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Suite et fin
Quant à la Banque centrale américaine, elle se trouvait dans une situation unique, tous les titres (bons de Trésor, placements, bons de participation, etc.) ainsi que la formidable masse de capitaux en devises que les banques américaines avaient changé pour se procurer des liquidités, devenaient sa propriété. Il y a évidemment à soustraire pour les banques en faillites les garanties minima des dépôts, mais cela entame peu le bénéfice retiré de la crise par la FED. Dès lors, sur le plan monétaire, cette formidable masse en devises va amener la FED à trouver un accord monétaire avec les autres Banques centrales, essentiellement occidentales et le Japon. Ces dernières détiennent des montants importants en dollars. C'est ainsi qu'un accord swap (échange de liquidités) fut trouvé. Dans un communiqué de presse de la Banque de France, le 13 octobre 2008, il est mentionné : « La Banque d'Angleterre, la BCE et la Banque nationale Suisse conduiront des opérations d'appel d'offres libellées en dollars d'une durée de 7, 28 et 84 jours à taux fixe et qui seront intégralement servies. Les fonds seront fournis à un taux fixe, déterminé à l'avance pour chaque opération. Les contreparties à ces opérations pourront emprunter les montants qu'ils souhaitent contre remise de garanties appropriées dans chaque juridiction. Ainsi, les montants du dispositif temporaire d'échange réciproque de devises (accord de swap) entre la Réserve fédérale et la Banque d'Angleterre, la BCE et la Banque nationale suisse seront relevés et adaptés au volume de financement en dollars US réclamé. La Banque du Japon envisagera l'introduction de mesures similaires_ [_] Ces mesures s'appliqueront aussi longtemps que nécessaire et au moins jusqu'en janvier 2009. » En septembre 2008, les chiffres rapportés pour l'accord swap avec la FED portent avec : 1) les Banques centrales de Suède et d'Australie sur un montant de 10 milliards de dollars chacune, les Banques centrales du Danemark et de Norvège sur 5 milliards de dollars chacune. 2) les banques centrales norvégienne et danoise sur cinq milliards de dollars. 3) la Banque centrale européenne (BCE) sur un montant de 120 milliards de dollars. Le montant sera doublé ensuite, et la durée de l'accord swap entre la FED et la BCE, porté à 240 milliards de dollars, est reportée jusqu'à avril 2009. 4) la Banque du Japon sur 60 milliards de dollars. 5) la Banque d'Angleterre sur 40 milliards de dollars. 6) la Banque Nationale de Suisse sur 27 milliards de dollars. 7) la Banque du Canada sur 10 milliards de dollars. Au total, les lignes de swaps ouvertes par la Fed avec plusieurs banques centrales totalisent près de 450 milliards de dollars. Il est clair que, grâce à cet accord swap, la FED, en mettant sur le marché monétaire des devises qu'elle détenait, retirait les masses de dollars que la BCE et les autres Banques centrales (Japon, Angleterre, Suède...) injectaient. La diminution des dollars sur les marchés monétaires internationaux entraînait la réappréciation de la monnaie américaine. L'euro passait d'un haut de 1,6038 dollar en juillet 2008, à un bas de 1,25 dollar en septembre 2008, soit une chute de 22% par rapport à son record historique du 15 juillet 2008. En décembre 2008, l'euro se réappréciait quelques jours, puis fin décembre, il chutait à environ 1,26 dollar. On comprend ainsi pourquoi le renchérissement de la monnaie américaine. Pour ce qui est de la baisse du cours du pétrole, les injections monétaires massives opérées par la FED étant en forte diminution, il n'y avait plus l'intérêt d'adosser la demande de dollars par les pays importateurs de pétrole à l'émission monétaire américaine ex nihilo aux fins, comme on l'a déjà dit, d'éviter une forte dépréciation du dollar. Par conséquent, la chute des cours pétroliers ainsi que des matières premières était inévitable. D'autant plus que la crise bancaire s'est étendue à l'ensemble du monde. C'est ainsi que le cours de pétrole est passé d'un haut de 147,5 dollars, le 11 juillet 2008, à moins de 115 dollars, la fin août 2008. Au début de septembre, il était à moins de 100 dollars. En novembre 2008, il passe sous le seuil des 60 dollars. Le 20 novembre 2008, le baril de pétrole (light sweet crude) valait 49,91 dollars. Le plan de sauvetage américain et les réticences du Congrès américain Après la débâcle des marchés financiers américains, plusieurs banques et parmi les plus grandes se sont retrouvées avec un capital insuffisant pour faire face à leurs pertes. Les ministres des Finances des grands pays industrialisés et les gouverneurs des grandes Banques centrales n'avaient pas d'autres solution que de « penser l'impensable », selon l'expression de John Lipsky, c'est-à-dire à recapitaliser les banques avec de l'argent public, c'est-à-dire soit à prendre des parts de participation, soit à nationaliser, tout court. Et c'est ainsi qu'un plan de sauvetage de 700 milliards a été soumis à l'approbation par le Congrès américain. Avant son adoption, ce plan a fait des vagues. L'intervention de l'Etat dans le secteur privé, sans précédent dans l'histoire américaine, était très critiquée dans les rangs républicains qui disaient vouloir épargner l'argent du contribuable à un peu plus d'un mois de l'élection présidentielle et législative américaine. En septembre 2008, la crise avait déjà touchée l'Europe. Plusieurs banques américaines ont continué leur chute aux enfers. Le groupe belgo-néerlandais Fortis, la banque américaine, Wachovia, rachetée dans l'urgence par Citigroup, sous l'égide des pouvoirs publics américains, et d'autres... Au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, l'effervescence des dirigeants politiques et financiers était au plus haut, avec un tas de projets de sauvetage des banques en tête. Toujours est-il, le plan de sauvetage américain focalisait l'attention du monde. Le 29 septembre 2008, le plan de sauvetage bancaire fut rejeté, la crise s'étendait, et les Bourses mondiales chutaient. Après une seconde lecture et d'âpres tractations entre les représentants, et après approbation par le Congrès, le plan de sauvetage (ou la « loi de stabilisation économique d'urgence 2008 ») fut approuvé, le 3 octobre 2008, par le président Bush. Le plan de sauvetage portait sur 850 milliards de dollars en tout, si l'on compte le coût des amendements. « Plusieurs représentants qui s'opposaient au plan jugé comme une intervention de la main de l'Etat pour sauver Wall Street aux frais des contribuables, avaient annoncé jeudi avoir changé d'avis. D'autres, des démocrates, ont par exemple indiqué vendredi que des appels téléphoniques du candidat à la présidentielle Barack Obama les avaient aidés à se raviser et à voter pour.», lit-on dans les informations de la presse. En vérité, le montant que représentait le plan de sauvetage ne coûtera rien aux contribuables, pour les raisons invoquées ci-haut, puisqu'un confortable matelas de capitaux engrangé lors de la crise par les Etats-Unis est là pour financer le plan de sauvetage. Il en va de même pour l'Europe mais dans une moindre mesure, lié aux pertes financières beaucoup plus faible des pays émergents dans leurs placements européens. Une question cependant. Dans le cas où ce n'est pas le « matelas de capitaux », d'où les Etats-Unis tiendraient-ils ces 850 milliards de dollars ? Vu les déficits jumeaux structurels, et malgré les placements asiatiques et arabes en bons de Trésor, le dollar depuis 2003 n'a pas cessé de se déprécier. Cela sous-entend que la FED a eu recours à la planche à billet, les marchés monétaires internationaux, remplissant leur rôle de régulateur neutre, corrigeaient à la baisse la monnaie américaine, due à l'excès de l'émission monétaire (sans contrepartie). Par conséquent, un plan de sauvetage de 850 milliards de dollars, sans ce matelas, aurait coûté plus de 4,5 points de PIB américain, entraînant un déficit budgétaire de 9%, dont les conséquences seraient désastreuses pour le dollar. Quant à la dette publique américaine, elle suivrait la même trajectoire que le déficit public. Précisément, ce matelas de dollars auprès de la FED vient justement enlever les craintes des représentants récalcitrants du Congrès, qui se souciaient des conséquences du plan sur les contribuables. D'autant plus qu'il n'y avait aucune piste dans le plan sur la question de la disponibilité des capitaux, procurés par une hausse d'impôts ou par un lancement d'emprunt national d'Etat-l'épargne nationale est négative. Selon le Monde du 27 mars 2009, « le gouvernement du Royaume-Uni n'est pas arrivé à vendre autant de bons du trésor que prévu, en mars 2009, pour financer sa dette. Gordon Brown s'est vu contraint de renoncer à un nouveau plan de relance ». Aujourd'hui, la France se prépare à lancer pour début 2010 un emprunt d'Etat pour financer, non un plan de relance, mais un plan pour la croissance et l'emploi. Le plan évacue toutes dépenses sociales. C'est dire, dans une situation de récession, l'étroitesse des plans de sauvetage, de relance ou de croissance, peu importe la terminologie employée pour ces plans. Le moindre écart, à l'orthodoxie économique, se traduit par une hausse du déficit public, de la dette publique et du solde du déficit courant, et les conséquences sur la monnaie. Une similitude entre 1929 et 2009 Un baril de pétrole à 180 dollars en 2010-2011 Nous sommes aujourd'hui en 2009, que va-t-il se passer dans les années à venir pour l'ensemble des économies du monde ? Difficile à prédire. Cependant, l'histoire nous apprend ce qui s'est passé en 1929, et nous sommes en 2009, soit quatre vingt après. Le monde va-t-il de nouveau connaître ce qui s'est passé dans les années 1930 et 1940 ? C'est-à-dire les horreurs de la plus grande guerre mondiale qu'a connu l'espèce humaine. L'Afrique du Nord, dont l'Algérie, était traversée par les Allemands et les Américains dans les années 40. Allons-nous vers d'autres guerres ? Nous ne pouvons pas savoir, comme au début des années 1930, le monde ne pouvait pas savoir. Ceci étant, revenons sur le problème économique, qui est peut-être plus mesurable. Nous sommes à la fin du deuxième cycle économique et à l'orée du troisième cycle. Le premier cycle a débuté, en juin 1999, avec le resserrement monétaire américain de 4,75% à 5%, le retournement du cycle s'est opéré le 3 janvier 2001, avec la baisse du taux d'intérêt court directeur de la FED de 6,5% à 6%. La fin du premier cycle économique coïncidait avec le début du deuxième cycle économique en juin 2004, le resserrement monétaire fait passer le taux de la FED de 1% à 1,25%. Le retournement du cycle s'est opéré en septembre 2007, la FED a abaissé son principal taux directeur d'un demi-point de 5,25% à 4,75%. En décembre 2008, le taux de la FED est au plancher, de 0 à 0,25%. Combien de temps sera maintenu ce taux d'intérêt plancher de la FED ? Quand la FED procèdera au relèvement du taux court directeur qui terminera le deuxième cycle et ouvrira le troisième cycle économique ? Vu la situation de récession pour pratiquement tous les pays occidentaux, il est difficile de prédire. Cependant, l'analyse de la « courbe des taux d'intérêt courts américains depuis 1954 à 2009 », fait ressortir que l'écart entre le retournement des cycles et la fin des cycle va de plus en plus en s'allongeant. C'est-à-dire, contrairement aux années 1950, 1960, et même 1970, l'écart, à la fin des années 1980, apparaît bien plus grand, de l'ordre de trois à quatre années. Par conséquent, on peut pronostiquer que le taux d'intérêt directeur américain restera sur ce niveau plancher jusqu'à 2011. Ou s'il se relèvera, il ne se fera que de manière progressive pour ne pas tuer la croissance. Il reste que, dans les années à venir, la situation économique et financière sera tendue. La dépression économique mondiale, qui n'est qu'à son commencement, s'accroîtra dans la durée tant que les problèmes financiers et monétaires resteront diffus et incertains. Le problème de la régulation financière internationale, sur lequel se penchent aujourd'hui les experts du monde entier, est lié stricto sensu aux problèmes des dysfonctionnements monétaires, eux-mêmes liés aux déséquilibres des balances des économies dans le monde. De plus, il y a la donne pétrolière qui continuera, évidemment, à faire parler d'elle. Elle aura à jouer un rôle considérable dans les relations économiques, financières et monétaires internationales. On peut prédire même que le baril de pétrole atteindra le cours des 180 dollars à l'horizon 2010-2011, voire plus, et il ne sera qu'une pièce du puzzle dans le grand jeu à venir dans la deuxième décennie du troisième millénaire. Grand jeu où se dessinent déjà plusieurs développements tant en matière économique et financière que monétaire. La paix mondiale sera-t-elle en danger comme dans les années 30 ? Eu égard aux problèmes pendants : le conflit non résolu de la Palestine, la guerre en Afghanistan, la situation en Irak, le problème de l'Iran, la guerre au Pakistan, le bouclier anti-missile américain en Pologne et en Tchéquie, enfin, les déséquilibres mondiaux qui sont au coeur des conflits et leur impact sur l'avenir du dollar. L'après 2009 ressemble étrangement à l'après 1929, même si les donnes ont beaucoup évolué. *Chercheur |