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Les déficiences du vol AH 5017 en provenance de Ouagadougou ont commencé au sol, en clair, au stade préliminaire de son déroulement. L'évènement redouté qui a engendré, il y a exactement une année, le crash au Mali de l'aéronef MD-83 affrété par la compagnie Air Algérie est le symptôme de dysfonctionnement si l'hypothèse de malveillance à son égard est écartée. En effet, on peut concevoir cet accident qui a coûté la vie à 116 personnes, comme le résultat de plusieurs causes au lieu de l'attribuer simplement à l'effondrement de la portance dû à un malheureux concours de circonstances. Il n'est, pour ainsi dire, pas étonnant d'apprendre un jour que le décrochage de l'avion est la faute de la gravité terrestre ! Cette contribution tente de dévoiler quelques éléments de l'arbre des causes de l'accident et de rendre intelligible l'aspect organisationnel de ce vol de nuit qui a viré au drame. IL N'EST PAS IRRATIONNEL DE PENSER AU BACLAGE En fouillant avec patience dans les 63 pages du rapport d'étape du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), un document daté du 20 septembre 2014, il a été possible de détecter certaines lacunes. Il apparaît également évident que le maximum d'effort déployé par le BEA vise principalement la recherche des causes immédiates à l'origine du crash. Dans son communiqué de presse du 2 avril 2015, le BEA se précipite pour porter un jugement sur l'équipage qui, selon lui, n'a vraisemblablement pas activé les systèmes antigivrage au cours de la montée et de la croisière. L'équipage avait pourtant une expérience non négligeable de vol en Afrique, ce fait a été mentionné dans le rapport d'étape. Le rapport est mitigé d'une incohérence quant au nombre de victimes. En effet, dans le synopsis à la page 6, on dénombre 110 passagers alors qu'en page 16, il détaille le nombre des victimes en 99 adultes et 12 enfants, ce qui donne un total de 111 passagers: la différence est énorme car Il s'agit d'un être humain ! Pour venir à bout de l'enquête, il est nécessaire que le BEA se penche dans son rapport final envisageable à la fin décembre 2015 sur le facteur humain et organisationnel, pour voir à quel degré les devoirs de prévoyance et d'efficacité ont été exercés par le personnel technique navigant et au sol. UN DOSSIER METEO CONTESTABLE Le dossier du vol «Ouaga-Alger» est composé, entre autres, d'un package météo composé de la situation météorologique au sol, des cartes de vents en altitude, du TAF et METAR des aérodromes sur la route et d'une carte satellite infrarouge schématisant les conditions météorologiques à grande échelle. Dans le cas du vol en question, l'heure d'émission de l'assistance météo est 22:30, soit un décalage de 2h30 par rapport à la mise en route de l'avion. Les informations météo sont vite périssables, le dossier n'a pas été rafraîchi pour tenir compte du délai et, par ricochet, des changements météo. Ainsi, par exemple, l'image satellite est disponible aux heures rondes H et H+30, ce qui veut dire que 5 images ont été ratées: une première lacune relevée. La seconde lacune est d'avoir un dossier dont le contenu est en deçà du minimum requis pour aborder le front intertropical, cet écueil de taille pour l'aviation. Le dossier météo doit contenir au moins les cartes du temps significatif (TEMSI) sur lesquelles figurent les conditions dangereuses, en l'occurrence les zones de givrage, de turbulence, du courant jet et autres informations. Si le pilote disposait de l'information sur les zones de givrage, son attention est aussitôt captée. Il aurait certainement activé le système antigivrage des capteurs de pression en amont des réacteurs, ceci en supposant l'hypothèse avancée par le BEA, qui apparemment incrimine le pilote d'omettre cette mesure sécuritaire ! L'équipage n'a pas reçu l'information sur le potentiel de givrage au vol et étant donné que le «crash météo» est mis en avant donc le centre météo DFFD a failli à sa mission. UN PLAN DE VOL DECLINE Malgré l'absence de congestion dans l'espace aérien, l'insistance du contrôleur aérien de Ouagadougou sur la route aérienne «Gao via Epepo» inquiète à maints égards, car cette route était différente de celle demandée par l'équipage dans son plan de vol, à savoir le passage via Niamey puis Rofer pour atteindre la route UM 608 et en bout de ligne Alger. Étant mieux documenté que les contrôleurs aériens sur les conditions météorologiques à l'échelle synoptique, pourquoi l'équipage du vol AH 5017 n'a pas exprimé son désaccord vis-à-vis de la route aérienne fournie? Sans doute, les sentiments de surconfiance et d'invulnérabilité étaient derrière cette décision d'acceptation, une décision qui affecte la rentabilité économique du vol suite à la surconsommation de carburant qui est due aux fréquents changements de cap pour contourner les cellules orageuses. En effet, la route via Niamey était dégagée et sécuritaire. Le contrôle aérien DFFD a une part de responsabilité dans le sens où il a sans fondement décliné le choix préférentiel du pilote, sachant qu'il correspond à celui de la compagnie Air Algérie pour le départ par NY (Niamey) vers Alger. L'ETAT D'UNE BOITE NOIRE SUSCITE L'ETONNEMENT Une des boîtes noires appelée CVR, conçue pour l'enregistrement des conversations au cockpit qui contient les données audio des 2 dernières heures de vol et qui est censée livrer des secrets sur le crash du vol AH 5017 était, selon le BEA, sévèrement abîmée et inexploitable. En comparant l'état extérieur du CVR de l'Airbus A320-211 écrasé avec une extrême violence contre un relief dans les Alpes et le CVR du MD-83 qui a subi un décrochage au Mali, on peut dire que l'intégrité physique de ce dernier est meilleure que celle du CVR de l'A320. Il est donc étonnant de considérer le CVR du MD-83 inexploitable alors que celui de l'A320 exploitable. Sur le site du BEA à la rubrique «L'enquête et ses techniques», ce dernier déclare ce qui suit: «Les enregistreurs de vols sont conçus pour protéger les enregistrements qu'ils contiennent en cas d'accident. Pour cela, ils sont certifiés pour résister à de nombreuses contraintes : une accélération pouvant atteindre 3.400 g (soit 3.400 fois l'intensité de la pesanteur terrestre), une température de 100 °C pendant une heure, un mois d'immersion dans l'eau à six mille mètres de profondeur, etc. Ces caractéristiques permettent aux enquêteurs d'extraire avec succès les données des enregistreurs de vol après un accident dans presque 100% des cas». Il y a donc de bonnes raisons de considérer ce sujet ahurissant et d'être sceptique. L'ALGERIE DOUEE DU SENS POLITIQUE DE L'AUTRUCHE ! Le profil bas et l'exclusion de l'Algérie dans le déroulement de l'enquête, monopolisée dès le départ par une tierce partie, traduisent l'apathie du système qui demeure incapable de s'impliquer dans les ?'vraies affaires''. Le rebondissement de l'affaire AH 5017 en vue de l'indemnisation des victimes s'en vient avec le recours collectif de leurs familles à Montréal et possiblement en France. A vrai dire, l'Algérie a perdu le goût d'apprendre des catastrophes sinon comment expliquer son démarquage du paritarisme prescrit par l'Organisation de l'aviation civile internationale dans l'annexe 13 de la Convention relative à l'aviation civile internationale, qui désigne clairement les parties prenantes en cas d'enquête d'accident. Le témoignage du contrôleur aérien de la tour de Ouagadougou accablant la compagnie Air Algérie a été publié dans le rapport du BEA; il mentionne qu'il est fréquent que les arrivées d'Alger dérogent aux règles de la navigation. Le but d'insérer ce témoignage dans le rapport n'est pas fortuit ! BESOIN DE FAITS ET NON DE SPECULATION SAVANTE Dans la liste des dix-huit faits établis dans le rapport, il n'y a pas vraiment de fait négatif qui a un rapport de causalité avec l'évènement. Ce qui est très drôle est l'hypothèse qui sous-entend que les signes avant-coureurs de décrochage n'ont pas été détectés par trois pilotes à bord, ceci d'une part, et d'autre part, il est bizarre que le décrochage a eu lieu après avoir contourné avec succès le système météorologique dangereux ! Moralité : Air Algérie doit s'attendre à des mauvaises surprises dans le rapport final. *Ex-chef de centre météo, aéroport les Salines, Annaba |