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LONDRES - Il
n'est pas fréquent qu'un arrêt de la cour d'appel de la Nouvelle-Orléans
suscite l'indignation dans les pages du Financial Times. C'est pourtant ce qui
s'est passé au début du mois de juin. Selon Gillian Tett,
dont le livre Fool's Gold est l'une des analyses les
plus perspicaces de la crise financière mondiale, un jugement en faveur de la
National Association of Private Fund
Managers et de ses codemandeurs contre le principal gendarme financier
américain, la Securities and Exchange Commission (SEC), «a suscité la
jubilation de nombreux financiers et la consternation des groupes de protection
des consommateurs et des progressistes».
Les sympathies de Tett vont clairement à ces derniers. Le fond de l'affaire est simple. L'année dernière, la SEC a tenté d'utiliser une loi de 1940 sur les conseillers en investissement pour obliger les fonds de capital-investissement et d'autres fonds à mettre en œuvre des mesures fortes en matière de divulgation d'informations et de reporting, notamment en fournissant des rapports trimestriels détaillés sur les performances et les dépenses. Les règles proposées auraient limité la capacité de ces fonds, y compris les hedge funds, à offrir des conditions différentes à différents investisseurs. Le secteur a contesté la réglementation de la SEC et la cour d'appel a conclu que la commission était allée trop loin. La loi sur les conseillers en investissement (Investment Advisers Act), qui vise principalement à protéger les investisseurs particuliers, ne pouvait pas être utilisée de cette manière. La SEC doit maintenant concevoir un nouveau projet de règlementation. Mais compte tenu de l'imminence de l'élection présidentielle et de la probabilité d'un changement de direction à la commission, on peut supposer que ses efforts pour exposer les fonds privés à un examen plus approfondi resteront dans les limbes. La question est donc de savoir si cela a de l'importance. Depuis un certain temps, les régulateurs aux États-Unis et ailleurs, y compris au sein du Conseil de stabilité financière (FSB) britannique, s'intéressent de plus en plus au crédit privé. Bien que les données soient inévitablement obscures, en raison de règles de divulgation disparates, le marché est estimé à environ 1 600 milliards de dollars, dont les deux tiers sont aux États-Unis et la majeure partie du reste en Europe. La Banque d'Angleterre (BOE) estime que la quasi-totalité de l'augmentation nette de 425 milliards de livres (541 milliards de dollars) des prêts aux entreprises britanniques au cours des 15 dernières années provient de sources de crédit privées. Au cours de cette période, les prêts bancaires aux entreprises n'ont pratiquement pas augmenté. Le capital-investissement s'est également développé très rapidement aux États-Unis, soutenant aujourd'hui quelque 32 000 entreprises américaines qui emploient plus de 12 millions de personnes. Le secteur s'est développé en grande partie parce que ses investissements ont généré des rendements bien supérieurs à ceux des marchés publics d'actions : 15 % par an au cours des deux dernières décennies. Mais l'augmentation des exigences en matière de fonds propres pour les banques a également joué un rôle. Il est compréhensible que les régulateurs et les banquiers centraux se posent, au nom de l'intérêt général, des questions sur les risques de stabilité financière associés à cette croissance remarquable. En revanche, comme les principaux investisseurs sont des particuliers fortunés ou de grands fonds, la dimension de protection des consommateurs est moins prégnante. Elle n'offre pas de motifs particulièrement solides d'action réglementaire, comme vient de le découvrir la SEC. Pour en revenir aux risques systémiques, les banquiers centraux ont des points de vue sensiblement divergents. La Réserve fédérale américaine a conclu l'année dernière que « les risques pour la stabilité financière liés aux fonds de dette privée semblent limités ». Bien que ces fonds aient connu une croissance rapide, ils utilisent généralement peu de levier, et les risques de rachat par les investisseurs semblent faibles. En revanche, la Banque d'Angleterre (BOE) relève des signes inquiétants selon lesquels « les liens importants entre les marchés du crédit privé, les prêts à effet de levier et les activités de capital-investissement les rendent vulnérables à des tensions corrélées ». Les investisseurs, incapables de liquider les actifs de crédit privé, pourraient vendre d'autres actifs pour réduire leur exposition, transmettant ainsi les risques à d'autres parties du secteur financier. La Banque d'Angleterre se souvient bien de la crise des fonds de pension britanniques en 2022, lorsque les fonds se sont rapidement délestés de leurs actifs pendant le gouvernement, malheureux et éphémère, de Liz Truss. La Banque centrale européenne (BCE) est encore plus inquiète. Elle souligne également l'interaction entre les fonds privés et d'autres parties du système financier, ainsi que le risque d'abaissement des normes de souscription et de crédit. Elle note que les fonds de crédit privés « ont commencé à regrouper leurs dettes dans des véhicules d'obligations de prêt garantis (CLO), qui sont vendus aux investisseurs par tranches ». Mais elle reconnaît également quelques avantages compensatoires. Des sources de financement plus diversifiées réduisent la dépendance à l'égard du crédit fourni par le système bancaire. L'Union européenne est depuis longtemps trop dépendante des banques, et la BCE cherche depuis longtemps à stimuler les sources de financement alternatives fournies par les marchés de capitaux. Elle estime donc que les risques pour la stabilité financière « semblent contenus dans la zone euro ». Néanmoins, la Banque d'Angleterre et la BCE soulignent toutes deux le problème de la rareté des données, qui rend le suivi difficile. Avant le jugement du tribunal de la Nouvelle-Orléans, la Banque d'Angleterre avait explicitement indiqué qu'elle attendait avec impatience l'amélioration de la transparence que la règle proposée par la SEC aurait apportée. En outrepassant son autorité légale et en proposant une approche musclée, la SEC a malheureusement fait reculer la cause d'une plus grande transparence. Étant donné que les banques centrales s'intéressent légitimement à l'ampleur de l'offre de crédit privé - pour des raisons de stabilité financière et de politique monétaire -, elles devront trouver un autre angle d'approche, peut-être en examinant les interactions des banques et des courtiers avec les marchés privés. Les investisseurs et les prêteurs ont également intérêt à en savoir plus sur ces énormes marchés. Le FSB devrait relever le défi, maintenant que la SEC a échoué. *Ancien gouverneur adjoint de la Banque d'Angleterre est président du groupe NatWest. |