Opération qui remonte à la nuit des temps. Son histoire a été longue et incertaine jusqu’au début du XXème siècle où elle connut un intérêt majeur car depuis que l’art médical existe elle a hanté plusieurs générations d’accoucheurs.
Elle consiste à extraire l’enfant après ouverture chirurgicale de l’utérus par voie abdominale. Connue de nombreux siècles avant l’ère chrétienne, comme en témoignent les très anciens livres de l’Inde Antique du RIG VEDA. Elle n’était pas non plus ignorée dans la PERSE, puisqu’une très ancienne gravure persane montre clairement cette intervention qui semble se dérouler sur une femme vivante. Le Talmud y fait de nombreuses allusions et recommande expressément de sauver l’enfant. Mais à de très rares exceptions on y avait recours qu’après la mort de la parturiente « césarienne post mortem ».
Les mythologies et les récits historiques en fournissent de multiples exemples. ESCULAPE, le Dieu de la médecine, notre protecteur Olympien, naquit par césarienne qu’aurait pratiquée Apollon sur Coronis. Selon Pline l’Ancien, Scipion l’Africain, futur vainqueur d’Hannibal, serait née ainsi.
Une tradition veut que César soit venu au monde par cette voie, d’où découlerait le nom même de cette opération. Mais il est curieux qu’on ait cru pendant longtemps que le terme de césarienne avait un rapport avec la naissance de Jules César. Or beaucoup de faits viennent démentir cela. On sait que, d’une part les Romains ne pratiquaient la césarienne que sur une femme morte, d’autre part, les propres écrits de César prouvent que sa mère Julie était encore vivante suffisamment longtemps après sa naissance.
L‘origine du mot Césarienne doit être cherché ailleurs.
Certains le font dériver du verbe latin «Caedere» qui veut dire couper. D’autres de la «Lex Caesare» (la loi de César) qui prescrivait qu’en cas de décès d’une femme enceinte, l’enfant devait être extrait du ventre maternel et être enseveli séparément. De fait César n’a fait que reprendre une vielle loi Romaine, «la Lex Régina» promulguée en 715 avant J.C par le second roi légendaire de Rome, Numa Pompilius.
Cette «loi royale» devenue «loi césarienne» sous l’empire, a donné son nom à l’intervention.
Puis au moyen âge, sous l’influence du christianisme, la vie de l’enfant fut prise en considération et l’église chrétienne a prescrit l’extraction chirurgicale de l’enfant après la mort de la mère en vue de baptiser le nouveau-né et sauver son âme.
Cette intervention était confiée aux barbiers, puisque les médecins de l’époque, selon un vieux principe, refusaient de faire couler le sang.
En 1480 un règlement ordonnait aux sages-femmes, qui du reste avaient prêté serment, de faire l’opération césarienne sur les femmes mortes pendant leur accouchement. Ce règlement précisait en outre que la césarienne devait être pratiquée sur le côté gauche de l’abdomen, parce que chez la femme, le cœur est placé à droite. On peut déduire qu’en ces temps là, les connaissances anatomiques étaient plus qu’approximatives.
Ambroise Paré, esprit positif pourtant, continuait à appliquer la doctrine officielle à l’époque en condamnant et en s’opposant formellement à la césarienne sur une femme vivante, en raison des souffrances imposées à la parturiente et à l’issue fatale quasi constante.
En 1500, la première césarienne sur femme vivante fut réalisée par un Suisse, Jacob Nuffer, châtreur de porcs de son métier, sur sa propre épouse et la mère et l’enfant ont survécu et, de surcroit, aurait ensuite accouché normalement de plusieurs enfants.
François Rousset, en 1581, publie le premier traité où il décrit la césarienne sur femme vivante, alors qu’il ne l’a jamais vue, ni pratiquée. Dans son traité, l’incision de l’abdomen et de la matrice est latérale, mais sans suture de l’utérus.
En 1610, le chirurgien Allemand Trautmann réussit aussi à extraire l’enfant vivant mais la femme décède. Contre de telles interventions, Maurisseau s’élève avec véhémence, dénonçant «cette pernicieuse pratique» empreinte d’inhumanité, de cruauté et de barbarie. Il fut à l’origine de plusieurs manœuvres dont l’accouchement du siège. La césarienne sur femmes vivantes est alors condamnée par la plupart des accoucheurs, lui préférant la symphysétomie de Zarrat ou bien l’accouchement prématuré provoqué, préconisé par les Anglais.
Certes, les naissances anecdotiques et exceptionnelles par césarienne sur femmes vivantes se sont multipliées.
Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, l’histoire de l’obstétrique est dominée par le FORCEPS inventé par Chamberlan et perfectionné par Levret. Cet instrument a nettement amélioré le pronostic obstétrical pendant ce siècle.
Deleury, en 1778, rapporte un cas où la mère a survécu à sa césarienne. En 1794 Jesse Bennett aux USA fait état d’une césarienne pratiquée sur sa propre femme avec succès. De même qu’en 1824 un autre praticien Américain, Richemond, réussissait l’intervention.
Au début du XIXème siècle, Gardien donne une description détaillée de la manière de pratiquer l’intervention et rappelle à cette occasion les différentes techniques jusqu’alors utilisées. Malheureusement aucune ne préservait la femme de « l’inflammation de la matrice » et de celle du péritoine à laquelle on attribuait tout le danger de la césarienne. Et de fait, malgré l’apparition avec Oslander d’une nouvelle technique avec incision au niveau du segment inférieur (entité anatomique apparaissant au cours de la grossesse et disparaissant après l’accouchement), les succès opératoires restaient l’exception.
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, les césariennes pratiquées étaient toujours mortelles, à cause de la péritonite, lorsqu’elles n’étaient pas dues à une hémorragie per opératoire. Le XIXème siècle connaît une véritable révolution dans l’art chirurgical. A partir de 1880, à la suite des progrès de l’antisepsie et surtout de la mise en œuvre de la suture utérine, la césarienne trouva sa place dans l’arsenal thérapeutique obstétrical. En 1876, à Pavie, le docteur Porro fait une césarienne suivie d’une hystérectomie et, malgré des suites difficiles, la malade survécut.
En 1884, Bar pratique à Tenon la première césarienne française avec mère et enfant vivants. Et en deux décennies, les obstacles à la chirurgie abdominale sont vaincus : l’infection par Semmelweis et Lister, et la douleur grâce à la découverte de l’anesthésie. Dès lors, de nouvelles audaces sont possibles. Ouvrir un ventre commence à devenir courant, et la césarienne fait donc partie de ces interventions.
Le docteur Lawson Tait de Birmingham opéra quarante grossesses tubaires et n’a eu à déplorer qu’un décès. Mais jusqu’à l’apparition de la césarienne sous péritonéale, l’intervention n’était réservée qu’aux dystocies osseuses reconnues avant tout travail. La césarienne fait en cours de travail ou bien après une rupture prolongée des membranes était grevée d’une assez lourde mortalité. L’antisepsie puis l’asepsie et l’anesthésie ont étendue considérablement les indications de la césarienne. Le premier progrès fut accompli en 1904 Franck, Selheim, Doderlein qui, reprenant une conception ancienne, ont préconisé une césarienne basse, supra symphysaire extra péritonéale, pratiquée sur le segment inférieur. La technique n’a guère changé depuis, sinon que l’on pratique plus volontiers l’incision transversale que verticale. Et du fait du siège sous péritonéale de l’incision utérine, la césarienne basse expose moins à l’infection et aux ruptures secondaires. Par ailleurs elle permet l’épreuve du travail, au bout de laquelle on peut intervenir plus tardivement et avec plus de sécurité. Cependant dans le cas ou la péritonite menaçait, on était amené à compléter par une hystérectomie ou par l’extériorisation de l’utérus (opération de Portés) que l’on réintégrait quinze ou vingt jours plus tard.
Aujourd’hui on peut dire qu’il n’existe pratiquement plus de problèmes infectieux. L’antibiothérapie à fait disparaître l’infection post césarienne, de même que l’infection puerpérale. Et en ce sens le XXéme siècle a transformé le visage de l’obstétrique en faisant de la césarienne une intervention bénigne pour la mère, tout en permettant d’éviter les lourdes conséquences s’une souffrance fœtale prolongée à l’enfant. La césarienne est devenue la plus banale des interventions obstétricales, et plusieurs conquêtes de la médecine sont à l’origine de cette transformation du pronostic de la césarienne. Nous avons vu que les antibiotiques aidèrent à juguler ce qui restait comme risque infectieux post opératoire. Les techniques actuelles d’anesthésie et de réanimation rendent mineur le risque opératoire de la mère et le retentissement sur l’organisme de l’enfant. Et c’est surtout la mise au point de la césarienne par Schickele, dont la technique fut généralisée en France par Brindeau en 1924, qui a permis d’intervenir avec une sécurité satisfaisante au cours du travail. Ses indications se sont étendues considérablement aux dépendent des méthodes obstétricales pures, jugées souvent dangereuses pour l’enfant. Il est vrai que la simplicité de cette intervention fait que l’obstétrique moderne trouve en elle une solution parfois abusive de tous les problèmes obstétricaux et ainsi crée beaucoup d’utérus cicatriciels, ce qui compromet pour certains l’avenir obstétrical des césarisées. L’art obstétrical n’est plus maitrisé, les jeunes obstétriciens ont perdu le goût de l’obstétrique instrumentale. Ils cultivent tous le désir formel de moins utiliser «les mains de fer» car moins bien initiés. D’où une extension des indications de la césarienne. On ne peut leur jeter la pierre. Car moins bien formés à la maitrise de cet instrument que leurs aînés et totalisant un nombre élevé d’accouchements pendant leur garde la césarienne représente LA SOLUTION. Le monde d’aujourd’hui va trop vite, les gens sont pressés, l’accoucheur et son équipe n’échappe pas à la règle, car pour faire le jeu de l’obstétrique il faut de la patience, de la vigilance et surtout, beaucoup de moyens de surveillance pour le bon déroulement de l’accouchement.
Tout ce voyage dans le temps pour retracer l’Histoire de la césarienne nous éclaire sur toutes les difficultés qu’ont connues nos prédécesseurs à propos d’une intervention qui nous paraît à l’heure actuelle toute à fait banale. D’un point de vue pratique, elle est indiquée chaque fois que l’accouchement par les voies naturelles se révèle mécaniquement impossible et chaque fois qu’un accouchement mécaniquement possible comporte des risques graves pour la mère ou pour l’enfant. Donc ménager au mieux les intérêts de la mère et de l’enfant conduit à faire plus de césariennes. De ce fait la fréquence n’a cessé d’augmenter atteignant des taux élevés semblant se stabiliser dans certaines maternités. Le souci majeur de supprimer le traumatisme fœtal en faisant une césarienne représente un progrès important en obstétrique. Certes elle engage le pronostic obstétrical de la jeune femme pouvant participer d’une certaine façon à l’espacement des naissances limitant ainsi le nombre d’enfants, facteur non négligeable dans certain pays. Ne pas abuser d’une telle intervention devenue banale par sa simplicité sa facilité et sa rapidité d’exécution serait sage. Eviter à tout prix les césariennes de convenance en faisant passer l’intérêt de la mère et de l’enfant en ayant toujours en mémoire le serment D’Hippocrate. Toute fois on regrettera moins une indication peut-être abusive, qu’une séquelle psychomotrice d’une voie basse à tout prix, faisant naître un Handicapé, lourde charge pour les parents et pour la société.