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Optimiste, l'Ambassadeur de France à Alger a un verbe qui détonne. Un parler vrai, même s'il use d'un langage diplomatique pour aborder des sujets épineux. Mais il y a une évidence chez ce représentant de l'Etat Français : une volonté de dépassionner les sujets qui coincent entre la France et l'Algérie. - Le Quotidien d'Oran : La coopération algéro-française est excellente dans le domaine universitaire, il y a beaucoup de choses qui se font peut-être dans la discrétion. Pouvez-vous nous dresser aujourd'hui un bilan ? - Xavier Driencourt : C'est vrai, beaucoup de choses se font entre nos deux pays, comme vous le dites, parfois dans la discrétion, sans être forcément publiques. Je rappelle que l'Algérie reste le premier partenaire de la France en matière de coopération avec une enveloppe avoisinant les 12 millions d'euros, soit approximativement la même que celle avec le Maroc. Les relations universitaires sont développées avec des échanges entre universitaires et chercheurs ; on doit signaler la présence dans les différents établissements supérieurs français d'un nombre important d'étudiants algériens, 20.038 étudiants sur 23.213 étudiants en mobilité internationale (source l'Education nationale 2009), avec du reste un processus d'obtention de visas assez perfectionné dans le cadre de Campus-France. Ceci n'est qu'un aspect de la coopération, auquel il faut ajouter les relations entre les collectivités locales dans le cadre de jumelages entre plusieurs villes des deux pays qui se font souvent sur la base de liens personnels : par exemple, j'ai appris récemment qu'Orly et Tiaret sont jumelées étant donné que le maire d'Orly est natif de Tiaret. Il faut aussi citer la coopération culturelle qui constitue un volet important, comme c'est le cas de l'organisation de la première grande exposition de peinture depuis l'Indépendance de l'Algérie, contenant pas moins d'une centaine de toiles du peintre français Olivier Debré au Musée national d'art moderne et contemporain d'Alger (MAMA). Ceci étant, il n'y a pas une semaine sans que des chercheurs ou universitaires ne se rendent à Alger, Oran ou Constantine, ainsi que des ministres ou autres personnalités et cela est une preuve que la relation entre les deux pays est permanente ; c'est une relation qui n'est pas uniquement entre les gouvernements, mais surtout entre les personnes. Voyez par exemple les échanges migratoires dans les deux sens. - Q.O. : En revanche, Excellence, il faut reconnaître que dans ces relations on constate certains blocages. Comment les expliquez-vous ? - X.D. : Je ne sais pas vraiment si on peut parler de blocages ; je parlerais plutôt de spécificités car force est d'admettre que la relation entre nos deux pays est particulière, spécifique, et qu'elle est loin d'être banale. En conséquence, il est normal qu'existent parfois des petits accrochages, des hauts et des bas, des tendances haussières et parfois baissières comme à la Bourse de Paris... Cette relation n'est pas toute plate, sans histoire, sans problèmes et sans piment particulier. La relation de la France avec l'Algérie ne ressemble guère à celle que la France entretient avec le Zimbabwe ou la Lituanie, c'est évident ! Donc, les petits accrochages et blocages qui apparaissent de temps à autre font partie de la densité de la richesse de la relation entre les deux pays. Cette relation n'est pas simple, parfaite et sans aucun nuage car elle est liée à des mouvements humains, à la géographie et à l'histoire. C'est pour ces raisons qu'elle est particulière, spécifique et qu'en conséquence il y a forcément des tensions, des améliorations et des réconciliations. - Q.O. : Même si vous avancez que la relation entre les deux pays revêt un cachet particulier, il apparaît qu'au plan régional, il y a une sorte de dissonance et il y a une préférence pour les deux autres pays du Maghreb ! - X.D. : C'est votre point de vue. Je ne le partage pas, dans la mesure où la nature des relations avec ces deux pays est différente par l'histoire. L'Algérie est liée à la France par un passé de 132 ans que la Tunisie et le Maroc n'ont pas. Cette histoire s'est faite par des drames, des déchirements et des difficultés vécus de part et d'autre et ceci laisse des traces. Aujourd'hui, et je l'ai constaté à l'issue des différentes visites en Algérie, il y a une volonté commune affirmée au plus niveau de l'Etat pour repartir sur un nouveau pied ; l'histoire doit nous aider à construire l'avenir. - Q.O. : C'est le cas de la dernière visite du secrétaire général de l'Elysée à Alger ? - X.D. : Effectivement, le président Sarkozy a tenu à envoyer son plus proche collaborateur pour transmettre un message aux plus hautes autorités algériennes. Cette reprise survient après deux années «blanches», 2008 et 2009, pendant lesquelles il n'y a pas eu beaucoup de rencontres en raison des difficultés que vous connaissez. Le secrétaire général de l'Elysée est venu déjà en février dernier à la demande du Président Sarkozy pour reprendre contact et sa récente visite en juin avait pour objectif d'apporter un certain nombre de réponses aux questions évoquées en février dernier. Lors de l'entrevue entre ces hauts responsables qui a duré plus de 3 heures, tous les sujets ont été passés en revue. Ces contacts s'inscrivent dans le cadre d'un «nouveau processus» qui, nous l'espérons, pourrait être conclu par une visite du Président Bouteflika en France. En somme, pour utiliser une image, nous reprenons la montée de l'escalier marche après marche. Ces deux visites seront sans doute suivies par d'autres à l'automne prochain. Entre-temps, l'ambassade invite, vous le savez, des personnalités à venir en Algérie : Pierre Joxe, qui est un ami «historique» de l'Algérie, est venu au mois de février dernier ; Claude Estier s'est rendu à Alger au mois de mai de cette année et a donné une conférence sur «la presse française lors de la guerre d'indépendance de l'Algérie» ; enfin, il y a une semaine, Jacques Toubon, Président de la Cité de l'Immigration et président du Comité du cinquantenaire des indépendances en Afrique, a fait une conférence sur l'émigration et l'intégration, un sujet difficile en France lié au contexte actuel (débat sur l'identité nationale et sur la burka). Entre le 22 et le 26 septembre, ce sera Jean-Pierre Chevènement, un autre grand ami historique de l'Algérie, qui viendra à Alger. Et au mois d'octobre, Noëlle Lenoir, ancien ministre des Affaires européennes, viendra parler de la réconciliation franco-allemande. Toutes ces visites et bien d'autres serviront à nourrir le dialogue entre nos deux pays. - Q.O. : Qu'en est-il du soutien presque affiché de l'Etat français à la thèse marocaine à propos du Sahara Occidental ? Ne pensez-vous pas que le premier fondement du problème réside dans l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme, c'est-à-dire tracées en grande partie par la France coloniale ? - X.D. : La France soutient les résolutions de l'ONU. Le problème, il est vrai, n'est pas simple. Mais je pense que le représentant de l'ONU chargé du dossier, M. Christopher Ross, est à même de réaliser des résultats positifs. Personnellement, je me dis que le Maroc et l'Algérie pourraient former un ensemble économique important pour le continent africain, à l'image de ce qu'était le Benelux, qui a été à l'origine de l'Union européenne. - Q.O.: Vous avez abordé les aspects positifs lors de la visite du secrétaire général de l'Elysée, mais quels sont les aspects négatifs abordés ? - X.D. : Il y a des affaires judiciaires difficiles telles que l'affaire Hasseni, la question des listes aériennes, ainsi, bien sûr, que celle de la mémoire ; ce dernier sujet vient au moment où une loi d'incrimination du colonialisme est proposée par des députés et après la loi du 23 février 2005. Ces sujets sont sensibles, d'autant que l'on s'approche du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie. Bref, tous les dossiers ont été mis sur la table, y compris les plus complexes. - Q.O. : Qu'en est-il de la visite de Bernard Kouchner à Alger reportée à plusieurs reprises ? - X.D. : Effectivement, cette visite a été reportée mais je peux vous assurer que les contacts entre MM. Kouchner et Medelci sont réguliers, même s'ils ne se tiennent pas à Alger. Les deux ministres se sont rencontrés à Tunis, dans le cadre de la réunion des 5+5, aux Nations Unies également. Donc, les contacts sont fréquents afin de nourrir justement ce dialogue. Il vaut mieux se parler, même si parfois le dialogue est difficile. - Q.O. : Qu'en est-il du report du sommet de l'Union pour la Méditerranée ? - X.D. : Le projet en tant que tel devrait favoriser le dialogue euro-méditerranéen, mais le sommet des chefs d'Etat a été reporté à l'initiative des Espagnols en raison du problème de Gaza. Cependant, le processus avance, peut-être plus difficilement que nous l'aurions souhaité, mais il évolue. Il y a des réunions techniques autour de l'environnement, l'éducation, etc., même si les rencontres politiques, comme le sommet des chefs d'Etat n'a pu se tenir. Il n'en demeure pas moins que l'UPM reste un ensemble de projets concrets. - Q.O. : Le Figaro écrivait dernièrement que les investisseurs français boudaient la destination Algérie ! - X.D. : Il ne faut pas croire systématiquement ce que dit la presse et l'article en question est un raccourci. Le Premier ministre, M. Ouyahia, me faisait remarquer que j'avançais des chiffres optimistes. Mais la réalité est là, la France reste encore, même si nos entreprises pourraient sans doute mieux faire : le premier investisseur hors hydrocarbures avec 430 filiales installées en Algérie, avec de grands groupes et un énorme tissu de PME présentes pour des raisons historiques. Ces entreprises réinvestissent généralement leurs bénéfices en Algérie. Dans le secteur bancaire, Natexis, Société Générale et BNP Parisbas sont présentes, avec pour les deux dernières un réseau d'une soixantaine d'agences implantées dans toutes les régions, qui contribuent ainsi au développement des PME locales algériennes. Ces entreprises françaises ne sont donc pas venues faire uniquement du commerce mais elles s'inscrivent dans la durée. Elles sont contentes de travailler en Algérie. En revanche, pour de nouvelles entreprises françaises ou même européennes qui veulent découvrir l'Algérie, le marché est sans doute difficile à aborder. - Q.O. : Mais qu'est-ce qui gêne ces entreprises à venir investir en Algérie ? - X.D. : Si vous interrogez ces entreprises, elles mettent en avant, en règle générale et pour autant que je sache, trois principales difficultés : les changements d'ordre juridique, la difficulté, parfois, à identifier les bons interlocuteurs et obtenir rapidement d'eux des réponses et enfin les problèmes administratifs, d'ordre fiscal ou douanier (comme le rapatriement des bénéfices par exemple, ou la nécessité de tel ou tel agrément difficile à obtenir). Mais je le répète, nos entreprises présentes en Algérie sont heureuses d'y travailler et ont confiance dans l'évolution positive de l'économie et du pays. - Q.O. : Et pour l'assureur Axa qui refuse de venir investir en Algérie ? - X.D. : Axa ne refuse pas de venir en Algérie et les discussions avec les responsables algériens sont en cours. Il s'agit de discussions techniques qui prennent du temps. Une autre preuve que les entreprises françaises ne boudent pas l'Algérie. - Q.O. : Il y a des patrons algériens qui posent le problème des difficultés pour l'obtention du visa Schengen. Comment expliquez-vous cette négation ? - X.D. : C'est vrai qu'il peut y avoir des difficultés parfois et nos consulats font le maximum pour les régler. Mais il y a également des problèmes pour les hommes d'affaires français qui veulent prospecter le marché algérien. |