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Comment peut-on
rester impassibles face à cette tragédie de Ghardaïa? Comment ne pas dénoncer
cette mise à mort déloyale de l'esprit solidaire, fraternel et humain qui
animait nos compatriotes depuis des millénaires? Il y a péril en la demeure et
pas âme qui vive pour dire «non» à cet énième déraillement de la locomotive
algérienne. Pour quelle direction? Personne ne le sait pour le moment, hélas!
Sans l'ombre d'un doute, cela démontre l'échec patent de ceux qui sont à la
tête de l'Etat et, inévitablement, de tout ce qu'ils ont entrepris, à tous les
niveaux, depuis l'indépendance : échec de la culture de gestion, du
vivre-ensemble, de la citoyenneté, de la gouvernance, des cadres, des élites,
des mentalités, etc.
Pour preuve, ce conflit intercommunautaire, dans la vallée de M'zab couvait déjà depuis longtemps sur fond de rivalité confessionnelle et aucun plan de sortie de crise d'envergure n'a été mis en œuvre pour le contenir. Mais pourquoi? La réponse n'a guère besoin de grandes analyses pour être trouvée : manque de perspectivisme politique d'une part et volonté délibérée du pourrissement de la situation d'autre part. C'est, d'ailleurs, ainsi que l'on a pris en haut lieu l'habitude de gérer tous les dossiers sensibles en rapport avec la démocratie, c'est-à-dire, de façon aléatoire et selon les intérêts en jeu, du moment. Mais revenons au vif du sujet : Quelle est la part du hasard? Celle de l'accident ou du destin, dans ces derniers événements ayant coûté la vie à plus d'une vingtaine de personnes? Un massacre sous d'autres cieux. Il serait tôt d'en prononcer un jugement définitif quoique les données qui en ressortent confirment que notre carte territoriale subit, à l'heure présente, les retombées d'une centralisation chauviniste excessive, érigée en dogme coercitif par cette nomenclature gérontocratique aux commandes. De plus, avec un président impotent dont on ne voit que rarement le visage, à la télévision, une économie rentière qui marche au ralenti à cause de la chute libre des prix du pétrole et des réserves de changes, une corruption vicieuse jumelée à un islamisme de caniveau qui auront sapé toutes les valeurs morales de la société, une incompétence qui se renforce, progressivement, dans le noyau administratif et une fuite de cerveaux qui ne fait qu'accélérer, l'Algérie se dirige, droit, vers «une re-colonisation en douceur» par l'ancienne puissance coloniale, en particulier. Autrement dit, si cette déliquescence se poursuit à ce rythme, on aura du mal à former, sinon à réformer, dans le futur proche, ne serait-ce qu'«un semblant d'élite» gestionnaire capable de prendre, à bras le corps, les défis auxquels le pays sera amené à se confronter. Les prémices de cette dépendance ont déjà commencé par le dossier du football, devenu à défaut de challenges économiques ou autres une affaire de fierté nationale, et s'élargissent, peu à peu, vers la culture, l'économie, la politique, etc. A proprement parler, le seul message que l'on serait en mesure de décrypter, a priori, ne saurait que heurter la sensibilité d'une jeunesse fatiguée à l'avance de ce constant délitement : le pays régresse chaque jour davantage, il s'enfonce dans une spirale sans fin. Et voilà que toute une génération livrée à elle-même s'y retrouve, elle aussi. Cet échec, il faut le regarder, en face, sans illusion, en en tirant les conclusions nécessaires. D'autant que le foyer de tension régionale fomenté par le ?Printemps arabe' au centre duquel se situe l'Algérie n'incite pas à l'inaction et à la négligence. La violence est une source potentielle d'instabilité et ces irruptions de la sauvagerie, à la limite de l'irrationnel, dans la vie de nos citoyens sont le signe précurseur de quelque chose qui allait nous dépasser si l'on n'y tienne pas compte : l'anarchie. Mais à qui profite vraiment le crime? A qui profite le trouble? L'anarchie? Le flou? Certes, on ne sait trop quoi dire là-dessus, vu la complexité du malaise algérien mais il n'en demeure pas moins que poussées également par les rebondissements des récentes manifestations contre la fracturation du gaz du schiste à In-Salah, nos inquiétudes ouvrent droit à cette interrogation légitime : L'Algérie dérange-t-elle à ce point sur le plan régional ou serait-elle si minée par les luttes des clans aux hautes sphères de l'Etat qu'elle ne puisse rester à la lisière des raz-de-marée de telle ampleur, effet de récupération politicienne oblige? En d'autres termes, ces événements-là seraient-ils un simple phénomène de société (une chose routinière vécue par les habitants de Ghardaïa) ou un complot sciemment ourdi de l'extérieur comme on a coutume de l'entendre? Au fait, aucune théorie, aucune croyance, aucune foi, aucune politique ni aucun programme ne règle quoi que ce soit, sans l'intelligence du citoyen et la mobilisation de sa société. A eux, seulement, d'être responsables de l'empreinte à donner à la nation et de préserver la vie humaine. A eux seuls d'agir dans l'intérêt général. En ce sens qu'ils ne devraient, jamais, s'interdire d'évoluer et de concevoir la différence comme une richesse, de construire des canaux de dialogue, de tirer la société vers le haut et d'observer, avec lucidité, les enjeux d'avenir. Or, né d'une fracture entre ?citadinité' et ruralité, ce conflit de Oued M'zab s'éternise et prend le monde à contre courant, au moment même où nos responsables se forcent à des farces dans la communication comme pour nier l'adversité que chacune des parties (Chaâmbas et Mozabites) devine dans l'autre. Ce genre de différend, aussi superficiel soit-il, deviendrait d'une inextricable complexité, voire un facteur d'affaiblissement de l'Algérie sur le plan régional et risquerait même de faire vibrer les piliers de l'Unité nationale si l'on ne se mettait pas, en urgence, autour d'une table ronde, regroupant toutes les sensibilités afin d'en faire le diagnostic. On se rappelle bien qu'en avril 2001, des événements d'une ampleur inégalée faisant plus de 100 victimes ont secoué la Kabylie, à cause de la revendication identitaire berbère et la réaction des autorités fut d'une violence inouïe, à l'époque. La militarisation des solutions, une technique, bien connue chez nous, enfonce souvent le couteau dans la plaie et n'arrange rien aux problèmes fondamentaux dont on souffre. Prétendre circonscrire l'incendie de Ghardaïa par le redéploiement massif de l'armée n'est qu'un mensonge en soi. Il faudrait, peut-être, initier des voies novatrices de dialogue, aussi longtemps que possible, afin de nourrir les graines d'une vraie réconciliation entre les communautés. |