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De tout temps, l'éducation a dû intégrer et transmettre des technologies nouvelles qui, un jour ou l'autre, ont cessé de l'être pour devenir banales, tout en s'appuyant sur les acquis du passé. Il lui a en effet toujours incombé de préparer des enfants à comprendre et à vivre dans une société qui n'était pas encore tout à fait celle dans laquelle ils se trouvaient au moment où ils faisaient ces acquisitions. Les parents, les enseignants et, plus encore, les élèves sont persuadés que l'école, à son tour et à sa manière, maîtrisera, pour le plus grand bien de tous, cet outil exceptionnel. Dans le cadre du programme national de généralisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) portant l'intitulé e-Algérie, qui devrait prendre fin en 2013, le ministère a entamé l'opération à titre pilote de l'introduction de l'internet au niveau de 150 écoles au niveau de la wilaya d'Oran (Le Quotidien d'Oran du 19 mai 2012). L'internet permettra de surmonter des difficultés restées sans solution satisfaisante : développer la communication et améliorer l'égalité des chances dans l'accès de tous à toujours plus de savoir. Introduire dans une classe une console, un clavier, un écran cathodique, une imprimante, c'est presque plus qu'une expérience, déjà une aventure. Pour les élèves, mais aussi pour les enseignants? Nous voici dans l'ère d'internet et l'informatique a bien droit de cité dans l'école? L'ordinateur fait son entrée dans la culture générale. L'introduction d'internet dans nos établissements scolaires du premier palier est à son premier balbutiement. Lentement, timidement, par la porte de quelques écoles du primaire, il commence à faire son entrée. Non pas comme une science en soi, mais comme un outil pédagogique applicable à l'enseignement. Placer sa pratique au niveau du savoir, lire et compter, c'est-à-dire au niveau «moyen», revient à bouleverser les règles de l'enseignement traditionnel. L'ordinateur à l'école doit familiariser les élèves avec l'une des techniques les plus sophistiquées du monde moderne. Parmi les mots-clefs de l'informatique dans l'enseignement, «la sensibilisation» est à l'honneur. L'ENFANT ET LA MACHINE Face à la machine, l'enseignant ne diffuse plus des connaissances. Après avoir initié l'élève au maniement de l'outil, il doit s'effacer et ne plus être qu'un animateur. Seul devant son clavier, l'enfant peut alors pratiquer une nouvelle gymnastique intellectuelle et développer ses facultés créatives et récréatives. Programme ambitieux qui nécessite la mise en place d'un matériel coûteux et la préparation des instituteurs à ce type de fonction. Il faudrait également leur donner une formation complémentaire en psychologie et en pédagogie, une formation de base leur permettant de bien mieux comprendre les différents comportements et les types d'aptitudes que l'ordinateur peut développer chez les élèves. L'ordinateur pousse le maître à se remettre en question, il l'oblige à aborder le sujet dont il traite avec un regard neuf, il l'amène également à découvrir la spontanéité de ses élèves qui s'expriment rarement dans un devoir sur table. Une méthode pédagogique pleine de promesses. Car les premières expériences tentées avec eux laissent entrevoir une véritable révolution dans les rapports entre l'étudiant et le savoir, entre l'enseigné et l'enseignant : personnalisation, individualisation, diversification, nouvelles possibilités pour un enseignement continu. On notera que l'intervention de la machine modifie les conditions du dialogue «maître-élève» considéré comme la forme essentielle de l'action pédagogique. En effet, c'est l'ordinateur qui permet le dialogue, l'échange et le contrôle des informations entre l'élève et le programme, de même que c'est lui qui assure la progression du travail et les acquisitions de l'élève. Par la suite, la relation concrète maître-élève disparaît et ne subsiste plus qu'une relation de type intellectuel abstrait. C'est la fin du «bourrage de crâne». C'est en même temps le début d'une éducation pour tous, à tout moment. La nouvelle technologie donne la possibilité d'accéder facilement à l'information et à une mémoire disponible à tous les instants. Le maître n'est plus seul à transmettre le «savoir». Aussi, plus que de connaissances abstraites, l'élève a besoin d'acquérir des méthodes lui permettant d'apprendre de façon permanente. Il doit pouvoir, durant toute sa vie, aller vers «l'information». Aujourd'hui, chacun de nous peut se servir de banques de données. Il ne sera même pas utile de se déplacer puisque, grâce aux réseaux d'internet, on pourra questionner soi-même, de chez soi, un ordinateur. L'école doit s'ouvrir très grand sur le monde extérieur et donner à tous ces «modes d'emploi» qui permettront à l'élève devenu adulte de rechercher, de comprendre et d'interpréter les informations recueillies. Mais les possibilités du futur sont tellement grandes qu'il est nécessaire d'aller de l'avant de plus en plus vite. LA CONNEXION SUR INTERNET «Que font les machines à enseigner, sinon rendre possible à travers l'espace une société des esprits, mettre en communication l'équipe qui a conçu le message et la multitude d'usagers qui le reçoivent, l'accueillent et peuvent, s'ils en sont capables, le faire fructifier en eux-mêmes ?» Henri Canac. La connexion sur internet de tous les établissements scolaires du primaire est en attente et si l'on peut dire, à la traîne. Et avant qu'elle puisse trouver sa juste place à l'école, comme outil au service des apprentissages des élèves, bien des obstacles seront à lever, bien des précautions à prendre, bien des réticences à dépasser. Prometteur d'accès facile à la connaissance et de réussite, internet séduit les élèves prompts à adopter cette forme de liaison ludique avec le monde, mais demande à être apprivoisé par les enseignants tenus d'inventer de nouvelles pratiques pédagogiques. Dans leur rôle de médiateurs, ils auront aussi à transmettre des méthodes, à aider leurs élèves à se repérer dans le vaste supermarché des savoirs, à trouver des logiques dans le morcellement, de l'unité dans l'éclatement, à susciter la réflexion et la vigilance. Sans croire au miracle, reconnaissons que la navigation sur le net est symbole d'ouverture. Bien maîtrisée, elle peut favoriser à nouveau le plaisir d'apprendre à l'école. Mais pour les principaux intéressés, les enseignants et les élèves, c'est avant tout un projet pédagogique qui ne trouvera sa légitimité que s'il se révèle efficace. C'est-à-dire s'il permet effectivement de faire réaliser au système scolaire des progrès appréciables dans la réalisation de sa mission. Pour que cela puisse être évalué, encore faut-il qu'un nombre important d'actions puissent être observées et analysées, et cela dans un contexte qui ne se limite pas à quelques expérimentations ou à la passion des pionniers. Si nous n'en sommes sans doute pas encore là, l'idée fait incontestablement son chemin. Des pratiques existent suffisamment variées pour qu'elles puissent servir de référence, et permettre une analyse concrète des conditions de possibilités de l'entrée d'internet à l'école. OU EN EST-ON ? Intégrer internet dans sa pédagogie n'implique pas que l'enseignant se transforme en informaticien. Pas plus qu'il ne sera nécessaire de devenir un accro du réseau. Certains, de plus en plus nombreux, tentent de franchir le premier pas, poussés par la nécessité. Parce que l'ordinateur est devenu un outil universel, présent dans tous les rouages de la société; il devient de plus en plus difficile pour l'école et pour les enseignants de l'ignorer. D'autant plus que les élèves manifestent le plus souvent un attrait non négligeable pour ses multiples applications. Ils prennent conscience que regarder l'autre, c'est déjà l'aimer et saisissent le respect. L'homme est heureux avec ses élèves d'être parvenu à abolir les frontières et le racisme. Pour lui, internet est resté finalement une machine à intégrer des citoyens. Il a le sentiment d'avoir au moins semé quelque chose et que ça ne va pas tarder à pousser. Les enfants n'ont pas fini d'étonner le monde. Face à cette situation, le système éducatif ne pourra pas se contenter de suivre le mouvement du bout des lèvres. Internet n'aura sa place à l'école que s'il devient un outil régulier, aussi présent que le livre, même si, à côté du livre qu'il ne s'agit surtout pas de prétendre remplacer, il remplit d'autres fonctions, complémentaires par rapport aux ressources existantes. Tout cela demandera la mise en place d'actions de formation spécifique, un premier niveau d'initiation portera sur la maîtrise manipulatoire des outils. Quelles sont les fonctionnalités des navigateurs ou des logiciels de messagerie ? Comment économiser du temps de connexion, utiliser un moteur de recherche ou s'abonner à une liste de diffusion ? Internet n'est pas la solution miracle aux difficultés de l'école. Si l'on n'y prend garde, il pourrait devenir un facteur d'accroissement des inégalités entre élèves. Et puis, la possibilité d'avoir accès à une infinité d'informations en provenance de sources souvent non identifiées, doit pousser les enseignants à renforcer leur vigilance quant au respect des valeurs fondamentales de notre système éducatif. Reste que l'intégration dans la réalisation des apprentissages scolaires constitue l'enjeu principal de l'entrée d'internet à l'école. Et les élèves dans tout ça ? Auront-ils la possibilité d'y accéder en autonomie ? A partir de quelle connaissance de l'outil et de quelle formation méthodologique ? Auront-ils à effectuer des recherches précises guidées par un projet élaboré par l'enseignant en fonction de ses objectifs et des programmes ? Cette utilisation se fera-t-elle dans une salle spécialisée où les classes se rendront à tour de rôle, ou bien les ordinateurs seront-ils accessibles directement dans chaque cours en fonction de besoins précis et particuliers ? Devra-t-on favoriser dans les multiples facettes du fonctionnement des réseaux la communication (grâce à la messagerie électronique de recherche et de traitement d'un site) ou renvoyant à des nouvelles pratiques documentaires ? Il n'y a là qu'une partie, la plus immédiate et la plus banale, des questions que pose l'utilisation d'internet à l'école. Mais toutes renvoient à ce qui est le problème fondamental : les chances de réussite, c'est-à-dire d'efficacité du net à l'école dépendant de ce que les enseignants seront capables d'en faire, maîtriser les aspects techniques pour s'en libérer et inventer de nouvelles pratiques pédagogiques. La période de tâtonnement qui s'ouvre aujourd'hui est une chance pour les enseignants. L'école de la réussite, ce sera l'école du plaisir d'apprendre, et c'est dans la conquête ou la reconquête de ce plaisir qu'internet et le multimédia sont appelés à jouer un rôle de premier plan. |