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Il commence donc
sa carrière comme simple apprenti-diplomate, passant ensuite au stade
d'ambassadeur à l'essai pour devenir plus tard un très puissant empereur. Il se
forgera une très solide carrière dans des métiers à la cote très relevée, mais
exclusivement réservés aux élites après avoir fréquenté avec succès les plus
prestigieuses universités et autres réputées grandes écoles du monde. À travers
son cursus se décident sa trajectoire mais aussi l'avenir des siens.
Malheureusement le cas de ces ex-responsables algériens n'obéit guère à cette pourtant très drastique, ancienne et surtout très juste logique. C'est plutôt la haute fonction étatique exercée par le père qui va impérativement dicter à ses descendants une formule toute prête à l'emploi. De ses plus proches, propres fils, petits-fils, frères, sœurs et gendres, il en constituera le vrai «tâcheron» de son équipe préférée de sous-traitants, hommes de main, commissionnaires et autres utiles entrepreneurs émargeant en force au budget de la «commande publique» dont il est le seul à pouvoir manœuvrer à sa guise les vannes de sa «mise à flots» ou à réelle contribution. La médiocrité à l'origine de la promotion professionnelle et sociale du patriarche sera de nouveau mise à contribution pour servir d'ascenseur social à sa petite marmaille de progéniture, élargie fratrie et autre très fournie cour familiale ou même solide entité tribale. Ce fut d'ailleurs le chemin le plus court pour s'imposer aux autres, souvent plus méritants, sans avoir justement à passer impérativement par ce très long cycle des études et méthodes pratiques et expérimentales qui font prévaloir le savoir, les études très poussées et la morale citoyenne au détriment de ce gain facile, cupide et très rapide qui s'en contrefiche ! Le même moule ne peut que générer des produits forcément à l'identique de la pièce mère. Le défaut réside plutôt dans le négatif de cette pièce qui fait l'objet d'une reproduction à la série, sans être soumise à une quelconque modification à l'amont. Un milieu professionnel pourri et de ripoux À partir du moment où cette pratique a pris les contours d'une vraie tradition chez les plus nantis du système, la bureaucratie mise à contribution ne pouvait que servir de lit à une corruption tentaculaire qui n'allait épargner aucun secteur de la vie sociale et économique du pays. Le milieu professionnel est devenu cet espace expérimental où l'on teste les plus viles méthodes et très risquées pratiques qui mettent en danger les valeurs sociétales pour tout juste permettre aux décideurs d'imposer leurs choix inappropriés, leurs hommes de main, leurs visions incohérentes, leurs logiques mercantiles et leur poids de vrais tyrans? C'est à ce niveau-là que les règles non écrites ont supplanté les lois de la République, que le coup de téléphone fait office de passe-partout et passe-droit pour se substituer de fait aux institutions et autres procédures légales, que le clan s'est arrogé tous les droits de disposer des biens publics comme s'il s'agissait de leurs biens personnels. Et bien plus que cela, au plan de la prolifération d'une corruption galopante ! La promotion passe inévitablement par la soumission au chef. Ceux qui savent le soudoyer passent avant les vrais compétents qui ne comptent que sur la qualité de leur travail ou valeur intrinsèque pour grimper dans la hiérarchie des fonctions. Berceau de toutes les décisions, l'administration délitée de ses nobles attributions est devenue par la force des choses une réelle source d'enrichissement sans cause, plutôt que de se confiner dans son rôle de service public. Elle est devenue ce milieu pourri par excellence à la tête de laquelle officient sous la protection de leurs pairs installés à l'étage supérieur des responsables ripoux et corrompus qui dictent leur loi à tout leur monde. Leur unique but : s'entourer d'un grand nombre de corrupteurs afin d'en tirer de meilleurs dividendes. Le «gré à gré» des marchés publics, les surfacturations exagérée, les investissements en trompe-l'œil, les échanges commerciaux avec des opérateurs étrangers sous forme de transfert illicite d'argent, le squat des terres agricoles en vue de les détourner de leur réelle vocation, les promotions des hommes de mains faites à dessein, l'esprit de clan, la triche, l'essaimage mafieux et autres maux et fléaux sociaux? sont encore là pour prouver que ce panier à crabes fait pour éjecter de son antre toutes les compétences qui ont vite été suppléées par ces médiocrités, ne peut mené le pays qu'à ce chaos prévisible. Les responsables honnêtes -et il en existe fort heureusement en quantités industrielles- éprouvent tous, à présent, cette terrible honte de décliner leurs fonctions, de peur d'être assimilés à tort à cette caste de prédateurs qui ont mis le pays à genoux, pillé ses richesses et humilié son vaillant peuple et glorieuse Révolution et Histoire nationale. Des familles mafieuses et pilleuses par vocation ! «Voler en famille» est désormais cette nouvelle formule technique très prisée par les plus zélés des hauts commis de l'Etat algérien et les oligarques de grande marque de l'arnaque économique du pays. Les premiers servent ces derniers au mépris des règles de la morale citoyenne et des lois algériennes, et les seconds les arrosent, en retour, de quelques substantielles prébendes jusqu'à asperger avec l'argent du contribuable leur propre et très distinguée progéniture qui y trouve cet intérêt certain et grandissant à y grappiller sans discontinuité ni aucun ménagement cet argent facilement gagné et distribué sous forme de primes indues. Dans le train des affaires à concocter discrètement entre ces uns et ces autres, l'oligarchie saura trouver l'astuce qui conduit inévitablement au filon, très persuadée d'ailleurs que soudoyer le rejeton du responsable finira toujours par contraindre son géniteur à lui ouvrir grandes ouvertes les portes des coffres-forts de l'Etat, en sus de quelques largesses en guise de vrai bonus. Ainsi furent tout le temps gérés les deniers publics durant de très longues années. On se sert et on s'en sert, pour finalement ne servir que ceux dont on est quasiment assuré qu'ils nous en doivent une quelconque ristourne, à titre de «passerelle» ou de «retour sur investissement» ! C'est la fonction du père qui est à la base de cette «basse transaction». Elle en est le vrai tremplin et le seul garant de cette «osée équation». Le fils, lui, n'en est pas une simple constante. Il demeure, lui aussi, un élément-clef et très important du puzzle, bien souvent à très haute valeur. La fille tout comme la femme ou le gendre du responsable se joignent parfois à ce cercle fermé pour en tirer, à leur tour, grand profit. Vrais enjeux et réels défis Jamais dans l'histoire de l'Algérie indépendante, le pouvoir de l'ombre, celui bien réel, n'a été aussi sérieusement menacé et surtout bousculé dans l'antre même de ses tout derniers retranchements. Et plus aucune pirouette politique ne semble le tirer d'affaire ou le mettre à l'abri d'autres secousses. Ne pouvant concéder le moindre empan ou interstice de son pourtant étendu «territoire privé», il lutte de toutes ses forces, en bloc et en rangs serrés contre ceux venus le déranger dans sa grande quiétude. Il joue sa survie et ne compte faire aucune concession, en dépit des nombreuses sollicitations des personnalités historiques qui tentent de le raisonner dans ces moments difficiles. Depuis le départ du fameux Cardinal, la boîte noire du système est en panne technique prolongée. Elle a divorcé avec ses scénarii politiques très réussis ! Plus aucune étude de prospective n'est envisagée. Le fait politique est plutôt subi que provoqué, comme il le fut naguère. Désormais le pouvoir joue sur sa défensive. Les fins de règne des régimes autocratiques arrivent souvent après le cumul des évènements restés en suspens, sans la moindre solution, ou encore suite à des phénomènes cycliques qui remontent en surface et secouent violemment les peuples dans leur long sommeil politique pour en bloc les dresser contre les tenants du pouvoir. Le cas de l'Algérie est plutôt à intégrer dans cette catégorie de régimes finissants, très vieillissants, si vacillants, qui n'ont cependant jamais osé anticiper cette pourtant très difficile fin de règne qui met entre guillemets l'Histoire des tenants des leviers de commandes du pouvoir et en prison les plus fidèles timoniers de son navire, dès que celui-ci commence à chavirer de cette rive à cette autre. Comme terrassé par la forte teneur de ce tonnerre assourdissant dont le bruit sourd résonne encore tel un vrai cauchemar, le pouvoir a perdu sur le coup ses esprits et beaucoup de sa lucidité et toute légendaire autorité. Il aura mis beaucoup de temps à réaliser la profondeur de l'abîme où il a échoué mais aussi l'ampleur de l'insurrection populaire à laquelle il fait face. Sur son habituel carnet de route tenu au secret, pareille déroute n'avait jamais figuré en marge de ses pourtant très pointues projections et fines analyses relevant de ses études de prospectives cycliquement mises au point ou remise au goût du jour et forcément d'actualité. Mais qui pouvait donc parier sur un possible mouvement de foule dès lors que les plus perspicaces des experts en sciences sociales ne s'imaginaient pareil phénomène, puisque presque tous convaincus que le peuple algérien avait depuis longtemps divorcé avec la politique et était anesthésié contre de telles insurrections, depuis la mise à contribution de la rente pétrolière au profit de l'achat d'une paix sociale durable et supposée irrévocable ? Ceux qui avaient une idée contraire à cette «logique implacable» étaient plutôt considérés comme des perturbateurs de l'ordre public, travaillant pour le compte d'agendas étrangers ou comme des pourfendeurs zélés tous occupés à attiser le feu de la fitna afin d'en tirer un quelconque dividende. Longtemps concentré sur les vrais enjeux, le pouvoir a fini par négliger sinon par complètement ignorer les réels défis d'un peuple blessé dans son amour-propre par tant d'humiliations et d'exactions de la part des tenants de la chose publique, le regardant souvent de guingois et le considérant avec pas moins de mépris et une arrogance qui met à nu sa grande colère à l'endroit des gouvernants du pays. Il s'agit vraiment d'une terrible épreuve ! Autant pour ces hommes-là que pour le citoyen et la Nation ! Car les conséquences qui en découlent sont incalculables. Les conclusions à en tirer le sont encore davantage. Ces hommes du système ont enfanté ce monstre qui les a dévorés à pleines dents mais aussi mené le pays et le peuple vers ce chaos dont il est très difficile de s'en sortir. Toute robe bariolée aux couleurs et pelage fin d'un vrai tigre ne confère pas forcément à celui qui la porte parmi les humains le statut privilégié de ce grand fauve qui impose sa loi à tout son monde. Elle n'en est finalement que le reflet de cette fausse illusion qui met fin à un rêve impossible. Les grandes dynasties en furent, jadis, toutes vaccinées. Contre ces ambitions démesurées, ils luttaient intelligemment. Raison pour laquelle les qualités propres au très rusé renard étaient souvent combinées -sinon à bon escient conjuguées- avec cette force terrible due à ces grands carnassiers qui régnaient en grands maîtres absolus au sein de la jungle. En politique, les combats de fin de règne sont encore plus difficiles à mener que les toutes premières tractations d'imposer un clan ou une caste au pouvoir. Car la conquête du pouvoir est plutôt moins pénible que le combat longtemps mené pour durablement le conserver. Mais lorsque l'équipe au pouvoir arrive par la force de l'âge à sa finitude naturelle ou extinction biologique, sans avoir (à vouloir ou pouvoir) durant ce long intervalle à passer le témoin aux plus jeunes générations, la succession est toujours objet de conflits latents et de crises politiques assez aiguës. Bien souvent, c'est le niveau de développement de leur conscience conjugué à celui atteint par la science qui font basculer ce pouvoir dans le giron des jeunes lettrés de la nouvelle génération. Ils finiront par trancher ce conflit en faveur de ceux qui auront tout sacrifié pour le triomphe de leur seul idéal : recouvrer leur liberté et citoyenneté. |