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«Des explications existent; elles ont existé de tout temps; il existe toujours
une solution bien connue à chaque problème humain, une solution élégante,
plausible, mais erronée.»
De prime abord, je dois vous informer que je ne suis ni islamologue, ni théologien, mais un simple musulman qui s'intéresse à sa religion. Je ne suis pas de ceux qui ont des croyances par héritage, mais de ceux qui cherchent à comprendre. Cependant, je peux vous garantir une chose très importante: je connais certainement l'islam mieux que Michel Onfray qui a essayé de "penser l'islam" dans son dernier ouvrage. Ceux qui ont lu le livre ont constaté que Michel Onfray répète souvent cette phrase : " Oui, bien sûr que j'ai lu le Coran, les hadiths et la Sîra avant d'écrire ce livre." Pour ma part, je doute qu'il ait compris ce qu'il a lu et je suis certain qu'il est de mauvaise foi quand il parle du Coran. Avant d'écrire ce texte j'ai dû lire ce livre de dont le titre est " Penser l'islam ". D'ailleurs, c'est pour cette raison que je ne parle que de la partie où il aborde le Coran. Il s'agit d'un entretien avec la journaliste Asma Kaouar. Les autres parties du livre ne m'intéressent pas ici. Elles requièrent un autre article ! Dans cette humble contribution, je ne citerai pas des versets coraniques pour contredire Onfray. Ce n'est pas nécessaire. La simple lecture des versets qu'il a utilisés est suffisante. Il voulait noircir l'image de l'islam mais avec versets déformés et bricolés. Cela dit, c'est un petit livre qui ne demande pas d'effort considérable. Il est plein de raccourcis dignes d'un journaliste stagiaire qui écrit juste pour remplir son papier ! Avec des procédés très dangereux en matière de méthodologie. Je n'ai pas trouvé de nouvelles idées, si ce n'est de la rhétorique qu'on trouve un peu partout dans les livres qui abordent ce sujet, avec de mauvaises intentions ! Ce livre, à 17 euros, se vend comme des gâteaux, dit-on ! C'est là où réside son danger d'ailleurs. La majorité des lecteurs profanes (passifs surtout) va prendre les dires de Michel Onfray comme véridiques et ça risque, par voie de conséquence, de nuire à l'image de l'islam. On ne peut blâmer des lecteurs qui font confiance à un philosophe (j'en parle dans l'article : «Pourquoi certains Français comprennent mal l'islam ?»). Faut-il rappeler que nous sommes sous le dictat des experts qui façonnent les pensées ? À notre époque, dur est de penser par soi-même, surtout quand on fait face à cette armée d'experts (de nouveaux "prophètes" ?) En réalité, le livre est une compilation d'articles. La partie la plus importante est intitulée Entretien. Je peux résumer ce livre en trois points: ? Il y a un islam de paix et un islam qui prône la violence. Les sourates de violence dominent. Donc, pour résumer, le Coran est un livre de violence. L'auteur écrit:» Un grand nombre de sourates légitiment les actions violentes au nom de l'islam. D'autres, moins nombreuses, mais elles existent aussi, invitent à l'amour, à la miséricorde, au refus de la contrainte. On peut se réclamer des unes ou des autres. On obtiendra dès lors deux façons d'être musulman. Deux façons contradictoires même. " ; ? « [Dans le Coran], il existe des textes hétérogènes dont les uns disent certaines choses et d'autres des choses contraires à ce qui a été dit quelques versets avant", écrit Onfray ; ? On trouve chaque dix pages que la France et l'Occident sont fautifs de la guerre contre les musulmans. Donc ils récoltent ce qu'ils sèment ! Pour Onfray, si les " musulmans " (de qui parle-t-il au juste ?) réagissent, c'est parce qu'ils sont agressés par l'Occident ! Une fois la dernière page du livre tournée, un constat amer tombe. Rien d'intéressant ! Des opinions, des préjugés et des stéréotypes qu'on trouve un peu partout dans des livres, vidéos, articles... L'argumentaire, quand il y en a, est souvent médiocre. Il fait du recyclage sans prendre la peine de citer ses sources. Mais c'est un philosophe, donc ce livre est le produit de sa propre réflexion ! Comme peut-être les livres de Jacques Attali ?! Notre philosophe hédoniste, Onfray en l'occurrence, n'a pas cessé de dire qu'il est lynché par les médias qui veulent sa peau...Sauf qu'on sait que lui-même est un pur produit médiatique. Sans passer par eux, ses livres ne seraient pas vendus comme des romans de gare ! Il baigne dans une attitude victimaire pour faire le dissident, alors qu'il est le pur produit de cette société du spectacle. Par ailleurs, il y a un passage frappant dans ce livre où Onfray dit qu'un membre du GIA algérien est l'auteur des attentats dans le RER à la station Saint-Michel. Chose qu'il a déjà dite en 1995. Or, l'implication du DRS dans ces attentats est un secret de Polichinelle. Selon lui, mais quelle remarquable stagnation intellectuelle pour un philosophe! Ce n'est pas tout, quelques pages après il ajoute que [dans les années 90] " le GIA faisait des centaines de milliers de morts - 500 000, dit-on." D'où sort ce chiffre ? Dans ce fameux livre, notamment dans l'entretien, dont les médias parlent beaucoup, j'ai trouvé des choses hallucinantes de la part de ce philosophe. D'ailleurs, le problème des philosophes français est qu'ils ont un avis sur tout, y compris sur la composante chimique dominante de la planète Mars ! Parfois il faut savoir dire "je ne sais pas" ou ne rien dire ! Au fait, Onfray commence son livre, après une citation de Nietzsche, par un verset coranique qu'il bricole à sa façon pour lui faire dire une chose qui n'a rien avoir avec son vrai sens. Il écrit ceci: " Petit est le nombre de ceux qui réfléchissent " Coran, XL.58. Allons maintenant voir ce verset. Dans la sourate 40, verset 58, on lit : " L'aveugle et le voyant ne sont pas égaux, et ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres ne peuvent être comparés à celui qui fait le mal. C'est rare que vous vous rappeliez ! " On voit que c'est trop loin de ce qu'on a pu lire dans "Penser l'islam". L'auteur voulait peut-être écrire le verset 57 ? Dans ce dernier, Dieu dit : " La création des cieux et de la terre est quelque chose de plus grand que la création des gens. Mais la plupart des gens ne savent pas. " J'ai commencé par cette citation parce qu'elle est utilisée pour dire que le Coran est destiné à une petite élite, donc incompris par la majorité des musulmans. Comment ? Lisons Onfray (l'expert !) : "On imagine bien volontiers que les hommes intelligents, ceux qui disposent de la science et du savoir, feront confiance à la science, à l'intelligence et au savoir. Mais, le Coran le dit aussi : "Petit est le nombre de ceux qui réfléchissent " (XL.58) ! Que faire avec le plus grand nombre, privé de sagesse, d'intelligence, de science et de raison ? " " Mais l'auteur ne s'arrête pas ici. Il a fait avec ce bricolage du texte coranique un livre. Avec le titre "Penser l'islam", Onfray fait vraiment de la concurrence déloyale à G. Musso. Et ce en prenant un verset et le divisant en plusieurs phrases qui n'ont aucun sens quand elles sont lues séparément. Il devait savoir pourtant avant de s'élancer dans l'écriture de son livre qu'un verset coranique doit être indivisible et jamais pris seul pour l'interpréter. Pour une illustration, il faut imaginer une première lecture de ce verset 4 de la sourate 107: " Malheur donc, à ceux qui prient." La majorité des musulmans connaît la suite de ce verset ! Sans lire le verset 108, la compréhension devient une chose qui n'a rien avoir avec le vrai sens de ladite sourate qui dit ceci : " Malheur donc, à ceux qui prient tout en négligeant leur Salât (prières). " Il y a également un autre exemple avec plus de nuance, dans l'épisode où Dieu créa Adam. Il demanda aux anges de se prosterner : " Et lorsque Nous avons dit aux Anges : "Prosternez-vous devant Adam", ils se prosternèrent, à l'exception d'Iblis ?" (Sourate 17 verset 61). À la lecture de ce verset et en utilisant la méthodologie d'écolier qu'utilise Onfray, on peut conclure que Iblis (Satan) est un " ange ". Cependant, si on lit le verset 50 de la sourate 18, où Dieu nous parle du même épisode, on comprend autre chose: " Et lorsque Nous dîmes aux Anges : "Prosternez-vous devant Adam", ils se prosternèrent, excepté Iblis qui était du nombre des djinns et qui se révolta contre le commandement de son Seigneur? " En lisant "Penser l'islam", force est de constater que l'auteur coupe et déforme à sa guise de nombreux versets. Pour les besoins de cet article je vais prendre trois exemples qui risquent de vous heurter. Le plus frappant est qu'Onfray a toujours confondu entre une sourate (chapitre) et une Âyat (verset). Chose qu'on peut lui faire passer, volontiers ! 1. Michel Onfray écrit : " Pour éviter que vous me disiez que le Coran n'interdit rien de tout cela, je vous rappelle les sourates en questions. Sur l'antisémitisme : les Juifs " s'efforcent à corrompre la terre " (V.64) " ; c'est " un peuple criminel " (VII.133). Pour bien comprendre, il faut décortiquer cette phrase. Lisez en premier lieu le verset 64. Sourate 5, verset 64 : " Et les Juifs disent : "La main d'Allah est fermée ! " Que leurs propres mains soient fermées, et maudits soient-ils pour l'avoir dit. Au contraire, Ses deux mains sont largement ouvertes : Il distribue Ses dons comme Il veut. Et certes, ce qui a été descendu vers toi de la part de ton Seigneur va faire beaucoup croître parmi eux la rébellion et la mécréance. Nous avons jeté parmi eux l'inimité et la haine jusqu'au Jour de la Résurrection. Toutes les fois qu'ils allument un feu pour la guerre, Allah l'éteint. Et ils s'efforcent de semer le désordre sur la terre, alors qu'Allah n'aime pas les semeurs de désordre. " Dans ce verset Dieu répond à un Juif qui dit que " La main d'Allah est fermée ". Dieu a bien spécifié les Juifs visés dans ce verset. Il ne s'agit pas de tous les Juifs, comme le dit Onfray, mais de ceux qui " s'efforcent de semer le désordre sur la terre ". ! Pour plus d'explications, je vous renvoie vers Tafsîr Ibn Kathîr, tome 3, page 146. Et pour la partie où l'auteur évoque c'est " un peuple criminel " (VII.133) " ? Il a peut-être raison cette fois-ci ? On ne sait jamais ! C'est un philosophe avant tout ! Le Coran dit, dans le chapitre 7, verset 133 : " Et Nous avons alors envoyé sur eux l'inondation, les sauterelles, les poux (ou la calandre), les grenouilles et le sang, comme signes explicites, Mais ils s'enflèrent d'orgueil et demeurèrent un peuple criminel. " *Universitaire algérien A suivre |