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«Plus forte que toutes les
ambitions de pouvoir, la volonté populaire, trempée au feu du combat, jalouse
d'un pays qu'elle vise en quelque sorte de reconquérir, a pu imposer l'union nationale
indispensable pour entreprendre l'énorme tâche d'édification de la maison
commune. Cette volonté tenace a enfin, triomphé. Le pays dispose d'un Etat»
(Ali Haroun in -L'Eté de la discorde- Algérie 1962)
Depuis la démission du Président Abdelaziz Bouteflika, suite à la pression populaire et la décision du haut commandement de l'ANP, la situation semble être sereine, sans toutefois, amorcer le tournant d'un réel changement. Plus d'un mois et le mouvement populaire persiste dans sa position de réclamer le départ des 3B, le pouvoir entame le processus selon un agenda qui lui est propre. Hormis la démission de Tayeb Belaiz, Président du Conseil constitutionnel qui fut remplacé, Abdelkader Bensalah, Chef de l'Etat par intérim et Nourredine Bedoui, Premier ministre et son gouvernement, ces derniers continuent de gérer le pays. La lutte contre la corruption que mène la justice pour éviter d'autres saignées dans des transactions douteuses, sont l'une des priorités auxquelles s'est attelé le Haut commandement de l'armée à travers les discours prononcés lors des visites qu'entreprend Gaid Salah ,en tant que vice-ministre de la Défense et chef d'EMG à partir des différentes régions militaires, libérant ainsi le juge en le mettant face à sa conscience, sans règlement de comptes ni chasse de sorcière. Se conformant strictement à l'article 102, consolidé par les articles 7 et 8, l'armée montre qu'elle est respectueuse de la Constitution répondant ainsi à ceux qui l'accuse de fomenter un putsch contre la République. Le Printemps de cette année 2018, n'est pas celui du « Printemps arabe » ni « l'Eté de la discorde » de 1962. L'horizon 2019 présente les prémices d'une tornade qui va balayer les hommes et les institutions atteintes d'une gangrène aux allures de dégénérescence structurelle et morphologique. Le peuple se réveille après un long sommeil comme « Ahl Al Kaf », les séquelles et les traumas de décennies l'ont anesthésié pour ne plus revendiquer sa dignité et son sens de l'honneur. Des fresques humaines aux couleurs printanières Il aurait fallu une autre génération rompue à la nouvelle communication de réseaux sociaux pour venir à bout d'une « révolution dite du sourire », pour retrouver le lien ancestral d'un combat de civilité politique, jamais égalée dans le monde. C'était ce 22 février 2019, une révolution est née et s'impose très vite par son mode opératoire que les officines les plus avisées n'ont pu déceler les tenants et les aboutissants de cette belle marche du siècle. Des fresques humaines, couleur arc-en-ciel, donnent au paysage une atmosphère bon enfant d'une Algérie nouvelle, celle d'un 1er Novembre 1954 qui avait relevé tous les défis du siècle de la décolonisation des peuples. Ce mouvement populaire, comme un fleuve, va à travers ses alluvions, donner les germes d'une moisson nourricière d'un peuple réellement souverain, décidé à se gouverner par le choix des femmes et des hommes, capables de lui rendre ce sourire tant attendu. Revivre une passion sans complaisance Cette passion de revivre n'est porteuse d'aucune complaisance. Elle s'est traduite par une realpolitik. Plus d'un demi-siècle d'indépendance, l'Algérie n'a pas pu restituer toutes ses revendications pour s'arrimer, paisiblement, aux rivages démocratiques. Les réalités de ce qu'il a été dit sur le ?Printemps arabe', a grandement déçu lorsqu'on observe les conséquences, parfois tragiques, même si ce dernier ne reflète pas les attentes d'une jeunesse qui a tant attendu le miracle, alors qu'elle sombre dans un vécu de lassitude et de mal-vie. Contre le dépeçage des richesses du pays Ce ressentiment omniprésent et bien compréhensible chez cette population désœuvrée, surtout au sein de la jeunesse qui observe, chaque jour, un foisonnement d'oligarques qui font main-basse sur les ressources du pays dans toute l'impunité et qui rendaient possible ce processus de révolte ou d'insurrection face au dépeçage de la richesse de leur pays. Cette situation s'est accentuée dès 2005, lorsque les centres de décisions ont été accaparés par une caste faisant fi de toute loi et qui, d'année en année, jetait les bases d'un pillage des ressources potentielles du pays. Alors se posait la question comment venir à bout de cette corruption qui s'est emparée de tous les leviers de commande du pays ? Tout au début ce ressentiment va prendre diverses formes de la résignation à la violence. L'Internet ou les réseaux sociaux vont, certainement, jouer un rôle graduellement de grande importance par la réalité de l'Internet qui devient le meilleur moyen de vulgariser les légitimes revendications. Dès lors commence la participation à la marche du siècle. Une marche dans l'allégresse et du vivre ensemble Le constat est accablant et le mouvement prenait de l'ampleur. C'est un réveil dans la ferveur de tout un peuple qui s'empare de son devenir dans l'allégresse et l'enthousiasme où femmes, hommes et enfants défilent en toute confiance qui revendiquant un changement de système en faisant basculer leur destin. Ce sont des millions de citoyens qui investissent les places devenues l'espace des revendications en scandant les slogans de «Système Dégage» à travers tout le pays. Spontané, ce mouvement «Silmia » l'a été, et a surpris plus d'un. Dans la foulée, personne ne peut s'en approprié et au demeurant, malin qui peut dire que tel est le leadership, même si dans les réseaux sociaux des personnalités sont suggérées pour conduire la transition. Mais ce cas d'école montre toute sa complexité lorsqu'il s'agit de se mettre d'accord sur des noms. Ce qui est retenu c'est l'absence de partis politiques qui traditionnellement encadrent leurs militants dont certains se retrouvent d'ailleurs parmi les marcheurs. C'est une auto-organisation loin des clivages idéologiques et régionalistes dont les mots d'ordres «Dégage», «Non à la Corruption», «Echaab Yourid Yetnahaw Ga3», «Un seul héros le Peuple», «chaab, eljeich khawa khawa». L'Algérie unanime s'élève, lancée à pleins poumons par les manifestants comme pour exprimer un ras-le-bol. Pour un scenario de sortie de crise Certains préconisent l'idée d'un vote électronique pour faire émerger une instance collégiale pour gérer cette transition, seule solution consensuelle pour un meilleur choix relativement acceptable. Et c'est de l'article 102 soutenu par les articles 7 et 8, qu'est venue la réponse du Haut commandement de l'armée, juste après que le président ait mis fin à son mandat, dans une lettre adressée à la Nation et remise au Président du Conseil constitutionnel lequel remettra lui-même sa propre démission quelques jours après, au Chef de l'Etat qui nommera son successeur choisi parmi les membres du Conseil constitutionnel. Serait-elle une issue pour sortir de ce labyrinthe juridique qui n'arrive pas à faire émerger une présidence collégiale pour aboutir à l'élection d'un président de la République démocratiquement élu dans toute la transparence du scrutin ? Le President Bouteflika était-il otage d'un clan du pouvoir ? La lettre de démission du président de la République corrige d'abord l'idée que ce dernier n'a jamais émis le vœu de se représenter pour un 5ème mandat, ce qui allait mettre dans la gêne tous ceux qui ont pris l'initiative de le voir rempiler. Le président était-il l'otage d'un clan, alors que sa maladie le mettait dans l'incapacité de continuer à gouverner le pays ? Il faut dire qu'au regard du monde, ce cercle le mettait comme façade de légitimité pour s'approprier les leviers de commande politique, économique et institutionnel. Le plus souvent ces pseudo-oligarques entretenaient une démarche pour satisfaire leurs intérêts propres, allant même de tenter à rendre dynastique la succession. Les réseaux sociaux et à travers ?Facebook' ont-ils vraiment pesé comme instrument de contestation de cet ordre établi pour mettre des stratégies d'information et réfléchir à des alternatives ? C'est dire que les événements allaient s'accentuant et vouloir tirer de hâtives conclusions pour le moment avant que le processus de transition constitutionnelle ou politique n'éclaircisse les horizons, c'est aller vite en besogne. Entrepreneurs honnêtes, créateurs de richesse et oligarques Si les Algériens étaient lassés de la politique car effrayés par le moindre retour à la catastrophe, ils l'ont démontré, plus d'une fois et la plus récente était celle de la Présidentielle de 2014. Ils ont cessé alors d'aller voter à tel enseigne que le pays a vécu une interminable fin de règne. Si l'hémorragie de son estomac, en 2005, a laissé le pouvoir entre les mains et de quelques oligarques et hommes politiques véreux où ils se sont frayé le chemin vers la prise en main des institutions de la République. Pourtant existent des entrepreneurs honnêtes qui ont apporté une valeur ajoutée dans la création de richesses dans la Nation. Le Printemps 2013 avec l'accident cardio vasculaire du président allait diminuer grandement ses capacités d'intervention dans la gestion des affaires du pays. Commence alors la course vers l'Eldorado où sans foi ni loi, ces oligarques prennent le pays en otage. Dès lors apparaît en coulisses les manœuvres qui attisent les jeux du pouvoir prévue vers avril 2019. Tout le monde sait que depuis 1962, il revenait à l'establishment militaire de choisir un successeur assez souvent, par consensus. Le peuple quant à lui ne se soucie guère d'un pouvoir qui fonctionne en dehors de lui. L'ANP vigilante gardienne de la transition démocratique Il faut simplement se rappeler qu'aux Législatives du 04 mai 2017, moins d'un électeur sur trois s'est déplacé pour aller voter et deux millions de votants ont déposé un bulletin nul dans l'urne. Aujourd'hui, la question posée est celle du rôle que joue l'ANP en tant qu'accompagnateur de la gestion de la transition démocratique, à laquelle les douze sorties de la marche populaire, dans l'histoire de l'Algérie indépendante n'ont pas encore trouvé l'issue. C'est sans nul doute le fait que la corruption qui a exacerbé profondément les contradictions, se trouve être l'élément clé qui bloque la sortie de crise et par voie de conséquence rendant le consensus impossible à réaliser entre les différents protagonistes du pouvoir actuel. Quels seront donc les possibles scénarios envisageables pour sortir de cette ornière juridique et rendre possible une transition douce sans risques de dérapage ? Il s'agit de réfléchir sur un mode opératoire sans sortir de la Constitution. En termes clairs faire une jonction entre le politique et le constitutionnel pour amorcer, en douceur, le processus menant à l'élection présidentielle. Le génie ne manque pas. Nos constitutionnalistes peuvent trouver la formule qui sied le mieux, peut-être une sorte de «Déclaration constitutionnelle». La cause était le fait de ceux qui ont voulu imposer un 5ème mandat sans le consentement du président, qui a d'ailleurs publiquement démenti les tenants d'une telle initiative. Visiblement nos constitutionalistes peuvent, aujourd'hui, donner des recettes les unes différentes des autres. Faudrait-il rester, stricto sensu, à appliquer à la lettre l'article 102 via les articles 7 qui stipule que «Le peuple est la source de tout pouvoir et que la Souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple». L'article 8 : «Le pouvoir constituant appartient au peuple qui exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne et qu'il l'exerce, aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus. Le président de la République peut, directement, recourir à l'expression de la volonté du peuple». Solution politique ou solution juridique, tel est le dilemme ! Pour convaincre le Hirak qui exige le départ des 4B, la question est à ce niveau de perception constitutionnelle, où alors carrément pouvoir suivre la solution politique en attendant d'entamer les élections libres et transparentes sous l'autorité morale d'un Présidium accepté par le peuple ? Peut-on admettre une solution politique que juridique sans enfreindre à la règle. Car « le pouvoir constituant étant le pouvoir suprême de l'Etat, même par lui », à l'image de la souveraineté qu'il exprime, il ne saurait être bridé. En un mot il n'existe pas de principes supra constitutionnels ? Autrement dit, le pouvoir constituant s'impose à lui comme aux autres pouvoirs constitués. Ainsi on peut dire que « la Démocratie, c'est le Gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Ambivalences juridiques de l'actuelle Constitution Ce qui revient à dire qu'un Etat est en démocratie lorsque le peuple dispose de la souveraineté, que les gouvernés sont leurs propres gouvernants. En D'autres termes, le pouvoir est attribué à l'universalité des citoyens, conformément aux principes de l'égalité juridique et des droits fondamentaux ». Comment peut-on donc interpréter les articles du corpus constitutionnel lorsque les rédacteurs ont laissé volontairement ou non les ambivalences juridiques ? Dans le cas de crises institutionnelles, l'on constate que le texte est jonché de contradictions et des non-dits. L'on perçoit dès lors les effets aberrants auxquels devait conduire une telle interprétation dans l'esprit du législateur. Le recours au Chef de l'Etat, dans ce cas d'étude montre toute la complexité d'application de cette phase de transition des 90 jours où ce dernier est limité dans ses prérogatives d'une part et d'autre part, les articles 7 et 8 le remettent à la source du pouvoir qu'est le peuple dont la revendication est le rejet de toute démarche émanant du Chef de l'Etat. Recherche d'un compromis politique D'où la recherche d'un compromis politique qui libère le champ vers la concrétisation du processus d'élection présidentielle sous l'autorité collégiale sans lien avec les tenants de l'ancien régime. Cette formule semble être une intransigeance du Hirak justifiée par les faits, seule alternative susceptible de désamorcer la crise. Cette démarche ne peut aboutir que par l'accompagnement du commandement de l'ANP à qui échoit le rôle de veiller à une transition pacifique dans la conduite du processus jusqu'à l'élection libre, transparente et propre du président de la République, élu légitimement par le suffrage universel. A suivre... |
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