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Comment
recruter les bonnes personnes en fonction de compétences ?
Pendant longtemps, l'administration publique n'a pas eu d'états d'âme: elle recrutait sur des connaissances disciplinaires académiques et sur la «culture générale», un ensemble assez flou de savoirs et de références sur l'histoire, la culture et les «grands problèmes » du monde contemporain, considéré comme le bagage minimal de l'honnête homme (1). La diversité des postes et des fonctions, au sein de la fonction publique, s'accommode mal de l'homogénéité des concours d'accès. Le recrutement d'un individu doit être considéré comme une greffe d'organe ; en conséquence, toutes les causes de rejet sont à surveiller et à éliminer. Ces causes sont nombreuses : - mauvaise définition des besoins, et le candidat retenu sera sur- ou sous-dimensionné par rapport au poste et/ou grade, ce qui inévitablement conduira à une situation de séparation, volontaire (2); - l'intégration du nouvel arrivant ne sera pas correctement réalisée ; - le recrutement aura été décidé et réalisé en catastrophe, donc l'administration se sera elle-même privée de candidatures. Afin d'éliminer ces causes de rejets, il est primordial que l'administration publique définit sa stratégie d'évolution des effectifs et des compétences, ses campagnes de recrutement et en assurer la mise en place, et finalement gérer les entrées dans l'organisation tant du point de vue psychologique et humain que du point de vue des coûts. La facilité apparente des recrutements, liée à la situation générale sur le marché du travail, ne doit pas faire oublier la nécessité d'une démarche stratégique cohérente. Identifier le profil du candidat recherché : Quand l'administration cherche à identifier ce qu'elle attende d'un candidat, la tendance naturelle est de se concentrer d'abord sur le travail qui doit être fait et sur le résultat attendu, et non sur les compétences (comportementales et techniques) qui devront être mises en œuvre pour atteindre ce résultat. Ce qui revient à chercher un traitement pour soigner une migraine sans se préoccuper de savoir s'il s'agit de prendre un cachet ou de subir une opération du cerveau, et sans prendre en compte une éventuelle allergie au traitement. La première chose à faire pour améliorer les résultats du processus de recrutement est de connaître les caractéristiques de l'emploi à pourvoir via l'analyse de l'emploi, pour les raisons que nous venons d'évoquer. La seconde est d'en déduire le profil que le candidat devra posséder, en termes de compétences ou être en mesure de développer rapidement. Actuellement, dans les pays développés, les administrations publiques investissent temps et argent pour comprendre quel est ce profil, en suivant leurs meilleurs fonctionnaires dans leur travail quotidien et en identifiant les conditions permettant de réussir ou d'échouer dans un emploi. L'ensemble du processus de recrutement sera basé sur ce profil qui ne se résume pas à une liste de compétences, de diplômes et d'expériences. Il prend aussi en compte les aptitudes sur lesquelles se construisent les compétences notamment comportementales, la personnalité, les centres d'intérêt, les valeurs et les connaissances. Un tel profil doit être établi pour chaque poste à pourvoir. Son utilisation peut être étendue aux fonctionnaires déjà en fonction. Il permettra d'identifier les écarts entre le profil idéal et le profil réel et servira, éventuellement, de base à l'élaboration du plan de formation. La définition de profil peut être considérée comme la première étape de la gestion de carrière d'un fonctionnaire. Cette action conduit à décrire le candidat « idéal » ; celui-ci, bien sûr, n'existe pas dans la réalité, c'est pourquoi il est essentiel de classer chaque élément du profil dans l'une des trois catégories suivantes (3): - Indispensable : un candidat qui ne présenterait pas cette caractéristique ne peut occuper le poste ; - Essentielle : caractéristique que doit posséder un candidat pour assurer correctement la fonction ; - Souhaitée : caractéristique désirée, mais non nécessaire, pour remplir correctement la fonction. Le classement des caractéristiques dans ces trois catégories doit être aussi objectif que possible ; on se défiera d'une tendance fréquemment observée parmi les supérieurs hiérarchiques, qui consiste à surélever les caractéristiques nécessaires et essentielles. Les éléments examinés sont, en général, les suivants : - caractéristiques physiques : santé, présentation, âge... ; - expérience : en années, dans le même poste et/ou un poste voisin, autre poste ; - compétences spécifiques : connaissances techniques, niveau de savoir... ; - motivation : en termes de désir d'évolution, de sécurité, de revenus, de pouvoir, de perfectionnement ; - traits de caractère : impact sur les autres, adaptation aux différents milieux, stabilité, aptitude au travail de groupe... D'autres spécialistes et experts voient que le profil souhaité d'un candidat peut être définie selon trois éléments (4): - Savoir agir (que doit savoir et savoir faire le candidat) ; - Vouloir agir (les éléments de motivation, type de personnalité) ; - Pouvoir agir (organisation et moyens mis à disposition pour agir avec compétences). La définition du profil exige une rédaction aussi détaillée et précise que possible ; aussi les termes « bonne présentation », « capacités au-dessus de la moyenne » sont à proscrire car ils autorisent trop d'interprétations subjectives. La responsabilité du recruteur : Après un mauvais recrutement, les premières personnes à payer le prix c'est l'administration, et après les chargés du recrutement (recruteurs). Pourtant, encore aujourd'hui, la majorité des personnes impliqués dans le processus de recrutement (acteurs) n'ont pas reçu ou ne souhaitent pas recevoir de formation à l'analyse de poste, aux entretiens ou aux outils et méthodes de recrutement. Certains n'auront pas de temps à perdre dans des méthodes de management jugées accessoires, ils disent généralement la même chose : « je suis capable de dire du premier coup d'œil si quelqu'un fera l'affaire ou non, ce n'est pas une formation qui va m'apprendre le boulot ». D'autres diront qu'il s'agit de la responsabilité du service du personnel ou des ressources humaines, d'autres encore aimeraient avoir de véritables formations mais leur direction n'en voit pas l'utilité (5). Certains recruteurs sauront expliquer qu'ils n'ont pas de temps à consacrer à l'analyse et à la mise à jour des descriptions de poste lors de chaque recrutement. Surtout s'ils ne veulent pas avoir à préparer un entretien structuré ou à coordonner les entretiens de plusieurs autres personnes impliquées dans le processus de recrutement. Pourtant, et pour plusieurs raisons, tout recruteur (acteur du recrutement) devrait réclamer, s'il ne l'a pas déjà, la responsabilité du recrutement de ses propres collaborateurs : - C'est lui qui subira le plus directement les conséquences d'un mauvais recrutement. C'est lui qui a le plus à perdre ou à gagner. Par conséquent, le recruteur doit être le plus motivé et le plus impliqué dans le processus de recrutement et prendre toutes les initiatives pour minimiser le risque d'erreur. - C'est lui qui connaît le mieux l'emploi à pourvoir. Le poste est sous sa responsabilité directe ou indirecte et sans doute l'a-t-il lui-même déjà occupé durant sa carrière (6). Dans cette optique, le recruteur doit bénéficier d'une assistance, afin de rester tourné vers l'extérieur et de disposer d'une connaissance des tendances du marché de l'emploi. En restant en contact avec la diversité du marché du travail, il sait ce que les candidats pensent de son administration et si celle-ci est attractive ou non. Il saura également quels candidats et quelles compétences sont les plus demandées, et pourra ainsi anticiper les changements de conjoncture. L'entretien basé sur les compétences (épreuve orale) : L'entretien (épreuve orale) de recrutement est le meilleur moyen pour connaitre les candidats. A cet effet, structurer l'entretien de recrutement permet d'explorer chaque domaine (formation, expérience, motivation, personnalité) de manière méthodique et organisée. Le recruteur cherche à exploiter l'ensemble des thématiques dans un ordre bien précis, ce qui l'oblige à approfondir chaque thématique avant de passer à la suivante. Un entretien conduit en suivant des étapes bien définies permet d'obtenir des informations précises pour faire le bon choix et augmente la validité scientifique de l'entretien (7). D'une manière général, l'entretien de recrutement est une situation de face-à face qui met en présence deux personnes dont la finalité est la meilleure connaissance mutuelle, permettant à chaque partie de prendre sa décision. L'entretien basé sur les compétences est fondé sur un principe simple : « la meilleure façon de prévoir ce qu'une personne fera dans le futur est de savoir ce que cette personne a fait dans le passé, dans une situation comparable » (8). Dans la fonction publique, il est préférable de laisser l'entretien comme dernière étape, c'est-à-dire après les épreuves sportives, cela pour deux raisons : - Le nombre de candidats sera réduit car résultant de sélections précédentes ; - Le jury n'aura pas de difficulté pour entretenir les candidats individuellement, car ils seront moins nombreux. Les questions, basées sur l'analyse de poste, permettent de confronter le profil du candidat avec le profil idéal recherché. Le recruteur classique posera sans doute toujours les mêmes questions : « Quels sont vos qualités et défauts ? » « Comment vous ? » « Comment vous voyez-vous dans quelques années ? » Ou encore des questions mettant en scène des hypothèses : « Que feriez-vous si votre responsable vous confiait une mission importante ? » Ces questions ne donnent aucune preuve que le candidat détient réellement les compétences recherchées. Pour recruter la bonne personne au bon poste et pouvoir la fidéliser par la suite, l'entretien doit être construit autour de questions sur le comportement. Les entretiens de comportement sont basés sur le fait que la meilleure prédiction concernant un comportement futur est le comportement passé. Ce type d'entretien est le meilleur moyen d'appréhender le savoir-faire (expérience, connaissances et compétences) et le vouloir-faire (intérêts personnels, personnalité et talent) sans faire appel à la multi évaluation (assessment center 9) ou à l'essai professionnel. Les questions basées sur l'identification du comportement passé du candidat ne s'improvisent pas. Elles sont issues d'un long processus qui commence par des entretiens avec les personnes occupant le même style d'emploi pour établir le profil idéal et la description de fonction réelle(10). Barème d'entretien : Le barème peut servir à évaluer les compétences individuelles de chaque candidat. Il est essentiel que le jury (recruteur) utilise ce barème. Pour conclure, une évaluation d'entretien (épreuve orale) de sélection est nécessaire. Cette évaluation peut prendre la forme d'un tableau, ce dernier est un outil d'évaluation qui regroupe toutes les informations sur les candidats. En résumé, ce tableau d'évaluation d'entretien est un guide pour analyser les candidatures tout au long de l'entretien. Compte tenu de la diversité des emplois, dans la fonction publique le recrutement rend la tâche difficile au jury dans un entretien (preuves orales) de sélectionner les candidats sur les compétences professionnelles. Le recrutement basé sur les compétences se concentre sur la recherche de candidats qui démontrent une adéquation avec les caractéristiques et les exigences du poste de travail. Il s'agit donc de candidats ayant des comportements prouvés permettant de conduire à une performance supérieure (11). Concernant les conditions de succès du recrutement et de la sélection sont nombreuses, j'ai souligné un certain nombre : - Les conditions de succès du recrutement ? Élaborer et communiquer sa marque employeur ; ? Se positionner comme une administration de choix ; ? Diversifier les méthodes de recrutement en faisant bon usage des réseaux sociaux ; ? Engager des experts dans le processus de recrutement ; ? Faire un suivi régulier sur l'efficacité des méthodes de recrutement. - Les conditions de succès de la sélection ? Se baser sur les bons critères de sélection ; ? Utiliser des instruments de sélection fiables et valides ; ? Préparer une entrevue structurée ; ? Ne pas hésiter à utiliser plus d'un instrument de sélection. Mais attention, en tant que recruteur, le travail de l'administration ne s'arrête pas là : dénicher la perle rare, c'est bien ; la garder ! Par conséquent, la fidélisation des compétences, tout comme le recrutement, se révèle un enjeu de taille pour les administrations publique d'aujourd'hui. C'est pourquoi il est conseillé d'accorder tout autant de soin à l'onboarding des nouvelles recrues, au moyen d'un processus d'intégration qui ne tourne pas qu'autour des spécificités techniques de la prise de poste. A cet effet, dans la quatrième partie, nous aborderons la question de l'intégration et les conditions interne dans l'administration publique. *Fonctionnaire d'Etat Notes : 1) Suzanne Maury, La GRH dans la fonction publique, Paris, la documentation française, 2016, page, 83. 2) Bernard Martory et Daniel Crozet, Gestion des ressources humaines pilotage social et performance, 9eme Edition, Paris, DUNOD, 2016, page, 44. 3) IBID, page, 48. 4) Jean-Marie Peretti, Gestion des ressources humaines, 21eme Edition, Pars, VUIBERT, 2016, page, 66. 5) Bernard Martory et Daniel Crozet, OP CIT, page, 70. 6) Benjamin Chaminade, Attirer et fidéliser les bonnes compétences, France, AFNOR, 2010, page, 71. 7) Annick Haegel, La boite à outils des ressources humaines, 3eme Edition, Paris, DUNOD, 2020, page, 90. 8) Organisation Mondiale des Douanes, OP CIT, page, 78. 9) Une méthode qui évalue les compétences d'un candidat au travers de plusieurs outils psychométriques et par des mises en situation diverses. 10) Benjamin Chaminade, OP CIT, page, 90. 11) Organisation Mondiale des Douanes, OP CIT, page, 74. |
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