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Une dépêche AFP, passée presque inaperçue,
relayant le quotidien ?Handelsblatt' qui parlait sur son site Internet d'une «
césure historique », relate un fait rare : l'apparition, sur le devant de la
scène, d'hommes, généralement, discrets et invisibles.
De quel événement exceptionnel s'agit-il ? Le patriarche et grande figure de l'Industrie allemande, Ferdinand Piëch, au sommet du géant automobile Volkswagen, est sommé, à 78 ans, de démissionner du Conseil de surveillance. Avec effet immédiat de toutes les autres fonctions qu'il assume, au sein du groupe. La nouvelle a provoqué une onde de choc tant M. Piëch paraissait indétrônable, il y a à peine quelques semaines. Les raisons de son départ ne sont pas claires. On sait, toutefois, que sa volonté d'évincer le patron du groupe Martin Winterkorn, 67 ans, qu'il avait pourtant placé aux commandes de VW, en 2006, et longtemps protégé, s'est soldée par un échec. M. Piëch a, sans doute, présumé de son influence et de son pouvoir à la tête de la société qu'il a dirigée de main de maître de 1993 à 2002. Il s'est heurté aux membres, les plus influents, du Conseil de surveillance, parmi lesquels des représentants du personnel, de l'Etat de Basse-Saxe et son cousin Wolfgang Porsche, tous soutenant M. Winterkorn. Le dernier éclat médiatique du constructeur date de 2007. A cette époque, c'était Porsche qui, en portant sa participation dans Volkswagen à 30,9%, qui voulait prendre le contrôle du constructeur de la « voiture du peuple » dans le but affiché de le défendre contre l'appétit d'investisseurs étrangers. L'exercice annuel 2007/2008 de Porsche accusa un bénéfice record de 11 milliards d'euros, soit plus que son chiffre d'affaires, évalué à 8,6 milliards d'euros. Ce surprenant résultat venait de la spéculation à la hausse sur les titres Volkswagen qu'il possédait. En septembre 2008, Porsche crut avoir, de fait, mis la main sur l'entreprise de son cousin. Ferdinand Piëch déjà président du Conseil de surveillance de VW, depuis 2002 est, ne l'oublions pas, le petit-fils de Ferdinand Porsche, inventeur pour le régime nazi de la célèbre « Coccinelle ». Toutefois, le Land de Basse-Saxe, deuxième actionnaire de VW, détient un droit de veto sur les grandes décisions stratégiques, grâce à une législation spéciale, émit de sérieuses réserves. De plus, les représentants syndicaux de VW s'inquiétaient de voir une part de leurs prérogatives remise en cause. Cette opération échoua, notamment à cause de la crise financière qui affecta, gravement, le marché des voitures de luxe. Et c'est l'inverse qui se produit : VW prit le contrôle de Porsche pour donner lieu au second constructeur mondial, après Toyota.[1] Les hommes qui dirigent l'Allemagne et son économie sont invisibles pour la plupart des gens. Les médias ? et surtout les tabloïds qui baladent le bon peuple, simulent l'exécution, les « grands » de ce monde, désamorçant, par là, les colères populaires - s'abstiennent de les placer sous les feux de la rampe. Un peu partout en Europe, en particulier en Grande-Bretagne, les hommes politiques, à défaut d'agir, efficacement, pour le bien public et d'assumer les fonctions pour lesquels ils ont sollicités les suffrages de leurs concitoyens, occupent, quotidiennement, les écrans et les plateaux de télévision. Au point que les métiers de journalistes et de politiques se confondent. Les élus passent, plus, leur temps à commenter qu'à agir. Inversement, qui connaît en dehors d'A. Merkel et de son ministre des Finances, l'impétueux W. Schaüble, des personnalités allemandes d'importance ? Partout dans l'Union, les partis alternent, à chaque échéance électorale. L'offre politique, en ces démocraties représentatives, ne laisse plus le choix qu'entre l'abstention et les extrêmes. Sauf à Berlin où la Chancelière, réélue avec une régularité de potentat de droit divin, bénéficie d'un indice de popularité inoxydable. Il faut saluer la performance d'une physicienne plutôt austère et effacée, fille de pasteur (qui émigra, l'année de sa naissance en RDA) qui parle russe et qui a une sainte horreur du m'as-tu-vu. A l'opposé de tout ce qui fait le succès d'un politique dans les démocraties libérales. Discrétion et sobriété sont deux qualités que prisent les dirigeants allemands, de la Chancellerie à la présidence des Conseils de surveillance.[2] Cet événement attire l'attention sur les principaux piliers de la puissance économique allemande. Situation comparée à celle de leurs principaux partenaires. 1.- Le capital des entreprises allemandes est verrouillé : partagé entre familles ou clans et Länder. Inutile de chercher à lancer une OPA sur une entreprise allemande, vous ne trouverez pas de vendeur quel qu'en soit le prix. Contrairement à la politique économique britannique et française (depuis E. Balladur, «ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation» entre 1986 et 1988 et Lionel Jospin qui a été le Premier ministre «socialiste» qui a plus privatisé qu'aucun ministre de droite, avant et après lui), l'Economie allemande n'est pas à vendre. Des «noyaux durs » de l'ancien ministre, ancien Premier ministre, ancien candidat à la plus haute des fonctions, ancien « ami de trente ans », il ne reste que des illusions vendues aux quatre vents. Près de la moitié de la capitalisation indexée au CAC40 est sous contrôle étranger. Presque toutes les privatisations d'importance se sont soldées par un démembrement et/ou une délocalisation des centres de décision vers l'étranger (Pechiney/Alcan, Arcelor/Mittal...) Derniers en date, mars 2015 : Alcatel-Lucent, en passe d'être repris par Nokia. 2.- La co-gestion. Le modèle rhénan corrigé par les lois Hartz. L'Administration (le « management » pour les amateurs de lexicologie globish) et l'espace de délibérations demeurent déterminés par une concertation étroite entre partenaires sociaux (les syndicats, les représentants des länder et le patronat). Ferdinand Piëch va être remplacé, provisoirement, à la tête de l'instance de contrôle par Berthold Huber, vice-président du Conseil de surveillance et ancien président du syndicat IG Metall. Imaginerait-on le patronat français consentir ? fut-ce à titre très provisoire ? à ce que la direction d'un Conseil d'une entreprise française, du format de VW, soit confiée à un ancien secrétaire général de la CGT ? 3.- Spécialisation de l'Economie et de l'Industrie. Contrairement à leurs voisins outre-Rhin, les Allemands se sont spécialisés dans un nombre limité de branches, à partir desquelles ils ont structuré, de manière cohérente, leur économie : chimie, pharmacie, mécanique, machines-outils, engins de chantiers, biens d'équipement industriels, automobile, électronique médical[3], énergie (malgré les problèmes dans le photovoltaïque avec les Chinois, les éoliennes françaises sont allemandes)? Les entreprises allemandes, concentrées sur ces segments, appuyées sur un tissu de PMI dense, réactif et intégré, occupent les premiers rangs mondiaux et assurent les excédents du Commerce extérieur allemand qui bat, chaque année, record sur record. Et cela, malgré les coûts de main-d'œuvre supérieurs à la moyenne de leurs concurrents et la valeur, hier, du Deutsch Mark et aujourd'hui de l'Euro. Comprend-on pourquoi lorsque le taux d'augmentation de la productivité étant toujours supérieur aux taux d'augmentation des salaires et de l'inflation, une monnaie forte n'a jamais perturbé la compétitivité allemande ? Cela, contrairement aux Ibères, aux Hexagonaux et aux Transalpins qui réclamaient, à cor et à cris, les dévaluations compétitives. Le cours de l'Euro a perdu, ces dernières semaines, environ 1/3 de sa valeur : il n'est pas sûr que cela améliorera (pas plus que les dévaluations passées) leur compétitivité. 4.- Mitteleuropa germanique et la «Deutsche Qualität» Aujourd'hui, la langue la plus parlée, en Europe élargie, n'est ni l'anglais, ni le français, en fort déclin, mais l'allemand. Sitôt affaissé, le Mur révéla l'Europe d'avant 1914 et d'avant 1945 : à l'évidence une Europe germanique. On comprend pourquoi Mitterrand et tous les politiques français s'étaient pris d'angoisse à se réjouir publiquement et en même temps à s'inquiéter des changements géo-économiques induits par la chute du Mur de Berlin. Tout le monde, à Paris, redoutait que l'Allemagne se tourne vers l'est et abandonne le projet des « Pères Fondateurs ». Dans une Union où l'on a choisi l'élargissement contre l'approfondissement, les craintes ne tardèrent pas à se concrétiser : la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, les Pays Baltes? voient proliférer les usines allemandes où les techniciens des pays de l'Est, moyennant une prompte « remise à niveau », produisent un travail qui ne renie pas la « Deutsche Qualität ». L'Industrie allemande allait alors cumuler des avantages, généralement, incompatibles : la compétitivité-prix et la compétitivité-qualité. Une qualité allemande aux coûts similaires à ceux en vigueur dans les pays émergeants. Dès lors, le commerce germanique n'aura plus de rivaux. A l'inverse, l'Economie française est dominée, historiquement, par les « conflits créatifs ». Bien qu'elle ait, beaucoup, évolué depuis les années 1990, en particulier à l'initiative des lois Hartz (un ancien de VW conseiller ? 2003-2005 - sous le gouvernement Schröder), la co-gestion à l'allemande, à quelques exceptions près, est demeurée, culturellement, étrangère aux entreprises françaises qui n'ont jamais pu organiser un environnement propice à la concertation pacifiée. Le modèle économique français lui procède de l'Etat jacobin. Un moteur de Rolls-Royce dans une deux-chevaux. A titre d'exemple son système éducatif : l'Enseignement public est au cœur de la République annoncé par la Révolution française (mais on peut en trouver les germes dans l'administration cléricale de la scolastique), chéri par Saint Simon, porté (n'en déplaise à Victor Hugo) par le Second Empire et profondément ancré dans les tables de la loi de la IIIème République. Déjà sous l'Ancien Régime les bases de la recherche scientifique publique étaient lancées : création de l'Académie Française par Richelieu, l'Académie des Sciences par Colbert, sous Louis XIV. Elle retrouva son autonomie sous la protection de la puissance publique. Gay Lussac, chimiste émérite célébré sous Louis Philippe, parmi d'autres savants français, bénéficia des subsides de la nation. A suivre [1] Il occupa, même brièvement, la première place à la faveur de la catastrophe de Fukushima qui a fortement handicapé la firme nippone. Face aux constructeurs européen et japonais GM, continûment à la tête de l'automobile mondiale de 1931 à 2005, est virtuellement hors course. Ayant perdu 93% de sa valeur, GM est finalement contraint de se placer, en juin 2009, sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Nationalisé, recapitalisé, les finances remises en état, son retour sur le marché reste fragile. L'opération aura coûté plus de 10 Mds$ au contribuable. Bien moins qu'une inconcevable faillite, il est vrai. [2] À contre-jour, on observe les mœurs des chefs politiques et des patrons français. Quelques exemples : en 2007, M. et Mme Chirac quittent l'Elysée pour un appartement ami, sur le quai Voltaire, celui des Hariri, des milliardaires libanais. A peine élu, N. Sarkozy fête sa victoire au Fouquet's, aux Champs Elysées. Et, de Fouquet's en croisière «bling bling» sur le yacht d'un autre milliardaire, le nouveau président inaugure la nouvelle République française, en attendant de conduire à leurs fins les réformes qui achèveront la Vème. Inutile de s'attarder sur les frasques de l'actuel résident à l'Elysée, par exemple sur ses escapades nocturnes, surpris qu'il fut sur un scooter rejoignant (à l'insu des services de sécurité et de sa compagne) sa nouvelle conquête en une singulière ?love affair'? Pour les détails, parcourir le « chef d'œuvre » que leur a consacré V. Trierweiler, l'avant « Première Dame » éconduite. Contrairement à la légende, Charles de Gaulle ? dont, aujourd'hui, tout ce qui tient lieu de classe politique revendique la filiation, y compris au FN où les tenants de « l'Algérie Française » l'accusent de trahison -, fut l'exception, pas la tradition. [3] C'est Siemens qui a fourni les IRM à l'hôpital du « Dr House ». |
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