
En 2010,
lors d'une visite officielle à Rome, en Italie, El-Gueddafi
demande à son hôte Berlusconi d'octroyer à la Libye cinq milliards de dollars
d'aide et d'indemnités, «sinon, les Noirs vont vous envahir», lui avait-il
prédit, menaçant. Entre-temps, le Premier ministre italien n'a rien foutu et
les embarcations de fortune ont submergé Lampedusa, poussant le maire de cette
ville côtière à lancer, à plusieurs reprises, mais en vain, des signaux
d'alarme à l'Union européenne. Une année plus tard, c'était le Printemps arabe
et le despote libyen est emporté par la déferlante. Puis, c'est le chaos total
dans toute la région avec la montée de l'islamisme politique et les troupes
d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Il semble que les Européens veulent
stopper les harraga, mais sans rien faire en
contrepartie. S'ils font souvent pression sur les dictateurs de l'autre rive de
la Méditerranée pour dresser un barrage au phénomène de l'immigration
clandestine, ils n'accordent toutefois aucun intérêt au développement local du
continent africain. La situation empire d'année en année, avec la prolifération
des foyers de tension régionaux, notamment dans les pays du Sahel comme le
Mali. La récente tuerie des migrants dans l'enclave Melilla n'est que
l'expression de la déstabilisation régionale de cette dernière décennie, avec
un manque flagrant d'horizon et de visibilité des politiques des deux rives de
la Méditerranée pour l'avenir. Le plan de la normalisation autoritaire sur
lequel ont misé les pays européens n'a pas porté ses fruits, alors que l'ère
démocratique n'a pas encore vu le jour. Dans ce clair-obscur, la vision devient
floue et la Méditerranée se transforme en cimetière pour des milliers de
clandestins.
Où est la
solution alors que les enjeux politiques et géostratégiques l'emportent sur la
dimension humaine ? C'est là toute la problématique et elle n'est pas des
moindres. La démocratie est sans doute la meilleure alternative pour endiguer
un phénomène migratoire, devenu encombrant et gênant, et seule cette
alternative est à même de créer le progrès et stimuler le développement au
niveau local, c'est-à-dire dans les pays africains, premiers pourvoyeurs de
migrants en destination de l'Europe. Fermer les yeux sur ce constat ne fera
qu'aggraver la situation, déjà combien dramatique à bien des égards.