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Ces générations de politiques agricoles
et réformes agraires ont toutes été conçues et mises en œuvre en tenant compte
d'un environnement politique, économique et social en constante évolution et en
fonction des capacités financière et humaines contemporaines disponibles. (Pour
plus de détails sur l'évolution des politiques agricoles et rurales, voir notre
essai publié, en trois parties par le Quotidien d'Oran, du 5 juillet 2022, et
intitulé : «Agriculture algérienne : soixante ans de labour et de labeur
(1962-2022)».
Nonobstant les politiques agricoles antérieures, il nous semble utile de s'arrêter ici un laps de temps pour rappeler d'une façon sommaire, la politique agricole et rurale actuelle portée par la feuille de route sectorielle pour le développement agricole, inscrite dans le programme d'actions du Gouvernement pour la période (2020-2024), émanation des 54 engagements de Monsieur le Président de la République. Ladite feuille de route se voulant être opérationnelle, selon les termes de son contenu, s'est construite, dans le fond, sur huit 8 axes. Il s'agit, en somme : i), du développement de la production agricole à travers l'extension des superficies irriguées ; ii), de l'accroissement de la production et de la productivité ;iii), de l'exploitation rationnelle du foncier agricole ; iv) du développement agricole et rural dans les zones de montagnes ; v), de la préservation, du développement et de la valorisation du patrimoine forestier ;vi), du développement agricole et rural dans les zones steppiques et agropastorales ;vii), du développement et la valorisation dans les territoires sahariens et viii), de l'intégration de la connaissance et la numérisation dans les programmes de développement. Ces huit axes qui sont dans le font interdépendants ont été mis en œuvre sur le terrain selon une certaine structuration fondée, tout d'abord, sur un programme prioritaire à brève échéance, puis un second programme d'actions transversales à caractère continu à l'horizon 2024. L'on s'attache, dans le premier programme au développement de l'agriculture saharienne par le biais de la valorisation du potentiel existant, de l'extension des superficies à potentiel avéré et la promotion des cultures industrielles telles que les céréales, les oléagineux et les cultures sucrières (le maïs, le soja, le colza, la betterave sucrière et autres). Pour arriver à cet objectif, on créa officiellement le 22 septembre 2020, l'Office national de développement de l'agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS) pour soutenir les investissements agricoles dans les régions du Sud. Les pouvoirs publics entendent, dès le départ, à travers cette option, mettre en œuvre une politique agricole novatrice reposant sur l'extension de la surface agricole utile par la mise en valeur de terres sahariennes, là où les potentialités naturelles (sol et eau) sont favorables. A cet effet, des projets structurants et intégrés seront lancés à brève échéance. Cette démarche, bien que lente dans son application devrait, selon les projections, permettre aux zones sahariennes d'exprimer leurs potentiels de production en consentant des investissements tant moraux que physique en vue de contribuer pleinement à la sécurité alimentaire et à l'économie nationale en général. On s'inscrit par ailleurs dans une démarche de programmation d'actions en se focalisant sur le développement des zones de montagnes pour l'amélioration des conditions de vie des populations de ces régions par des mesures de désenclavement via l'ouverture et l'aménagement de pistes agricoles et rurales, la mobilisation des ressources en eau, la plantation arboricole et la création de petites unités d'élevage à destination des jeunes et des femmes rurales, notamment. Dans la feuille de route, on s'attèle aussi à promouvoir les espèces rustiques y compris l'arganier, dans les différentes zones agro-écologiques à travers un programme spécifique, à réaliser des opérations d'électrification agricole notamment dans les zones sahariennes par l'amenée d'énergie électrique ou renouvelable au niveau des exploitations agricoles et des périmètres de mise en valeur. Le développement de la base productive n'est pas en reste. Il s'agit en somme d'exploiter d'une manière rationnelle le foncier agricole par la mise en valeur des terres, la sécurisation des exploitants, la simplification et la facilitation des procédures d'accès au foncier et la récupération des terres non exploitées. Par ailleurs, une priorité fut réservée à l'extension des superficies irriguées et la promotion des systèmes économiseurs d'eau, avec recours à l'utilisation de l'irrigation d'appoint, en cas de nécessité pour les céréales notamment, culture stratégique. En concomitance, l'action porte sur le renforcement de la base logistique destinée à la régulation et la valorisation des productions agricoles (le système de régulation produits agricoles de large consommation devait être revu), la mise en œuvre de la numérisation et du système d'information, le recensement du cheptel et la lutte contre la bureaucratie par l'amélioration des procédures administratives et l'accompagnement des professionnels par la mise en place d'un cadre juridique des coopératives agricoles pour garantir une meilleure organisation. D'autre part, des programmes portant sur la modernisation de l'agriculture, le renforcement de la chaine des valeurs des filières agricoles et la promotion des produits de terroirs ont été retenus dans la feuille de route. Le tout est appuyé par une approche de renforcement des capacités humaines et d'assistance technique, à destination des acteurs du secteur à travers l'amélioration des connaissances, la recherche et l'innovation, la formation et la vulgarisation outre le renforcement des systèmes phytosanitaire et zoo sanitaire vétérinaires ont été inscrits comme actions prioritaires. Alors qu'en matière de préservation durable des ressources naturelles, l'action devrait porter sur l'utilisation rationnelle des eaux et des sols via la restauration des espaces forestiers et pastoraux, le développement des parcours, la réhabilitation du barrage vert et la lutte contre la désertification. On retient par ailleurs les actions portant sur le renforcement et l'adaptation continue du cadre législatif et réglementaire et l'amélioration de l'accessibilité aux financements et la gestion des fonds publics par notamment la mise en place du microcrédit mutuel rural, le ciblage des soutiens et subventions de l'Etat, la relance de la couverture sociale des agriculteurs et des éleveurs et la promotion des assurances agricoles. Pour la mise en œuvre des différents programmes et projets de développement agricole et rural, l'intervention en matière d'encadrement s'appuie sur une série de structures sous tutelle du ministère, avec un maillage réparti sur le territoire national et qui constitue les outils de gouvernance du secteur. Il est diversifié est constitué de structures administratives, techniques, scientifiques et économiques. Tels sont résumés les principaux programmes décrits dans la feuille de route sectorielle qui note dans son préambule d'une façon explicite que : «dans le cadre des orientations de Monsieur le Président de la République et notamment les 54 engagements sur lesquels a été bâti le plan d'action gouvernemental, le Ministère de l'Agriculture et du Développement rural, à travers son programme sectoriel traduit leurs mises en œuvre à travers une feuille de route, assortie de données à même d'apprécier la situation actuelle et à venir, et particulièrement le bon qualitatif et/ou quantitatif réalisable à court terme, voire dans l'immédiat pour certaines actions» (MADR, 2020). Cependant et sans vouloir choir dans la redondance, l'agriculture a toujours constitué un secteur pourvoyeur de nourritures, d'emplois, de revenus et de richesse et surtout occupant l'espace rural. Elle est une branche vitale de la promotion des zones rurales et facteur de développement local. Considérée ainsi, ses composantes fournissent le cadre de la sécurité alimentaire. L'agriculture fondement de la sécurité alimentaire : une vue d'ensemble Une vue d'ensemble du potentiel agricole montre, selon les données statistiques actuelles que le domaine occupe une superficie totale de 44 millions d'hectares, dont la terre arable est en quantité limitée traduite par une superficie agricole utile (SAU), estimée à 8,6 millions ha, soit 3,6% de la surface totale du pays dont la partie la plus productive est de 1 à 1,4 millions d'hectares, concentrée dans les plaines littorales et sublittorales et subit des détériorations continues (entretien insuffisant des réseaux d'irrigation et de drainage, lutte insuffisante contre la remontée de sel ; extension des zones industrielles et de l'habitat, etc.). Cette surface agricole utile est par ailleurs constituée de 5,8 millions ha relevant du secteur privé et 2,8 millions d'hectares relevant du domaine privé de l'Etat notent les données statistiques (MADR, 2018). Dans le détail, ces 2,8 millions d'hectares sont répartis entre exploitations agricoles collectives (EAC) et exploitations agricoles individuelles (EAI), ainsi qu'un nombre de fermes pilotes, d'instituts et organismes publics. C'est dire que l'agriculture en Algérie est dominée en grande partie par le domaine privé. La production agricole selon le MADR (2022) est le fait aujourd'hui de 1,274 million exploitations agricoles, alors que plus de 2 décennies avant, le recensement général de l'agriculture (RGA), effectué en 2001 fait état de l'existence de 1.023.799 exploitations agricoles dont 70% ont une superficie comprise entre 0,1 et 10 hectares représentant 25,4% de la de surface agricole utile, 22,6% ont des exploitations comprises entre 10 et moins de 50 ha détiennent 51,8% de la SAU totale. Tandis que 1,9% ont de « grandes » exploitations avec une superficie égale ou supérieure à 50 ha représentent 22,7% de la SAU totale. Dans cette catégorie, les exploitations de 200 ha et plus occupant 5,4% de la SAU totale, ne représentent que 0,1% du nombre total des exploitations. Ainsi, si l'on tient aux données du RGA -qui méritent actualisation-, les ¾ des exploitations existantes sont de petites exploitations de type familial. Cette tendance à l'exigüité des exploitations pèserait lourdement sur la productivité, la rentabilité, l'investissement et la modernisation du secteur agricole, selon l'expression de nombreux agronomes, économes et spécialistes du domaine. Il convient par ailleurs de souligner que le potentiel de production de l'agriculture algérienne, situé pour l'essentiel dans des zones à climat aride et/ou semi aride, est confronté au fait que moins de 3% de la SAU globale soient réservés aux superficies irriguées à forte intensité productive et que la part de la SAU par habitant est en réduction continuelle. Elle est passée de 0,63 hectare en 1967 à 0,36 en 1982, 0,27 en 2.000 et 0,19 en 2018 (CNES, 2019, Faostat, 2022), Ceci est lié au croît démographique, des pertes de terres agricoles par l'urbanisation, à l'érosion et à la dégradation des sols compensées difficilement par une mise en valeur coûteuse et à effet différé. Sur le plan de la démographie, il est important de souligner la croissance élevée de la population qui s'est multipliée presque par 5 fois depuis l'indépendance, passant de 10 millions à 45 millions, en soixante ans. Les deux premières décennies après l'indépendance, l'Algérie a connu une forte croissance démographique accompagnée d'un exode rural et d'un accroissement considérable de la population urbaine (Philipe Adair et al, 2022). Cette tendance d'expansion de la démographie s'accompagne, bien sûr, par des besoins supplémentaires en produits alimentaires et met les politiques agricoles à l'épreuve. En parallèle, faut-il noter que l'agriculture en Algérie étant essentiellement pluviale et soumise de ce fait aux aléas du climat et à un déficit pluviométrique aujourd'hui considéré comme structurel, elle subit d'autres contraintes qui grèvent son potentiel de croissance et pèsent sur les équilibres écologiques des différentes régions naturelles dont on peut citer, entre autres, la surexploitation des ressources hydriques souterraines, l'érosion des sols et leur salinisation ainsi que la désertification qui menace les 32 millions d'hectares de terres de parcours et le couvert forestier de l'Algérie du Nord, constitué par un écosystème s'étalant sur 4,1 millions d'hectares. En relation avec ces données, le secteur est passé le long du parcours par une série de mutations liées en somme, à de nombreux facteurs endogènes et exogènes parmi lesquels la libéralisation des initiatives, l'institution de la profession, l'ouverture du champ médiatique et de la communication, la mondialisation des échanges et quelques autres éléments inhérents surtout à l'éducation et la formation qui l'ont certainement emprunt de plusieurs façons. Aujourd'hui, la dynamique impulsée permet au secteur de l'agriculture de capitaliser des résultats notables dans tous les domaines dont, notamment, la consolidation de la sécurité alimentaire par le développement de l'ensemble des filières, l'amélioration des conditions de vie des populations rurales, le renforcement du pouvoir d'achat des citoyens et de contribuer de manière significative à la croissance économique du pays et réaliser par la même des opportunités d'exportation. Dans la sinusoïde de l'ensemble de ces idées, revenons-y, pour pouvoir apprécier, sans exhaustivité quelques indicateurs macroéconomiques d'évolution du secteur agricole le long de la mise en œuvre des politiques et réformes agraires depuis l'indépendance en se focalisant toutefois sur les bilans d'actions de ces dernières années. Il convient cependant que le secteur agricole a connu une période de croissance marquée par une stabilité relative en dépit de certaines conditions climatiques parfois contraignantes et défavorables (sécheresses récurrentes) et sanitaires (propagation du Covid-19) constatée les deux premières années de la mise en œuvre de la feuille de route durant lesquelles, l'agriculture en Algérie a exprimé une réelle résilience. 3.1. Indicateurs macroéconomiques d'évolution du secteur agricole Dans notre démarche, nous tenterons ici, tant que faire ce peut, d'appréhender quelques éléments de comparaison des politiques agricoles, même s'il est vrai que le contexte dans lequel elles sont mises en œuvre est complètement différent, l'une de l'autre, tout en rappelant la constante croissance enregistrée mesurée par des compartiments qui, pour l'essentiel, sont constitués par la tendance des taux de croissance, la contribution du secteur au PIB, les valeurs de productions, les disponibilités alimentaires, les importations et les exportations, ainsi que les emplois dans le secteur de l'agriculture pour ne retenir que ces facteurs macroéconomiques de l'agriculture. Ces indicateurs parmi d'autres pourraient nous indiquer les termes d'évolution de l'agriculture et de son «output» : la sécurité alimentaire. Il convient au demeurant de noter que nous n'avons retenu qu'un nombre d'agrégats pour apprécier la sécurité alimentaire dans le cadre des politiques agricoles adoptées. a) Evolution des taux de croissance et des valeurs de production Une analyse sommaire chronologique et historique des indicateurs d'évolution du secteur fait état que lors de l'autogestion (1963-1970), la valeur ajoutée agricole par hectare a baissé annuellement de 4,7% et celle par actif agricole de 3,5%, avec un taux de croissance estimé à 0,6%. Un bilan économique de l'autogestion permet d'apprécier les réalisations. La part de l'agriculture au PIB n'était que de 6,5 à 10%. Plus tard, lors de la révolution agraire (1971-1979), qui visait la transformation du monde agricole et rural et son intégration dans le processus global de développement économique et social en liaison avec l'effort d'industrialisation du pays, le taux de croissance de la production agricole a atteint 0.88%, en nette amélioration par rapport à la période précédente. Tandis qu'au cours de la décennie (1981-90), les statistiques relèvent une augmentation annuelle moyenne du taux de croissance de la production agricole de l'ordre de 2,23% (MDDR - Présentation de la stratégie de développement rural durable, - Rapport principal, juillet 2004). Lors de la décennie (1990-2000), les résultats furent marqués par une croissance annuelle supérieure à celle des autres secteurs d'activités (3,3% contre 1% pour l'industrie et 2,3% pour les services. La valeur de la production lors de la période est passée de 63 milliards DA en 1990 à 309 milliards DA en 1998, soit une augmentation moyenne de 3,53% par an. De 2000 à 2008, l'action a porté sur l'intensification des filières de production et la promotion du monde rural. Une stratégie de développement rural a été mise en œuvre et des objectifs plus larges ont été définis pour inclure (i) la consolidation de la sécurité alimentaire; (ii) la valorisation de toutes les ressources disponibles et (iii) la protection de l'environnement. Le taux de croissance lors de cette période fut de 3%, avec une mobilisation accrue d'investissements publics et privés mieux orientés. La valeur de la production en 2010 a atteint 1.415 milliards DA. Durant la période (2008-2014), la politique de renouveau agricole et rural est venue transformer l'agriculture, selon l'aveu de ces concepteurs, en un véritable moteur de la croissance économique globale grâce à une intensification de la production dans les filières agroalimentaires stratégiques et grâce également à la promotion d'un développement intégré des territoires ruraux. Des projets de proximité de développement rural intégrés (PPDRI) ont été développés pour promouvoir les conditions socioéconomiques des populations notamment en zones rurales. Aussi, on projette à la réalisation de plus de 12.000 PPDRI dont les ¾ ont été déjà mis en place à la fin de ladite politique de renouveau agricole et rural. Le taux de croissance lors de la période est de l'ordre de 6%. Au cours du quinquennat (2015-2019), la période a vu la réalisation du plan d'action dénommé «FELAHA» qui s'est traduit surtout par la poursuite de la réorganisation de l'ensemble de la politique agricole et rurale envisagée antérieurement avec un recentrage des objectifs opérationnels assignés au secteur, avec intégration de l'agriculture, du développement rural et de la pêche. Ainsi donc, l'approche fut précisée avec l'intégration du secteur de la pêche et des ressources halieutiques au secteur de l'agriculture et de développement rural, permettant ainsi la mise en place de nouvelles synergies, renforçant la cohérence des efforts déployés en faveur de notre sécurité alimentaire. Le long de la période (2011-2021), le taux de croissance a atteint 4,6%, avec une valeur de la production de 3.000 milliards DA, en 2015, et 3.482 milliards DA en 2019 (MADRP 2015 et MADR 2019). Pour la période 2020-2024, correspondant à la mise en œuvre de la feuille de route sectorielle pour le développement agricole et rural, on note déjà que les deux premières années ont été caractérisées par l'émergence de la pandémie du Covid-19, et d'une sécheresse ayant sévi en 2020, mais les effets ont néanmoins été moins perceptibles sur le secteur de l'agriculture. La valeur de la production a atteint 3.491,2 milliards DA (25,6 milliards USD), en 2020. Elle est en 2022 de 4.500 milliards DA. La contribution des zones à la valeur de la production agricole, en 2020, a été de 1.288,7 milliards DA (36,8%), pour les plaines et littorales, de 665 milliards DA (19%), pour les montagnes, de 711,7 milliards DA (20,3%), pour les Hauts-Plateaux de 837,5 milliards DA (23,9%), pour le Sud (MADR, 2021). Historiquement, une analyse comparative établie sur la base de rapports et de documents descriptifs produits le long de la mise en œuvre des politiques agricoles (depuis l'autogestion, en 1963, à la feuille de route sectorielle en 2020) fait état de l'évolution ascendante et progressive de la contribution de l'agriculture au PIB. Les statistiques éditées en la matière révèlent une progression, quant à la contribution du secteur elle est passée, avec certaines fluctuations, de 6,5-10% en 1967 à 9,88% en 1987, à 11% en 2000, à 12,3% en 2010 et à 14,7% en 2022. b) Les disponibilités alimentaires Sur le plan des disponibilités alimentaires globales (production nationale + importations), celles-ci ont été multipliées par 8 entre 1962 et 2021. La production agricole nationale est en nette progression. Elle couvre à hauteur de 75%, les besoins alimentaires de la population (MADR, 2022). Le reste 25% est couvert par les importations notamment les blés tendres, les huiles, les sucres, poudre de lait, des produits qui pèsent sur la facture alimentaire nécessitant développement. En apport calorique, la ration alimentaire consommée par l'Algérien est passée de 1.723 calories en 1962 à 2.944 en 1990. Elle s'élève en 2021, à 3.343 calories, dépassant largement les besoins énergétiques recommandés par l'OMS (2.700 calories). De ce fait, l'Algérie est classée dans la catégorie des pays à faible niveau de faim (classement IFPRI), note la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (2021). Par compartiment, les céréales et le lait, affirme la fondation, occupent une place dominante dans le modèle de consommation des Algériens. Ils constituent avec leurs dérivés l'épine dorsale du système alimentaire auxquels il faut ajouter l'huile, le sucre, la pomme de terre, l'oignon, la tomate et l'ail, le tout représente les produits stratégiques qui continuent à être soutenus par l'État. Les produits céréaliers occupent le premier rang (39,22%), suivis des produits laitiers (20,6%), le sucre et sucreries (10%) et les huiles et corps gras (10%). Les céréales assurent 59% des apports en calories de la ration et 70% des protéines. Ce qui relève évidemment du déséquilibre. Ces divers facteurs ont influencé directement le modèle alimentaire, lequel a beaucoup évolué et met à présent le pays dans une phase de transition alimentaire. Cette tendance de réalisation de grands pas dans la sécurité alimentaire est confirmée par le PAM (Programme alimentaire mondial) qui faisait état dans sa publication de 2021, de l'amélioration significative de la sécurité alimentaire dans le pays de telle sorte que «l'Algérie est classée dans la catégorie des pays dont le taux de personnes sous-alimentées est inférieur à 2,5% de la population totale. De la sorte, l'Algérie est répertoriée dans la même catégorie que les pays européens et ceux d'Amérique, c'est dire l'effort consenti en matière de sécurité alimentaire, dans le pays. c) Les importations des produits agricoles Une analyse sommaire de l'évolution des importations agricoles par catégories au cours de la période (2016-2020) fait ressortir une facture annuelle moyenne de 7,27 milliards de dollars consacrée aux produits alimentaires dont 63% sont destinés à l'importation des produits agro-industriels (blés dur et tendre, poudre de lait, sucres et huiles alimentaires). Hormis ces produits, l'Algérie connaît une autosuffisance dans la majorité des autres produits agricoles notamment frais, dont plusieurs sont déjà engagés dans un processus de production destinée à l'exportation. Il est à retenir que les importations agricoles ont connu en 2020 une baisse de 2%, équivalent en valeur de près de 181,2 millions de dollars, par rapport à la moyenne (2016-2020), répartie entre produits alimentaires avec une diminution de plus 27,4 millions de dollars, et produits non alimentaires (les semences, les engrais, les animaux vifs...), avec une baisse de plus de 153,8 millions de dollars. Cette diminution est due notamment, à la baisse de l'importation du blé dur destiné à la transformation ayant connu une diminution de - 46% en valeur et - 52% en quantités (MADR, 2020). d) Les eexportations des produits agricoles : Une lecture historique et chronologique mentionne que le rapport de la balance des importations/exportations alimentaires était plus ou moins équilibré à la fin des années 1960-début 1970. A l'époque, la plus grande partie des importations des produits alimentaires était couverte par les recettes d'exportations alimentaires. C'était le cas en 1969 et 1970, où le taux de couverture des importations par les exportations alimentaires fut respectivement de 144,4% et 140,73%. Plus tard, la moyenne annuelle des exportations de produits alimentaires enregistrée au cours de la période (1990-1999) fut de 64,5 millions de dollars US représentant 60,5% des exportations totales de produits agricoles et/ou destinées à l'agriculture. Par produit, les fruits frais et secs occupent la 1ère place avec 32,4%, suivis des vins et boissons (9,6%) et les conserves de légumes et fruits (8,2%). En 2000/2007, les recettes des exportations des produits alimentaires ont enregistré une tendance à la hausse passant de 34.6 millions en 2000 à 192,9 millions de $US, dont 109,7 millions de $Us pour les produits destinés à l'alimentation humaine, soit une augmentation de 457%. Au cours du quinquennat (2015/2019), les exportations alimentaires étaient de 235,8 millions de dollars Us et ont atteint une valeur de 410,5 millions de dollars US en 2019, soit une augmentation de 74%. Le long de la période 2000-2019, les exportations alimentaires ont enregistré une ascension remarquable. Elles ont été multipliées par 10. Elles ont par ailleurs connu une évolution significative pour atteindre 1,3 milliard de dollars US en 2020. e) Emploi dans le secteur agricole Dans le domaine de l'emploi, le secteur a connu une lente évolution de telle sorte qu'en 1966, sur une population de 1,7 million de main-d'œuvre occupée, 870.000 étaient dans le secteur de l'agriculture soit plus de 50%. En 1998, l'emploi agricole a atteint 1,2 million soit 21% de la population totale occupée à cette date. Aujourd'hui, 2,7 millions de personnes œuvrent dans le secteur de l'agriculture et du développement rural, soit 20% de la population occupée (MADR, 2022). Des données émanant du département ministériel de l'agriculture et du développement rural notent que le nombre global d'emplois créés en 2020 est de l'ordre de 441.308 postes et que 4 filières agricoles représentent plus de 66% des emplois créés. Il s'agit de la filière «céréales», avec plus de 109.000 emplois, soit 25% du total, la filière maraîchage avec 95.000 emplois, soit 19% du total, la filière «viande» avec 57.000 emplois, soit 13% du total et la phœniciculture (filière dattes) avec plus de 47.000 emplois, soit 10% du total d'emplois créés. Par ailleurs, le nombre d'habitants par actif agricole (toutes les personnes qui déclarent exercer une profession principale agricole «catégorie socioprofessionnelle déclarée», c'est-à-dire exploitant, aide familial ou salarié), est passé de 12 en 1966, à 29 en 1998, à 34 en 2020, soit le triple; alors que la productivité agricole n'a pas évolué dans les mêmes proportions que l'évolution démographique. En 1966, la population était de 12,09 millions. Elle est passée à 29,5 millions en 1998 et à 43,9 millions, en 2020 (ONS, 2020). L'ensemble de ces indicateurs supra mentionnés établissent, à tout point de vue, la progression graduelle du secteur agricole le long des générations des politiques agricoles, mesurée par les données macroéconomiques, qui, elles-mêmes, dépendent, en grande partie des contextes qui prévalent. Cependant, la mesure du niveau de la sécurité alimentaire en Algérie est généralement appréciée par la production et la disponibilité alimentaire. Une analyse de l'évolution du taux de croissance de la production agricole totale montre qu'après une augmentation très faible entre 1962 et 1980, celle-ci a cru en moyenne annuelle d'environ 3% entre 1981 et 1990, de 3,2% entre 1991 et 2000, de 7,3% entre 2001 et 2011 (MADR, 2012) et de 4,6% entre 2011-2020. Cet accroissement met en lumière le dynamisme soutenu dans le secteur agricole. La valeur de la production agricole totale est passée de près de 500 milliards de dinars en 2001 à 1.600 milliards de dinars en 2011 (MADR, 2012), à 4.500 milliards DA en 2022 (MADR, 2022). La part relative des importations dans les disponibilités alimentaires totales est restée relativement stable autour de 25%. L'analyse des données relatives à la composition de ces importations (blé dur, blé tendre, orge) montre une nette baisse pour le blé dur et l'orge mais une nette augmentation pour le blé tendre, ce qui confirme les changements observés à la fois dans le profil de la production animale, grande consommatrice de céréales et du panier alimentaire des ménages. Pour les autres denrées alimentaires (huiles, sucres et laits), le pays reste largement dépendant des importations, ce qui suggère des programmes spécifiques de développement. Enfin, il faut aussi souligner que la part des importations alimentaires dans les importations globales est restée inchangée fluctuant dans une fourchette de 16 à 20% au cours de la période. La disponibilité alimentaire en volume est en progression continue. En soixante ans, elle a doublé (1.723 calories par jour et par habitant en 1962, 3.343 en 2021). La population ayant été multipliée par 4 durant la même période, la disponibilité alimentaire totale a donc été multipliée par 8. Face à cette demande croissante, la production nationale a été en constante progression. Il est cependant important de noter aussi la croissance démographique, un facteur souvent mentionné en relation avec la croissance des besoins alimentaires. Le taux d'accroissement naturel a évolué de 3,5% dans les années 70-80 (forte pression démographique) pour descendre à 1,78% en 2006 et reprendre progressivement pour atteindre 2,03% en 2012 et correspond en 2020, à 1,7% (ONS, 2020). En définitive et en termes de conclusion, il est nécessaire d'affirmer que les profondes réformes intervenues dans le secteur agricole assorties de réajustements en cours du parcours ont grandement amélioré la sécurité alimentaire du pays. Elles ont permis une certaine résilience et mis à l'abri l'Algérie de tout retournement conjoncturel et induit au passage, des changements dans la nature des rapports entre les différents partenaires engagés dans le processus de développement. La sécurité alimentaire, qui fait souvent débat, est pour une large part atteinte. Il est à relever par ailleurs que le nouveau contexte économique et les évolutions récentes se sont traduits par des changements positifs qui appellent toutefois leur approfondissement et amplification, en vue d'établir la convergence entre l'intérêt général et les intérêts propres des producteurs. Il reste cependant important d'entrevoir la jonction du savoir et du savoir-faire, si indispensables à tout progrès. Il s'agit d'asseoir les conditions nécessaires d'une relation renouvelée où l'Etat s'attache à lever les contraintes et les menaces qui pèsent sur le développement agricole et rural et que les acteurs du monde agricole doivent assumer, à leur tour, en pleine responsabilité et conscience, les résultats de leurs actions en vue d'œuvrer à la production et participer pleinement à la sécurité alimentaire du pays. Enfin, la sécurité alimentaire n'est pas vraiment un débat intellectualisant, mais plutôt des plans opérationnels en vue de l'obtenir. Tels sont les défis des politiques agricoles sachant que la sécurité alimentaire fait partie intégrante de notre sécurité et souveraineté nationales. Nous avons tant d'hydrocarbures. Il est alors nécessaire d'obtenir tant d'hydrates de carbone. (*) Agronome post-universitaire. Doctorant et auteur d'ouvrages de politiques agricoles. |