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![]() ![]() ![]() ![]() C'est de ce fond noir, de ce maudit puits que je tente avec une
peine d'enfant de vous décrire mes derniers instants. Je suis là, je ne sais
comment. Il fait nuit, y a pas de soleil pour m'éclairer, y a pas le sourire de
ma mère pour me réchauffer. Oui, j'ai froid, j'ai peur, je pleure. C'est la
terre froide et mouillée qui tient tout mon petit corps. Le temps, je ne sais
pas le compter, mais il est très long. Je ne peux pas bouger, je ne veux pas
dormir. Je sens une soif, une faim, mais je n'ai pas envie de manger, juste le
bonheur de sortir de ce profond trou, de revoir mes parents, de jouer, et cette
fois-ci je vous le jure; loin de tout trou, de tout
puits. Ça ne sert à rien de fermer mes yeux puisque tout est noir. Ici, y a
plus de couleurs. Je m'assoupis, fatigué et abandonné. A mon âge, l'on ne peut
combattre la bêtise des adultes, ni lutter pour la survie. J'ai
pas ce que les gens appellent courage. A cinq ans, le courage n'a pas de nom,
ni de preneur. Je pleure jusqu'à perdre ma voix. Je m'évanouis. J'ouvre ma
bouche, il y a pas d'air, je respire mal. Je n'ai plus de force, ni de crier ni
de pleurer, j'ai juste peur des serpents, des ogres, des loups... je ne sais
plus où je suis. Je m'évanouis. Je rêve et je vois des gens, des grosses
machines pour creuser la terre, des caméras, des hommes habillés comme le sont
ceux du hakem que je n'ai jamais vus auparavant dans
ma contrée. Je reçois un truc en tuyau que je ne sais pas utiliser, moi, j'ai jamais fait de plongée sous-marine pour connaître le
port d'un masque d'oxygène. J'ai tout le temps joué à l'air libre et dans la
boue de mon hameau mais pas aussi profondément. Pas aussi mortellement. Je
commence à mourir en silence au moment où un peu plus haut, le monde faisait
beaucoup de bruit. Chacun tire son jeu de mon angoisse, de ma finale détresse.
Je suis sur tous les écrans, sur tous les réseaux. Je suis internationalisé,
j'ai vaincu les identités, les religions et brisé toutes les frontières. Mais
hélas, ni votre technologie, ni vos drones, ni vos industries n'ont pu me
sauver de ce misérable trou qui vient de vous battre et de prouver vos
déchéances. Ma mort est une preuve de vos faillites à pouvoir sauver un enfant,
alors que des centaines sont tués par vos bombardiers. Je meurs, heureux de
quitter ce monde que je n'ai pas encore connu. Je remercie les peuples et les
mamans qui m'ont chaudement pleuré.
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