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« Le budget
devrait être équilibré. Le Trésor devrait être renfloué. La dette publique
devrait être réduite. Et l'arrogance des fonctionnaires devrait être contrôlée
». Cicéron 106-43 avant JC.
1ère partie En 2000 ans, les choses n'ont pas beaucoup changé. En six ans non plus, d'ailleurs les fondamentaux sont les mêmes depuis 2007 et les raisons de la crise n'ont toujours pas été traitées. Après avoir survécu à la faillite de la Grèce et de Chypre, aux tourments portugais, espagnols, italiens et irlandais, c'est un événement mineur en apparence qui risque d'emporter la Zone euro (et le reste du monde) par un effet de réaction en chaîne. POURQUOI ? L'explication est aussi simple que paradoxale : il y a trop d'argent ! L'argent créé depuis 10 ans ne correspond pas à plus de création de valeur par l'économie mondiale. En fait, il ne correspond à rien ! Il faut savoir que la monnaie est de la dette circulante. Donc toute création de monnaie génère un besoin supplémentaire de monnaie à créer. La croissance monétaire continue est une nécessité de notre système. Mais si la croissance de l'économie réelle est inférieure aux intérêts à payer il y a création de dettes non solvables. C'est la situation de l'emprunteur qui ne peut payer l'usurier et qui voit sa dette augmenter tous les mois. La richesse de l'usurier augmente, en écriture mais pas celle du débiteur et quand l'usurier saisit les biens de son débiteur il perd souvent sa mise. GONFLEMENT DE LA BASE MONETAIRE Quand on voit à quel point la base monétaire a gonflé depuis 2007, on peut donc s'attendre au pire? En effet, dans les 18 principales économies de la planète, les dettes ont augmenté depuis 2007 de 33 000 milliards de dollars (source : BRI). La dette américaine atteindra cette année 16 900 milliards et passera à environ 25 000 milliards de dollars en 2023 (source : CBO). «Les banques centrales font tourner la planche à billets comme jamais auparavant», résume Charles Wyplosz, économiste à l'Institut des Hautes Etudes et du Développement, à Genève. Au total, la base monétaire, c'est-à-dire la monnaie qu'elles ont créée, a gonflé de 7 à 18% du PIB aux Etats-Unis depuis 2007, de 3 à 22% au Royaume-Uni, et de 9 à 34% au Japon, où elle pourrait encore grimper jusqu'à 70% d'ici fin 2014! Du jamais vu. Au point que certains économistes tirent la sonnette d'alarme. «C'est incroyablement dangereux, car personne ne maîtrise les effets que cette surabondance de liquidité va produire», s'inquiète Patrick Artus, directeur de la recherche de Natixis. COMMENT EN EST-ON ARRIVE LA ? Depuis le début des années 2000, on observe une augmentation considérable de la monnaie en circulation dans le monde. Celle-ci a été multipliée par six depuis 10 ans : c'est trois fois plus que les échanges mondiaux sur la même période (ils n'ont été multipliés «que» par deux). Si on peut estimer que cette augmentation de monnaie a permis de financer l'incroyable essor des économies émergentes, Chine en tête, cet argent facile a aussi généré des phénomènes de bulles. L'argent s'est stocké dans des placements attractifs dont la valeur a monté artificiellement à cause de cet afflux de liquidités : il y a eu la bulle Internet au tout début des années 2000, puis la bulle immobilière américaine qui a déclenché la crise en 2008 et aujourd'hui la bulle obligataire d'Etat. L'argent facile émis par les banques centrales a permis de financer les déficits des Etats occidentaux sans que ceux-ci aient besoin de mettre en place les réformes cruciales à leurs équilibres budgétaires. Ainsi les dettes ont gonflé sans que leur coût n'incite à équilibrer les comptes publics. Lorsque les dettes sont devenues problématiques, les banques centrales se sont mises à émettre encore plus d'argent pour sauver leurs Etats au bord de la faillite - entraînant encore plus d'effet de bulle. C'est ainsi qu'en 2011, la BCE a racheté pour 1 000 milliards d'euros de dettes publiques de la Zone euro. La Banque des règlements internationaux (BRI), vénérable grand-mère des banques centrales, n'a pas mâché ses mots lors de la publication de son rapport annuel l'année suivante. Il y est clairement précisé que : «l'extraordinaire persistance des politiques monétaires laxistes est à mettre sur le compte des gouvernements dont l'action est insuffisante pour régler leurs problèmes structurels». Avec notamment la remarque saillante qui indique sans ambages que : « les banques centrales sont acculées pendant que les gouvernements traînent des pieds et remettent leurs réformes à plus tard». Même si la base monétaire a connu une baisse momentanée en 2008 avec l'éclatement de la bulle immobilière, elle commence à s'infléchir à nouveau en 2013... Ce qui pourrait laisser présager de l'éclatement de la bulle de dette. PYRAMIDE DES LIQUIDITES D'EXTER Il se trouve que la crise que nous vivons en ce moment avait été anticipée par un économiste trop méconnu : John EXTER, vice-président, en son temps, de la Réserve fédérale de New York. Le constat d'EXTER est simple. L'argent prend différentes formes : or, pièces et billets, billets de trésorerie, actions, produits dérivés... Ces formes sont plus ou moins sûres, plus ou moins liquides. Par exemple, il est plus facile d'échanger un billet de banque qu'une action d'entreprise avec laquelle on ne pourra jamais acheter son pain. A partir de là, John EXTER organisa les différentes formes de l'argent en strates plus ou moins sûres, plus ou moins liquides. Ces strates, qui forment une pyramide inversée, sont les suivantes : Les produits dérivés ; Les titres reposant sur de l'immobilier, des entreprises non cotées et des matières premières ; Les obligations de sociétés, les actions cotées et les créances titrisées ; Les obligations d'Etats et les bons du Trésor ; Les billets, pièces et les comptes courants ; L'or. Selon EXTER, l'or est la forme de monnaie la plus sûre. Même si votre Etat fait faillite et que vos billets perdent toute valeur, vous pourrez toujours échanger une pièce d'or. De l'autre côté de la pyramide, les produits dérivés sont les actifs les moins sûrs, comme l'a d'ailleurs prouvé la crise de 2008. L'idée d'EXTER est que la monnaie circule entre les différentes strates plus ou moins risquées. La pyramide d'EXTER a été élaborée dans les années 1950 puis adaptée aux produits dérivés qui n'existaient pas à l'époque. En temps de croissance, la confiance fait que la monnaie se déplace facilement vers les strates les plus hautes et les plus risquées de la pyramide. Au contraire, en temps de crise, incertitude et inquiétude font tomber les capitaux vers les strates les plus liquides de la pyramide, c'est-à-dire les plus basses, vers les formes dont l'investisseur pense qu'il pourra toujours les échanger. Lors de la crise de 2008 la fuite des actifs s'est faite dans le sens de la circulation de haut en bas prévue au sein de la pyramide : - D'abord les produits dérivés se sont effondrés suite à la crise du crédit subprime, - l'immobilier américain s'est effondré lui aussi, - puis les marchés financiers. Les banques centrales ont alors tenté de stopper ce phénomène de contraction de la masse monétaire en imprimant sans limite de la nouvelle monnaie. Ce faisant, elles n'ont que déplacé, retardé et amplifié le dénouement de la crise. La masse de monnaie créée par les banques centrales s'est nichée dans les titres de dette des Etats et sur les marchés boursiers et obligataires. Finalement, la cause de la crise (une trop grande abondance de monnaie) a été amplifiée. Pendant ce temps, aucune réforme d'envergure n'a été menée... et nous voilà en 2013 dans la même situation que 2007, sauf que les Etats ayant transféré le risque sur leurs comptes, une immense bulle financière est prête à exploser avec pertes et fracas. La fausse monnaie ne suffira plus à replâtrer les fissures de la pyramide qui se lézarde à nouveau ! AUX ETATS-UNIS Les Etats-Unis ont atteint au début de l'année 2013 la limite légale de leur dette publique, alors fixée à 16.432 milliards de dollars, au-delà de laquelle le pays ne peut théoriquement plus emprunter. Rapportée à la valeur nominale du PIB des Etats-Unis (15 864 milliards de dollars), elle représente désormais 104% du PIB. La Fed estime que le total des dettes financées par les marchés du crédit (Total credit market debt outstanding) s'est établi à 56 280 milliards de dollars fin 2012. Or la Fed, dans sa publication «Flow of Funds» chiffre la dette américaine, tous secteurs confondus (total liabilities) à 125 313 milliards de dollars pour 2012, soit le double de la valeur du marché du crédit. Tous secteurs confondus, la dette financée par le marché du crédit représente 354% du PIB américain et l'ensemble de la dette (total liabilities) 789% ! La Fed a confirmé la poursuite de sa politique monétaire ultra-accommodante sous tous ses aspects. La Réserve fédérale dépense 85 milliards de dollars par mois depuis le début de l'année en bons du Trésor et titres hypothécaires afin de peser au maximum sur le niveau des taux d'intérêt, du plus court au plus long terme. Mais « les taux ont atteint une résistance technique à 2,4 % (alors qu'ils étaient à 1,6 % début mai), à partir de laquelle ils peuvent grimper beaucoup plus haut. Or s'ils continuaient à se tendre, cela serait un krach obligataire », prévient Evariste Lefeuvre, chez Natixis. Le Bureau du budget du Congrès américain (CBO) prévoit que les rendements des bons du Trésor à 10 ans atteindront 5,2% d'ici 2018. Le gouvernement américain doit déjà payer cette année 220 milliards de dollars d'intérêts et cette somme passera à 823 milliards en 2023. L'écart entre les dépenses et les rentrées du gouvernement américain ne diminuera pas jusqu'en 2023. La Fed a acheté jusqu'au 15/03/2013 pour 1 965 milliards de dollars de bons du trésor alors que le déficit budgétaire américain a atteint, au cours des 12 derniers mois, 1 352 milliards de dollars. La question centrale est de savoir si la Fed peut cesser (à tout moment) sa politique monétaire ultra accommodante. La réponse est que l'arrêt brusque du QE (Quantitative Easing) déstabiliserait profondément les marchés habitués à l'impression monétaire. La Fed, il faut le dire, ne peut tout simplement plus céder les obligations qu'elle détient déjà ni réduire son portefeuille en limitant ses futurs investissements obligataires. Qui, dans cette éventualité, financera le nouveau déficit budgétaire? Dans ce contexte pour le moins préoccupant : «le marché ne sera pas stable et fera preuve d'une extrême volatilité», a souligné un courtier d'IG. Note - Aux Etats-Unis, il y a encore 297 500 milliards de dollars de dérivés sur les marchés. A suivre * Consultant en management |