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Conseiller
une lecture aux jeunes, c'est forcément se placer dans un choix partial, un
coup de cœur ressenti par celui qui en fait la proposition. Ramchand,
un jeune homme à la vie difficile, vous emmènera pourtant vers l'enchantement
d'une âme merveilleusement optimiste. Suivez-le dans ce monde aux abords
misérables qui vous réconciliera avec la nature humaine d'une Inde aux
contrastes saisissants.
Comme toujours, je commence par rassurer les jeunes lecteurs sur la grande facilité de lecture de ce roman. Il me fait rappeler les écrits d'un Mahfouz Naguib dans lesquels vous sentez les odeurs, vous écoutez les bruits de la rue et participez aux discussions qui dévoilent une sociologie humaine qui, par ses excès, et en même temps par sa banalité, vous fera sourire à chaque instant. Avec ce livre, c'est une plongée dans la vie misérable des petites gens. Ramchand, orphelin depuis l'âge de six ans, vit dans une modeste chambre qui a vue sur une cour intérieure. Il est un modeste vendeur chez un marchand de saris et cela ne le passionne pas beaucoup. Tout d'abord parce que Ramchand est totalement transparent aux yeux des clientes qui ne lui prêtent qu'une attention hautaine. Mais aussi parce qu'il est pénétré par l'envie d'apprendre et de réussir. Il a comme compagnons deux livres de grammaire anglaise et voit en leur maîtrise la solution de s'élever vers les sommets. Sa naïveté est touchante car elle est celle de ceux qui regardent le ciel en étant persuadés d'y arriver par la seule magie des connaissances. Ce qui est totalement vrai mais Ramchand ne s'aperçoit pas, tant il est dans son rêve, des moyens dérisoires dont il dispose pour accomplir son objectif élevé. Toute sa personne est intégrité et optimisme, seulement Ramchand veut se cultiver et n'a que deux distractions, aller acheter des samosas avec ses collègues de travail et admirer la belle voisine qui déambule dans la cour pour nourrir son imaginaire débordant. Ses longues journées au travail se passent à dérouler des kilomètres de tissu présentés aux femmes riches de sa ville, Amritsar. Un jour, Ramchand est envoyé par son patron au domicile d'un riche négociant pour présenter des saris à sa jeune fille qui préparait son mariage. Et là, tout bascule, Ramchand découvre en cette maison, en ces gens et leurs conditions de vie, l'immensité du gouffre qui le sépare de ce monde lointain. Cela n'enlève rien à la profonde honnêteté de ce jeune homme qui ressent néanmoins davantage le besoin de s'en sortir avec encore plus de force. Mais Ramchand n'est pas soudainement pris par la passion de l'argent ni celle des hauteurs du pouvoir de la bourgeoisie, il reste convaincu que le droit chemin qu'il a toujours emprunté pour s'en sortir est le bon. La société indienne défile dans ce roman à travers la vie de ce brave jeune homme et de sa bonne volonté. L'auteur fera tout de même une incursion dans le côté sordide de l'Inde, ce versant que le cœur pur de Ramchand avait ignoré car il en était protégé. En effet, Ramchand découvrit que l'épouse de son compagnon de travail était prise par les travers d'un alcoolisme très avancé, ce qui ruinait la vie du pauvre couple qui n'avait pas besoin de cela pour rajouter à la dure existence. Ramchand fut envoyé un jour par son collègue pour tenter de convaincre l'épouse et, pour la seconde fois, il découvrit ce monde qui décidément était lointain de son existence tant sa carapace d'honnête homme l'avait protégé. Lisez ce livre qui a séduit des millions de lecteurs dans le monde. Rien ne vaut la littérature lorsqu'elle est racontée avec talent et simplicité, pour vous plonger dans le merveilleux monde du plaisir de lire. L'écrivaine Rupa Bajwa est née et réside à Amritsar. Son roman est une pure merveille d'une femme qui a su nous décrire une Inde dans sa vérité sociale mais aussi dans sa richesse humaine. Le conseil récurrent que je donne aux jeunes, ne vous lancez jamais dans la certitude de déchiffrer une science humaine quelconque comme la sociologie ou la philosophie. Restez accrochés au seul plaisir d'une histoire captivante. Le reste viendra car la lecture est insidieuse, elle inocule toutes les leçons de la sociologie et de la philosophie, comme à un enfant à qui l'on fait passer l'amertume d'un médicament en le mélangeant à une douceur. Le plaisir de lecture est justement cela, rien que le plaisir pour faire grandir tout le reste. *Enseignant |