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Le
safran «za'afran», la plante mystérieuse d'ailleurs
très onéreuse et à fort plus-value commerciale peut constituer un atout
indéniable dans l'économie et participer pleinement à la promotion économique
et sociale dans les zones rurales. La plante légendaire à vertus spectaculaires
pourrait faire l'objet d'extension dans le cadre de l'agriculture familiale
notamment.
De l'histoire du safran Le safran a accompagné l'histoire des Hommes. Il fut pendant de nombreuses décennies l'épice la plus chère au monde. Il est originaire du Moyen-Orient, dit-on, dans les annales d'histoire. Il a été cultivé pour la première fois dans les provinces grecques, il y a plus de 3500 ans. Cette plante mystérieuse serait originaire, d'après certaines d'autres sources historiques, de la crête ou du Cachemire. Elle a été introduite en Gaule par les Phéniciens, et plus tard par les croisés au retour de la Palestine. Les médecins des Pharaons la préconisaient déjà pour tous les maux d'estomac. Son histoire est assez lointaine dans le temps, puisque le safran était déjà utilisé dans la Grèce antique comme teinture. Le mot safran, dans la sémantique, tire son origine du latin safranum, aussi ancêtre du portugais açafrão, de l'italien zafferano et de l'espagnol azafrán. Safranum qui vient lui-même du mot arabe acfar «jaune», via la paronymie avec le mot za»farân : le nom de l'épice en arabe. Selon d'autres sources, s'appuyant sur la présence de cultures de safran sur le plateau iranien, safranum viendrait alors du persan zarparan, zar signifiant «or» et par «plume», ou «stigmate». L'appellation safran vient également de l'arabo-persan «za'faran», mais les Arabes semblent longtemps dominé le commerce des épices. Les sources arabo-islamiques sont diverses et très anciennes à ce sujet de telle sorte qu'Ibn Al Aouam, à la fin du 12ème siècle consacre un long chapitre à la culture du safran en Andalousie, dans son livre Kitab El Filaha. Alors qu'Abou Obeyda Al Bikri, (1040-1094), dans sa Rihla (Voyage) souligne avoir déjà vu la culture appelée l'or rouge, à Tébessa, en Algérie. Des vertus du safran Les vertus du safran sont plurielles. Dans la gastronomie, c'est dans les plats de poisson qu'on l?utilise fréquemment. On le trouve dans les paellas, la bouillabaisse, dans les tajines, et dans le risotto à l'italienne... On l'apprécie aussi dans les préparations sucrées tels que les desserts safranés ou les crèmes brulées au safran. Il peut également être sous forme de sirop en cocktails ou dans nappages de pâtisseries (babas au rhum). Il est utilisé aussi dans les applications médicales. Hippocrate le préconisait dans les dyspepsies et les douleurs dentaires. Pour les orientaux contemporains, il apporte la sagesse et la gaieté, et a été pour longtemps utilisé pour soigner les cas d'hystérie en association avec d'autres remèdes, dit-on. Enfin, c'est un bon régulateur de la circulation sanguine et soulagerait les douleurs menstruelles et serait un aphrodisiaque pour les femmes. A l'heure actuelle, le Crocus sativus est toujours prescrit en homéopathie dans tous les troubles circulatoires chez la femme. Le safran est caractérisé par un goût amer et un parfum proche de l'iodoforme ou du foin, causés par la picrocrocine et le safranal. Il contient également un caroténoïde, la crocine, qui donne une couleur jaunâtre-or aux plats contenant du safran. Il est alors un puissant colorant qui a été longtemps employé dans des confiseries et des gâteaux. Une part de safran suffit à colorer 100.000 parts d'eau. Au moyen âge, les moines utilisaient une colle à base de blancs d'œufs dorée au safran pour enluminer les manuscrits. Dans l'Antiquité, les Grecs et les Chinois en ont fait un colorant royal. De la botanique et de l'agrotechnie du safran Le safran est une denrée purement agricole appartenant à la famille des épices. Il découle de la culture de l'espèce Crocus sativus L., de la famille des Iridacées. C'est une plante bulbeuse à floraison automnale. Le bulbe est arrondi en haut et plat, en bas. Il est protégé par une pellicule de fibres et de diamètre variable entre 2 à 5 cm. La fleur comporte 6 pétales violets, trois étamines jaune d'or et un pistil rouge. C'est ce fameux pistil composé de trois stigmates (filaments) qui, une fois séché, donne l'épice safran. En plantation, le cycle végétatif comprend deux étapes. La première est qualifiée d'active sur le plan métabolique qui s'étale du mois d'Août à avril. Elle correspond à l'enracinement, la poussée, la foliation et la floraison. La seconde est celle du repos végétatif, correspondant à la latence et à la maturité (de mai à juillet). Vers le début du mois d'août, sont pratiqués, les travaux de désherbage de la parcelle, avant de déterrer et de séparer les bulbes. Ainsi, les petits bulbes iront à la pépinière et les gros pour la plantation. Les techniques culturales selon les agronomes phytotechniciens prévoient un travail du sol permettant la préparation du lit de semence avec un épandage de fumier ovin surtout, soit une tonne pour 100 mètres carrés ce, deux mois avant la plantation, il s'agit d'effectuer par ailleurs, un défonçage à la charrue de profondeur 30cm, avec épandage d'engrais de fond phosphaté plus de la bouillie bordelaise (500g/100m2), puis faire un hersage croisé pour ameublir le sol et procéder enfin, au façonnage des planches. La date de semis se situe généralement en fin août- début septembre, en Algérie. Pour la conduite annuelle, on utilise de 50 à 70 bulbes par mètre carré pour une bonne production de fleurs et de bulbes, pour la seconde génération. Dans le fond de la tranchée (sillon), les bulbes sont distants de 15 cm sur le rang et 25 cm entre lignes. En pratique, il est nécessaire de laisser des allées pour faciliter le passage, l'entretien et la cueillette, tous les 4 rangs, font remarquer les professionnels, au passage. La récolte du safran se fait généralement au mois de novembre. On commence par la cueillette des fleurs et ensuite récupérer les pistils rouge, une pratique connue sous le nom «émondage». Après l'extraction des pistils rouges vient l'étape la plus délicate, c'est celle du séchage. Il faut cependant souligner que le safran est une culture herbacée d'altitude qui végète dans des conditions variant entre 650 et 1200 mètres. C'est une plante rustique compte tenu de sa morphologie et sa physiologie. Elle supporte des conditions climatiques très sévères et peut résister à des températures de -15 degrés à plus 40 degrés Celsius, pourvu qu'elles ne coïncident pas avec les stades phoénologiques sensibles de la plante. Quant aux exigences édaphiques, c'est-à-dire celles du sol, les études affirment l'adaptation de la culture à tout type de sols pourvu qu'ils soient profonds et bien drainants. Les sols à tenures élevées en argile ainsi que les sols très légères ne conviennent pas à la culture. La culture peut, néanmoins, tolérer des sols à tenure relativement élevées en calcaire (parfois supérieurs à 20%). Le safran est indifférent au Ph du sol. Il se comporte aussi bien dans des sols acides que dans des sols basiques. Les besoins en eau de la plante, bien qu'ils soient relativement moyens (600 à 700 mm/an), les apports en eau doivent être bien répartis le long du cycle végétatif de la plante. Expériences réussies (success stories) de la culture du safran en Algérie Le safran se cultive très facilement, il suffit d'avoir des bulbes et les planter et de récolter l'or rouge. Mais la difficulté réside dans la main d'œuvre qualifiée, lors de la cueillette (récolte). C'est ce qui fait que son prix est élevé. Cela dit, il faut cueillir environ 150.000 fleurs de Crocus sativus pour récolter un kilo de stigmates frais et près de cinq kilos de stigmates frais pour faire un kilo de safran sec utilisable en tant qu'épice. Le safran est en phase de vulgarisation et d'extension auprès de nombreux agriculteurs, en Algérie. Des expériences réussies ont été évoquées et qui ont été de pleine mesure. A Constantine, on nous fait savoir que c'est le couple Louiza et Mustapha Aknouche qui ont été les premiers à introduire la culture du safran, précisément dans la commune de Benbadis (zone d'El Haria), à 40 km de Constantine. Le couple a commencé l'expérience en 2010, avec juste une petite parcelle d'expérimentation de la culture. Il est actuellement en phase de l'étendre vers d'autres aires, avec toutefois des résultats spectaculaires. Enfin, le binôme s'attèle à promouvoir inexorablement la culture du safran, en espérant qu'elle connaisse un regain d'intérêt, en Algérie. Il possède désormais une seconde safranière dans la ville de Maghnia, à Tlemcen. Sur les Aures, qui n'est pas du reste, les Services de vulgarisation au niveau local font remarquer que des agriculteurs dans la bande de Lahzamet, aux Aurès, entre Batna et Biskra, ont entamé la pratique de la culture du safran, avec d'excellents résultats. La culture est aussi expérimentée avec succès dans les Hauts Plateaux de l'Ouest, à Tissemsilt. M. Chouikh Lakhdar, président de l'Association de développement de l'agriculture de montagne (ADAM), avec la collaboration d'un horticulteur de la zone ont lancé des essais sur la culture à Hamadia, à l'Est de la wilaya. Adaptée au climat semi-aride de la région, avec une terre calcaire et sablonneuse, la culture est prometteuse dans cette zone qui convient à la culture, dit-on. L'Institut National de la Recherche Forestière (INRF) s'est mis également de la partie en s'appuyant sur des essais de la culture à Khenchela, chez un agriculteur spécialisé dans la culture du safran, M. Rouibi Abdellah, en l'occurrence, dont le savoir et la technicité qu'il a acquis a permis l'introduction, l'acclimatation et le développement du safran dans la commune de M'sara (daïra de Bouhamama, wilaya de Khenchela). M. Rouibi n'est pas du reste. Les frères Lahmari, de la zone de Chelia, dans la même wilaya, ont entamé déjà la culture depuis quatre ans en plantant 45 kilos. Ils sont arrivés à multiplier des bulbes en obtenant déjà 5 quintaux. Dans la wilaya, on affirme déjà que les agriculteurs de la zone sont arrivés en 2016 à produire 1 kg de safran pur, soit l'équivalent de 6 million de dinars algériens. En 2017, M.Rouibi a planté 25 quintaux de bulbes, c'est dire que la superficie en culture est en nette progression dans la zone de Khenchela. En fait, c'était dans le cadre d'un projet de recherche/développement de l'INRF et du CRDI intitulé : Expérimentation participative et adaptative de modèles de gestion des ressources forestières dans la chaine montagneuse de l'Atlas : Algérie, Maroc, Tunisie, que des actions de recherche ont été menées dans les plaines de M'sara et de Bouhamama (Khenchela), de 2009 à 2012. Ce projet avait pour principal objectif de diversifier les activités en zones rurales. L'une des activités retenues était portée sur l'intérêt de l'introduction de la culture du safran comme alternative, recélant une plus value économique. Ceci dit, même si on n'a pas une idée globale sur les superficies cultivées en safran et sa production en Algérie et qui pourraient être évaluées à des dizaines d'hectares, il n'en demeure pas moins que sur le plan économique, sa culture est très rentable. Il est affirmé à ce sujet, qu'en outre-mer, à titre d'exemple, un kilo de safran coûte entre 30.000 et 40.000 euros. Mais cependant, pour avoir un gramme de safran, il faut traiter jusqu'à 240 fleurs. Alors que pour une bonne récolte, il est nécessaire de planter jusqu'à 40 bulbes/m2. Ce qui exige des parcelles plus ou moins, importantes, alors qu'un gramme de safran coûte sur le marché international de 60 à 70 dollars. En Algérie, le kilo a atteint la faramineuse somme moyenne de 6 millions de dinars (le gramme est à 6.000 DA), nous dit-on. La culture du safran peut alors rapporter gros aux exploitants qui la pratiqueront et pourrait être un précurseur de revenus dans le monde rural. Enfin, en voilà alors une plante qui pourrait redonner le sourire aux agriculteurs, pourvu qu'ils y consacrent un peu d'efforts et de terre. Sa rentabilité est excellent, tant au niveau économique que social. Des pays ont bâti leur économie rurale sur des plantes du terroir et le safran appelé «or rouge», n'est pas du reste. La production du safran à fort potentiel commercial peut constituer un atout à l'économie rurale en particulier et l'économie nationale, en général. *Agronome universitaire post-gradué. |
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