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Nous
voici, encore une fois, avec un monument de la littérature mondiale, Ernest
Miller Hemingway. Avec ce nom se réveille immédiatement dans la mémoire les
nombreux et célèbres titres de cet auteur américain mais également l'histoire
de son engagement sur lequel nous reviendrons rapidement.
Et dans ce cas, comme toujours, nous voilà bien embarrassés pour choisir un livre entre tous puisque c'est l'objectif annoncé de cette rubrique d'été. Pourtant, il n'est pas possible de débuter l'œuvre d'Hemingway, si vous n'avez jamais lu l'auteur américain, par celui qui est le plus court, le plus simple à lire et le plus merveilleux d'entre tous, son dernier roman publié en 1952, « Le vieil homme et la mer ». Vous ne pouvez rester insensible à ce grand roman. Et si vous avez suivi cette rubrique dans ses opus précédents, vous avez compris que la simplicité (pas forcément l'œuvre courte mais elle y contribue), lorsqu'elle est alliée à un grand talent, construit les chefs-d'œuvre de la littérature mondiale. Santiago, un vieux pêcheur cubain, n'a plus pêché un gros poisson depuis de très longues semaines. Les parents de son jeune ami et apprenti, Manolin, interdisent à leur fils de s'embarquer de nouveau avec le vieux pêcheur dont l'infortune est dorénavant connue dans tout le village. Ils l'obligent à prendre un autre bateau qui vient de ramener à bon port trois prises importantes en une seule semaine. Santiago laisse donc à terre son jeune ami et s'en va tenter de nouveau sa chance, en solitaire. Loin des côtes, cette dernière semble enfin lui revenir avec la capture d'un très gros poisson, un marlin, une prise hors du commun par sa taille. Santiago tient au bout de sa ligne le poisson et tente de l'épuiser lorsque celui-ci, par un geste d'abandon, sort de l'eau après de longues heures de combat. Le vieux pêcheur finit désespérément à le tracter mais ne put le monter à bord, incapable d'en avoir la force à lui tout seul. C'est ainsi qu'il l'attacha au flanc du bateau pour se diriger vers le port. Le lecteur était déjà entièrement captivé par cette lutte inégale mais c'est à ce moment que la puissance narrative d'Ernest Hemingway nous entraîne vers une complète immersion dans l'aventure par ce qui va suivre. On comprend alors pourquoi les Prix Nobel sont attribués à certains écrivains. Toute la nuit, le vieil homme va combattre l'adversité dans un face à face que le lecteur ressent comme s'il était présent devant lui. Tout est contre lui et cet être diminué par l'âge, trahi par sa soudaine solitude, va se confronter à tous les éléments qui s'acharnent pour lui retirer sa proie. C'est ainsi que les requins, sentant la proie facile, vont venir se jeter sur le marlin pour dévorer des parties entières arrachées au corps du poisson. Mais le vieil homme continue à espérer qu'il va en garder un maximum jusqu'au port. Si ce n'est, au moins, pour prouver à tout le monde qu'il n'est pas fini, qu'il est un grand pêcheur et que l'éloignement du petit Manolin fut une grande injustice à son égard. Le combat est épique, Ernest Hemingway nous montre en cet épisode une facette des plus caractéristiques de son œuvre générale, l'homme face à l'adversité et son courage tenace à lutter pour recouvrer son bien, ses droits et sa dignité. Rien d'autre que sa détermination comme arme face à un ennemi plus fort. C'est la raison pour laquelle il faut connaître un élément fondamental de son parcours personnel. Ernest Hemingway, né en 1899, fait partie de ce qu'on appelle aux États-Unis la « génération perdue » car sacrifiée au cours de la première guerre mondiale. Ainsi toutes les valeurs de gloire nationale passées qui furent le creuset de cette Amérique pétrie d'idéaux, furent anéantis. Mais l'aventure d'Ernest Hemingway fut surtout marquée par sa mission de journaliste de guerre où il affronta les plaies de l'Europe engloutie par la guerre puis par les montées des régimes fascistes. De la Première Guerre mondiale, l'auteur écrivit l'un de ses plus célèbres romans, « L'adieu aux armes ». En Espagne, il vécut le combat des Républicains contre l'armée du général Franco où il connut un militant et célèbre romancier, le français André Malraux. De cet épisode espagnol fut publié un autre roman connu de l'Américain, « Pour qui sonne le glas ». La vie assez dissolue d'Ernest Hemingway, ses mariages répétés et, au final, son suicide, contribuèrent à façonner la légende du personnage dont l'œuvre fut consacrée après sa mort comme « classique » aux États-Unis. Tout concourt à comprendre pourquoi « Le vieil homme et la mer » est le chef-d'œuvre que je vous propose aujourd'hui. Le roman est une véritable parabole du don de soi lorsque l'humain est face à un destin qui lui est hostile. La lutte des hommes y est magnifiquement décrite mais dans un contexte qu'Ernest Hemingway a voulu extraire de l'environnement de guerre. Le génie de ce livre est de nous entraîner vers le combat des hommes qui est le quotidien de ceux qui luttent pour leur survie. Au petit matin, le vieux Santiago finit par ramener au port le gros poisson dont il ne reste plus que la carcasse arrimée au bateau. Il aura perdu sa bataille mais rentre avec l'honneur d'avoir été de nouveau approché par la chance. Le regard des autres villageois ne sera plus le même, y compris celui des parents du petit Manolin. Comme je vous le répète à chaque fois dans ce rendez-vous d'été, seul le plaisir de la lecture compte. La parabole et l'enseignement qu'elle instille se mettent en place plus tard dans la construction d'un esprit critique lorsqu'il est confronté à d'autres sources éducatives et expériences. Un roman n'est pas un manifeste politique mais uniquement une source fantastique de bonheur de l'instant. Procurez-vous ce livre dont le prix est modique, il vous en coûtera quelques heures de lecture seulement mais des plus intenses et inoubliables. *Enseignant |