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La médecine et la
relation de soin vues en dehors des acteurs directs de l'institution médicale,
codifiée, rationalisée, obéissant aux seuls protocoles, offrent des pistes de
recherche périphériques certes, mais essentielles, voire des chemins plus
accessibles vers un débat global qui peut remettre en cause l'acquis de la
pratique soignante. Une débat tout simplement humanisant.
L'ouvrage, paru en octobre 2010 dans la collection Etudes des Presses universitaires de Perpignan, titré «Le soin, la Sociomorphose», sous la direction de Jean-Louis Olive et Mohamed Mebtoul, se veut l'aboutissement d'un échange de réflexions complémentaires entre deux espaces de recherche, le premier en France et le second en Algérie. Cet ouvrage, publiant des actes de leur rencontre des 27 et 28 janvier dernier, offre un ensemble de textes cohérents et basés sur une recherche qui propose un regard différent sur l'attente du patient, sur sa relation à la maladie, ainsi que sur les institutions en charge d'amoindrir ses douleurs. L'équipe du Vect Mare Nostrum EA 2983 SALAM (Sociologie et Anthropologie des Altérités et des Mobilités) de l'Université de Perpignan et celle du GRAS (Groupe de Recherche en Anthropologie de la Santé) de l'Université d'Es-Sénia, se sont mises en réseau Averroès pour «développer un axe de réflexion et d'échanges interculturels afin de valoriser les travaux des différents chercheurs, notamment au travers de doctorats en cotutelle». Une réelle coopération qui permet l'enrichissement mutuel des connaissances en matière de santé. Il s'agissait juste de forcer les lourdes portes de la médecine pour pouvoir déconstruire l'acte médical et ce qu'il suppose comme complexités. La suite apparaît dans cet ouvrage désormais de référence, pour dire comment les réformes ont mené vers la libéralisation du secteur de la santé en Algérie et les effets de cette libéralisation aussi bien sur la prise en charge du malade que sur celle des effets de la mutation du médecin de santé public vers le privé. Le Pr Mebtoul conclut sa réflexion sur «la privatisation des soins» en annonçant que «Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût social et financier pour une majorité de la population confrontée à un marché hybride des soins qui ne fait qu'accentuer le mouvement d'exclusion des patients anonymes et de conditions sociales modestes». Constat du reste qui peut s'adapter à l'ensemble des secteurs sociaux depuis cette libéralisation sauvage où l'argent apparaît comme la seule motivation. Interrogeant l'«épistémologie de la relation» de soin, le Pr Olive déroule pour sa part «les voies infinies de la connaissance de l'interconnaissance et de la reconnaissance». Livrant ses conclusions sur l'étude de quelques trajectoires dans la profession de médecin, le sociologue Mohamed Merzoug s'interroge pour savoir si «la forte pression des femmes dans la médecine signifie un changement de la condition féminine» ou si elle obéit à une demande émergeant à partir de l'évolution sociale depuis les années 90 et l'apparition des formes faussement puritaines, qui exigent qu'une femme ne peut être consultée que par une autre femme. Ce que Frédérika Navarro appelle «le soin en pleine mutation des genres», pour conclure que «celui qui prodigue un bon soin n'est ni un homme ni une femme, mais une personne qui aime son travail.» En complément indispensable du fonctionnement de l'institution médicale, les catégories de personnels qui soutiennent le processus de guérison sont dans cet ouvrage représentées par les métiers de l'infirmerie. Reprenant l'historique de la profession et son évolution, Jean-Luc Chapey livre quelques dates repères, passant du «bénévolat mystique» jusqu'à l'institutionnalisation de la profession. Dans le même sujet, Imène Kheira Lagraa fait part d'une enquête significative sur le malaise des infirmières du service des urgences médicales d'Oran. Dans le chapitre consacré aux «Politiques de santé et problématiques d'accès aux soins au Sénégal», Ousmane Ndiaye s'interroge sur les différentes inégalités et recommande une réflexion profonde sur des systèmes qui tombent facilement dans la perversion, tant les facteurs socioculturels ne sont pas pris en considération. Une autre approche de ces inégalités fait l'objet de l'article de Georges Lahoré concernant la pratique de l'automédication en Afrique. Amel Ntsiba revient à ce propos sur la «transmission comme soin dans l'initiation» en s'appuyant sur le cas des Téké du Congo. D'autres contributions, tout aussi importantes pour comprendre le fonctionnement des mécanismes de soins, renforcent l'idée selon laquelle la santé n'est pas le seul fait des médecins et de la médecine. Elle est placée au centre de la société et met en mouvement un ensemble d'acteurs et de pratiques qui ne peuvent être vus sous le seul angle de la discipline médicale. Au-delà des réflexions d'un groupe d'anthropologie sociale, toutes les questions débattues dans cet ouvrage concernent aussi bien les médecins que les politiques, qui y trouveront un regard différent de celui que livre la seule technologie de la médecine. Les références bibliographiques citées par les différents intervenants offrent de quoi constituer une bibliothèque spécialisée particulièrement au moment où l'argent ne manque pas. |