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Gigantesque théâtre des paradoxes

par El-Houari Dilmi

A rebours des formidables atouts dont jouit le plus vaste pays d'Afrique, celui-ci ressemblerait à un gigantesque théâtre des paradoxes. Ronchonneur par nature, l'Algérien lambda se plaint de tout et de rien. Sinon comment expliquer que le peuple qui paye le pain, l'eau, le carburant ou le loyer le moins cher du monde, trouve le moyen de faire la fine bouche et toujours réclamer le dessert au lieu de se contenter du plat de résistance. Etat social jusqu'au bout, le montant annuel des transferts sociaux en Algérie dépasserait le budget de certains pays, au moment où l'Algérien, qu'il soit riche ou pauvre, continue à toujours tendre la main pour arracher quelque chose de la poche essorée de l'Etat.

Vivre en Algérie, c'est constater, avec un gros mal de crâne, que même le petit commerçant du coin s'offre la grasse matinée et n'ouvre boutique que vers 10h. Vivre en Algérie, c'est se rendre compte à quel point il est facile de trouver un médecin bardé de diplômes, mais pas un maçon qualifié, un plombier ou même un simple électricien pour réparer une lampe grillée. Sous nos latitudes pas comme les autres, d'aucuns n'ont aucun mal à prendre un air pédant pour critiquer «Dawla» alors qu'ils n'ont aucun mal à jeter leur sachet d'ordures par-dessus le balcon, pirater une ligne électrique ou piquer une conduite d'eau potable.

L'on se souvient toujours de cette envolée bien inspirée de feu Houari Boumediene quand il déclarât en 1977 peu avant sa disparation: «ruser pour voler l'Etat semble être devenu la règle, comme si l'Etat était un Etat étranger ; nous devons faire disparaître des mentalités l'idée archaïque du beylicat». L'une des raisons de nos faillites absolues est peut-être cette mentalité qui voudrait que tout ce qui n'appartient pas à l'Algérien pour en jouir exclusivement, relève du beylik, donc de tout le monde et de personne en même temps. Par extension, tout ce qui ne relève pas de l'espace privé familial ou professionnel relève du beylik ou de la «houkouma». Pourtant, tout Algérien aime son pays, l'Algérie, mais pas «Dawla» ni la «houkouma», un peu comme réclamer justice et ne pas reconnaître la loi...