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La conclusion de différents rapports publiés ou non mettant l'accent sur l'importance des emplois décents pour éradiquer la pauvreté, a une résonance particulière dans les économies en transition. En effet, le chômage, la précarité sociale et celle de l'emploi sont des maux qui frappent durement beaucoup de pays depuis ces dernières années. Cela est particulièrement vrai pour l'Algérie. La transition économique a été très rude dans ce pays. L'économie a subi une chute brutale de son PIB réel à sa sortie de l'économie planifiée, puis une forte crise économique. Depuis lors, l'Algérie n'a pas trouvé une meilleure santé économique basée sur l'investissement créateur de richesse, mais des difficultés de fond persistent à ce jour. En l'espace d'une vingtaine d'années, le marché du travail a connu de profonds bouleversements : changements dans la structure de l'emploi, augmentation du chômage, notamment de longue durée, fortes disparités régionales, difficultés d'insertion pour certains groupes, baisse des salaires réels- notamment chez le privé national ou étranger- et amplification des inégalités de revenus et surtout les conditions de travail chez le secteur privé.. Cela a conduit nombre d'individus vers l'économie parallèle, alors que les emplois précaires se développaient. De plus, un certain malentendu s'est installé entre la population et les gouvernants : sous le régime socialiste, l'Etat assurait un emploi à chaque citoyen, mais il n'a plus été question pour lui de garantir quoi que ce soit après 1989. Ses anciens engagements n'ont plus été assurés, faute d'avoir un budget suffisant. Et bien que des mesures en faveur de l'emploi aient été prises pour minimiser le coût social de la transition, cela s'est soldé par un échec. Actuellement, le gouvernement doit faire face au mécontentement social et à un taux de chômage chez les jeunes dépassants les 25 %. Seule une analyse de l'évolution du marché du travail et une lecture historique de la politique de l'emploi peuvent permettre de comprendre la situation présente en Algérie et de montrer la pertinence ou non de la politique menée par les pouvoirs publics. UN CHOMAGE PERSISTANT Le passage brutal à l'économie de marché a durement frappé la production et l'emploi. En général, les compressions d'effectif ; mais dans le cas de l'Algérie, de nombreuses entreprises sont passées sans ambages aux licenciements massifs. Les départs pour compression d'effectifs allaient augmenter de façon spectaculaire, parallèlement à l'accélération de la diminution des offres. Le nombre de chômeurs déclarés commença à se réduire à partir de 1994 avec le système d'assurance chômage. Mais, c'est surtout le développement des activités privées qui est à l'origine de ce regain de l'emploi. Alors que les embauches dans les services, l'engouement pour l'agriculture privée ne doit pas faire oublier son archaïsme (petites parcelles, matériel ancien, faibles rendements?). En fait, il s'agissait plutôt d'une agriculture de subsistance (et ce constat est encore valable aujourd'hui), destinée à nourrir la famille, quitte à vendre éventuellement le surplus sur les marchés locaux dans le but d'obtenir quelques revenus malgré les subventions de l'état destinées à améliorer la production et réduire par voie de conséquence l'importation. Mais malgré les prémices d'une nette aggravation de la crise économique et les licenciements dans les services publics, le chômage déclaré baissait. Il repartait cependant à la hausse en 1997, avec la mise en place de nouvelles réformes structurelles. Les chômeurs nouvellement enregistrés venaient surtout du secteur des services. En 1998, l'emploi dans le secteur public continuait de chuter à cause des privatisations, mais on observait une réduction du nombre de chômeurs déclarés par rapport à l'année précédente. En fait, le taux de chômage diminuait légèrement vers le milieu de 1998, grâce à une reprise économique partielle à partir du second semestre de 1997. En revanche, les deux derniers mois de l'année avaient été caractérisés par une baisse de l'emploi, signe que la reprise économique marquait le pas et que les restructurations n'étaient pas achevées. LE DEVELOPPEMENT DES EMPLOIS PRECAIRES Le passage à l'économie de marché a bien évidemment changé les comportements des entreprises. Elles ont abandonné le modèle paternaliste, exigé une plus grande productivité de la part de leurs salariés et ont pu dégager des profits en réduisant les coûts de production, quitte à supprimer une partie des acquis sociaux et à geler les salaires. Les licenciements ont été facilités, la possibilité étant donnée de rompre un contrat de travail à n'importe quel moment et pour n'importe quelle raison, mais selon des clauses spécifiques aux différentes catégories de travailleurs, comme les employés du secteur clientélisme politique lors des embauches. La dégradation des conditions de travail s'observe aussi dans l'abandon des contrats à durée indéterminée et dans le fait que les contrats de travail classiques jouent de moins en moins leur rôle de régulateurs des relations entre patron et employé. Par ailleurs, la pratique des conventions verbales, qui fragilisent encore plus la situation des travailleurs, se répand de plus en plus. Même dans le secteur public, la part des employés sans contrat de travail semble s'accroître. En réalité, les contrats de travail sont en quelque sorte devenus fictifs, excluant les poursuites juridiques et ne fixant aucune obligation pour les employeurs. Par exemple, il arrive même que le salaire versé soit inférieur à celui fixé dans le contrat. Cela dit, les salariés ont acquis aussi de nouveaux droits, en tout cas sur le papier. La loi sur le règlement des conflits collectifs du travail leur donnait enfin le droit de grève ; la mise en place d'un système de négociations devait en principe permettre de résoudre collectivement les problèmes relatifs aux conditions de travail et aux salaires au niveau national. Cependant, ce système n'a pas abouti aux résultats escomptés: les décisions prises ont souvent plus reflété la politique salariale du gouvernement que les revendications des employeurs et des salariés. Ainsi, on a observé une baisse régulière des salaires réels jusqu'en 2011, ainsi que du niveau de vie des ménages. Afin d'améliorer les droits des salariés, aucun amendement au Code du travail- qui date de 1990-n'a pu être adopté par les différents gouvernements malgré que plusieurs projets de loi ont été présentés. Tout projet de loi doit prévoir l'interdiction des discriminations liées à l'âge, au sexe ou à un handicap physique, un meilleur droit à l'information pour les salariés en cas de licenciements massifs, les obligations pour l'employeur à l'égard de ses employés lors d'un processus de restructuration industrielle, l'égalité des droits pour les salariés à temps plein et à temps partiel, l'assurance de conditions de travail décentes, l'introduction d'un plus grand nombre de garanties dans le contrat de travail. Par ailleurs, plusieurs discussions doivent être entamées avec les partenaires sociaux, notamment sur la nécessité de combattre le travail au noir, grâce, entre autres, à la généralisation des contrats de travail écrits. La volonté du gouvernement doit afficher clairement les effets d'améliorer la législation du travail mais sans oublier quelques difficultés majeures, auxquelles de simples lois ne pourront rien changer. Tout d'abord, l'Inspection du travail manque de moyens financiers pour mener à bien son travail, alors que les employeurs sont prêts à transgresser la loi pour obtenir des profits rapides. Ensuite, les inspecteurs sont peu aidés au niveau du système judiciaire - pour sa lenteur en matière de prise de décisions comme il est peu efficace, ce qui donne peu de chances au respect de la législation de travail - et ont besoin de disposer d'une plus grande indépendance pour pouvoir faire appliquer et faire respecter les textes en vigueur. PLUSIEURS DIFFICULTES PERSISTENT... La situation actuelle du marché du travail peut s'expliquer par l'existence de certaines rigidités, comme le manque de mobilité spatiale des travailleurs. Les écarts de développement importants entre les régions vont de pair avec le manque de main-d'oeuvre dans les régions les plus dynamiques. Cette absence de flexibilité explique en partie les disparités des taux de chômage entre régions et entre campagnes et villes. Il y a également défaut de mobilité entre les secteurs, en raison des carences de la formation Professionnelle ce qui crée de facto un déséquilibre entre la formation et les besoins réels du marché de l'emploi. D'autres difficultés existent, et non des moindres. Par exemple, les lenteurs administratives, bien souvent, ne permettent pas aux salariés d'être informés de leurs droits. Les entrepreneurs, qui ne jouent pas le jeu, ont du mal à être au fait de lois. Les chômeurs n'ont qu'une connaissance partielle de l'ensemble des formations qu'ils pourraient suivre. Enfin, il devient urgent de s'attaquer véritablement à l'économie informelle. DES PROGRAMMES D'EMPLOIS A L'EFFICACITE RELATIVE Combien de micro entreprises ont pu avoir le statut de petite ou moyenne entreprise ? Ces dernières devaient constituer un dossier (nombre d'emplois envisagés, types de contrats offerts, évaluation des fonds nécessaires, etc. Au vu de ces informations, elles étaient ensuite sélectionnées par les services compétents. Cependant, nombre de jeunes embauchés à cette occasion ont été licenciés, quand les subventions sont arrivées à leur terme. Cela montre l'efficacité toute relative de cette mesure, d'autant qu'elle a été très controversée dès sa mise en oeuvre, en raison de son coût élevé. A ce titre on doit se poser la question; combien coute un emploi créé dans la cadre de l'ANSEJ ou CNAC ? Quant aux autres programmes d'emplois temporaires, appelés emplois d'attentes, aucun respect des objectifs de ces programmes, n'a été affiché que ce soit par les employeurs ou par les jeunes insérés. Somme toute, ces programmes sont le plus souvent perçus comme le moyen d'assurer temporairement des revenus, plutôt que comme celui de favoriser l'insertion sur le marché du travail. Les pouvoirs publics doivent chercher toutefois à corriger ces effets, notamment avec l'adoption d'autres corrections de sorte que l'employeur devienne partenaire du programme. LE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVE : UNE SOLUTION ? Le processus de privatisation est venu renforcer le poids du secteur privé qui comprend à la fois de grandes sociétés privatisées et de très nombreuses petites entreprises, souvent à caractère familial, sans compter tout un ensemble d'activités non déclarées, mais dont l'importance est difficile à évaluer. S'il est créateur de richesses et d'emplois, les branches procurant une forte valeur ajoutée ne sont pas forcément celles qui emploient le plus de personnel et inversement. Dès le début de la transition, ce sont l'agriculture et le commerce de détail qui ont attiré le plus grand nombre de personnes, car requérant assez peu de travailleurs qualifiés. Les petites entreprises ont dû faire face à de nombreuses difficultés, elles ont été pénalisées par la baisse de la demande intérieure, Pourtant, de façon paradoxale, c'est à ce moment que le gouvernement a pris tout un ensemble de mesures en faveur de la création d'entreprise : avantages fiscaux dès le début, ouverture de centres de conseils, mise en place d'un système d'informations, fonds spéciaux pour financer les projets individuels aux niveaux national et local. C'est en fait pour beaucoup le seul moyen de survie. Celle-ci recouvre aussi l'emploi de travailleurs au noir, sans contrat écrit, et dans des conditions souvent physiquement éprouvantes. De tels cas sont particulièrement nombreux dans l'agriculture, et surtout, quand les travaux à effectuer sont saisonniers. Quoi qu'il en soit, le développement du secteur privé légal ne suffit pas à absorber le nombre important de chômeurs. L'emploi y a pourtant augmenté, mais cette hausse n'a pas permis de compenser la diminution du nombre d'agents du secteur public et les réductions d'effectifs dans les entreprises nouvellement privatisées. Au programme du gouvernement figurent des dispositifs venant se greffer sur ceux déjà existants, Par ailleurs, l'efficacité de ces dispositifs nécessiterait d'être améliorée et un effort supplémentaire devrait être fourni pour faciliter la création d'entreprises basée sur de véritables étude technico économiques. Il est prévu également de réduire les charges. Mais toutes ces mesures rencontreront assez vite leurs limites tant que ne sera pas engagée une véritable lutte contre les milieux mafieux directement liés aux activités informelles et à l'économie grise. Force est de constater que les politiques de lutte contre le chômage ont échoué en Algérie. Plusieurs explications peuvent être avancées. Les gouvernements successifs n'ayant pas fait de ces politiques une priorité, elles ont manqué de stratégies et non pas de moyens. Un autre objectif devrait être de favoriser la formation professionnelle des salariés par leurs entreprises, ou des futurs employés ,ce qui a été très peu fait jusqu'à présent et de concevoir différemment les différents programmes de réinsertion et de recyclage, en assurant un meilleur suivi au cas par cas. Si les efforts en faveur de l'entrepreneuriat individuel sont certains, le gouvernement ne semble pas prendre assez en compte le poids de l'économie grise et ne répond pas à une question de fond : comment légaliser les activités informelles ? A supposer qu'il en ait l'intention, dans la mesure où elles sont une soupape sociale, qui permet aux moins bien lotis de ne pas tomber totalement dans la pauvreté, et aux entreprises de limiter leurs coûts de production. Enfin, reste un problème de taille : la réforme de l'administration, qui seule est à même d'en finir avec les lenteurs dans l'application des mesures et la mauvaise circulation de l'information, très préjudiciables au marché du travail. L'autre volet des politiques publiques doit consister à faciliter l'insertion des jeunes sur le marché du travail, soit à travers des stages ou des petits boulots au sein de la sphère publique, soit par des politiques de subvention à l'embauche dans le secteur privé. Malgré l'ingéniosité du ministère de l'Emploi, on a rapidement compris que les contrats d'insertion initiés en juin ne suffiraient pas. Le gouvernement doit s'engager dans une politique de réduction du coût du travail s'inspirant de l'analyse libérale du chômage selon laquelle le travail serait trop cher. Faute d'oser ou de souhaiter politiquement remettre en cause les dispositifs existants qui coute de plus en plus cher à la trésorerie et dont on ignore totalement l'impact sur le terrain en l'absence d'évaluation quantitative et qualitative depuis leurs créations à ce jour. Ainsi, si l'Algérie ne dispose pas d'un système curatif du chômage globalement efficace qui est du essentiellement à son manque d'adaptation aux évolutions du marché du travail provoquant des carences dans son traitement préventif : repérage insuffisant des gisements d'emplois inexploités, intégration partielle des nouvelles technologies de l'information en matière d'organisation du travail, développement limité des compétences tout au long de la vie, etc. Derrière les principes, les positions adoptées s'avèrent être le plus souvent minimalistes et manquant résolument d'ambitions. |