|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'intitulé de la présente
contribution renvoie aux frontières de la «Fonction publique» considérée à la
fois sous l'angle des Ressources humaines et de l'Administration en tant que
cadre d'emploi et d'action de l'Etat proprement dit.
Dans son acception restreinte, la «Fonction publique» désigne l'ensemble des agents, sans distinction de régime juridique, qui exercent dans la position statuaire et réglementaire de fonctionnaire, ou à titre contractuel, au sein des administrations centrales de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics à caractère administratif. Dans son acception la plus large, la « Fonction publique » est assimilée à l'Administration, bras séculier de l'Etat, cadre opératoire des politiques publiques sectorielles. Le terme « Administration », dans sa définition organique et fonctionnelle, recouvre l'ensemble des services de l'Etat à l'échelon central et local chargés de la gestion des affaires publiques, selon les règles et procédures définies par le pouvoir exécutif. Située au cœur des rapports Etat - société, l'Administration doit répondre à des demandes de prestations diverses, en constante croissance, dont nombre d'entre elles revêtent un caractère technique accusé. Incarnation de l'autorité de l'Etat, l'Administration voit partout ses missions s'étendre et se diversifier en relation avec les évolutions que connaissent les sociétés modernes. On mesure dès lors l'ampleur et le degré d'importance que revêt son champ de compétences, à travers notamment l'exercice de ses missions de service public et de puissance publique, missions pérennes par excellence propres à toute organisation étatique. Fonction publique et Administration sont intimement liées à l'action de l'Etat et ses démembrements, à son organisation et ses modes d'intervention. L'une le pourvoit en ressources humaines nécessaires à l'exercice de ses missions, l'autre assure notamment l'interface avec les citoyens dans l'accomplissement des prestations de service public. Chaque pays organise sa fonction publique selon ses propres données historiques et politiques, afin de l'insérer au mieux dans son environnement social. La fonction publique algérienne, à l'instar des autres fonctions publiques de par le monde, a ses spécificités liées à une histoire particulière qui fait la singularité des principes et des valeurs qui lui conférent son identité propre. La fonction publique, émanation de l'Etat employeur, représente un ensemble d'emplois organisés autour de missions d'administration et de gestion, mais il faut y voir aussi un dispositif statutaire qui se décline en un statut général, socle commun à tous les fonctionnaires, et des statuts particuliers qui régissent les différents corps et grades. Dans nombre de pays, l'Etat est de premier employeur avec des effectifs qui représentent un taux significatif de la population active. La fonction publique en Algérie compte 2,7 millions de fonctionnaires et agents contractuels dont le nombre le plus important se situe dans le secteur de l'éducation nationale suivi par les collectivités territoriales et le secteur de la santé. L'Administration en tant que telle ne peut être appréhendée sans référence aux ressources humaines qui la composent et l'animent dans ses différents champs de compétences. Mûes par une même communauté d'objectifs, portées par le seul et unique impératif de l'intérêt général, Fonction publique et Administration sont les leviers privilégiés de l'action de l'Etat dont elles participent à son fonctionnement et à la mise en œuvre de ses décisions. L'une et l'autre réunies forment un tout indissociable. Agir sur l'une se répercute nécessairement sur l'autre et vice-versa. Une réforme de la fonction publique n'est jamais anodine au regard de ses multiples implications qui vont bien au-delà du domaine de la gestion des ressources humaines, considérées sous l'angle des qualifications et des compétences en rapport avec la nature des missions inscrites à leur actif. C'est dire que dans toute réforme de la fonction publique, l'Administration ne peut rester en marge du processus de changement. La présente contribution se veut comme une plateforme de réflexion et d'analyse en vue de définir le cadre directeur d'une réforme de la Fonction publique dans sa triple dimension humaine, statuaire et administrative. Pour commencer, il est essentiel d'en déterminer l'orientation générale et d'identifier les objectifs ainsi que les finalités. Le fond d'interrogations et de questionnements sur le niveau d'adaptation du système actuel de fonction publique aux exigences de la demande sociale ne peut faire l'impasse sur l'établissement d'un état des lieux exhaustif et d'un diagnostic objectif, à l'issue de quoi il sera possible de formuler une problématique de réforme. C'est là définie la démarche méthodologique et posée toute l'équation d'une réforme globale de la fonction publique. Les choix qu'implique une telle réforme sont indissociables d'une exploration approfondie du cadre conceptuel de la fonction publique, des différents espaces qu'elle a investis, de leurs besoins en moyen humains, de leurs perspectives d'évolution, de leur articulation fonctionnelle les uns avec les autres et avec leur environnement social. Fortement imprégné par les facteurs liés à la conception de l'Etat, à l'étendue de ses missions et au projet politique qui le façonne, le système de fonction publique propre à l'Algérie est intimement associé dans sa substance et son évolution aux étapes de la construction de l'Etat-nation et de sa consolidation. De ce point de vue, il emprunte aux principes qui régissent l'Etat et son mode de gouvernance, tout comme il est en cohérence étroite avec le modèle national d'administration. Aussi, pourrait-on dire, pas de réforme de la fonction publique sans ce prérequis essentiel qu'est le renouveau de l'administration dans ses différents volets. La pertinence, la cohérence et l'efficacité de toute entreprise de réforme s'apprécient dans sa capacité et son aptitude à générer une dynamique de changement en profondeur. L'administration publique au miroir de ses propres maux et déviances. A l'instar du processus de développement national, l'Administration a connu dans de ses missions, son organisation et son mode de fonctionnement, une évolution empreinte de continuité et de ruptures, source d'instabilité, de fragilités et de dysfonctionnements. Ayant pour finalité et vocation fondamentale de répondre dans les meilleures conditions aux besoins des administrés, elle y réussit avec plus ou moins de succès. Entre impératifs de service public et excroissances bureaucratiques, l'Administration condense et polarise les critiques d'une grande majorité de citoyens. Dans bien des cas, sa surdité et son mutisme nourrissent des sentiments d'injustice et de frustration. Contesté à juste titre par de larges franges de la population, pour son manque de transparence, son inertie et ses pesanteurs, l'appareil administratif de l'Etat montre une réelle incapacité à surmonter ses faiblesses. Solidement ancré dans les mœurs administratives, le phénomène bureaucratique, sous ses aspects multiformes, persiste encore et toujours, malgré les moyens mis en œuvre pour la promotion d'un service public efficace, décentralisé, transparent, fondé sur le principe d'équité, où se cristallisent les valeurs intrinsèques de l'administration publique. Malgré les mesures prises pour lutter contre les sphères informelles de décision, les excès et abus de toutes sortes qui en sont la résultante, exigent des agents de l'Etat d'être en capacité de répondre aux impératifs de transparence et d'impartialité dans leurs relations avec les citoyens. Les nombreuses défaillances qui entachent l'image de l'Administration et partant celle du fonctionnaire, conjuguées aux insuffisances notoires du service à l'usager, ont grandement contribué à la fragilisation du consensus social. Le constat établi autour des maux qui rongent l'administration publique met en lumière toute la difficulté de rompre le cycle cumulatif d'érosion de son autorité et de sa crédibilité, dans l'objectif de la réconcilier avec le corps social, de la conforter dans l'exercice de ses missions et responsabilités, de restaurer son image auprès des citoyens. Nécessité d'un recentrage des missions des administrations centrales de l'Etat. Les différents départements ministériels constituent au titre du pouvoir exécutif, l'armature administrative garante de la continuité de l'Etat. Ils œuvrent à la stabilité de l'administration publique quelles que soient les aléas et contingences politiques. A cet égard, il importe de souligner que les recompositions successives de la structure gouvernementale s'accompagnent presque systématiquement, si ce n'est toujours, d'une modification du cadre organisationnel de l'administration centrale des ministères. Ces changements souvent décidés sans évaluation préalable de l'organisation en place, et en l'absence de critères de rationalisation des structures, conduisent à une forme de déstabilisation de l'appareil administratif, avec les conséquences qui en découlent sur la continuité de l'action de l'Etat dans la mise en œuvre des politiques publiques et la capitalisation des expériences. Dans le prolongement de ce constat, il y a lieu de relever que si les administrations centrales de l'Etat ont vocation à exercer les missions stratégiques de conception et d'orientation, de prévision et de prospective, de régulation, de contrôle et d'évaluation, la fonction de gestion directe a pris le dessus dans la pratique, au point de devenir dans bien des cas, la fonction dominante. L'emprise des administrations centrales sur les échelons territoriaux a gravement compromis l'équilibre et l'efficacité de l'action publique locale. Bien que les objectifs d'élargissement de la déconcentration et d'approfondissement de la décentralisation représentent une constante dans les programmes gouvernementaux en vue d'une plus grande émancipation de l'administration territoriale, le constat révèle à ce point central de leur évolution, la persistance de pratiques centralisatrices, dirigistes et autoritaires, génératrices de rigidités fonctionnelles et de dilution des responsabilités. Les procès intentés à nombre de ministres, walis et autres autorités de l'ère Bouteflika, accusés d'octroi d'indûs avantages, de dilapidation du foncier agricole et du patrimoine de l'Etat, en sont un exemple éloquent. Ces affaires ont permis de relever à quel point l'essaimage des centres de décision rendait difficile la détermination des responsabilités des uns et des autres. Un processus de décentralisation-déconcentration inachevé, instrumentalisé dans ses objectifs. Dans le rapport du « Comité de la réforme des structures et des missions de l'Etat » de juillet 2001, il est nettement mis l'accent sur « la nécessité de jeter les bases d'une nouvelle approche de la décentralisation et de la déconcentration, devant assurer l'irréversibilité de son ancrage à de nouveaux fondements et de nouvelles finalités plus en rapport avec les nouvelles missions et responsabilités de l'Etat ». Il y a là exposé en quelques lignes les axes stratégiques d'une réforme de l'administration locale. Le processus de décentralisation a été détourné de sa vocation première qui consiste à organiser la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques locales. Cette dérive a développé à tous les niveaux de l'administration territoriale, une tutelle étroite, pesante et contraignante, destinée davantage à «subordonner» qu'à «contrôler». Contrariée et dévoyée dans ses objectifs, la politique de décentralisation telle qu'appliquée a lourdement impacté le développement local et réduit à sa plus simple expression la mission de proximité à la charge de l'administration communale, dont le citoyen en paie le tribut. Corollaire de la décentralisation, le processus de déconcentration limité dans son étendue et sa portée, se heurte depuis toujours aux déviances qui pervertissent le mode d'articulation des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Si la déconcentration consiste en une délégation des responsabilités de l'échelon central au profit des échelons territoriaux, le processus souffre de la réticence des administrations centrales à se délester de leur «pouvoir d'injonction et d'intervention» dont le wali est en principe le dépositaire. Par une sorte de «projection homothétique» à l'échelle locale, la déconcentration dans son expression formelle reconstitue au sein du Conseil exécutif de la wilaya, les différents départements ministériels tels que consacrés dans la composition du gouvernement. Ce modèle d'organisation des services déconcentrés de l'Etat favorise les relations verticales avec le Centre et réduit sensiblement l'autorité et le pouvoir de coordination du wali. Ces différents constats mettent en relief la profondeur des dérèglements qui inhibent le processus de décentralisation-déconcentration et leur répercussion sur la bonne gouvernance territoriale en incapacité d'assumer pleinement son rôle de moteur du développement local. Cet état des lieux serait incomplet s'il n'aborde la fonction de contrôle dévolue à l'Administration. Ce point revêt une acuité particulière. Le fonctionnement tant décrié des organes de contrôle résulte-t-il du comportement éthique des agents qui ont la charge ? Est-il le fait du laxisme de l'Administration ? Est-il lié aux conditions d'exercice de la fonction de contrôle ? Force est de constater que les organes de contrôle de l'administration publique montrent beaucoup d'insuffisances dans leur capacité à prendre en charge les missions qui leur sont assignées. En conséquence de quoi, le contrôle est inefficace dans ses résultats et dans sa finalité. Les mécanismes de contrôle souvent inopérants ou gangrenés par les pratiques néfastes de la corruption mettent l'administration sous le feu de critiques permanentes des citoyens. Ce fléau a pris des proportions alarmantes qui interpellent de manière impérieuse les pouvoirs publics. Le contrôle traditionnel axé sur le seul et unique souci de vérifier la régularité de la dépense, afin de s'assurer de la bonne utilisation des deniers publics, a atteint ses limites. Sans le remettre en cause dans son principe, les systèmes de contrôles modernes incluent la qualité de la gestion des services publics autant que l'évaluation des politiques publiques. Il n'existe actuellement aucun dispositif de contrôle, en termes d'instruments et de mécanismes destinés à mesurer, de manière périodique, l'efficacité et l'efficience des services publics ainsi que leur adaptation à la demande sociale. Dans le même ordre d'idées, l'absence de systèmes fiables de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, ne permet nullement aux services de l'Etat d'apporter des ajustements ou des correctifs au cours de leur mise en œuvre, afin qu'elles puissent atteindre leur plein effet. La conception restrictive du contrôle explique en partie les déviances et les perversions de la gestion publique. L'exercice de cette mission stratégique par excellence a souvent failli dans la sauvegarde des fonds et des biens publics, outre son désintérêt pour la qualité du service public quelle que soit la nature des prestations rendues. Ce bilan peu reluisant dicte précisément l'impérieuse nécessité d'inscrire la fonction « contrôle » dans une vision globale avec la participation active de la société civile, seule à même de renverser la situation. Le renouveau de l'Administration, passage obligé d'une réforme profonde et intégrale de la fonction publique. La convergence d'une exigence citoyenne de changement et d'une volonté politique nettement affirmée d'y répondre, constitue à n'en pas douter, une opportunité pour donner corps à une politique de renouveau de l'administration publique. L'image réelle qu'offre l'administration en général est loin de satisfaire à cette image emblématique que les plus hautes autorités politiques n'ont eu de cesse de projeter à travers moult réformes, de portée inégale, qui se sont cumulées et sédimentées au fil du temps. L'accélération de la modernisation de l'Administration, la promotion d'une nouvelle culture de service public, la moralisation de la vie publique sont la condition nécessaire pour regagner la confiance des citoyens. Le rétablissement de la crédibilité de l'Administration, sérieusement entamée aux yeux du public, passe nécessairement par une double exigence. Celle d'abord de la primauté de la loi et du principe de légalité doublé de l'obligation de transparence. Celle ensuite de l'éradication de toutes formes de passe-droits et autres déviances, souvent non sanctionnés comme le prévoit la loi, et dont l'impunité exacerbe la crise de confiance qui affecte les relations administration-administrés. Dans cette perspective, la modernisation des systèmes de gestion publique et la professionnalisation de l'Administration sont des impératifs incontournables, faute de quoi une réforme de la fonction publique serait sans portée réelle, sinon vouée à l'échec. Il est évident qu'une réforme de la fonction publique axée exclusivement sur l'amélioration des performances de ses ressources humaines ne peut se suffire à elle-même. Celle-ci doit se fondre dans le moule d'une administration rénovée dans ses structures et son organisation, transparente dans l'exercice de ses missions, efficiente dans le résultat de ses actions, impartiale dans ses décisions, au seul service des citoyens sans distinction de statut social ou autres discriminations. La généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) est une des clés de la modernisation de l'Administration et de la transformation radicale des modes de gestion des services publics, dans la mesure où elles contribuent à optimiser les compétences opérationnelles, à faciliter les relations entre administrations partenaires et à sensiblement améliorer les prestations rendues aux usagers, en termes d'accessibilité, de qualité et de rapidité. Vecteurs de proximité par excellence, outils de simplification des procédures et formalités administratives, les NTIC sont de nature à améliorer l'image de l'Administration et d'en renforcer la transparence et l'efficacité. Il est par ailleurs utile de mettre l'accent sur le développement des plateformes en ligne, interfaces privilégiés entre les usagers et l'Administration ; ainsi que sur la mise en place de guichets uniques, en tant que référents destinés à centraliser en un seul point « d'accueil », physique ou virtuel, un certain nombre de démarches à la charge de l'administré. Fer de lance de la lutte contre la bureaucratie, la formule du guichet unique consacre un véritable changement de paradigme du service public, sachant qu'il ne s'agit plus pour l'administré de subir les contraintes inhérentes au fonctionnement de l'Administration, mais c'est à cette dernière qu'il revient de s'adapter à ses besoins. La modernisation de l'administration publique doit aller de pair avec une nouvelle politique de fonction publique. Face à ces deux réalités et aux tendances lourdes qui pèsent sur l'une comme sur l'autre, l'une inséparable de l'autre ; il s'agit de s'inscrire dans une démarche cohérente et définir un schéma directeur d'ensemble qui lui donne sa forme la plus aboutie. Tel est le défi et l'enjeu d'une réforme globale de la fonction publique. On mesure dès lors l'ampleur d'une telle réforme aussi bien du point de vue de son étendue que des finalités et des objectifs qui lui sont assignés. L'unicité de la fonction publique à l'épreuve des logiques sectorielles. L'ordonnance du 15 juillet 2006 portant statut général de la fonction publique consacre le principe d'unicité de la fonction publique, au sens que ce dispositif juridique a vocation à fédérer l'ensemble des fonctionnaires, tous secteurs confondus, dans un corpus de règles communes relatives aux conditions de recrutement, au système de rémunération, aux droits et obligations, aux positions statutaires et au régime disciplinaire. Le caractère tout à la fois unitaire et fédérateur du statut général n'a pu empêcher des revendications d'ordre sectorielles à connotation corporatiste porteuses de tendances à une autonomie statutaire. Sous la pression des organisations syndicales, les pouvoirs publics ont dérogé à de multiples reprises aux règles et principes de statut général de la fonction publique, à seule fin d'apaiser le climat social. Ces pratiques transgressives ont dénaturé le dispositif de l'ordonnance du 15 juillet 2006 et fortement remis en question les finalités qui lui sont assignées. A cet égard, la grille indiciaire de classification des grades relevant des différents corps de fonctionnaires, cadre de fixation du système de rémunération, en est un exemple éloquent à plus d'un titre. Bien que la classification des grades obéit aux seuls critères de titre, diplôme ou niveau de formation, cela n'a pas toujours été le cas, suite à des surenchères fondées sur des logiques sectorielles. Dès lors, il en est résulté une déstructuration du système de rémunération des fonctionnaires et, par effet d'entraînement, la prédominance d'une démarche pragmatique en matière de classification indiciaire des grades en lieu et place des critères objectifs consacrés par le statut général de la fonction publique. Ainsi, des écarts sur le salaire de base entre fonctionnaires ayant un niveau de formation équivalent sapent le principe d'unicité de la fonction publique et ouvrent la voie à d'incessantes revendications d'ajustement de salaires. Absence d'un cadre approprié de gestion prévisionnelle des effectifs. Sauf à courir le risque de se disqualifier par défaut, l'administration publique ne saurait rester en marge des progrès accomplis en matière de modernisation des processus et méthodes de gestion des ressources humaines, tournés vers plus de rigueur, d'efficacité, de professionnalisme et, en même temps plus attentifs aux nécessités d'adaptation de l'emploi public à l'évolution des missions de l'Etat. La fonction publique ne dispose pas de toute la visibilité requise en matière de recrutement, faute de mécanismes et d'instruments appropriés lui permettant d'assurer une gestion cohérente des ressources humaines de l'administration publique, notamment à travers la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Plus concrètement, le décalage des niveaux de qualifications par rapport à la nature des missions dévolues aux différentes administrations sectorielles, dénote l'absence d'indicateurs destinés à la planification des besoins en effectifs. Dans cet ordre d'idées, l'acuité du sous-encadrement de l'administration communale, parent pauvre en matière de ressources humaines qualifiées, donne la mesure du déficit à combler dans la perspective d'une politique audacieuse de décentralisation et de promotion d'une véritable administration de proximité. Cette situation se conjugue avec les déséquilibres patents et les distorsions qui caractérisent la répartition des effectifs en fonction de la localisation géographique des collectivités territoriales. Faute d'anticipation et de réactivité, l'organe central chargé de la fonction publique se limite à une gestion de court terme qui n'intègre aucune politique de régulation et de rationalisation des effectifs, afin d'assurer la maîtrise de leur évolution ainsi que leur répartition équilibrée à l'échelle territoriale et intra-sectorielle. La démultiplication des corps de fonctionnaires, source d'atomisation des missions et responsabilités. Le statut général de la fonction publique stipule expressément que les différents corps de fonctionnaires sont régis par des statuts particuliers adoptés par décret. La création d'un corps de la fonction publique ne postule à aucune autre condition que le « regroupement d'un ensemble de fonctionnaires ayant des missions similaires appartenant à un ou plusieurs grades ». Ni la nature des tâches à exécuter, ni le degré d'implication dans une mission de puissance publique ou de service public, ni le seuil critique de l'effectif exigé, ni l'étendue des activités et leurs spécificités propres n'entrent en ligne de compte. Aussi en est-il résulté une prolifération de statuts particuliers et par voie de conséquence une atomisation des missions dévolues aux fonctionnaires appartenant aux différents corps et grades. L'architecture statuaire de la fonction publique compte en dehors du statut général, plus de 55 statuts particuliers correspondant à autant de corps de fonctionnaires organisés en plus de 900 grades. Il y a certes là un développement pléthorique de corps et de grades, au détriment du bon fonctionnement des services et d'une prise en charge efficace des missions. Bien évidemment des clivages sectoriels sont apparus, et ce faisant ont favorisé l'émergence d'intérêts étroits, source d'incessantes revendications professionnelles. Faut-il y voir une approche méthodologique biaisée dans la conception des statuts particuliers ? La question mérite d'être posée. Sans doute l'approche a-t-elle péché par une vision purement verticale et sectorielle qui a ignoré la transversalité de certaines missions à caractère intersectoriel. Une lacune de toute évidence dont le lien de cause à effet se traduit par une fonction publique éclatée, contrariée dans son principe d'unicité qui en est le fondement même. Le système de la carrière, facteur de rigidité au changement. Le système de carrière depuis toujours en vigueur dans la fonction publique algérienne présente un cadre de gestion ambivalent. D'un côté, la nécessaire stabilité de l'Etat et de ses institutions postule le renforcement de la position statuaire qui lie les fonctionnaires à l'administration qui les emploie ; de l'autre, les mutations économiques et sociales imposent une redéfinition de ce lien pour conférer à l'action de l'administration la flexibilité indispensable aux adaptations à l'environnement. Le système de la carrière est particulièrement attractif du fait des garanties qu'il assure au fonctionnaire, mais aussi à travers les perspectives d'évolution professionnelle. Dans ce modèle de fonction publique, il y a séparation du grade et de l'emploi, si bien que la suppression de l'emploi est sans effet sur le grade, un droit acquis indiscutable du fonctionnaire. Nombre de pays ont assoupli le système de la carrière, autrement dit une « fonction publique fermée », en consacrant une plus grande place au système de l'emploi qui se distingue par son modèle de « fonction publique ouverte », fondé sur une relation conventionnelle de travail plus propice à la flexibilité du recrutement et au renouvellement des compétences. Les deux systèmes en présence, système de la carrière et système de l'emploi, ont été inspirés par des conceptions différentes du rôle de l'Etat et du service public, deux notions clés qui soutendent le choix du modèle d'administration le plus approprié. Dans le système de la carrière, le service de l'Etat n'est pas une activité professionnelle comme une autre, et par conséquent l'agent qui l'exerce est soumis à un régime juridique particulier. Dans le système de l'emploi, le recrutement dans l'administration relève du droit commun défini par la législation du travail et les accords collectifs. Il s'effectue poste par poste à la discrétion de l'autorité administrative. Ce sont là les principaux éléments de comparaison. Bien qu'adopté par de nombreux pays, le système de la carrière n'est pas un dogme absolu. Il peut être combiné avec le système de l'emploi. Le statut général de la fonction publique prévoit un régime de la contractualisation applicable uniquement aux emplois de soutien logistique (entretien, services et maintenance), à savoir des emplois sous-qualifiés n'ayant aucun lien avec les activités intrinsèques de l'Administration. Compte tenu de leur profil particulier, les emplois éligibles au régime de contractualisation n'ont aucun rapport avec les activités administratives proprement dites. Leur exclusion du système de la carrière parait tout à fait logique. Encore que le régime de la contractualisation pourrait s'ouvrir à certaines catégories d'emplois à caractère purement administratif. Aussi nécessaire soit-il, le système de la carrière, de par l'étendue de son champ d'application, a atteint ses limites dans sa capacité à motiver les fonctionnaires au regard des garanties qu'il leur assure en matière de pérennité de l'emploi. La vision extensive qui prévaut dans l'octroi de la qualité de fonctionnaire a eu tendance à en banaliser les attributs. L'intérêt bien compris de l'Etat commande de réduire la voilure du système de la carrière. Les principes qui inspirent les systèmes de la carrière et de l'emploi, ont démontré dans bien de pays, leur aptitude à évoluer en synergie à tous les échelons de l'administration publique. La formule de contractualisation altérée dans son principe et ses objectifs. L'Administration peut recourir au recrutement d'agents contractuels, pour une durée déterminée ou indéterminée, exclusivement sur des emplois en rapport avec des activités de soutien logistique (services-entretien-maintenance). Si les recrues voient dans la formule du contrat, une précarité de leur situation professionnelle, l'administration, par contre, y trouve une flexibilité dans la gestion de l'emploi public. Il reste que cette formule d'appoint limitée à un certain type d'emplois a été conçue comme une étape transitoire, avant l'externalisation de certaines activités accessoires au profit d'opérateurs privés. En effet, l'Administration n'a pas à alourdir la gestion de ses effectifs avec des emplois auxiliaires dont elle pourrait s'en délester, sans aucune conséquence. La fonction publique compte plus de 470.000 agents contractuels pour la plupart positionnés sur les emplois d'ouvriers professionnels, toutes catégories confondues, ce qui représente une proportion significative, de l'ordre de 25% du total de ses effectifs. Par suite d'un usage inconsidéré, la formule du recrutement sous forme conventionnelle a fini par constituer une « antichambre » au recrutement définitif, ce qui paradoxalement a conduit à alourdir les effectifs de fonctionnaires. En effet, les agents contractuels ou vacataires font périodiquement l'objet de mesures d'intégration sous les pressions syndicales, au mépris du principe constitutionnel d'égal accès des citoyens aux emplois publics, à savoir le recrutement par voie de concours. Cette situation n'est pas exempte de conséquences négatives sur la qualité des recrutements et le devoir d'exemplarité de l'Etat en matière de respect de la loi. Il est à noter que malgré les différentes opérations d'intégration intervenues au cours de ces dernières années, le nombre d'agents contractuels ne cesse de croître au sein de l'administration publique. Ce constat met en exergue le dévoiement de la formule de contractualisation dans son principe et ses objectifs. Le système de formation, talon d'Achille de la fonction publique. La valorisation des ressources humaines et l'adaptation des compétences constituent une condition essentielle de succès de tout processus de modernisation de la fonction publique. Ce postulat revêt une portée stratégique en rapport avec le système de la carrière où le fonctionnaire est en principe appelé à effectuer une carrière sur une durée de 40 ans ou plus. La gestion des ressources humaines dans l'administration publique fait peu de place à une logique d'amélioration des qualifications. Pourtant, par l'effet d'un environnement social en constante évolution, l'administration voit ses missions se modifier, se multiplier et se diversifier. C'est dire l'importance qui s'attache à la formation en cours d'emploi, afin d'assurer une mise à niveau des compétences. En général, les actions de formation initiées par l'administration ne répondent pas à des besoins prédéfinis et se limitent dans la majorité des cas à des opérations ponctuelles destinées à l'acquisition de connaissances générales. Les programmes d'enseignements ne sont pas suffisamment en lien avec l'emploi occupé et souvent n'intègrent pas les avancées des sciences administratives en matière de gestion publique notamment. Par ailleurs, la formation étant rarement fondée sur des objectifs quantifiables préalablement définis, l'évaluation de ses effets sur l'amélioration des prestations ou sur «les gains de productivité» reste tout à fait aléatoire. Même dans l'hypothèse où des mécanismes existent pour l'évaluation de la formation, les résultats ne sont ni exploités ni portés à la connaissance des formateurs. Dans les faits, la fonction « formation » n'est pas perçue comme un outil indispensable à la modernisation de l'administration. Au surplus, la faiblesse des crédits qui lui sont consacrés témoigne de l'absence de politique en la matière. Il convient de noter par ailleurs que le réseau d'institutions de formation, dans sa configuration actuelle, est insuffisant pour répondre valablement aux besoins des différentes administrations sectorielles. En effet, depuis la suppression des centres de formation administrative (CFA) et la dissolution de l'Ecole nationale supérieure d'administration et de gestion (ENSAG), l'Administration souffre d'un grand déficit en établissements de formation. De la modernisation de la gestion des ressources humaines. La modernisation de la gestion des ressources humaines de l'administration publique consiste à passer d'une logique de gestion fondée essentiellement sur une approche unilatérale et hiérarchique à une logique de gestion participative impliquant pleinement les instances de concertation et de participation. Cette mutation qualitative devra prendre son ancrage dans de nouveaux principes, règles et instruments de gestion. Ne s'insérant ni dans une vision de politique globale, ni dans une réelle stratégie de l'emploi public et des effectifs, le mode actuel de gestion des ressources humaines de la fonction publique ne dépasse pas les limites que lui imposent les règles relatives à l'avancement dans la carrière. Son évolution se trouve par ailleurs contrariée par l'insuffisance d'un encadrement supérieur en mesure de répondre aux exigences de missions de conception, d'étude, de prévision, d'orientation et d'audit. De fait, les structures en charge de la gestion des ressources humaines ne s'appliquent pas à traduire leurs missions en objectifs, de sorte à se fixer des perspectives dans le temps. De toute évidence, l'Administration ne s'est pas dotée d'un encadrement approprié, afin de bénéficier des avantages du management moderne qui vise à la mutualisation et la convergence des compétences. Le profil actuel de la fonction ressources humaines ne lui permet guère de jouer un rôle central dans une dynamique de réforme. Cette fonction reste confinée dans une gestion statique, sans dimension prospective. Une gestion rénovée des ressources humaines devra se traduire par l'institution d'un système de gestion prévisionnel des effectifs et des emplois. Par ailleurs, il y aura lieu de mettre en place les instruments nécessaires à un pilotage renforcé des qualifications et des compétences, afin de créer les conditions d'une plus grande anticipation des besoins de l'Administration à court et moyen termes. Ce sont là les leviers majeurs d'une gestion des ressources humaines à valeur ajoutée. L'enjeu est de taille au regard des effets escomptés sur le bon fonctionnement de l'Administration. Une phrase pourrait résumer à elle seule ce volet : la ressource humaine reste le meilleur investissement pour relever le défi de la modernisation de l'administration. Éléments constitutifs d'une nouvelle politique de fonction publique. Comment envisager une nouvelle politique de fonction publique qui assigne à ses agents une plus grande responsabilité à l'égard de l'Etat et une marge suffisante d'initiative dans le cadre de l'exercice de leurs missions ? Ce processus implique un redéploiement des fonctions de l'État, de sorte à restreindre son intervention dans des domaines où sa présence ne serait ni indispensable ni opportune, et à la renforcer dans les matières où elle est absolument requise. En d'autres termes, il s'agirait pour l'Etat de redéfinir ses propres centres d'intérêts et leur ordonnancement général, afin d'être en situation de mieux assumer des fonctions de portée stratégique et se déployer vers des espaces nouveaux qu'il lui faut investir au regard des évolutions du contexte économique et social. Une politique de fonction publique doit s'imprégner de ces évolutions et y puiser les fondements de sa nouvelle orientation. Le retrait de l'Etat des fonctions de gestion directe des entreprises publiques, la définition d'un nouveau cadre de gestion des capitaux marchands de l'Etat, les mesures adoptées ou en projet de transfert d'activités publiques vers le « secteur concurrentiel », préfigurent le schéma d'un redéploiement qualitatif de l'intervention publique dans sa portée comme dans ses modes d'action, afin de laisser une plus grande marge de liberté à l'initiative privée. L'ouverture économique aux investissements privés, nationaux et étrangers, signifie d'abord, la nécessité d'une remise en cause de certaines pratiques de l'Administration dans ses rapports avec les entreprises privées. Elle dicte à cet égard l'établissement de relations fondées sur le principe d'impartialité et les règles d'éthique, afin de susciter la confiance des opérateurs, condition première à l'encouragement des investissements. Au regard de ces considérations, la flexibilité devra constituer l'un des principes fondateurs de la politique de fonction publique. Ce point représente un pôle majeur de la réforme en tant qu'il favorisera un assouplissement des règles statutaires et une diversification plus poussée des régimes de recrutement, sans pour autant remettre en question l'unicité et la cohérence d'ensemble que revêt le secteur de la fonction publique. Face aux opérateurs, nationaux et étrangers, les services de l'Etat devront se présenter en interlocuteurs ou en partenaires à compétence attestée et faire preuve d'une maîtrise parfaite de leur domaine d'activité. Appelés à développer, sous l'impulsion gouvernementale, des politiques publiques sectorielles, ils auront à s'investir davantage dans la prise en charge de fonctions de prévision, de régulation et de contrôle. Le régime juridique actuel applicable aux agents de l'Etat ne comporte aucune souplesse qui puisse permettre à l'administration publique d'adopter les modes de recrutement à la nature de ses besoins en qualifications et à l'exigence de compétitivité qui en est le corollaire. Les évolutions institutionnelles et politiques conjuguées aux réalités de la mondialisation ont rendu aléatoires les frontières qui séparent traditionnellement les systèmes de la carrière et de l'emploi dans la fonction publique. Les principes qui inspirent les deux systèmes ont révélé non seulement leur aptitude à cohabiter en harmonie et à s'adapter à d'autres réalités que celles qui leur ont donné naissance. Face à ces deux systèmes et aux tendances lourdes qui pèsent de manière significative sur le rôle de l'Etat et les modes de gestion publique, la question se pose opportunément de savoir quelle conception de fonction publique retenir et quel régime juridique s'adapterait le mieux à l'évolution du concept d'agent de l'Etat et des missions assignées au service public. Consacrer un système de fonction politique plus flexible. La conception statutaire que consacre le statut général de la fonction publique du 15 juillet 2006, se justifie autant par les prérogatives de puissance publique que les fonctionnaires sont appelés à exercer au nom de l'Etat que par la nécessité d'assurer la continuité des services publics. Dans cette perspective, l'Etat doit être en mesure d'adapter les règles qui le régissent aux exigences de son bon fonctionnement et à celles imposées par l'évolution de l'environnement économique et social. Il s'agit de répondre au besoin d'une plus grande flexibilité du système de fonction publique, notamment à travers des aménagements dans le système de la carrière, mais aussi dans la mise à niveau des structures administratives. Cet effort d'adaptation passe par un ensemble de mesures qui devront viser l'adéquation qualitative entre les profils et les postes occupés, une spécialisation plus affirmée des fonctions, le recours systématique aux diverses formules inhérentes à la délégation de gestion ainsi qu'une définition plus précise des objectifs et des tâches. Les nouvelles limites dans lesquelles il est proposé d'inscrire le système de la carrière visent à intégrer les mécanismes de la flexibilité au mieux des exigences de la gestion publique. Une telle approche permettra de redessiner les frontières entre ce qui devrait relever de l'exercice des prérogatives de puissance publique et de service public, de ce qui s'apparente objectivement à une gestion de droit commun. La démarche consiste à aller au-delà des emplois de soutien logistique des services de l'Etat, des Collectivités territoriales et des établissements publics, soumis au régime de contractualisation. Le principe de flexibilité permettra de mieux répondre aux besoins de fonctionnement des différents secteurs d'activité et aux spécificités qui les caractérisent. Le nouveau champ d'application de la conception statutaire s'en trouverait sensiblement réduit. L'ouverture plus systématique de la fonction publique sur la diversification des régimes de recrutement s'inscrit dans le processus global de modernisation de l'Administration. A côté du système de la carrière, appliqué jusque-là de façon dominante, il conviendra de réserver une place plus affirmée au système de l'emploi. En ce qui concerne les établissements publics, la nouvelle conception du système de fonction publique implique une démarche de contractualisation qui serait adossé à des contrats-programmes assortis d'objectifs à atteindre et de paramètres d'évaluation de la gestion du service public. Il y a lieu de préciser que la reconfiguration du périmètre propre au système de la carrière ne concerne nullement les administrations centrales investies des missions pérennes de l'Etat. C'est pourquoi, à ce niveau-là, la qualité de fonctionnaire avec les attributs qui s'y attachent est exclue de toute forme de révision dans son principe. Une flexibilité statutaire en harmonie avec la décentralisation. La nouvelle conception statutaire doit intégrer les options de déconcentration et de décentralisation et prendre en charge, dans le cadre de ces deux techniques, les besoins, propres à certaines catégories professionnelles. Les collectivités territoriales se caractérisent par leur diversité du point de vue de la taille tant géographique que démographique et, par conséquent, de l'ampleur et de la complexité des missions qui leur incombent, comme de l'importance des services administratifs dont elles assurent la charge. Les particularités de l'administration territoriale dictent la nécessité de prévoir, pour les wilayas et les communes, des aménagements dans le système de la carrière de sorte à apporter des réponses adaptées aux situations locales. Ainsi, le système de la carrière sera limité aux fonctionnaires appartenant aux catégories de conception et d'application, ainsi qu'à la catégorie d'exécution, lorsque les tâches concernées relèvent des missions de puissance publique. Les nouvelles tendances qui se dessinent à travers l'externalisation de certaines activités et la diversification des formes de gestion par délégation peuvent conduire notamment à soumettre certaines activités de service public aux règles de droit privé, à l'instar des réformes qu'a connu le secteur des postes et télécommunications. Mise en place d'un réseau de formation dense et intégré. La nature évolutive des missions de l'Administration et la complexité des fonctions qu'elle est appelée à assumer conférent un caractère permanent à ses besoins en matière de formation administrative. Il est dès lors nécessaire : ? d'insérer la mise en œuvre du système de formation dans une vision résolument intégrée à une politique d'ensemble de la fonction publique ; ? de mobiliser à cet effet un réseau d'établissements de formation organiquement et pédagogiquement orientés vers la prise en charge des exigences inhérentes à un bon fonctionnement de l'Administration. La dimension professionnelle de la formation doit trouver son expression concrète dans des instruments de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que des systèmes d'évaluation pédagogique et des performances. De ce point de vue, la formation est un élément indissociable de toute politique de fonction publique. Elle est le lieu où se rencontrent l'intérêt de l'administration et celui de ses agents. Cette convergence confère à la formation un caractère transversal indéniable. Partant de cette problématique, la formation apparaît comme un vecteur de changement et de modernisation. En effet, la valorisation des ressources humaines et l'adaptation des compétences des agents publics constituent une condition essentielle de succès de tout processus de modernisation de la fonction publique. L'amélioration des performances de l'administration repose pour une large part sur le professionnalisme de ses agents, sur leurs qualifications et leur capacité à s'adapter à l'évolution des métiers. Si la formation initiale constitue un préalable à l'accès au premier emploi, elle ne doit pas être pour autant considérée comme une sorte d'acquis définitif, de nature à garantir la qualification de l'agent tout au long de sa carrière. La formation continue doit désormais s'imposer en tant que complément indissociable de la formation de base. En effet, et sur le plan du principe, les connaissances acquises doivent être périodiquement actualisées et élargies, en vue de les enrichir d'apports nouveaux, en relation avec les avancées réalisées en permanence dans les nombreux domaines de la science administrative, notamment les disciplines qui visent à l'amélioration des performances et de la qualité de la gestion publique. De ce qui précède, et des principes ainsi retenus, résultent un certain nombre de conséquences et notamment : ? la nécessité d'inscrire la formation dans sa double dimension initiale et continue, selon une démarche prévisionnelle de gestion des ressources humaines, afin de définir sur le moyen et long termes les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre. ? La formation de formateurs en mesure de s'adapter aux exigences techniques des nouveaux métiers de l'administration. A cet égard, les fonctions d'audit, d'évaluation, de recherche et d'ingénierie pédagogique revêtent une importance particulière. Intimement corrélée à la politique de fonction publique, la formation sera suffisamment déconcentrée pour offrir des chances égales à l'ensemble des agents publics quel que soit leur secteur ou leur lieu d'activité. Le système institutionnel de formation se déclinera comme suit : ? Création d'instituts régionaux de formation et de perfectionnement, ? Rétablissement des Centres de formation administrative au niveau des wilayas en vue d'assurer la formation et le perfectionnement des personnels relevant de l'administration déconcentrée et des collectivités territoriales, ? Création d'annexes des centres de formation administrative au niveau des daïras, pour la formation et le perfectionnement des personnels communaux, ? S'agissant de la formation spécialisée à vocation sectorielle, celle-ci devra faire l'objet d'une démarche similaire à celle retenue pour le réseau des établissements de formation administrative. Les formations spécialisées de haut niveau continueront quant à elles de relever de l'enseignement supérieur. Enfin, la mission de l'Ecole nationale d'Administration sera repensée pour en faire un pôle d'excellence en matière de formation et de perfectionnement des cadres supérieurs de l'Etat, tout en la dotant d'un centre de recherche de référence en sciences administratives ; Tels sont les grands axes d'une politique de formation conçue comme un levier de modernisation de la fonction publique. Une exigence clé : concevoir une réforme novatrice, à l'abri de tout dévoiement. Fonction publique et Administration ont connu de nombreuses vagues de réformes aux résultats plus ou moins tangibles. Ce fut souvent des réformes parcellaires juxtaposées ou cloisonnées, qui n'ont pu permettre de concevoir une vision globale, et systémique, s'inscrivant dans un ensemble en interdépendance. Dans leur succession, ces réformes répondaient souvent à des logiques politiques dictées par des impératifs de pure conjoncture, des enjeux liés à un contexte social particulier ou des stratégies désincarnées sans véritable prise sur les réalités. Aussi, à la lumière de ces expériences bien regrettables, est-il besoin d'insister sur la nécessité que la future réforme de la Fonction publique soit bien cadrée de sorte à être à la hauteur des effets attendus, mais aussi et surtout qu'elle soit à l'abri de tout dévoiement susceptible d'en altérer le sens et la substance. *Ecrivain. Ex Directeur Général de la Fonction Publique - Docteur en sciences juridiques |