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1ère partie Il y a de cela quelques semaines, une modeste contribution qui s'inscrivait dans le cadre d'une réflexion sur l'état de l'université algérienne, à travers une étude de cas des étudiants de première année de licence du Département des Lettres et Langue Anglaise, Faculté des Lettres et des Langues de l'Université de Constantine 1, publiée dans les colonnes de Le Quotidien d'Oran , révélait entre autres aspects le rôle essentiel joué, dans la tenue même des activités pédagogiques de ce département, par une catégorie de personnel au statut indécis : les doctorants enseignants (D/E). Plus connus sous l'appellation tant équivoque que peu enviable de 'vacataires', les D/E du Département des Lettres et Langue Anglaise de la Faculté des Lettres et des Langues de l'Université de Constantine 1 sont un groupe de 100 d'entre les 140 étudiants de post-graduation régulièrement inscrits dans ce département, dans une des années d'étude allant de D1 (première année de doctorat) à D5 (cinquième année de doctorat), pour y préparer une thèse dans une des trois spécialités qui y sont offertes : Didactique des Langues Etrangères (DLE), Linguistique Appliquée (LA), et Littératures et Civilisations Anglaise et Américaine (LC). En termes d'année d'étude, de sexe, et de spécialité, ces D/E se répartissent comme suit : Tous sont jeunes, leurs âges se situant dans la fourchette des 20 à 30 ans. 77 d'entre eux sont des jeunes femmes et 23 des jeunes hommes . Dans le tumulte incessant du bloc des lettres, campus central de l'Université de Constantine 1 où ils officient, ils sont difficilement reconnaissables d'entre les étudiants dont ils ont la charge : pratiquement même tranche d'âge, même allure, même tenue vestimentaire, souvent même look, et, parfois, même comportement. Plus important, et pour rappel , ces D/E forment, en cette année universitaire 2013-2014, 60.61% du corps enseignant total du Département des Lettres et Langue Anglaise, et sont, à titre d'exemple, en charge de 70.71% de la totalité des enseignements de première année de licence. Effet pédagogique collatéral d'un développement non maîtrisé sinon de l'ensemble de l'institution universitaire du moins de ce département, les D/E sont devenus par la seule vertu de leur nombre et de ces pourcentages la colonne vertébrale de toute pratique pédagogique de l'institution qui les emploient et où, paradoxalement, ils font encore leurs classes. D'où l'intérêt, toujours dans le cadre d'une réflexion sur l'état de l'université algérienne, d'une étude sur ce qu'ils sont, ce qu'ils font, comment ils le font, dans quelles conditions ils le font, et ce qu'ils ressentent quand ils font ce qu'ils font dans les conditions dans lesquelles ils le font ; bref, d'un questionnement sur ce qu'être (presque) enseignant à l'université signifie. Ce questionnement, que tente d'initier la présente étude, a d'abord pris la forme d'interviews informelles d'individus ainsi que de petits groupes de D/E, tenues au gré de rencontres impromptues dans les couloirs du bloc des lettres et en salle 119 où ils se rassemblent. Ces entrevues ont donné naissance à un questionnaire de 10 items regroupés autour de quatre centres d'intérêts principaux : Le travail des D/E en tant que (presque) enseignants - c'est-à-dire quelques caractéristiques importantes de leur vécu -, le lien entre le travail qu'ils font et leur qualité d'étudiants chercheurs en préparation de thèse - c'est-à-dire ce qui devrait en définitive être la raison première, sinon la seule raison, de leur présence dans l'institution -, dicté par le nombre de références y afférant lors des interviews, l'affect des D/E - c'est-à-dire ce qu'ils ressentent, leur sentiment en tant que (presque) enseignants dans ce département qui les emploie -, et enfin, - l'anglais dirait 'last but not least' - ce qu'ils souhaiteraient éventuellement voir changer dans ce vécu - l'énoncé de ce(s) changement(s) exprimant à sa manière, leur propre évaluation de ce vécu -. Le questionnaire ainsi ordonné a été distribué, pendant une période d'une semaine, au hasard des rencontres des D/E dans ce même couloir et cette même salle où les entretiens avec eux avaient eu lieu, à ceux d'entre eux dont le chemin a été croisé ; assurant le caractère aléatoire du choix de l'échantillon de la population de la présente étude . 56 d'entre les 100 D/E en fonction au Département des Lettres et Langue Anglaise - soit 56% de leur population globale - ont ainsi pu être approché et se sont prêtés de bonne grâce à l'administration du questionnaire. D'entre ces 56 D/E, 43 sont de sexe féminin, ce qui représente 76.78% de l'échantillon de l'étude, soit une proportion qui se rapproche de celle représentée par la gente féminine dans la population globale des D/E. De même, la représentation par années d'études dans l'échantillon par rapport à la population globale des D/E y est-elle à peu près respectée, sauf pour le cas des doctorants inscrits en 5ème année qui y forment 23.21% alors qu'ils ne représentent que 19% de la population mère, et pour celui des D4 qui n'y forment que 19.64% alors qu'ils représentent 24% de la population totale des D/E. Le tableau synoptique suivant reprend, aux fins de comparaisons, pour la population de l'échantillon de l'étude, les caractéristiques proposées dans le tableau précédant : Une autre caractéristique enfin, partagée par la majorité de la population de l'échantillon de l'étude, mérite, parce qu'elle participe à leur identification en tant que groupe, peut-être d'être ajoutée à celles qui précèdent : 53.57% des D/E de l'échantillon de l'étude n'ont jamais quitté le giron du département où ils font leurs classes depuis qu'ils y sont entrés - ne faisant que changer d'un côté vers l'autre du pupitre magistral -, 75% celui de l'université - s'essayant à l'enseignement dans d'autres départements -, 92.86% celui d'une salle de classe sous une forme ou une autre - dans des écoles privées ou en qualité de suppléants dans l'enseignement secondaire -. Seulement 7.14% se sont aventurés hors du cocon protecteur de l'environnement qui les a vus grandir, s'essayant qui à l'interprétariat, qui à la gestion de stock, qui à la représentation et qui enfin aux relations publiques. APERÇU DE QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DU VÉCU DES D/E DANS LEUR FONCTION ENSEIGNANTE 4 items du questionnaire s'intéressent à identifier quelques-unes des caractéristiques du vécu des D/E dans leur fonction enseignante, non seulement pour ce qu'elles dévoilent de ce que, en leur qualité de (presque) enseignants, les D/E font, de comment ils le font, et des conditions dans lesquelles ils le font ; mais aussi de par ce que ces aspects de leur activité pédagogique ainsi identifiés ont, chaque année, d'impact direct sur le devenir des centaines d'étudiants dont les D/E ont la responsabilité. Ces items concernent le volume horaire hebdomadaire d'enseignement assigné aux D/E, le nombre de modules dont ils ont la charge, la fidélisation ou le nomadisme pédagogique qui caractérise leur enseignement de ce(s) module(s), et enfin l'environnement, l'accompagnement et le soutien pédagogiques qui entourent un tel enseignement. - Volume horaire hebdomadaire Le volume horaire hebdomadaire (VHH) pendant lequel ils enseignent varie, pour les D/E de l'échantillon de l'étude, entre un pic de 16h30mn et un minimum de 1h30mn, attestant d'un déséquilibre tel qu'il interpelle d'emblée la notion même de gestion du temps pédagogique par l'administration qui les emploie. Le tableau ci-après note, pour chaque tranche de volume horaire hebdomadaire le nombre de D/E concerné, et le pourcentage, pour chaque tranche, de ces derniers par rapport à la population de l'échantillon de l'étude. Affectations de charges d'enseignements pour le moins inégales donc, 1 D/E de l'échantillon de l'étude couvrant 15 heures hebdomadaires d'enseignement de plus que 6 de ses camarades mieux lotis avec seulement 1h30mn d'enseignement par semaine ; 13h30mn de plus que 21 de ses camarades dont la charge horaire n'est que de 3h, et ainsi de suite jusqu'aux 4h30mn de plus de ces deux camarades dont la charge horaire hebdomadaire est pourtant de 12h ! Un tel déséquilibre s'expliquerait-il par la spécialité - certaines spécialités étant plus demandées que d'autres -, ou le sexe - un groupe recevant, sur une base sexuée, plus de charges que l'autre - ou encore l'année d'étude des D/E - plus étant demandé aux promotions plus anciennes, donc plus chevronnées - ? Le résultat du recoupement de ces caractéristiques avec le volume horaire hebdomadaire affecté à chaque D/E de l'échantillon de l'étude ne permet aucune catégorisation : Aucune corrélation ne semble en effet possible entre spécialité et volume horaire hebdomadaire assigné ; les D/E inscrits en DLE, en LA ou en LC s'éparpillant ça et là dans la constellation des volumes horaires sans qu'un ordre quelconque puisse y être discerné en fonction de ces spécialités. Même résultat pour le sexe des D/E de l'échantillon de l'étude, cette caractéristique ne semblant pas intervenir dans la détermination de la charge horaire hebdomadaire qui leur est assignée. Même résultat enfin pour l'année d'étude même si le recoupement de cette caractéristique laisse apparaître des indices, trop ténus pour être catégorisables, mais qui méritent peut-être d'être mentionnés. Ainsi, par exemple, la présence systématique d'un représentant des D1 dans chacune des charges horaires les plus élevées - 16h30mn et 12h - et l'absence toute aussi systématique dans ce groupe des D3, D4, et D5 inverserait littéralement l'hypothèse précédemment exprimée d'un possible lien ancienneté-expérience/volume horaire accru, et laisserait plutôt entrevoir celle de l'affectation d'une charge horaire hebdomadaire basée sur un banal rapport de forces ; la dernière promotion de doctorants venue parmi les D/E subissant des charges plus lourdes en attendant de faire ses classes dans le monde de la négociation, du refus et de l'assertion de soi. (C'est également, il est intéressant de le noter, dans la catégorie des D4 à D5 que l'on retrouve le plus grand nombre d'affectations des volumes horaires hebdomadaires plus cléments de 1h30mn et 3h.) Une sorte de bizutage en somme, qui, à la limite, rendrait l'idée d'une affectation aléatoire de ces charges horaires moins décevante. Contraintes initiatiques mises à part, nul ordre donc pour tenter d'identifier une logique à l'assignation d'un volume horaire hebdomadaire aux D/E. D'où peut-être l'hypothèse, face aux écarts qui caractérise son octroi, de sa distribution sans trop de planification préalable, ni de considération pédagogique, ni même tout compte fait de logique aucune si ce n'est peut-être celle d'une gestion ponctuelle de l'urgence assurant que les étudiants soient, autant que faire se peut , sous tutelle d'un (presque) ainé, dans une salle de classe, pendant les horaires que dicte leur emploi du temps. - Nombre de modules enseignés Le nombre de modules dont ils ont la charge varie, pour les D/E de l'échantillon de l'étude, entre 1 et 4 comme indiqué dans le tableau suivant : Aspect positif, ces données indiquent une nette prépondérance de la pratique de l'octroi d'un seul module à enseigner aux D/E. Elles indiquent pourtant aussi que cette pratique coexiste avec celle, plus pédagogiquement hasardeuse, d'affectations de 2 et jusqu'à 3 et 4 modules différents pour près d'un tiers des D/E. Donc, et comme pour l'item précédent, distribution inégales des charges. Dans le cas de l'assignation d'un seul module, une lecture plus avant des réponses des D/E concernés montre que pour 37.50% d'entre eux, cette affectation va de pair avec celle de la prise en charge de plus d'un groupe ; sorte d'affectation 'concomitante' - on ne saurait parler ici de 'gentleman's agreement' - où la réduction de la charge pédagogique en termes de contenu s'accompagne de la répétition n/groupes du contenu ainsi réduit. C'est ce qu'indique le tableau ci-après : Demeurent les cas d'affectations de plus d'un module d'enseignement. Dans ces cas, il n'est pas rare que le D/E se retrouve à cheval sur plus d'une année d'étude. Ce chevauchement prend parfois la forme d'un grand écart quand le D/E est investi d'une charge pédagogique couvrant la 1ère, la 2ème, et la 3ème année de licence, parfois même les années de masters , chacune avec un module différent. Ainsi, sur les 16 D/E de l'échantillon de l'étude affectés à l'enseignement de plus d'un module, l'identification du nombre de ces modules différents en fonction des différentes années d'études se présente comme suit : La palme de l'absurdité de telles affectations qui, il faut bien se l'avouer, n'ont plus grand-chose à voir avec la pédagogie peut être mise en ballottage entre l'assignation de ce D/E inscrit en D3 à un enseignement, dans le cadre d'un volume horaire hebdomadaire de 7h30mn, en master 2 en sus d'un enseignement de dernière année de licence ; celle de cet autre D/E inscrit en D5 et chargé de l'enseignement de 3 modules différents dont 1 en master 1 dans le cadre d'un volume hebdomadaire de 9h ; et cette autre de ce D/E également inscrit en D5 et affecté en 1ère, 2ème, 3ème années de licence et également en 1ère année de master - c'est-à-dire sur 4 paliers différents - pour l'enseignement de 4 modules différents, dans le cadre d'un volume horaire hebdomadaire de 09h. A moins bien sûr que ce trophée n'aille, ne serait-ce juste que pour le volume, au fameux D/E inscrit en D1 et qui couvre 4 modules différents sur 2 années différentes pour un volume horaire hebdomadaire de 16h30mn. Ubuesque ! Comme pour l'item précédant, le croisement du nombre de modules affectés avec les caractéristiques les plus saillantes de la population des D/E que sont la spécialité, le sexe, et l'année d'inscription en doctorat ne donne pas de résultats permettant une quelconque caractérisation. Il donne lieu néanmoins à une remarque : Si la différence, entre les sexes, du nombre de modules affectés ne permet pas de réelle catégorisation, les doctorantes sont pourtant, avec 74.41%, légèrement plus représentées dans le groupe d'affectation d'un seul module que les doctorants, avec 61.53% ; et nettement moins représentées dans ceux des affectations de deux ou plus de deux modules, notamment avec 04.65% dans la case des affectations de 4 modules, contre 15.38% pour les doctorants. Simple fait du hasard, plus grande capacité de négociation de la gente féminine, courtoisie de l'administration, ou expression d'une plus grande confiance de cette dernière en la population doctorante mâle qui se traduirait par un souhait de sa présence plus soutenue dans les salles de classes ? Interrogations à la limite secondaires sinon futiles quand elles sont confrontées à celles qui touchent à l'impact de telles affectations sur la capacité de leur prise en charge par les D/E qu'elles concernent, et sur la qualité de la formation qui en découle des cohortes d'étudiants, toutes années confondues, dont ces D/E et leurs camarades hors échantillon ont la charge. Ces nombres de modules ainsi que les volumes horaires hebdomadaires affectés aux D/E ont une incidence sur l'obligation de leur présence journalière dans l'enceinte du département. Ne serait-ce que pour ce qu'elle sous entend, en plus de déplacements vers et depuis l'université, en termes d'influence sur le temps et la concentration que les D/E peuvent investir dans leur travail de recherche - activité qui, ceux qui les soumettent au nonsense de certaines des charges décrites plus haut semblent peut-être avoir trop tendance à oublier, devrait, à cette étape de leur devenir, être la première sinon la seule raison de leur présence au sein du département -, cette incidence mérite enfin d'être relevée. Pour la population de l'échantillon de l'étude, cette obligation de présence s'exprime comme suit : Les charges pédagogiques des D/E peuvent ainsi être regroupés sur une seule journée pour certains, leur laissant, préparation de leur(s) enseignement(s) mise à part, le reste de la semaine pour se concentrer sur leur travail de recherche ; ou s'étaler jusque sur quatre jours pour d'autres, signifiant une perte équivalente en temps dédié à leur recherche. * Professeur au Département des Lettres et Langue Anglaise, Faculté des Lettres et des Langues, Université de Constantine 1. Auteur de Écrits Épars-Liés (1989-2009), Alger, El Dar El Othmania, 2010, et de L'Université de L'Énigme au Puzzle : Une Introduction à la Méthodologie du Travail Universitaire, Constantine, OPU, 2012. A suivre... |