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La multiplication
croissante des constructions immobilières par le biais de promoteurs
immobiliers en Algérie est un phénomène en plein essor en raison des problèmes de
logement, mais cela suscite des inquiétudes dans le pays.
Cette expansion rapide altère le paysage et risque de créer une situation où résoudre un problème en engendre un autre, encore plus difficile à résoudre. Les promoteurs immobiliers sont normalement de véritables architectes et la locomotive de la croissance urbaine, incarnent une forme moderne de privatisation du développement immobilier. En exploitant efficacement les opportunités du marché, ces acteurs économiques clés sont au cœur de l'évolution de nos villes et de nos quartiers et le pays en général. Leur mission ne se limite pas à repérer une niche intéressante sur le marché. Ils élaborent les plans du projet, supervisent sa mise en œuvre, mobilisent les ressources financières requises - qu'il s'agisse d'investissements extérieurs ou de fonds personnels - et, une fois le bâtiment achevé, ils sont chargés de sa commercialisation. En bref, les promoteurs immobiliers sont les maestros de l'immobilier, orchestrant chaque étape du processus de construction, de la première ébauche sur le papier à la vente finale. Leur expertise et leur action sont cruciales pour la progression structurée et l'épanouissement des infrastructures d'un pays. Au cours des dernières années en Algérie, un phénomène préoccupant a pris de l'ampleur : une augmentation considérable du nombre de «promoteurs immobiliers» et des constructions immobilières dans les grandes villes et les zones touristiques. On observe une prolifération de ces acteurs économiques dans diverses régions du pays. Des milliers d'immeubles, parfois atteignant cinq à six étages, voire beaucoup plus, surgissent au cœur des villes algériennes. L'augmentation significative, voire excessive, de ces constructions témoigne d'une activité immobilière préoccupante, car les principaux intérêts des promoteurs semblent être exclusivement d'ordre financier, sans considération pour les autres aspects. Cette approche centrée uniquement sur les profits financiers néglige d'autres aspects essentiels du développement urbain et du bien-être de la population. Le principal problème lié à ces constructions réside dans l'absence totale de planification préalable, négligeant ainsi l'intégration essentielle des routes, des écoles, des stades, des administrations et des espaces verts avec ces nouvelles infrastructures. Cette négligence compromet sérieusement les éléments indispensables à la vie quotidienne des citoyens. Cette situation préoccupante se retrouve également dans des villes côtières, normalement touristiques, telles que Jijel, Alger, Béjaia, Boumerdès, Annaba et Oran, où de nombreux chantiers urbains sont en cours. Information générale Il est remarquable de constater que la population algérienne est répartie de manière inégale sur l'ensemble du pays. Environ deux tiers de la population se concentrent le long du littoral, qui ne représente que 4% du territoire, tandis que seulement 8% de la population est dispersée à travers le Sahara, couvrant 87% du territoire national. Cette répartition très déséquilibrée met en évidence une densité de population élevée dans de nombreuses villes côtières, mais soulève également des préoccupations significatives à tous les niveaux dans les régions surpeuplées. Enquête empirique Dans le but d'analyser ce phénomène et d'éclairer cette problématique, nous avons mené quelques entretiens sur le terrain dans les secteurs de la ville de Bordj El Bahri, également connue sous le nom de Cap Matifou, ainsi que dans les localités côtières d'El Marsa, situées à environ vingt kilomètres à l'est d'Alger. Notre approche consistait en une exploration sur place, où nous avons dialogué avec quelques résidents, commerçants, militants associatifs afin de comprendre l'ampleur de cette transformation immobilière. Il est important de noter que les deux communes ont subi une transformation radicale et dévastatrice à divers égards : une circulation extrêmement chargée, un niveau élevé de pollution, la détérioration des zones touristiques, une administration locale débordée par l'augmentation constante de la population, et une densité de population considérable par rapport à la surface disponible. Hakim, un jeune père de famille résidant depuis longtemps à Bordj El Bahri, a manifesté sa satisfaction après avoir conclu un marché avec un promoteur immobilier. Dans quelques semaines, il vendra sa maison pour faire place à un immeuble à étages. Son intention est d'obtenir en retour un appartement et un local commercial. Hakim, qui n'a pas les fonds nécessaires pour entreprendre un tel projet de construction, se tourne vers le promoteur immobilier pour échapper à la situation précaire dans laquelle sa famille et lui-même vivent. Pour lui, c'est une véritable bouée de sauvetage. Mohamed et ses frères, confrontés à une situation similaire, choisissent également cette solution. Ces transactions sont devenues de plus en plus courantes, de nombreuses familles de cette région choisissant de telles solutions. Cependant, d'autres envisagent de quitter rapidement cette zone pour de bon, troquant leurs biens contre un nouvel emplacement dans une région moins encombrée, en raison de la circulation qui s'intensifie constamment et sans limite, nous confie un autre habitant. Eclairages d'experts Les inquiétudes soulevées par différents experts, y compris Malik M., un consultant en développement immobilier résidant au Canada, sont nombreuses. Il est surpris de constater à quel point certains quartiers des grandes villes, comme Boumerdès, subissent des transformations rapides et radicales. Cependant, il est préoccupé par le non-respect des normes sismiques, en particulier dans une zone réputée sismique. Il rappelle qu'à la suite du tremblement de terre de 2003, les constructions ont été limitées à une hauteur de R+1, mais cette règle n'a pas été respectée. De plus, il souligne que les matériaux de construction utilisés actuellement dans des pays comme le Canada et les Etats-Unis sont d'une qualité supérieure pour faire face aux défis du réchauffement climatique. Il suggère que l'Algérie devrait suivre ces recommandations. En ce qui concerne L.L., architecte et originaire de cette région, elle nous a fait part de ses observations concernant cette transformation urbaine en informant que les directives relatives à l'orientation des quartiers et des futurs équipements sont peu claires dans cette zone «touristique». Elle a également souligné l'absence d'une stratégie d'ensemble et le manque de coordination globale à l'échelle du noyau urbain. De plus, elle a remarqué un déficit important de contrôle des façades, les services chargés d'élaborer les règlements de façade par quartier étant surchargés, et il n'y a pas non plus de traitement adéquat pour la gestion du stationnement, entre autres. Enfin, elle a noté que les contrôles des travaux avant ou après leur réalisation sont rares. Selon elle, les promoteurs devraient plutôt se conformer aux règles locales au lieu de faire primer l'inverse. Par ailleurs, tous les experts reconnaissent le lien entre l'aménagement urbain et les problèmes de délinquance, de drogue et de criminalité organisée, comme l'ont démontré de nombreuses recherches approfondies et expertises dans le domaine des sciences sociales. Une densification urbaine excessive a prouvé ses effets néfastes sur les citoyens de nombreuses villes, comme en Belgique et en France, en exposant les graves problèmes rencontrés dans les banlieues. Ces modèles de construction, largement expérimentés et observés dans de nombreux pays, ont entraîné des conséquences socialement dévastatrices. Le modèle espagnol La préservation du paysage naturel et architectural des côtes espagnoles attire chaque année un grand nombre important de touristes. La ville côtière d'Escla est un exemple où les autorités locales ont pris des mesures pour conserver l'aspect naturel du paysage et maintenir l'identité architecturale locale. Le fait de limiter la hauteur des constructions à R +1 (c'est-à-dire jusqu'à deux étages) contribue à préserver la vue sur les environs et à éviter la présence de bâtiments massifs qui pourraient nuire à l'harmonie du paysage côtier. L'obligation de peindre les maisons en blanc pour unifier l'aspect extérieur esthétique est une mesure courante dans certaines régions d'Espagne. Cette approche donne une impression d'ensemble cohérente et préserve le style traditionnel de l'architecture locale, ce qui peut contribuer à renforcer l'identité culturelle de la région. Escla et d'autres villes côtières ont pu préserver leur attrait touristique tout en minimisant l'impact sur l'environnement. Selon l'article de Malika Kacemi, cheffe de projet auprès du directeur à l'Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire en France, intitulé «Protection du littoral en Algérie entre gestion et législation : Le cas du pôle industriel d'Arzew (Oran, Algérie)», l'auteure met en évidence les mesures réglementaires mises en place par l'Espagne, notamment la «ley de costas» adoptée en 1988. Cette loi définit plusieurs zones protégées le long de la côte. D'une part, elle garantit un espace de 6 mètres le long du littoral destiné au passage du public. D'autre part, elle assure une zone de protection allant de 100 à 200 mètres (si les communes et les communautés autonomes y consentent) sur laquelle aucune construction n'est permise. En outre, la loi prévoit un accès piéton à la mer tous les 200 mètres et un accès automobile tous les 500 mètres. En conclusion, la dynamique observée dans le secteur immobilier en Algérie pourrait être bénéfique, mais à condition qu'elle soit rigoureusement supervisée par les autorités publiques. Il est primordial que ces autorités restent vigilantes pour garantir que cette croissance rapide ne compromette ni la qualité des constructions ni le respect des normes d'urbanisme et environnementales. La prolifération de constructions non réglementées dans de nombreux quartiers menace l'avenir de nombreuses générations et altère le paysage naturel de tout le pays. Il est essentiel de sonner l'alarme et de rassembler tous les acteurs publics, y compris la société civile, les autorités locales et administratives afin de comprendre les problèmes et les limites du système administratif local et le manque de mise en application rigoureuse. Il est crucial de mobiliser tous les moyens nécessaires pour protéger ces régions des dangers liés à la progression de ces constructions non contrôlées. Nous avons conclu ces observations qualitatives avec une détresse aiguë et une peine immense au vu de l'état des quartiers dans cette région dans l'espoir que ce compte rendu soit pris en compte par les autorités compétentes, par le président de la République, par le Premier ministre, par le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, par le ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, par le wali d'Alger, afin de mettre fin à ces dérives dangereuses que les résidents de cette région subissent depuis trop longtemps. *Ecoles des hautes études des sciences sociales de Paris - EHESS |