t-il pour l'Algérie, le gaz représentant environ un tiers des recettes de Sonatrach? Or, entre 2017/2020-2025, outre que les USA seront exportateurs en Europe, la majorité des contrats à moyen terme auront expiré et selon certaines informations crédibles, les principaux partenaires européens demanderont une révision à la baisse du prix de cession du gaz conventionnel. Cela ne peut qu'influencer le prix de cession du gaz non conventionnel. L'Algérie n'est pas seule sur le marché mondial. Il existe une concurrence internationale. L'on doit tenir compte de la dispersion des gisements dont la durée de vie contrairement au gaz conventionnel est limitée dans le temps, selon l'intensité de l'extraction, dépassant rarement 5 années, devant fracturer la roche sur d'autres espace comme un fromage de gruyère. Les Etats-Unis perforent environ 2 000 puits par an sur un même espace géologique et 500 /600 puits peuvent donner 28 milliards de mètres cubes gazeux. Or, en Algérie même au niveau du gaz/pétrole traditionnel, il n'a jamais été atteint 200 puits. Selon le chef de département d'analyse des bassins du groupe Sonatrach, lors du workshop international sur le gaz de schiste en 2014, les coûts de réalisation d'un forage pour l'exploitation du gaz de schiste en Algérie varient entre 10 et 15 millions de dollars, alors qu'aux USA le coût moyen d'un puits varie entre 5 à 7 millions de dollars. Aussi, la commercialisation pour l'Algérie ne pourrait se faire, selon l'ex-ministre de l'Energie actuellement ministre de l'Industrie, pas avant 2020/2025, supposant une parfaite maitrise technologique afin de réduire les coûts. Par ailleurs, outre la maitrise technologique, dont il conviendra d'inclure dans le coût par l'achat du savoir-faire, l'avantage de certains pays comme les USA c'est la disponibilité d'un réseau de transport de gaz pratiquement sur l'ensemble du territoire en plus du fait que les gisements ne sont pas profonds. Qu'en sera-t-il des coûts des canalisations additionnels pour l'Algérie? La rentabilité dépend donc de l'évolution future du prix de cession du gaz sur le marché international qui est actuellement bas sur le marché libre avec la révolution du gaz non conventionnel. C'est que la gestion de l'exploitation est complexe, les forages perdant 80% de la productivité au bout de 5 ans, à moins de technologies nouvelles. Sans compter la maitrise technologique qui demande une formation pointue dans la ressource humaine. La question de la rentabilité renvoie à la carte énergétique mondiale, à la consommation énergétique mondiale horizon 2030/2040, tenant compte également des coûts des énergies renouvelables qui peuvent décroître si les investissements sont massifs. L'épisode de Fukushima et la volonté affichée par certains de sortir du nucléaire, la dynamique des pays émergents gros consommateurs d'énergie, s'ils maintiennent l'actuel modèle, ce qui n'est pas évident, la Chine ayant décidé à partir de 2020 de réduire de 50% le parc véhicules fonctionnant au diesel et l'essence, (source AFP 9 septembre 2017). Pour l'Algérie l'on doit impérativement protéger l'environnement d'où l'importance de centres de formation recrutant en priorité les populations du Sud qui doivent être impliquées pour une éventuelle exploitation. Par ailleurs, ainsi se pose l'opportunité par des grands groupes internationaux de l'exploitation du gaz de schiste avec la règle restrictive imposée par le gouvernement algérien des 49/51% généralisable tant à l'amont qu'à l'aval et aux canalisations ( taux de profit inférieur de 30% par rapport à l'amont) d'où nécessité de modifier la loi sur les hydrocarbures notamment la partie fiscale qui prévoit une taxation progressive de 5 à 50% au-delà d'un cours de 530 dollars, fiscalité insaturée lorsque le baril était à plus de 100 dollars et le prix de cession du gaz naturel entre 10/11 dollars le million de BTU. La reformulation de la loi des hydrocarbures permettra-t-elle de relancer l'exploration sur des bases opérationnelles ? A moins et comme cela se passe pour la majorité des entreprises publiques structurellement déficitaires, le Trésor supporte les surcoûts d'exploitation du gaz de schiste dont 70% des entreprises sont revenues à la case de départ. 5.- Dialogue social et nouveau modèle de consommation énergétique L'Algérie doit impérativement penser à un nouveau modèle de consommation énergétique relevant du Conseil national de l'énergie présidé par le président de la République, Sonatrach étant une entreprise commerciale devant aller vers un mix énergétique dont les énergies renouvelables, dossier abordé également plusieurs fois en conseil des ministres. Selon l'Agence spatiale allemande (ASA), pour l'Algérie, le potentiel est estimé à 169,440 téra-watts-heure/an (TWH/an) pour le solaire thermique, et de 13,9 TWH/an pour le solaire photovoltaïque, ce qui équivaut à environ 60 fois la consommation de l'Europe des 15 (estimée à 3 000 TWh par an). L'énergie solaire journalière dans le désert équivalent-pétrole est estimée à 1,5 baril par km². Le programme retenu par le passé visait à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l'installation d'une puissance de 12 000 mégawats en solaire et en éolien. Concernant le pétrole-gaz de schiste, il doit répondre à trois critères : la protection de l'environnement, éviter toute pollution de l'eau, le prix de cession de l'exploitation du pétrole-gaz de schiste devant impérativement couvrir les coûts avec une marge de profit raisonnable. Selon le ministère de l'Energie, la commercialité n'est pas pour demain, peut être horizon 2020/2025. La plus grande réserve de gaz et de pétrole pour l'Algérie ce sont les économies d'énergie pouvant aller à 15/20%, pouvant économiser au vu de la consommation actuelle 4 milliards de mètres cubes gazeux par an. Cela implique de revoir notamment les politiques actuelles désuètes de l'habitat et du transport et un large débat national sur les subventions actuellement non ciblées source de gaspillage et de fuites de produits hors des frontières. Selon les rapports internationaux, l'Algérie a consacré, en 2012, l'équivalent de 11% de son PIB au soutien des prix de l'énergie, environ 4% du PIB à l'éducation et 6% à la santé. Pour avoir connu très bien cette région, notamment Ouargla, Ghardaïa, El Goléa et In Salah, en tant qu'officier d'administration de la route de l'unité africaine durant les années 1972/1973, c'est une population paisible, ouverte au dialogue et profondément attachée à l'unité nationale. Aussi, il y a lieu d'éviter les débats stériles, pour ou contre et d'associer les populations à la décision ne pouvant imposer par la force, surtout pour ce cas précis, au sein d'une région qui connait des tensions géostratégiques, d'éviter une décision centralisée sans concertation, supposant une autre gouvernance tant centrale que locale. En conclusion. Il s'agit ni d'être contre, ni d'être pour, l'objectif stratégique est de l'insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un Mix énergétique dont les énergies renouvelables. Sans la maîtrise technologique, il faut être très prudent. Et là on revient à la ressource humaine pilier de tout processus de développement fiable et d'éviter cette mentalité bureaucratique rentière de non-maturation des projets surtout pour ce cas stratégique. Seuls les USA maîtrisent, encore imparfaitement, cette technologie de fracturation hydraulique, mais de nouvelles techniques sont en expérimentation, économisant 90% de con sommation d'eau et plus de 80% d'injection de produits chimiques (voir étude pour le gouvernement (1). Un co-partenariat incluant ces nouvelles techniques dans des clauses restrictives avec d'importantes pénalités en cas de non-respect de l'environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger, USA et autres, est indispensable. Mais l'objectif stratégique est de penser au futur modèle de consommation énergétique, (le Mix énergétique), ce qui nécessite des arbitrages de politique économique : énergies fossiles classiques - pétrole/gaz conventionnel, gaz/énergies renouvelables. En bref, l'opérationnalité d'un éventuel amendement de la loi sur les hydrocarbures de 2013 renvoie à l'éclaircissement de toute la politique économique et sociale face à la remondialisation et aux nouvelles mutations énergétiques mondiales. Sans visibilité et cohérence de la réforme globale, comme facteur d'adaptation à ces mutations, les impacts seront forcément limités d'autant plus qu'existe une concurrence internationale féroce surtout dans le domaine du gaz. Et pour finalité, le problème central qui se pose à l'Algérie, du fait de la faiblesse de ses capacités d'absorption, est d'éviter de se focaliser uniquement sur les hydrocarbures et d'avoir une stratégie claire pour une économie diversifiée. L'objectif stratégique est pour l'Algérie d'opérer la transition rapide d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique en utilisant au mieux cette ressource éphémère. Cela implique forcément un Etat de droit, un large débat national sur cette ressource propriété de toute la population algérienne, donc une gouvernance renouvelée, de profondes réformes politiques et économiques solidaires, la valorisation de l'entreprise et son support, la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures. NB-Abderrahmane MEBTOUL (docteur d'Etat-1974 en management) -Professeur des Universités, Expert International en management stratégique- expert comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille (France )- directeur d'Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007 auteur de nombreux ouvrages et de contributions internationales sur les mutations énergétiques mondiales., membre du conseil scientifique de l'ADAPES Paris France, composé d'éminents experts internationaux et de PDG de groupes sur l'Energie (1)Références-Voir Professeur Abderrahmane Mebtoul étude " face aux mutations énergétiques mondiales, le ministère de l'Energie via Sonatrach a besoin d'un nouveau management stratégique " publiée dans la revue internationale de Management de HEC Montréal novembre 2010 (45 pages) ainsi que la revue stratégie-défense " Agir " (2012 - Paris France) - conférence sur ce thème du Pr Mebtoul au Sénat français novembre 2014 en présence du professeur Jean Pierre Chevènement. -Voir le rapport sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul assisté de 20 experts de hauts niveaux nationaux et étrangers, remis à l'ex-Premier ministre 25 février 2015 et pour éviter toutes mauvaises interprétations sans aucune rémunération, intitulé " Pétrole-gaz de schiste : opportunités pour l'Algérie et risques " Volume I : Synthèse à partir de la sélection de rapports transmis de managers de différents horizons d'experts internationaux et nationaux -Volume II- Données technico-économiques Sur le gaz de schiste par les experts internationaux -Volume III- Ceux qui mettent en relief le danger contre l'environnement et prônent la maîtrise technologique -Volume IV- Ceux qui prônent son exploitation mais sous condition d'une formation pointue -Volume V- Les nouvelles techniques comme alternatives à la fracturation hydraulique -Volume VI - Etudes sur la rentabilité économique du pétrole-gaz de schiste aux USA et dans le monde -Volume VII- Avis des experts de Sonatrach et du ministère de l'Energie et débats contradictoires entre experts-algériens -Volume VIII- Annexe -Extrait du rapport pour le gouvernement américain en date du 27 octobre 2014 sur les mutations des filières énergétiques dont le pétrole-gaz de schiste : 2015/2040- (plus de 100 experts-480 pages) A Reality Check On US. Governement Forecasts For A Lasting Tight Oi, Shale Gas Bom. *Professeur des universités, expert international |