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Comment choisir les films
qu'on décide de voir au Festival de Cannes ? Casse-tête quotidien de notre
envoyé spécial masqué.
Le Festival de Cannes c'est l'exact contraire de Netflix. Sur la plate-forme on peut passer des heures à chercher un film à se mettre sous les yeux sans trouver ce qui nous convient vraiment. D'ailleurs, généralement, on fini par ne rien voir en se promettant de ne pas renouveler l'abonnement... Avant de se rappeler qu'on a bénéficié d'un code d'accès refilé par un ami qui nous veut du bien. A contrario, à Cannes, il y a plein de films à voir, mais comment faire ses choix ? Sur quels critères, quelles bases ? Choisir et surtout choisir vite pour réserver au plus tôt sa place sur le site du Festival et attendre la réponse en espérant qu'il n'y ait pas de beug informatique. Alors comment faire ? Se fier au nom du réalisateur ? Au casting ? A l'histoire telle que résumée par des synopsis de plus en plus courts ? Aux rumeurs ? Ha, c'est facile de dénoncer les algorithmes des GAFAN, on peut se moquer de notre «feeling» qui nous pousse à opter pour un mauvais film plutôt que pour la douzaine d'autres moins mauvais qui passent au même moment. Par exemple, on avait décidé de ne pas voir un énième documentaire sur le groupe de rock légendaire des années 60, le Velvet Undergroud, ni le film de Charlotte Gainsbourg interviewant sa mère Jane Birkin, et encore moins le film où Valérie Lemercier joue Céline Dion. Or ne voila-t-il pas qu'au dîner de la presse - où, soit-dit en crânant, l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran était invité parmi la poignée de journalistes fidèles au Festival, le privilège de l'âge-, tous les séniors accrédités ne parlaient que du film sur le Velvet. TODD HAYNES, L'ARCHÉOLOGUE DU ROCK Il est vrai qu'on aurait dû faire plus attention, au moins relever qu'avant toute chose «The Velvet Underground» est un documentaire de Todd Haynes, un réalisateur, un vrai, qui a déjà prouvé dans le passé qu'il savait à travers les idoles du rock raconter leurs époques. Déjà en 1987, Todd Haynes sortait «Superstar: The Karen Carpenter Story», la décennie suivante il réalisera le film définitif sur le glam «Velvet Goldmine», et enfin en 1998 l'éclatant vrai-faux bio pic sur Dylan «I'm Not There» Contrairement à ces trois films qui sont des fictions, «The Velvet Undderground» qu'on a rattrapé à une séance matinale, est un documentaire produit par Appel-TV. Et c'est un excellent film, avec des archives rarement vues, un propos intelligent. Son documentaire ne revient pas sur les frasques, la drogue ou Nico en femme fatale coupable d'avoir signer l'arrêt de mort de ce groupe qui n'aura duré que 5 ans. Le propos est plus politique chez Todd Haynes, ce qui n'empêche pas le film d'être à sa manière très poétique au demeurant. Le vrai sujet du film est la rencontre improbable de deux mondes qui n'auraient jamais dû se croiser, et d'une époque folle qui va le permettre quand même. D'un côté le prolo juif de Brooklyn, Lou Reed, nourri aux musiques noires et à la poésie de la beat-génératiion. De l'autre, le bourgeois de Manhattan, violoniste et pianiste, John Cale. Mais pour «Tom Médina», de Tony Gatlif, projection unique, il n'y avait pas de rattrapage possible. Encore un raté ! Accompagné d'une situation très délicate le lendemain. Attablé dans un restaurant avec terrasse en compagnie de Tobby Rose, confrère britannique qui fuit un peu de la cafetière, et sa charmante collègue Barbara Dent, elle n'en parlons même pas, autours d'un tartare de saumon et d'une poignée de frites, discutant de tout et surtout de la Palme Dog, prix décerné au meilleur chien vu dans un film, que Tobby Rose a lancé il y a 20 ans, ne voila-t-il pas que l'acteur Slimane Dazi déboule avec tout le cast du film de Tony Gatlif. C'était un peu gênant d'avouer à Slimane Dazi ( dans le civil mon voisin de quartier) qu'on a préféré le dîner de la presse au Café des 3 palmes à la projection en plein air du film de Tony Gatlif. Heureusement Slimane Dazi était pressé, le temps d'un plat et il devait regagner Paris pour terminer le tournage du deuxième long-métrage de la Rumeur ( duo de rappeurs français assez connus dans le passé). Le pire c'était de rater la première projection de «Le Marin de la Montagne» du réalisateur brésilien d'origine kabyle Karim Aînouz, c'est à dire le seul film tourné en Algérie et présenté à Cannes. La faute au jouissif «Benedetta» de Paul Verhoeven qui aurait pu durer moins longtemps. Si par malheur on arrive en retard à une projection, impossible de demander une autre séance pour le même film, le logiciel a été programmer pour n'offrir qu'une seule projection par film. Heureusement que l'ange Edna El Mouden du service de presse a réussi à me dégoter une place le lendemain à 8H30. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour voir la Kabylie vu du ciel brésilien ! Manque de sommeil, choix désatreux, retards impardonnables, devoir quémander une place de rattrapage...Ces petites tracasseries doivent sembler très dérisoires, mais dans la bulle de Cannes, ce sont des vrais mélodrames que les festivaliers vivent d'une manière qui oscille entre la tragédie berbère antique et le soap brésilien basique. Bon, ceci dit cette année la bulle est traversée de quelques nouvelles du monde réel. A mi-parcourt on peut avouer que la vraie star du festival est le maléfique variant Delta. LES VIRUS DE LA VIE Le réalisateur Nadiv Lapid ne quitte pas sa chambre. Déclaré «cas-contact», les interviews avec le cinéaste israélien se font par zoom. La jeune espagnole Clara Roquet, qui devait présenter son très réussi premier film, «Libertad», sélectionné à la Semaine de la critique, a été testée positive au virus au moment d'aller à l'aéroport. Elle ne viendra donc pas. Selon la presse people une star française aurait chopé le virus, on attend de savoir s'il s'agit de Marion Cotillard ou de Léa Seydoux. Enfin le réalisateur du documentaire «Little Palestine» de Abdallah Al-Khatib, dont on avait dit qu'on y reviendrait, n'est même pas certain de pouvoir venir lui même jusqu'à Cannes pour la présentation officielle de son film prévue ce lundi. A part ça, on est bien content d'être à Cannes. Il suffit de changer de trottoir quand on voit apparaître cette espèce rare et menaçante qu'on appelle «les jeunes». Et aussi faire un choix de films. Demain après la kabylie, on devra choisir entre deux films tournés à Marseille. Le premier est une production américaine, «Stillwalker», où Matt Damon se fait casser la gueule par des jeunes arabes des Quartiers Nord de la ville phocéenne. Le deuxième est le second long-métrage de la marseillaise Hafsia Harzi «Bonne maman». Ne pas se précipiter, même si le temps nous ait chichement compté. Faire le bon choix suivant le bon adage de «chadi/madi». Ou peut-être prendre la sage décision de ne voir ni l'un ni l'autre, et de tenter une plage pour échapper à la triple menace : virus delta, canicule bakhta, climatisation berda. Garder son masque toujours, sortir les palmes toute de suite. Ce n'est certes pas encore la fin du festival, et pas toute de suite la fin du monde, mais on se prépare, on se prépare... |