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Continuons notre découverte
du ciel, pas à pas. Regardons-le le soir et pensons à ce qu'ont bien pu
s'imaginer, avec crainte tout autant que curiosité, les peuples anciens.
Alimentons notre réflexion par le fait qu'à l'époque aucune connaissance
actuelle n'était disponible à la compréhension. Cette mise en « reset » de
notre esprit est essentielle à notre propre démarche de lecture du ciel et de
l'évolution de sa connaissance.
Que les jeunes s'allongent un beau soir d'été sur la plage, loin des lumières de la ville qui sont les ennemies de l'observation du ciel. Qu'ils questionnent exclusivement leurs sens par l'observation du spectacle, puisque les sens étaient les seuls outils disponibles en ces temps reculés, avant que les connaissances cosmiques se développent. Ces sens n'ont pas disparu des capacités humaines, avec eux ces jeunes observateurs pourront se projeter dans la pensée des peuples anciens. Comme précisé dans le premier article de la série, il n'est absolument pas question de développement scientifique ou de rappel érudit de l'histoire de la cosmologie. J'ai choisi certains éléments, par choix personnel pour ce que je pense être une association du plus simple et du suffisant pour s'évader en apprenant, pour certains, et en revisitant les connaissances, pour d'autres. De l'observation aux conclusions primaires Les êtres humains ne pouvaient imaginer un monde dans lequel on puisse marcher la tête en bas ou sur un mur. Ils avaient parfaitement conscience de la notion de gravité sans en connaître, ni l'existence ni l'explication. De cette connaissance « ressentie », ils ne pouvaient s'imaginer que la terre fut autrement que plate. Et c'est d'ailleurs ce que le sens de la vision leur suggérait. Si ces jeunes sur la plage regardaient leur champ de vision de la terre et faisaient abstraction de leurs connaissances, ils concluraient de la même manière. Mais qu'en est-il de ce qui se trouve au-dessus de leur tête ? La pure observation par les anciens peuples tout autant que par nos jeunes en vacances fait croire à une voûte posée sur la terre, soit une immense cloche. Cette idée de voûte allait être renforcée plus tard par l'observation des Grecs. Mais pourquoi une voûte et pas simplement un toit qui serait aussi plat que la terre puisqu'en tous lieux de leur déplacement, il était au-dessus de leur tête ? Tout simplement parce qu'ils ont observé que le bleu du ciel le jour, noir la nuit, couvrait la terre en tous sens géographique. Si cela avait été un toit non sphérique, ils auraient perçu à l'horizon un vide, sans rapport avec la couleur du ciel. Plaçons-nous dans une pièce, le toit est parfaitement identifié. Il est distinct des murs latéraux, donc parfaitement plat, comme le sol de la chambre. Enlevons ces murs et imaginons que le toit soit d'une manière abstraite en maintien en dessus du sol. On verrait alors un trou qui remplacerait ces murs. Or ce n'était pas le cas, tout était recouvert en tous lieux où ils se déplaçaient, la forme sphérique de la voûte céleste s'imposait comme déduction. Que pourraient déduire de plus, ces jeunes, allongés sur le sable, pourtant à une époque plus avancée scientifiquement et technologiquement, s'ils faisaient uniquement appel au sens de la vue pour lire le ciel ? Le regard du géocentrisme De l'observation des Grecs, comme de celles des civilisations antérieures, notamment l'Egypte et la Mésopotamie, la conclusion fut donc assez unanime. Le ciel est une sphère sertie d'étoiles (lumières) dont le mouvement circulaire a un cycle de 24 heures. Ils ont également constaté que le mouvement général des points lumineux s'accomplissait autour d'une étoile qui semblait être placée au milieu de la Terre. L'observation est confirmée par la science moderne, c'est effectivement l'étoile polaire (Polaris) que nous savons être en prolongement de l'axe de rotation de la Terre. Un mouvement général puisque les points lumineux semblaient collés à une paroi qui tournait. Mais dans une observation plus fine, les êtres humains ont remarqué que certains points se déplaçaient beaucoup plus lentement que les autres et étaient plutôt placés au niveau de l'horizon. Ils venaient de constater l'existence des planètes que les romains nommeront des noms des dieux. Le nombre de planètes observées était moindre que celui qui est répertorié officiellement par la cosmologie moderne, nous y reviendrons. Les astres du haut étaient donc les étoiles (voir le premier article). Mais encore plus étrange au regard du mouvement uniforme général, ils ont observé que certains astres faisaient des allers-retours, c'est le cas de la planète Mars. Une planète que les astronomes de l'antiquité connaîtront mieux avec le temps et que les Romains nommeront du nom du dieu de la guerre. Une autre particularité qui se distingue du mouvement uniforme général, un astre dont le mouvement est en sens inverse des autres, c'est la planète Vénus. D'autres avaient une trajectoire plus autonome et une vitesse beaucoup plus grande. Elles produisaient une trace lumineuse dans le ciel, comme la traînée de certains avions, et dont l'avant est une boule incandescente, ce sont les comètes. Ils avaient remarqué que ces objets célestes étaient éphémères dans le ciel et réapparaissaient dans des cycles temporels éloignés mais assez réguliers. Nous le verrons dans un prochain article, ces observations aux conclusions correctes sont cependant basées sur un postulat faux, soit le géocentrisme. Cela veut dire que pour ces civilisations, la terre est immobile et que ce sont les astres qui sont en mouvement au-dessus d'elle, suspendus à la paroi de la voûte. Le géocentrisme est la seule hypothèse qui est en concordance avec notre vue si on ne possède aucun instrument ni les connaissances qui se sont accumulées au cours des siècles. L'histoire de l'humanité sera bouleversée par l'affirmation de l'héliocentrisme de Nicolas Copernic et prouvé par Galilée. L'héliocentrisme (ou système copernicien, à la fin du 15ème siècle et début du 16ème) inversait l'ordre du mouvement, soit une véritable révolution dans les connaissances humaines. Selon Copernic, c'est la terre qui tourne autour du Soleil et non le contraire. Une découverte dont nous rappellerons dans cet autre article de la série, les oppositions et les luttes féroces qui s'en suivirent. Les Grecs et les sphères concentriques du ciel Il manquait au ciel des premiers Grecs de l'antiquité une dimension, celle de la profondeur, puisque les lumières sont accrochées à une même voûte selon leur observation. C'est le Grec Philolaos, au 5ème siècle avant JC, qui va le premier donner une profondeur au cosmos en affirmant qu'il y a des strates concentriques, des plus basses aux plus hautes. Pour Philolaos, le feu est au centre, ce qu'il nomme la Hestia du Tout. C'est la maison de Jupiter et l'endroit où résident un certain nombre de concepts fondamentaux comme le lien, l'autel ou la mesure de la nature. Au-dessus, il place les « chœurs dansants », soit des planètes, le Soleil, la Lune et la Terre. Mais comme il fallait un dessous à la Terre, ce sera pour Philolaos, l'anti-Terre. Et en dessous de tous, nous l'avons dit, le feu Hestia qui maintient l'ordre général. Ainsi, avec les cercles concentriques, la terre plate, flottant dans un vide n'est plus la représentation du système de Philolaos Représentation du ciel par Philolaos Cette représentation du cosmos nous paraît aujourd'hui farfelue mais elle représente le début de la démarche scientifique car les savants de l'époque ont observé, calculé et émis des hypothèses. L'humanité moderne ne fera pas plus lorsqu'elle est confrontée à l'inconnu si ce n'est qu'elle est mieux outillée. De très nombreuses cartes de prestigieux cosmologues grecs comme celle de Philolaos vont avoir une représentation par cercles concentriques avec des différenciations tout aussi surprenantes. Il est inutile de les présenter, ce qui importe est que le lecteur ait compris le principe général de la croyance des Grecs en des strates différentes dans un ciel auquel ils ont désormais attribué une profondeur. En résumé, le cosmos est un espace fini, constitué de cercles concentriques dont la terre est le centre (ou presque, dans le schéma de Philolaos). Et tout, cela est maintenu par des éléments qui constituent le ciment du Tout. Les Grecs anciens ont attribué à un élément fondamental le nom du dieu Ether dont l'une des fonctions est d'apporter l'air. D'une manière générale l'Ether le plus pur est celui du domaine des dieux, la sphère la plus haute, celle de l'Olympe. Pourquoi les Grecs ? Les Grecs n'ont pas été les premiers à étudier le ciel, c'est une évidence irréfutable. Les Egyptiens, les Mésopotamiens, les Arabes, les Chinois et les Aztèques, parmi les plus illustres, n'ont pas eu besoin de la Grèce antique pour observer et tenter de comprendre le mystérieux ciel. Alors, pourquoi nous référons-nous à la Grèce antique d'une manière instinctive et systématique ? Tout d'abord, les savants grecs ont pris une toute autre attitude et un angle de vue radicalement différent. Ils ont voulu s'émanciper des croyances et des mythes pour la compréhension du ciel. Il ne faut pas se méprendre sur le sens de l'émancipation, les Grecs anciens n'ont absolument pas écarté les mythes et les croyances projetés sur la vision du ciel. Ils ont seulement estimé qu'il fallait séparer ces mythes avec l'étude mathématique, notamment «géométrique» de ce ciel. En cela, ils nous donnent une grande leçon à méditer. La science n'est pas l'ennemi des croyances. Les religions n'ont jamais interdit à la science d'exister et les Grecs ont compris qu'il fallait s'en persuader pour se rapprocher de la connaissance des dieux. Puis, surtout, parce qu'ils ont apporté à la science une démarche complète qui englobe aussi bien, sciences que réflexion philosophique. La multidisciplinarité fut remarquable. Leur apport est une approche complète de la description des phénomènes cosmiques. Ensuite, parce que les Grecs sont à la base de la construction et de l'évolution de l'Europe, ce qu'on appellera plus tard l'Occident. C'est à partir de leurs références que les Romains, maîtres du monde méditerranéen, ont poursuivi l'étude cosmologique en y apportant beaucoup. Enfin, il n'est de la faute à personne, comme nous le reprochent certains d'y être inféodés, que les descendants de la culture grecque ancienne ont été présents au sommet de la science lors de la période de la Renaissance, celle à qui nous devons les bases de notre connaissance moderne. Mon choix s'est porté sur la civilisation qui a changé profondément le paradigme d'approche du ciel, la Grèce antique. *Enseignant |