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«Sabrinel» est le titre du nouveau roman de Bouziane Ben
Achour paru aux éditions « En Nadar - Oran»
Ecrite dans un style vif et imagé, l'œuvre fictionnelle raconte l'histoire d'un passeur «déchu». Elle est surtout prétexte à la présentation d'une galerie de personnages cueillis de la marge? des gens du petit peuple des faubourgs que l'auteur de «brûlures» prix Mohamed Dib 2011- dépeint avec beaucoup d'empathie. «Sabrinel» égrène le vécu d'un personnage atypique mais aussi et surtout évoque l'histoire d'une époque- la notre-avec détachement et humour. Le livre insiste sur des tranches de vie de chez nous. Des tranches de vie d'un peuple qui houle et qui roule en vase clos, en effervescence permanente, au gré des vents. Bouziane Ben Achour décrit cette vie avec ses tripes avant de la penser avec sa raison. Il est témoin oculaire. Il est sympathisant invétéré. Mieux, il se montre le complice patenté de tous ces gens d'extraction modeste auxquels on ne prête aucune espèce d'attention. Des gens de faible besace. Ces gens qui se ruent sur une frontière «enfin» ouverte pour se débarrasser de leurs frontières mentales grillagées par mille et un interdits. Le désordre qu'ils provoquent autour du poste frontalier est un désordre thérapeutique. Le vacarme qu'ils causent est un vacarme libérateur. Leur besoin d'aller voir ailleurs est un besoin de retour apaisé vers soi. Chez le romancier, «Sabrinel» est perçu comme un plongeon dans l'univers bloqué de ces braves êtres qui n'existent que dans le pourtour de la vie. Qui ne sont presque jamais acteurs de cette vie. Adepte expérimenté de la métaphore populaire et traducteur exigeant des mœurs underground, Bouziane Ben Achour use et abuse des images de style pour dire également que l'écriture est aussi une partition musicale, un rythme de sonorités dédiés à l'esprit, à la culture de l'esprit, à l'élévation de l'esprit par la tolérance. Une partition et un rythme où le choc des mots et leur spontanéité sont exécutés très souvent pour dire que le tabou qui ligote est dans la tête avant d'être dans notre réalité sociale quotidienne. Bouziane Ben Achour qui est aussi dramaturge- il a écrit plus de 15 pièces de théâtre et rédigé 2 essais sur le théâtre algérien- met en scène ses personnages de «Sabrinel» afin de peindre les sentiments contradictoires qui animent l'être humain. Ses humeurs, ses envies et ses désillusions. Il met en conflit ses personnages afin de nous faire toucher l'impression qui se dégagent de ces anti-héros qui vivent la marge comme on vit notre destin. Sur un plan littéraire, l'auteur de «Hogra» s'essaye aussi à une forme d'écriture qui n'est ni dans la continuité de nos écrivains aînés ni dans celle que certains critiques littéraires ont qualifié d' «écriture de l'urgence» «Sabrinel» est un roman inclassable car il explore une nouvelle forme d'écriture qui n'exclue ni les écritures classiques ni les formes dites iconoclastes et cela peut être l'intérêt de ce livre de plus de 210 pages illustré en couverture par un point d'interrogation. Une belle invite à la lecture de cette œuvre qui se lit et interroge. |