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Sur un plan purement
existentiel, que serait la vie sans la mort ? Il n'y aura plus cette crainte de
mourir, l'être humain aura une existence perpétuelle ; il n'y aura plus ce
doute sur la vie. Peu importe que l'homme vivra dans l'exiguïté.
Or l'homme sans le doute ne sera plus cet être humain créateur, plus cet homme curieux de la nature, puisque assuré de vivre dans l'éternité; il ne sera plus l'homme à se protéger de l'autre, de l'envahissement de l'autre; il est assuré d'exister, et donc d'être pris en charge, quel que soit le moyen pour exister. Dès lors, la vie deviendrait monotonie; l'existence perpétuelle tuerait tout sentiment d'existence, toute joie de vivre; l'existence deviendrait sans sens. D'autre part, des dictateurs vont prendre le pouvoir dans tous les pays du monde. Sans la mort, la démocratie perdra son sens ; des dictateurs entourés de gardes prétoriennes vont gouverner les peuples dans l'éternité. Sans contre-pouvoir, tout au plus des luttes entre dictateurs pour le pouvoir qui ne mourront pas, les plus faibles devenant la plèbe des vainqueurs. Au final, nous aurons trois classes ; le haut sommet constitué de dictateurs et de leurs subalternes directes, la classe prétorienne chargée de maintenir le système, la classe plébéienne constitué d'artisans, de ruraux et d'invalides. Mais qui va subir la charge du système, c'est la plèbe devenant un peuple-esclave. Et cela par le seul fait qu'il n'y a pas la mort ; il n'y a pas la crainte que la plèbe se soulève, et change le système ; tout soulèvement est réprimé dans le sang mais sans mort. Les blessés vont augmenter la cohorte d'invalides qui ne meurt pas ; les dictateurs n'auront pas besoin d'armements nucléaires, ceux-ci ne pouvant tuer même s'ils venaient à exister. Il y aura beaucoup de Néron sur terre, les dictateurs, pour tromper l'ennui, incendieront leurs villes. Que deviendra donc l'existence de l'homme sans la mort ? L'humanité sans la mort ? La perpétuité, l'éternité de son existence serait en fait inexistence. L'homme serait à l'image de cette Terre qui tourne, sans savoir pourquoi il tourne ; il existe simplement ; le sens de l'humain perdrait son sens. D'humanité, l'humanité deviendrait une humanité stérile, une inhumanité. L'homme aurait-il besoin d'une croyance ? D'un Dieu ? D'une pensée d'un Paradis plus doux que cette existence monotone sur terre ? Il est clair qu'il n'aura plus d'espoir parce qu'il n'y aura plus d'Au-delà, pour espérer d'échapper à son destin d'homme-néant existant à l'infini. En revenant à l'expérience de Kastenbaum, les réponses de ses étudiants que rapporte l'auteur sont significatives de cette prise de conscience du danger qui se présenterait à l'homme s'il devait ne plus mourir : « Impossible de penser que je pourrais vivre sans fin et que les choses pourraient ne pas finir. Il faudrait que je me demande à quoi sert la vie, et je ne suis pas sûr de pouvoir répondre. » « Je ne peux tout simplement pas m'imaginer à quoi ressemblerait vivre une vie dans un tel contexte. Pour être honnête, je ne sais pas quel sens aurait la vie pour moi si je savais qu'elle continuerait encore et toujours... »(2) Ces réponses des étudiants confortent la crainte de perdre la mort. L'humain que nous sommes et qui concerne le plus grand nombre des humains, qui ne sont pas aux premières loges de la hiérarchie et doivent lutter pour leur existence, que vivre sans fin leur ferait peur ce qu'ils seront, si déjà le peu de l'existence qu'il vive leur est déjà difficile, ne sachant rien de leur devenir. Que sera leurs existences s'ils vivront sans fin. Un paradis ? Un enfer ? Et c'est pourquoi dans la vie et la mort pour l'homme, l'une ne va pas sans l'autre, et l'autre ne va pas sans l'une. Il y a aussi cette impression, cette sensation puisque la vie nous est donnée, puis elle doit nous être enlevée, et « enlevée pour qu'elle donne sens à la vie », parce que, sans la mort, il n'y a pas de vie ; et on ne peut dire que nous sommes en vie puisque nous vivrons perpétuellement. Dans l'entre-vie-et-mort, le Créateur aura aussi à nous juger pour ce que nous aurons fait. Mais le Créateur en nous jugeant, juge sa Création. Et sans Lui, nous n'aurons pas existé. Dès lors, le prêt qu'il nous octroyé pour venir à la vie doit avoir un sens, et donc une Finalité qu'Il a inscrite dans nos existences, et aussi dans l'existence de toute l'humanité, dont nous ne savons rien. Pour comprendre cette Finalité que Dieu a mise dans sa création, reprenons la lecture du livre du savant Camille Flammarion : « Pendant l'infâme guerre allemande, qui a supprimé dans la fleur de l'âge quinze millions de jeunes hommes ayant droit à la vie, élevés par leurs pères, par leurs mères, souvent au prix d'énormes sacrifices ce sont des centaines de lettres qui me sont arrivées, accusant l'injustice et la barbarie des institutions humaines, regrettant que la haine de la Guerre qu'un groupe d'amis de l'humanité prêche depuis longtemps n'ait pas été comprise des gouvernants, se révoltant contre Dieu qui permet ces épouvantables destructions, et déclarant leurs existences brisées pour toujours en des deuils irréparables. Plus que jamais, l'atroce problème des destinées se dresse devant nous. Hélas ! Les religions, qui ont, toutes, pour origine ce besoin de nos cœurs, ce désir de connaître, la douleur de voir devant soi le cadavre muet d'un être aimé, n'ont pas apporté les preuves qu'elles promettaient. Les plus belles dissertations théologiques ne prouvent rien. Ce ne sont pas des phrases que nous voulons, ce sont des faits démonstratifs. La mort est le plus grand sujet qui ait jamais occupé la pensée des hommes, le suprême problème de tous les temps et de tous les peuples. Elle est le terme inévitable auquel nous tendons tous ; elle fait partie de la loi de nos existences, au même titre que la naissance. L'une et l'autre sont deux transitions naturelles dans l'évolution générale, et cependant la mort, qui est aussi naturelle que la naissance, nous paraît contre-nature. » (1) Le savant n'a pas si bien dit que « la mort qui fait partie de la loi de nos existences » entre dans un processus naturel de transition. Dès lors doit-on admettre que l'infâme guerre allemande, qui a supprimé quinze millions de jeunes hommes ayant droit à la vie, entre dans un processus naturel de l'existence. En d'autres termes, la première guerre mondiale relevait d'un ordre nécessaire faisant partie de la loi de nos existences. Et que cette guerre entre aussi dans un processus de transition - une naissance de la guerre et une fin de la guerre -, se termine néanmoins avec une transformation de l'ordre du monde. Dès lors, la Deuxième Guerre mondiale qui a suivi la Première entre aussi dans un processus de transition. Une Deuxième Guerre mondiale que Camille Flammarion n'a pas vécue et qui a fauché plus de quatre fois le nombre d'hommes ayant droit à la vie, élevés par leur mère... se révoltant contre Dieu qui permet ces épouvantables destructions. La question que pose Flammarion prend-t-elle en compte la Raison du monde, en tant que Finalité suprême de la réalisation du monde ? Parce qu'il faut le souligner que l'humanité se réalise via toutes les œuvres des hommes bonnes ou mauvaises ; en se réalisant les œuvres des hommes, le plan de l'Intelligence universelle se réalise en même temps. Aussi peut-on dire « n'existe que ce qui est nécessaire pour exister, et ce, au-delà des œuvres des hommes qui sont comprise dans la Nécessité de l'existant. » Le sens des guerres de ces Deux épouvantables Guerres mondiales qui se sont succédé pratiquement à 20 ans d'intervalle, peut être appréhendé par ce qu'elles ont apporté au monde. Et qu'ont-elles apporté ? Des centaines de millions de colonisés ont recouvré leur liberté, leur indépendance. D'abord la destruction de quatre empires européens (russe, allemand, austro-hongrois et ottoman) qui a permis l'indépendance des peuples des Balkans sous tutelles impériales, et par conséquent, la création de plusieurs États (Pologne, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Finlande, Croatie-Slovénie, Lituanie, Lettonie...), à la fin du Premier Conflit mondial. La Deuxième Guerre mondiale termina le reste. Deux continents (Afrique et Asie) se sont libérés de l'impérialisme occidental. Le sacrifice de millions d'êtres humains, au regard de l'histoire et de la libération de centaines de millions d'êtres humains, n'aura pas été vain. Sans ces deux guerres mondiales, sans ce sacrifice de millions d'êtres humains, le monde serait resté ce qu'il était au début des années 1900, c'est-à-dire un monde constitué de métropoles et de colonies, un monde qui n'aurait pas avancé. Et que se passe-t-il aujourd'hui en Ukraine ? L'histoire se répète. L'Occident cherche encore à dominer le monde sauf qu'il investit l'Ukraine par procuration ; l'arsenal nucléaire de la Russie à parité avec la superpuissance mondiale, les États-Unis, interdit une Troisième mondiale qui serait une mort généralisée pour toutes les puissances qui dominent le monde. Une Troisième Guerre mondiale éclate même celles qui sont restées neutres seront forcément bombardées et donc entraînées dans une guerre nucléaire, pour éviter qu'une puissance nucléaire reste indemne, émerge et domine les autres. Mais la guerre en Ukraine, à Gaza, au Liban ou dans n'importe quelle partie du monde travaille en fait comme le furent les précédentes au développement du monde, développement qui passe par le sacrifice de dizaines ou de centaines de milliers de vies. Telle est malheureusement la marche de l'humanité. Peut-être, après tout, que ces milliers de vies qui ont été tuées ou qui ont subi le sacrifice de la guerre seront ressuscités, leur sacrifie n'étant pas vain, « Qu'après la mort, il y aura pour eux une autre vie qui compenserait leur sacrifice, puisqu'au fond ils ont été poussés par leurs dirigeants à la guerre. » L'idée de la mort et de résurrection se retrouve dans toutes les religions, et la vie après la vie terrestre est une notion tout à fait logique, l'être humain en est seulement ignorant. Les êtres humains qui ont été poussés à la guerre sont-ils coupables d'avoir fait la guerre ? Force de dire qu'ils n'y sont pour rien, parce que telle est la marche de l'humanité. Et ceux qui n'ont pas été tués les rejoindront de mort naturelle plus tard. En clair, la destinée de l'être humain est de mourir. On comprend dès lors qu'au-delà des guerres et de la mort tout court, à la lumière de ce qui s'est passé au XXe siècle, et au-delà de la mort et la crainte qu'elle peut susciter, l'homme sans la mort deviendra une chose pour l'éternité, à la merci de systèmes contre lesquels il n'aurait aucun recours, aucun pouvoir. Vivre une destinée sans destinée, son sort serait plié pour l'éternité. Donc, au-delà de l'horreur que la mort, quel que soit le chemin qu'elle a pris, peut susciter, de la disparition d'êtres chers, ou de notre disparition nous mourons tous un jour il demeure cependant qu'elle est nécessaire à la vie. La mort entre dans la finalité de la vie. Sauf que l'être humain ne s'aperçoit pas de ce qu'elle apporte à son existence ; il n'en voit que le néant qu'elle suscite, que sa propre mort qu'il refuse, voulant toujours vivre. Mais, tel est d'ailleurs l'instinct de notre conservation jusqu'au dernier souffle de notre existence ; l'être humain est ainsi créé ; il ne s'est pas choisi. Le seul problème est qu'il doit accepter sa destinée, et s'il ne l'accepte pas, il l'acceptera quand même parce qu'elle est inscrite dans sa destinée. C'est la mort qui donne sens à la vie, sans la mort, la vie n'aurait pas existé. Un être humain est en vie que parce qu'il est le contraire de celui qui est mort. S'il n'y a pas la mort, comment peut-on dire que nous sommes en vie ? Nous ne pouvons dire que nous sommes en vie ; ce serait sans sens. *Chercheur Note 1. «La mort et son mystère - Avant la Mort », par Camille Flammarion. Edition Flammarion. Paris 1920 |