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En matière
d'urbanisme tout est à revoir (propos tenus aux assises de l'urbanisme de
2006). Nous en sommes arrivés à un niveau où la vie urbaine dans ce que nous
appelons faussement villes est devenue impossible. La mainmise des promoteurs,
vrais et faux, a disloqué complètement l'image de nos urbanismes.
A Oran, es chantiers de démolition/construction sont pratiquement incontrôlables, ils défient toute possibilité de protéger des ensembles urbains comme du type coopératives immobilières de l'intrusion des immeubles de grande hauteur qui ignorent les principes de base de la vie de quartier (plusieurs habitants de différents quartiers nous ont crié leur ras-le-bol des immeubles qui agressent leur qualité de vie perdue et les oblige à envisager d'aller s'installer ailleurs. Sauf que comme ils le disent : partout c'est la même catastrophe urbaine). Il n'y a plus de quartier qui ne soit défiguré, rendu invivable pour ses habitants. Les règles minimales du projet urbain ne sont pas respectées. Cette situation laquelle dans de très nombreux cas atteint son paroxysme fait poser sérieusement la question du rôle des autorités dans la régulation de la production urbaine. En plus de l'inexistence de concours d'urbanisme et des concours d'idées d'organisation du milieu urbain, celui-ci demeure soumis à des travaux publics décidés dans l'opacité la plus totale. «Ils reflètent un semblant d'aménagement parfois attribué à des entreprises étrangères qui n'apportent aucune plus-value à la vie urbaine», nous affirmait un professionnel de l'urbanisme préférant garder l'anonymat. Rompre avec l'urbanisme de la déchéance urbaine Ce que chacun d'entre nous devrait garder en esprit c'est que l'urbanisme est l'expression des niveaux de civilisation de n'importe quelle population/nation; niveaux local et régional (en plus du national), et que l'urbanisme des métropoles rayonnent sur les régions qu'elles influencent (Jacques Berque a très bien disserté sur ce sujet pour ce qui concerne le Maghreb), une tendance qui n'existe plus actuellement. Un des signes forts de l'»échec historique de l'urbanisme algérien» (titre de mon article publié dans la célèbre revue Urbanisme n°377 de 2011) c'est justement cette combinaison devenue impossible des échelles du local, du régional et du national, à cause des choix obligés des dirigeants algériens (feu Abed Bendjelid, géographe, a dénoncé cette dérive dès la fin des années 1970). La volonté nationale a œuvré, peut-être par manque d'intelligence politique, à démolir/détériorer le géni locus (propos évoqué dans l'ouvrage collectif Aménageurs et aménagés en Algérie, publié en 2004 et qui reste d'actualité). La politique urbaine en s'appuyant sur des bureaux d'études publics ayant fait de manière criminelle preuve d'insensibilité totale aux héritages des populations locales (je pense aux cas des ksour que j'ai visités), a provoqué la production en masse d'une «insignifiance urbaine et architecturale significative» (ici, je fais mien un propos de Wright qu'il applique sur New York, selon lui, à cause de son insignifiance significative architecturale) à l'échelle de tout le pays. En fait, l'urbanisme est dans tous les cas d'essence politique conjuguée à la force économique, l'urbanisme ne peut pas ne pas poser des enjeux de pouvoir à disputer légaux et informels, mais aussi il renvoie incontestablement la culture des dirigeants qui ont la main sur la qualité de la production urbaine nationale. Prétendre le contraire est une hérésie de plus. De nombreux dirigeants étaient convaincus et peut-être le sont encore des modèles dominants et d'ensembles de logements. La centralisation des planifications a empêché la démocratie sous toutes ses formes, elle agit toujours de façon naturelle contre la liberté humaine (dixit Franck Lloyd Wright, architecte et urbaniste). En ce sens, il n'est pas possible d'espérer une production réussie d'urbanisme sans une décentralisation qui démocratise aussi bien l'accès aux droits publics collectifs qu'individuels. La démocratie signifie aujourd'hui de concilier les choix de gouvernance urbaine avec les libertés permises (pas toujours légalement) par les moyens de communication. C'est en ce sens que j'ai dit à mon défunt ami Abdallah Messahel, géographe sociologue et urbaniste, que le problème de l'Algérie n'est pas l'âge de ses dirigeants, mais le vieux fonctionnement de ses structures. L'Algérie, je lui disais, est restée stagnée en matière de gouvernance sur le modus operandi des années 1970 qui est obsédé des modes d'enrégimentement au lieu de faire le choix des modes de libération. D'où la nécessité plus que nécessaire de démocratiser l'urbanisme en rompant avec les vieilles méthodes de sa production, en ouvrant la voie à des concours d'idées pour en faire des projets d'urbanisme prometteurs et ancrés dans les espaces auxquels ils sont destinés. À titre d'illustration, il s'agit de cesser avec la laideur des programmes AADL repris dans tous le pays et reprendre la main sur le contrôle des milieux urbains en vue de les protéger de la dictature des intérêts individuels. Il s'agit de rompre avec les projets adaptés et faire de chaque projet à réaliser une occasion de créativité. Une ville vaut par la qualité de ses espaces publics et la cohérence de ses architectures. Envisager la ville en Algérie de demain Nous ne pouvons envisager la ville en Algérie de demain qu'en pratiquant la révolution contre les méthodes de l'urbanisme actuelles qui sont passées malheureusement pour beaucoup pour des méthodes scientifiques (la loi relative à l'aménagement et à l'urbanisme est dépassée ! On ne réforme pas l'échec !). Il doit être question de renouer avec la vie de quartier en y faisant la promotion des qualités d'espace aussi bien intérieurs qu'extérieurs et en assurant une protection optimale des surfaces aménagées. On ne devrait plus avoir des espaces abandonnés en milieu urbain et enlaidis par des équipements publics hideux qui ne passent pas par de véritables concours d'architecture et démocratiques, comme c'est le cas dans de nombreuses communes d'Oran, parfois à même pas quelques minutes de marche des sièges des APC. Tout ensemble urbain devrait faire l'objet d'une étude d'un véritable projet urbain à ne pas confondre avec le projet d'architecture. Abdallah Messahel me disait qu'il faut même créer un permis de projet urbain qui prend en compte le nombre des habitants, celui des visiteurs, les VRD, les voies destinées aux piétons, les alignements d'arbres avec le choix affiné des espèces, le ménagement de l'environnement naturel, assurer les vues paysagères, le calcul des flux mécaniques, jusqu'aux dessins soigneux des entrées des édifices et jardins de quartiers ou de rues, la concordance des étages en faisant appel à des architectes voyers, etc. C'est dire qu'il faut sortir de la logique de la planification nationale et qu'il faut zoomer les projets d'urbanisme locaux en les soumettant parfois à des logiques de développement régionales (toujours tenter de combiner !). Cet urbanisme encore une fois ne peut réussir qu'en démocratisant les choix établis comme d'offrir des vues aux citoyens (il faut faire supprimer les clôtures en dur qui dépasse par exemple le un mètre de hauteur et les barbelés qui affectent les paysages urbains et ruraux (le cas de l'USTO est révoltant). Le muret comme le mètre carré devraient être des exercices d'urbanisme. En urbanisme il ne faut rien négliger. Les pratiques issues des nécessités militaires des années de braise et qui sont passées aux particuliers doivent disparaître et même sanctionnées sévèrement. On devrait aussi comprendre que ce n'est pas la loi qui fait la ville même si elle y contribue grandement, mais la créativité des concepteurs qui doivent prendre en compte les réalités coutumières dans la pratique de l'espace urbain, et faire l'effort d'en faire des situations innovées en ne tombant surtout pas dans les archaïsmes communautaristes. L'esprit de la République doit toujours primer. On comprendra que dans cet article destiné au grand public je ne fais qu'énoncer quelques pistes pour aller vers des méthodes d'urbanisme à la mesure de l'Algérie nouvelle que tout le monde souhaite encore. Car l'espérance est toujours de mise et le demeurera. *Architecte-urbaniste-enseignant |