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Là encore, la
situation va s'articuler en trois axes. Le premier est la crise de
l'endettement dans le monde qui s'accompagne par une faible demande mondiale et
un excès de l'offre. Ce qui se traduit par des crises économiques à l'échelle
planétaire. Ces crises sont évidemment, différemment, vécues. Pour l'Europe et
le Japon, cela se traduit par une contraction de l'appareil industriel et la
hausse du chômage. Les économies cependant, se maintiennent d'autant plus
qu'elles sont bénéficiaires de la crise de l'endettement qui frappe surtout le
reste du monde. L'Amérique du Sud, les pays d'Afrique et le bloc socialiste de
l'Est sont frappés durement par l'endettement. En 1989 tombe le Mur de Berlin.
C'est le début de la fin du bloc socialiste. L'URSS cesse d'exister, en
décembre 1991. La Yougoslavie suit le processus de déliquescence du système
économique socialiste. Les pays arabes, exportateurs de pétrole, sont touchés,
tardivement, par la chute des prix pétroliers, dès 1986 (contre-choc
pétrolier). C'est le FMI qui viendra, avec ses plans d'ajustement structurel
drastiques en échange d'une aide financière, secourir les économies en
cessation de paiement, leur évitant de plonger dans des guerres civiles.
Le deuxième axe, c'est la conversion de l'économie de la Chine, en ce qu'on appelle le « socialisme de marché ». La Chine qui obtient le statut de pays le plus favorisé par les Etats-Unis, entame sa fulgurante ascension, dès le début des années 1980. La clause de la nation la plus favorisée (NPF) lui sera accordée, aussi par l'Union européenne depuis l'accord bilatéral, en 1982. (8) Si la crise asiatique va faire des ravages, la Chine sera peu touchée. Sa monnaie, le renminbi du peuple, le yuan, reste toujours pilotée par la Banque centrale de Chine. Les effets du printemps de Pékin seront vite dépassés. Peu endettée, elle va, précisément, bénéficier du marasme économique mondial et de l'endettement mondial. En effet, tant pour le Japon, pour l'Europe que pour les États-Unis, la Chine va devenir un point de chute pour leurs usines qui ferment par manque de débouchés (excès de l'offre de biens et services sur la demande mondiale). Il était plus rentable pour l'Occident de délocaliser ces entreprises industrielles en Chine que de les fermer, pour profiter du faible coût de la main-d'œuvre, des débouchés à la fois de son milliard d'habitants et de la compétitivité qu'offrent les exportations chinoises, dans le monde. Le Japon sera le premier pays à délocaliser et à créer des joint-ventures avec des firmes chinoises. Ces dernières vont profiter du transfert technologique japonais. Ces délocalisations seront suivies par l'Europe, les États-Unis, et les pays émergents asiatiques (Taiwan, Corée du Sud?). La Chine deviendra un véritable eldorado pour toutes les firmes multinationales occidentales. Le G7 n'avait aucune crainte sur l'évolution ultérieure de la Chine qui, progressivement, montait en puissance. Les Américains pensaient que la Chine évoluera comme le Japon, qui rappelons-le, après avoir longtemps bénéficié d'un yen sous-évalué, a dû réévaluer brusquement son yen, sous la pression des pays occidentaux, en 1985 (Accords de Plaza, New York). Le taux de change yen-dollar est resté longtemps fixe de 360 yens pour un dollar jusqu'en novembre 1969. A partir de décembre 1969, il a commencé à s'apprécier pour s'échanger à 188,394057 yens pour un dollar, en août 1978. Puis il s'est de nouveau déprécié pour atteindre 260, 200188 yens pour un dollar, en février 1985. Après les Accords de Plaza, le taux de change yen-dollar va s'apprécier pour atteindre 128, 992193 yens en novembre 1990, et 84,555966 yens en juin 1995. (9) Depuis la crise immobilière et financière entre 1990 et 1991, le Japon est englué dans une longue crise de déflation, avec des taux d'intérêt nominaux directeurs pratiquement égal à zéro. Précisément, cette perspective fait penser aux Américains et Européens que la Chine pourrait s'essouffler, et qu'après une réévaluation drastique du yuan, elle subira le même sort que le Japon. Sauf que la Chine n'a pas répondu positivement aux demandes répétées américaines et européennes de réévaluer sa monnaie. Le pilotage du taux de change du renminbi, avec les autres monnaies internationales, reste à l'appréciation de la Banque centrale de Chine. Le yuan, certes, est devenu une monnaie internationale convertible, jouant, aussi, comme monnaie de réserve dans les Banques centrales du monde, en particulier, les pays d'Afrique et d'Asie, qui se sont alignés à la politique monétaire chinoise, et constitue aussi, depuis septembre 2016, la cinquième monnaie avec le dollar, l'euro, le yen et la livre sterling, dans le panier de monnaies dont se sert le FMI pour déterminer les DTS (Droits de tirage spéciaux), mais il ne flotte pas comme les autres monnaies internationales et est toujours encadré par la Banque de Chine. Et c'est là l'avantage de la Chine de disposer d'une arme monétaire redoutable parce qu'elle lui permet d'être protégée des attaques spéculatives extérieures et lui octroie une parité de combat dans le commerce mondial. Le Troisième axe, c'est le consensus de Washington, un corpus de réformes censé compléter les programmes d'ajustement déjà appliqués par les institutions financières internationales (B.M. et FMI). L'un des arguments en faveur de ce programme est l'existence d'administrations étatiques pléthoriques et souvent corrompues, dans les pays endettés du reste du monde. La montée en puissance de grands pays industrialisés, hors de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la libéralisation financière et surtout l'interdépendance accrue des économies, dans le monde, ont amené les décideurs occidentaux à établir, au début des années 1990, un ensemble de règles que tous les pays endettés (pays de l'ex bloc Est, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud) devaient appliquer : rigueur budgétaire, diminution des subventions, réforme fiscale en faveur du capital, libéralisation financière, taux de change compétitifs, privatisation, déréglementation, garantie des droits de propriété. L'existence d'un surplus d'épargne aux États-Unis et en Europe, comme les fonds de pension, permettait leur investissement dans les pays émergents (ou en cours d'industrialisation), qui ont un besoin pressant de financement et dont les rendements sont plus élevés qu'en Occident. Ces investissements financiers directs étrangers (IDE) qui viennent compléter les délocalisations, dans les pays du reste du monde, en voie d'industrialisation, et doper leur compétitivité commerciale et donc les transforment en puissances industrielles émergentes, transforment en revanche les pays occidentaux qui ont délocalisé et financé cette industrialisation en puissances financières rentières. Et c'est là le problème central qui se pose à l'Occident et les difficultés inhérentes à ce processus qui s'est imposé par les nécessités économiques de la conjoncture née de la crise de l'endettement mondial, depuis le début des années 1980. Des pays, naguère très endettés, comme le Brésil, la Russie, se retrouvent propulsés en puissances émergentes. Mais la palme revient à la Chine depuis sa conversion au socialisme de marché et s'est propulsée, après avoir intégré l'OMC en 2001, en puissance industrielle hors pair, devenant l'atelier du monde, comme le furent les États-Unis, après 1945. La conférence ministérielle qui s'est tenue à Doha (Qatar), du 9 au 14 novembre 2001, et entériné l'entrée de la Chine à l'Organisation mondiale du Commerce dont ce sera le 143ème membre, fera date dans l'histoire économique mondiale. L'Amérique face à la complexité des défis dans le monde. La Russie poutinienne face à l'hégémonie américaine dans le monde On comprend, dès lors, la situation géo-économique dans le monde. Un Occident en perte de vitesse, les États-Unis comme l'Europe et le Japon, en tant que détenteurs des principales monnaies internationales du monde, n'ont pas d'autre choix que d'émettre des liquidités pour financer l'économie mondiale. Après la révolution des valeurs technologiques, dans les années 1990, qui a permis de résorber en partie l'endettement mondial, l'Economie mondiale qui était en pleine croissance s'est essoufflée brusquement en 2000, provoquant une récession américaine en 2001. Cet essoufflement de la nouvelle économie vient se compliquer avec les attentats du 11 septembre 2001, qui vont bouleverser l'équilibre économique et géostratégique mondial. De nouveau, trois axes vont déterminer les pays occidentaux, dans leurs efforts, pour renverser globalement la tendance baissière de leurs économies et du rapport de puissance avec le camp adverse, principalement la montée en puissance des pays émergents dont, au centre, la Chine et la Russie qui va renaître de ses cendres. D'autant plus que le G20 qui s'est constitué, en septembre 1998, donne un nouveau poids aux pays émergents, que le G7 doit, désormais, tenir compte. D'ailleurs faut-il souligner que le G7 est devenu le G7+1, à partir de 1994, suite à la présence de la Fédération de Russie, en marge des réunions du G7, puis, en 1997, devient, formellement, le G8. La stratégie occidentale d'incorporer la Russie sous Boris Eltsine, dans le G8, s'inscrivait dans un processus d'intégration géopolitique dont l'objectif est de renforcer le pôle occidental, sur les autres pôles adverses, principalement, chinois. Ceci étant, le premier axe a été la lutte contre le terrorisme islamique, depuis l'attaque terroriste contre le World Trade Center, à New York. L'objectif de cette lutte était triple : 1. Renverser le régime des talibans en Afghanistan, et installer un régime afghan pro-américain. 2. Renverser le régime irakien laïc et installer un régime arabe pro-américain. 3. A l'issue, renverser le régime islamiste iranien, et installer un régime pro-américain. Evidemment, l'objectif principal était regagner une mainmise totale sur les gisements de pétrole du Moyen-Orient. Le monde faut-il rappeler, était unipolaire, depuis la disparition de l'URSS de la scène internationale. Pour les Américains, la lutte anti-terroriste islamique ne signifiait pas lutter contre des régimes islamistes. Au contraire, ils visent à installer partout dans le monde musulman des régimes islamistes mais alliés. Pour l'Amérique, la stratégie était simple laisser les musulmans à leur Islam, à leur Charia islamique, mais qu'ils restent alliés, soumis pour qu'ils soient soutenus par la puissance américaine. Ce qui leur accorde la prééminence, dans la région. Et qu'ils ne cherchent pas à développer l'industrie nucléaire comme l'a dévoilé, en 2003, l'Iran, dans son programme d'enrichissement nucléaire. Le deuxième axe est l'économie américaine. La nouvelle économie étant en perte de vitesse, la forte compétitivité de l'industrie de biens et services de l'Asie et surtout de la Chine ne laisse qu'un créneau porteur, la construction, gros pourvoyeur d'emplois. Ce qui a poussé les autorités monétaires américaines à encourager la construction et pousser le système bancaire américain à faciliter l'octroi des crédits hypothécaires. L'effet de richesse par la hausse de l'immobilier a provoqué l'enrichissement des ménages américains, ce qui a dopé la consommation sur fond d'endettement. Il était probablement pensé qu'après les victoires au Moyen-Orient, les autorités monétaires procèderaient à un dégonflement, en douceur, de la chaîne de Ponzi qu'ils ont créée. Mais la situation en Irak ayant mal évolué, les forces américaines qui se sont enlisées dans le bourbier irakien, n'ont laissé aucune alternative à la Banque centrale américaine que de relever le taux d'intérêt, à partir de 2004. C'est ainsi que toutes les formidables liquidités émises pour financer la guerre et l'économie, via la chaîne de Ponzi, va déclencher la plus grave crise immobilière et financière, depuis 1929. Commencée en 2007, la crise sera à son sommet à l'été 2008. Evidemment, les déboires pour l'Amérique dans la guerre et la crise qui est survenue ensuite a permis d'enrichir la Chine et le reste du monde, dont la Russie et les pays exportateurs de pétrole, au point qu'il s'est constitué un nouveau pôle de pays émergents, à partir de 2008, les 5 pays du BRICS, i.e. le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Ces pays disposent des plus grande, réserves de change du monde. Le sauvetage du système bancaire occidental par les formidables injections monétaires, opérées par les quatre Banques centrales (États-Unis, zone euro, Angleterre et Japon) dans le cadre de politiques monétaires non conventionnelles ou quantitative easing, pendant 7 ans (2008 à 2014) va faire doubler cette masse de réserves de change, en dollars, euros, livres sterling et yens. Plus de 8 000 milliards de dollars pour les pays du BRICS. Pour la seule Chine, environ 4.000 milliards de dollars. Pour l'Arabie saoudite, entre les bons de Trésor publics, environ 700 milliards de dollars, en 2014, et les avoirs privés, ont fait état de 1.500 milliards de dollars. C'est, précisément, dans cette situation de déséquilibre profond, entre l'Occident et le reste du monde, détenteur de réserves de change considérables que s'est produit le retournement pétrolier, au deuxième semestre 2014. Les États-Unis, ayant résorbé la crise et diminué drastiquement le chômage, passant de 10 % en 2008 à moins de 5,9 %, en septembre 2014, ont mis fin aux quantitative easing. Le prix du pétrole Brent est passé d'un cours de plus de 120 dollars le baril, avant l'été 2014, à environ 50 dollars en décembre 2014. En 2015, le Brent a baissé à moins de 40 dollars. Aujourd'hui, il se situe autour de 50 dollars. Le troisième axe va se jouer sur le plan géostratégique. En effet, les États-Unis et l'OTAN, depuis 2008, ne cessent de reculer dans le monde. Non seulement en Asie centrale (Irak et Afghanistan) où ils ont été tenus en échec, sans gain substantiel, compte tenu du coût de la guerre (pertes matérielles et humaines) ? un désastre pour la région ?, mais aussi dans le Caucase où une guerre a opposé la Russie à la Géorgie, soutenue par l'Occident, en août 2008, à l'issue de laquelle la Russie a reconnu la souveraineté de l'Ossétie du Sud. La perte de la province séparatiste l'Ossétie du Sud, pour la Géorgie a été un revers magistral pour l'Occident. Il sera suivi, de nouveau, en mars 2014, par un conflit armé avec la Russie, cette fois en Europe orientale. Il se solda par la perte de la Crimée et de Sébastopol pour l'Ukraine, et leur rattachement à la Russie. Là encore un autre nouveau revers dur pour les États-Unis et l'Europe. Au point que la Russie fut exclue du G8, le 24 mars 2014. « Le G8 prévu en juin à Sotchi sera remplacé par un G7 à Bruxelles. » (10) Un autre revers est de nouveau enregistré par les États-Unis. Cette fois-ci au Moyen-Orient où se trouvent les plus grands gisements de pétrole du monde. Un Moyen-Orient au sein duquel toute la stratégie bâtie sur la lutte contre le terrorisme islamique et, son corollaire, la mise au pas des pays récalcitrants à l'hégémonie américaine, devait assurer un monde unipolaire dominé par les États-Unis. Ce monde a été mis en échec. Et le summum des revers a été atteint lorsque la Russie s'est lancée, le 30 septembre 2015, par des frappes aériennes contre l'opposition islamiste en Syrie. Il faut rappeler que depuis le ?Printemps' arabe, en 2011, la Syrie est plongée dans une guerre civile, extrêmement, coûteuse en vies humaines et destructions des villes. En plus, le conflit en Syrie s'est internationalisé, devenant le prolongement de la guerre en Irak, pays où le groupe islamique « ad-dawla al-islâmiyya fi-l-iraq wa-sham » (ou l'acronyme Daesh) a créé un califat en jonction territoriale avec la Syrie. En juin 2015, la situation militaire en Syrie était tellement préoccupante, pour l'armée loyaliste syrienne, pourtant épaulées par le Hezbollah et les forces venues d'Iran, que Damas risquait d'être emportée par les combattants islamistes. C'est ainsi qu'à la demande du président syrien, Bachar al-Assad, la Russie est venue appuyer par les frappes aériennes les forces gouvernementales contre les groupes islamistes, appuyés par les États-Unis, l'Europe et les pétro-monarchies du Golfe. C'est cette situation de guerre qui prévaut, encore aujourd'hui, que la Russie a non seulement, perturbé tous les plans européo-américains dans les principaux théâtres de guerre, dans le monde, mais les a mis en échec, et de surcroît a enregistré des gains majeurs, géographiquement substantiels tant en Ossétie du Sud, en Crimée, à Sébastopol qu'en Syrie. A suivre... * Auteur et chercheur indépendant en Economie mondiale, relations internationales et prospective |