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C'est la militante Guenanèche Aouicha, épouse Baghli Abdelghani (commerçant à
la rue de Mascara), sœur de Mohamed, secrétaire particulier de Messali Hadj (1915 - 2001), qui eut le privilège de broder,
à l'âge de 11 ans, le premier drapeau national qui sera brandi à l'occasion du
défilé nationaliste de Belcourt de 1937.
El Hadja Aouicha dit se rappeler avec d'autant plus d'acuité de ce drapeau qu'il a bénéficié de son savoir-faire naissant de jeune brodeuse, déployé sur une machine à coudre (de marque Singer, toujours en sa possession) acquise dans l'atelier où elle a fait son apprentissage et qui présentait cette particularité de servir à la fois comme lieu de réparation- vente et de centre de formation dans ce type d'équipement. Genèse de cet acte «artistique» héroïque. «Mes parents m'ont acheté en 1936 une machine à coudre de marque Singer, la seule marque qui existait à l'époque. Je me suis appliquée pendant une année à apprendre à bien l'utiliser. Malgré mon jeune âge, je me suis spécialisée dans la broderie et mes travaux suscitaient un vif intérêt auprès des femmes qui venaient me voir à l'œuvre à la maison. Mon frère Mohamed, qui était tailleur à l'époque et travaillait avec Bentabet Abdelkrim de la rue Basse (El Medress), a remarqué la qualité avec laquelle mes tissus étaient brodés à la machine à coudre. Il a alors, à la veille de la grande manifestation de Belcourt, décidé de me confier la broderie du premier drapeau national que je voyais pour la première fois. J'étais bouleversée de devoir accomplir une telle tâche dont je n'imaginais pas à l'époque l'ampleur et la portée vis-à-vis du peuple algérien», raconte-t-elle, dans un émouvant et non moins mémorable témoignage. « Lorsque mon frère m'a confié ce travail doublement valorisant (pour mon pays et pour moi), dont je tirai confusément une certaine fierté sans en mesurer la portée du fait de mon jeune âge (j'avais 11 ans), il m'a enjoint le secret total et impératif, y compris vis-à-vis des très proches, car tu tiens, me disait-il, une bombe entre tes mains qui risque de faire exploser toute la famille Guenanèche. Mohamed avait une totale confiance en moi et je le lui rendais bien, ce qui expliquait notre grande complicité malgré notre différence d'âge (11 ans). Je me suis isolée pendant toute une journée, dans une petite pièce cadenassée qui me servait d'atelier, et me suis acquittée de la tâche qui m'avait été confiée », des propos rapportés par Kamel Bendimered, un ancien journaliste de l'APS, voisin des Messali. C'est son frère Mohamed Guenanèche et Emilie Busquant, l'épouse de Messali Hadj qui ont dessiné le drapeau et découpé le tissu vert et blanc avant de le confier au militant Abdelkader Bestaoui, artisan-brodeur travaillant le cuir. Quant à Guenanèche Aouicha, elle a réalisé ce qu'on appelle le point lancé, c'est-à-dire brodé tout l'intérieur et le pourtour du croissant et de l'étoile en rouge écarlate. Une ou deux journées après cette opération « top secret » visant à soigner la finition du premier drapeau algérien extirpé de l'anonymat, un homme s'est rendu au domicile de la famille Guenanèche, dans l'ex-rue de Paris, pour récupérer l'étendard et veiller dans l'urgence à son acheminement vers Alger. L'emblème était encore tout humide après son repassage dans l'atelier du tailleur-militant Mohamed. Le drapeau est parvenu clandestinement le 13 juillet 1937 dans l'après-midi à Alger où il fait son apparition publique le lendemain, soit le 14 juillet 1937. Après le rassemblement historique de Belcourt, l'emblème, bien plié, mis dans un sachet, est revenu à Tlemcen pour être remis à Kheira Mamchaoui, la sœur de Messali Hadj qui habitait dans une maison située à Bab El Djiad, entre le quartier R'hiba et Ars Didou. Par précaution, cette dernière a caché le drapeau dans un trou du mur à l'intérieur de sa douera. Une genèse corroborée par Hadj Khaled Merzouk, ancien militant du PPA, écrivain, selon qui le drapeau algérien avec son croissant rouge et une étoile, fut confectionné à Tlemcen plus précisément le 21 août 1936 par la militante Aouicha Guenanèche. Ce drapeau a été ensuite façonné par la Française Emilie Busquant, épouse de Messali Hadj qui l'a auparavant dessiné sur papier. Un dessinateur tunisien nommé Chadli Kheir Allah lui a donné une forme triangulaire. Ensuite c'est l'Etoile Nord-Africaine qui décide de lui donner la forme rectangulaire. Il faut savoir que le drapeau national fut hissé clandestinement, pour la première fois à Tlemcen, à l'occasion de la tenue du 1er camp fédéral en juillet 1944 au niveau de la forêt des petits perdreaux à Lalla Setti où fut entonné le célèbre chant patriotique de « Min Djibalina ». Hadja Guenanèche Aouicha a aujourd'hui 94 ans ; elle est née le 17 mars 1926 à El Kalaâ Supérieure (Tlemcen). |