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En ce 58ème anniversaire de
notre indépendance, après plusieurs tentatives pour rapatrier les restes de nos
valeureux résistants, décapités et mutilés par les généraux coloniaux, lors des
révoltes et insurrections des différentes tribus contre la barbarie de la
France coloniale. Les crânes de nos Chouhada tués par
le corps expéditionnaire français dans les années 1840/1850, furent transférés
et conservés dans le Musée de l'Homme.
Faudrait-il comprendre enfin, des siècles passés pour que les Gouvernements des pays occidentaux reconnaissent les sauvageries qu'ils en fait subir à des peuples après les avoir spoliés, mutilés et souiller la condition humaine depuis l'époque de l'esclavagisme où un seul manuscrit conservé aux Archives nationales d'Outre-mer, sous le titre : «Ordonnance ou édit de mars 1685 sur les esclaves des îles de l'Amérique». Ce texte a été mis en lumière et étudié par l'historien Vernon Palmer dans les années 1990. LE CODE NOIR ET LA TRAITE NEGRIERE Depuis Louis XIV dès 1685 où le Secrétaire d'Etat à la Marine, fils du ministre Colbert, ensuite sous Louis XV en mars 1724, sous sa Régence que furent promulgués les Edits ou autorisations royales données à des armateurs de ports français permettant la pratique de la traite d'esclaves. C'est donc à partir du XVIIIe siècle que l'expression «Code noir» précisant le statut civil et pénal des esclaves pour chaque colonie est utilisée par les éditeurs, jusqu'au décret d'abolition de l'esclavage du 4 Février 1794. Sous la Monarchie de juillet, l'esclavage est rétabli dès 1802 comme «immeuble par destination» où le Noir se distingue du serf qui lui, ne s'achète pas sur le marché, mais se reproduit. Alors que l'esclave peut se vendre, se transmettre en legs dans une succession. Comme nous avons pu suivre sur des films par exemple celui de «l'esclave blanca» en Colombie, le Code noir permet les châtiments corporels sur les esclaves par mutilation, marquage au fer ou fleurs de lys, des oreilles ou jarrets coupées. La peine de mort est prévue pour avoir frappé son maître, sa femme ou ses enfants. Le vol domestique est puni de mort. Napoléon Bonaparte fait maintenir l'esclavage dans sa loi du 20 Mai 1802 par le Traité d'Amiens spécialement en Martinique malgré son abolition. La Révolution de Février 1848 et la création de la 2ème République porta au pouvoir les abolitionnistes, Lamartine, Crémieux et Ledru-Rollin qui ont préparé l'acte d'émancipation des esclaves dans les Colonies de la République promulgué par décret du 27 Avril 1848. La traite négrière fut définitivement abolie. «La loi française interdisait à tout Français d'acheter ou de vendre des esclaves, de participer directement ou indirectement à tout trafic de ce genre». Le «Code noir» est le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produits les temps modernes, disait dans son livre d'analyse publié en 1987, Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie politique à Paris 1. LE CODE DE L'INDIGENAT ET LES LOIS SCELERATES L'histoire nous rappelle que l'état-major français avait envoyé une colonne de renfort de plus de 5.000 soldats commandés par le général Emile Herbillon (1794/1866), commandant de la province de Constantine et du Colonel Canrobert (1809/1895. Il deviendra après, le maréchal de France pour avoir mené une sale guerre contre la résistance populaire par l'extermination de tous ceux qui bougent (enfants, femmes, hommes, bêtes et incendiant toutes végétations) furent écrasés sauvagement. Nous sommes à Biskra, oasis de palmiers chez les Zaâtchas où le Cheïkh Bouziane reprenait le flambeau de la résistance dans ce village fortifié où vivent des centaines d'habitants. C'était un 17 juillet 1849 que commencèrent les affrontements contre les assaillants français. Après quatre mois de combats où les soldats de l'ennemi subissent de lourdes pertes, la région fut assiégée le 26 novembre 1849. Nos vaillants moudjahidine succombaient, les armes à la main. Toutes les maisons furent minées, pas même une vie qui fut achevée à la baïonnette. NOS RESISTANTS FUSILLES ET DECAPITES Le Cheïkh Bouziane et son fils de quinze ans furent fusillés et décapités. Leurs têtes furent exposées sur la place du marché puis transférées en 1880 à la Société d'anthropologie de Paris avant d'être remises au Musée de l'Homme. C'est donc un moment de grande émotion que l'Algérie venait de vivre, en restituant les vingt-quatre crânes de nos résistants dont celui de Chérif Boubaghla, mort en 1854, Cheïkh Bouziane, Si Mokhtar ben Kouider Al Titraoui, par l'Hercule 130 des Forces aériennes militaires qui atterrissait sur le tarmac. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune et le corps constitué leur ont rendu un vibrant hommage dans le hall officiel de l'Aéroport ?Houari Boumediene' sous les 21 salves et la récitation de la Fatiha. En relisant l'histoire officielle de la colonisation en Algérie, l'on remarque «l'Arrêté général sur les infractions de l'indigénat» devenu plus tard le «Code de l'Indigénat» dont la première version est entrée en vigueur le 9 février 1875. C'est une compilation de mesures prises par la France coloniale lors de sa pacification meurtrière en Algérie puis exporté dans de nombreuses possessions de la 3ème République. Le «Code de l'Indigénat» se résume ainsi «Discriminer et opprimer» pour mieux tenir les indigènes. Dans son livre «La Sueur du Burnous» Vigné d'Octon affirme que le paysan est emprisonné pour n'avoir pas payé son impôt, c'est dire que l'administrateur doit prélever la dîme sur la maigre moisson de ce misérable avec une révoltante férocité pour un peuple dont on a spolié ses terres pour les distribuer aux colons. Le peuple algérien vivait dans un système répressif. Le gouverneur, en vertu des pouvoirs qu'ils lui sont attribués, frappe les indigènes, les tribus et les douars dans leurs biens par le séquestre et l'amende collective. El l'internement «détonnerait singulièrement toute législation métropolitaine» disait E. Larcher dans son traité sur les juridictions répressives musulmanes, en Algérie. L'Algérie était colonisée dans ses terres, sa culture, sa langue et sa religion. LA REVENDICATION MEMORIELLE PASSE PAR LA REPENTANCE Ferhat Abbas dans son ouvrage «La Nuit coloniale» avait dénoncé, de son temps, le régime du «talon de fer» et du mépris, celui de l'Indigénat, des tribunaux répressifs, des cours criminelles, des conseils de guerre et des amendes collectives». Ainsi le Code de l'Indigénat adopté en 1881, a fait de l'Etat colonial un Etat d'exception au même titre que celui du «Code noir». Les ossements des Algériens conservés comme les crânes de nos résistants que nous venons de récupérer furent conservés plus d'un siècle et demi dans ce Musée français comme des reliques pour prouver leur férocité et barbarie de leur passé colonial raciste et discriminatoire. En fait c'est une des revendications liée à la question de mémoire. Mais il reste aussi le dossier des Archives et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français à Reggan et sa périphérie saharienne. Ainsi l'apaisement ressenti au niveau des Etats après le retour de nos héros semble ouvrir de nouvelles perspectives des relations algéro-françaises pour clore une fois terminé, ce dossier mémoriel, loin des «lobbys résidus de la colonisation raciste qui n'ont cessé de faire des chantages» déclarait le Chef d'Etat-major de l'ANP, le général de corps d'armée Saïd Chengriha. Les dépouilles de nos résistants seront acheminées depuis le palais de la Culture après avoir été exposées au public pour un dernier hommage. La cérémonie de leur enterrement aura lieu, ce dimanche 5 juillet 2020 au Carré des Martyrs, au cimetière d'El Alia où reposent les grandes figures de l'Histoire algérienne. La liste reste incomplète dans l'attente des résultats du comité scientifique, et compte pour l'instant : - Le crâne de Mehanta Laissa El-Hammadi compagnon de Boubeghla. - Le crâne de El-Chérif Boubeghla. - Le crâne de Bouziane chef de la résistance des Zaaticha. - Le crâne de Si Moussa compagnon de Bouziane. - Le crâne de El-Chérif Boukadida, dénommé Bouamar Benkadida. - Le crâne de Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. - Le crâne de Said Merabet, dont la tête a été coupée en 1841 à Alger. - Un crâne non identifié d'une tête coupée en 1841 dans la région du Sahel. - Le crâne de Amar Ben Slimane d'Alger. - Le crâne de Mohamed Ben Hadj, âgé de 17 ou 18 ans, issu de la tribu des Béni Mnacer. - Le crâne de Belkacem Ben Mohamed El-Djandi. - Le crâne de Ali Khlifa Ben Mohamed, âgé de 26 ans et tué à Alger le 31 décembre 1838. - Le crâne de Kadour Ben Yitto. - Le crâne de El-Said Ben Dehlis de Béni Slimane à Média. - Le crâne de El-Saadi Ben Saad des environs de Skikda. - Une tête non identifiée, datant de 1865 qui reste conservée grâce au mercure et au séchage solaire. - Le crâne de El-Habib Oueld ? (nom incomplet), né en 1844 à Oran. - En plus de neuf (9) autres crânes que le comité scientifique n'a pas encore identifiés. *Docteur - Chercheur universitaire - Ancien ministre Bibliographie : 1- Frédéric Charlin : «La condition juridique de l'esclave sous la Monarchie de Juillet» Revue française de théorie, de philosophie et de cultures juridiques Paris 2010. 2- «Essai sur l'origine et les auteurs du Code noir», in Revue de Droit international comparé N° 1 Paris 1998. 3- Rochmann : «Esclavage et abolitions-Actes du colloque international-Université Paul Valéry-Montpellier III Novembre 1998. 4- Louis Sala-Molins : «Le Code noir» Le Monde du 2 Septembre 2015. 5- Olivier Le Cour Grandmaison : «De l'Indigénat»- Le droit colonial en Algérie et dans l'empire français-Saihi Editions Alger 2011/ La Découverte Paris2010. 6- O. Le Cour Grandmaison : «Coloniser-Exterminer» Edition Fayard Paris 2005. 7- Ferhat Abbas : «La Nuit coloniale» éditions Julliard Paris 1962. |