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«Savez-vous
combien de baguettes de pain on a jetées durant le Ramadan 2013 ? 20 millions !
Savez-vous combien de litres de lait ? 12 millions ! Légumes ? 50 millions.
Déchets ? 2200 tonnes ! Maintenant vous savez, alors réfléchissez avant de
gaspiller !» C'est le spot choc du Ramadhan 2014 que les médias officiels
passent en boucle avec ferveur.
C'est que le sensationnel venant d'en haut est au journaliste téléguidé ce que la bombe est au kamikaze. Etonnant. Comment ont-ils fait, en plein mois d'abstinence au plus fort de l'été, pour gérer les poubelles et les soumettre à l'analyse scientifique avec de tels chiffres lapidaires ? Bravo ! Le Système nous conseille donc de bouffer tout ce que nous achetons ou de n'acheter que ce qu'on peut avaler. Attention, sagesse élémentaire, il y a des gens qui meurent de faim et d'autres qui transforment leur poubelle en garde-manger pour rats chats et chiens errants. Malgré notre côté africain, l'arabité nous a sauvés de la famine grâce à la razzia avant l'or noir et l'Islam nous prévient : le gaspillage c'est péché. C'est l'Occident mécréant, la société de consommation par excellence qui gaspille. Or le problème c'est que l'Algérien lambda quand il prend son couffin pour aller au souk, il est dans le flou total. Tout lui échappe puisque pratiquement tout ce qui se vend provient de l'étranger. Commençons par sa Majesté le pain, nous occupons la première place mondiale pour sa consommation comme si l'évolution du ventre nous a boudés. Dans l'Algérie indépendante avec ses symboles mirifiques ses constantes sacrées ses richesses fabuleuses ses compétences infinies, nous nous goinfrons de gluten comme nos ancêtres d'avant l'Histoire. Un milliard de baguettes par mois disent les statistiques. On n'a pas été le grenier de Rome pour rien même si maintenant 80 % de nos céréales viennent de nos anciens colons là où les Marocains se contentent d'importer la moitié avec une population supérieure à la nôtre si on compte les touristes et un territoire 3 fois plus petit. D'après l'Organisation des Nations Unies, la région du Proche-Orient et Afrique du Nord importe 36 millions de tonnes de céréales par an, perd et gaspille 16 millions de tonnes. Puisque les Algériens en consomment le plus donc logiquement ils sont les moins gaspilleurs en la matière. Est-ce encore du pain que nous avalons avec tous ces améliorants chimiques qui le transforment en papier craquant quand il est chaud et en caoutchouc une fois refroidi. Seule la galette qui se vend à la sauvette conserve la saveur de son blé en doublant son prix. Quant au sachet de lait dans une poubelle c'est la couleuvre poisson d'avril en ces temps de manque grave de la source favorite de notre calcium. En réalité, le précieux liquide a toujours fait ses caprices depuis que les vaches ont été enterrées sous le ciment des férus de «gratte-ciel» en bras d'honneur à nos séismes. Même périmé en petit-lait ou lait caillé, il multiplie sa valeur marchande ; on le voit mal au milieu d'une poubelle surtout en ce mois de piété et de canicule. Quant aux légumes avec leur prix qui explose régulièrement avec le jeûne, les jeter par millions de kg en 30 jours, c'est qu'on est tous devenus riches ou cinglés sans le savoir. D'après les normes internationales, les Algériens ne mangent pas assez de légumes (ni de fruits), alors on conclut qu'ils doivent en acheter que pour le plaisir sadique de les jeter. Si les chiffres sont exacts c'est qu'il y a un problème, heureusement moins chaotique que le gâchis genre Khalifa Bank et autres qui, converti en pain lait et légumes pourrait enrayer une famine africaine pour plusieurs générations. Précisons que le consommateur je-m'en-foutiste a le droit de faire ce qu'il veut avec des aliments qu'il n'a ni volés encore moins magouillé pour les avoir. Certes, le gaspillage est un acte à ne pas encourager, mais si c'est les experts en la matière qui se mettent à aboyer au loup c'est inquiétant. La tactique est vieille comme le monde : «la meilleure défense c'est l'attaque». La meute se réveille en bloc y compris l'UGCAA (union nationale des commerçants?) les représentants de la filière du pain et du lait sans oublier les médias au garde-à-vous prêt à taper sur la masse ingrate sale râleuse et gaspilleuse. D'habitude tout ce beau monde roupille et son dernier souci c'est de faire ce qu'il est supposé faire : le bien du consommateur. On l'aura compris, la marmotte a été tirée de son sommeil par la BM (banque mondiale) qui s'inquiète du gaspillage de la nourriture dans le monde et de ses graves conséquences pour l'homme et l'environnement. « Des millions de gens dans le monde s'endorment affamés chaque nuit et pourtant des millions de tonnes de nourriture finissent à la poubelle ou pourrissent avant d'être commercialisées», affirme son président. Selon le rapport de la BM, le gaspillage du consommateur représente 35 %, 24 % pendant la production et 24 % au stockage. Etant donné que le cœur de l'Algérie ne bat qu'au fond des cargos qui hantent la Méditerranée, on se dit qu'il est très facile de chiffrer de stopper le gaspillage généré par la poignée de parrains au sommet de ce juteux bisness. Dans un pays où 100 % du Smig en moyenne sont dépensés en pain lait et pommes de terre, notre gaspillage n'a rien à voir avec celui des Américains qui occupent la première place dans ce domaine. Tout bêtement si on n'a aucun projet de suicide, on doit se débarrasser de ce qui est immangeable, pourri, périmé, trop trafiqué. Parce qu'il y a trop de coupures d'électricité, d'eau ; parce que c'est le carême et c'est interdit d'y goûter pour acheter si on tient à rentrer sain et sauve à la maison et c'est justement cette baraka spéciale qui fait la fortune de nos arnaqueurs. 5000 intoxiqués déclarés par an d'après le Centre national de toxicologie du ministère de la santé. En 2011, l'année du Printemps arabe, le nombre a atteint 7368 avec 12 décès. C'est que l'arme de destruction massive de l'Algérie est l'intoxication alimentaire, la délégation officielle du pays du Val-de-Grâce l'a expérimenté à ses dépens. Heureusement, ni l'ex-premier ministre Ayrault ni les ministres qui l'accompagnaient n'ont trépassé. Heureusement, l'incident est passé avec l'ironie d'un président Hollande «mou» et bien rassurant comparé à Sarkozy dont l' «hystérie» a été sous-estimée par le malchanceux Kadhafi. Même les zens Tunisiens ont appris à se méfier de nos boissons gazeuses qui illuminent fièrement nos étalages jusqu'aux lépreux trottoirs et chaussées défoncées parfois. C'est qu'en Algérie, contrôler est un verbe jamais conjugué ; a-t-on vu quelqu'un se couper la main pour avoir volé ? En ce début du mois de tous les dangers sanitaires, l'UGCAA (union des commerçants et artisans) et l'Association de défense des consommateurs font parler leurs compétences: «80 % des aliments de l'informel sont à l'origine de notre empoisonnement». «J'appelle les commerçants à laisser leurs réfrigérateurs allumés la nuit, car la quasi-totalité d'entre eux préfèrent les éteindre et faire des économies. Une mesure qui provoque les intoxications alimentaires.» Hallucinant ! A ce stade, on se dit avec soulagement et bonne conscience: il vaut mieux jeter le poison que de l'avaler. Parlons de la dangerosité des aliments dénaturés par la chimie, un spécialiste européen conseille: «avant de se mettre à table, il vaut mieux se souhaiter bonne chance que bon appétit.» Avouons-le, on dépense parce qu'on s'ennuie parce qu'il n'y a rien à faire rien à espérer rien à portée de la main qu'un magasin d'alimentation et de bouffe express. L'important c'est de crever, mais pas de faim ; en Arabie saoudite 20000 personnes meurent chaque année de l'excès de nourriture et 45 % des fruits légumes importés se perdent et se gaspillent dans la région Proche-Orient Afrique du Nord d'après l'ONU. On achète parce que notre fragile cerveau est irradié par les médias qui jouent les moralistes alors qu'ils passent leur 24h à nous harceler pour qu'on se goinfre du jus X du couscous Y du miel Z? au point où on a l'impression qu'ils n'ont été inventés que pour ça, le reste n'est qu'interlude. On achète par le dégoût par lassitude ennui stress. Tout simplement parce que le jour est interminable sous un soleil de plomb dans un bled qui se clone à lui-même indéfiniment. On ne peut qu'écouter son estomac à défaut d'écouter le néant sous son crâne et l'hypocrisie ambiante. Loin à des années-lumière, les décideurs de nos vies passent leur temps à ramasser des fortunes à faire baver d'envie les as du MEDEF et le top 10 des plus grosses fortunes. Ne possédant de talent que les affinités claniques et l'ADN familial, c'est tout réglé pour le pourcentage de la masse qui croit au mérite aux rêves avec un minimum d'intelligence. Alors au moment du repas, il y a ceux qui vont jusqu'au bout, ils nettoient les marmites en se gavant et d'autres qui préfèrent gaver la poubelle loin d'imaginer que les mathématiques qui ont permis à la NASA d'envoyer sa fusée sur la lune peuvent révéler leur «forfait». En Belgique on est allé jusqu'à mettre une poubelle sous microscope pour remonter jusqu'au coupable qui s'en est débarrassée au mauvais moment et au mauvais endroit. Au pays de Jacques Brel, la loi c'est la loi même pour le roi, on bosse comme des fous surtout les contrôleurs et on sanctionne illico, les conseils de frère à frère, du chef au sujet, du croyant au croyant, ils ne connaissent pas. Dans ce minuscule pays de rien du tout, gris plat avec un sous-sol stérile une population scindée en deux, fortement mixée au bronzage marocain, exportant que pour les fruits plus de 1000 tonnes par jour, on va jusqu'à transformer en énergie les déchets des WC pour le fonctionnement de certaines usines. Comment ne pas souligner encore une fois à l'honneur des Anciens, le temps où l'Algérie exportait des fruits et des légumes en allégeant ses décharges et renflouant ses caisses. Puis vint le temps de Boumediene, le temps des interdits et des pénuries. Le temps de la chaîne pour une ou plusieurs plaquettes de 30 œufs, du sac de semoule de farine 50 kg au minimum, du beurre au kilo pesé et emballé?sans oublier les produits avariés que l'État socialiste obligeait ses sujets clients à acheter pour les muer en éboueurs ou bienfaiteurs au risque d'envoyer fissa au Paradis le mendiant rencontré. Puis vint le temps de Chadli, du tout permis, passer du maffieux public au maffieux privé avec une couche de maquillage à brouiller les traits. N'importe quel psychologue dira qu'avec ce traitement de la pénurie planifiée et de la politique du gaspillage et du chantage, c'est un miracle que les Algériens ont survécu en se contentant de gaspiller du pain du lait et des légumes en somme leur nourriture, celle des gueux. Un psychologue algérien écrit : «La question fondamentale, je devrais même dire lancinante? est celle de savoir pourquoi l'Algérie, dont on dit qu'elle est aujourd'hui riche? et qui s'enorgueillit par ailleurs d'être une nation chargée d'une histoire dense et plurielle ne parvient toujours pas?à décoller économiquement, à se structurer sociologiquement et à s'organiser politiquement.» (1)Elle est riche simplement de déchets, des produits géologiques que l'homme ne fait qu'aspirer, sa matière grise à été mise en liquidation avant même l'Indépendance c'est Ferhat Abbes qui a dit que les seigneurs du FLN n'aiment pas les jeunes instruits. La densité de son histoire se résume aux conquêtes aux trahisons et surtout à l'incapacité des Berbères à s'entendre sur le minimum vital. Quant à décoller économiquement? sociologiquement? politiquement, tout est lié et ce tout réalisé se traduit par la fin de ce Système. En ce mois de Ramadhan, c'est l'estomac de la population qui pose problème. Oubliés les scandales les horreurs les folies du Sérail. C'est au gourbi absent de tous les registres sauf celui de la Poubelle à fournir des comptes. Au serf à payer pour le maître parce que génétiquement le troupeau des boucs émissaires est fait pour s'aligner face au peloton d'exécution. Le gaspillage dites-vous du lait frelaté du pain «amélioré» des légumes dopés aux insecticides qui au mieux nous fera un peu plus de graisse au ventre au pire polluera un peu plus notre environnement. Même en glorifiant le 1,5 million de martyrs, le gaspillage n'est pas loin puisque aucun historien sérieux n'ose confirmer le nombre c'est à peine si on estime crédible le 1/3. L'État dit se baser sur le nombre de pensions sans compter bien sûr ce que coûte les vrais moudjahidines et les faux dont le dossier a dû ou partir en fumée comme les autres archives brûlantes ou manger par des mites mortes de vieillesse depuis belle lurette. C'est rassurant de savoir que le Ministère concerné est bien fourni, son budget généralement est 10 fois celui de la Culture. Heureusement, cette dernière a un planning cool, des festivals pour rehausser le prestige des responsables, pour ériger des stèles informes uniformes et aphones, pour récompenser des troubadours clamant leur reconnaissance à la Régence d'Alger etc. Questionné sur ce qu'il pense du Président l'un d'eux a répliqué récemment sur le plateau d'une de ces nouvelles télés génération spontanée et hidjab complet pour bloquer tout identification : «On ne mord pas la main qui vous donne à manger». Pour taire les mauvaises langues pourquoi ne pas copier les Américains en Normandie. Ils ont érigé un musée pour les victimes du débarquement de 45. Simple clair et pas cher. On égrène en boucle la liste des soldats tués du plus gradé au dernier sans-grade. La transparence ne nuit pas aux vrais héros au contraire, on pourrait ajouter les victimes du terrorisme, la mémoire soulignée par un nom et un prénom c'est une fierté, un réconfort pour les familles que l'argent peine à offrir. Certes, on risque de se brouiller avec les faussaires? Combien d'hectares de blé, de ranchs à vaches, de collines vertes nous a coûtés le règne de Chadli qui a démoli l'économie algérienne et fait sombrer le pays dans l'horreur terroriste avant que Bouteflika ne vienne «sauver» le restant et encenser les bourreaux ? La plus vicieuse des manipulations n'est-elle pas celle qui culpabilise le manipulé afin de le neutraliser définitivement. Ce spot-là y parvient merveilleusement bien. On le constate, les gens honnêtes pour ne pas dire cons vieillissent affreusement vite, l'Alzheimer doit les guetter au berceau. Le temps qui passe ne rajeunit que les salopards en nettoyant leurs os des péchés comme s'ils tournaient indéfiniment autour de la Kaaba. Références : Journaux Liberté, El Watan, Agora Vox, Algerienews, (1) Ahmed Tchikou (2) L'Ordre et le Désordre ( Noureddine Toualbi-Thaâlibi) |