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À la faveur des successifs
confinements, l'État a imposé le télétravail. Après presque deux années
d'expérimentation, de nombreuses entreprises ont profité de l'opportunité pour
procéder à la résiliation de leurs baux ou à la réduction de leur surface
louée. Par ces mesures, elles réalisent ainsi de substantielles économies, car
les locaux représentent le deuxième poste de dépenses après les salaires. Sans
conteste, le télétravail tend à se pérenniser, du fait de la fermeture des
locaux ou de la réduction des surfaces louées, désormais incapables
d'accueillir tous les salariés en même temps.
La généralisation du télétravail fait partie d'un des plans fixés par l'agenda du capital Tout concorde : un des programmes fixés par l'agenda du capital occidental en crise est de généraliser le télétravail, au moyen de l'instrumentalisation de la pandémie, médiatiquement amplifiée et statistiquement falsifiée, pour justifier la reconfiguration de l'ordre économique. Au final, avec cette « crise sanitaire » instrumentalisée, même si le capitalisme occidental aura perdu ces derniers mois des milliards d'euros, par suite de la baisse de l'activité économique et de l'augmentation exponentielle du crédit, il sera à terme gagnant dans les prochaines années, grâce notamment au télétravail, facteur de baisse substantielle de coûts. C'est la raison pour laquelle, notamment en France, le pouvoir continue à entretenir un climat de psychose pandémique pour contraindre les salariés déjà en télétravail à pérenniser ce modèle de travail, et les récalcitrants à s'y plier. Même si une certaine frange du patronat feint de s'opposer au télétravail, le grand capital, par l'intermédiaire du gouvernement, fait pression pour l'imposer de manière définitive. Ce faisant, sous prétexte d'éviter le confinement, le pouvoir, au lieu d'investir dans l'augmentation des lits et des centres de soin, accentue la pression sur les salariés pour les contraindre à adopter le télétravail. Preuve par cet article, tiré de BFM Business. «Dans un email adressé à ses adhérents, le Medef (organisation syndicale patronale) d'Île-de-France relaie l'insistance de la préfecture de Paris (en charge de l'Île-de-France) pour relancer le télétravail. Car si un confinement le week-end se précise, l'enjeu est surtout d'éviter de bloquer la région en semaine. Tout faire pour éviter de fermer la première région française. Alors que l'Île-de-France fait partie des territoires ??sous surveillance'' face à la résurgence des cas de Covid-19. Dans un email adressé à ses adhérents, le Medef d'Île-de-France relaie ainsi l'appel de la préfecture de Paris à renforcer le télétravail». « Nous sommes sérieusement alertés par la préfecture de région sur un probable reconfinement les week-ends en Île-de-France », écrit Daniel Weizmann, président du Medef local. « Afin d'éviter des mesures plus drastiques, le préfet de région, Marc Guillaume, nous demande de sensibiliser nos réseaux afin d'accentuer la mobilisation des entreprises franciliennes sur le télétravail ». «Consciente des efforts déjà menés par les entreprises, la préfecture de région appelle les entreprises qui le peuvent à renforcer le travail sur les prochaines semaines», insiste l'email. Il faut dire que le télétravail a connu un sérieux relâchement ces derniers mois. Si bien que la ministre du Travail a tapé du poing sur la table début février, n'hésitant plus à citer les secteurs et les noms des entreprises qui ne joueraient pas le jeu. 52 mises en demeure ont été prononcées par l'Inspection du travail depuis le mois d'octobre ». « Au moins 10 ans ont été gagnés, grâce à la pandémie, pour accélérer l'instauration du télétravail, par rapport à un processus normal », voilà une déclaration prononcée sur un plateau télé par un économiste. Ainsi, avec sa déclaration, il a «vendu la mèche», divulgué le secret de l'instrumentalisation de la pandémie de Covid-19. Je persiste à penser que la généralisation du télétravail fait partie d'un des plans fixés par l'agenda du capital dans cette période de pandémie instrumentalisée. Par plan et agenda, il ne faut pas entendre complot. Cet «agenda télétravail» s'inscrit dans les lois implacables du capitalisme, au même titre que jadis la robotisation en usine, les délocalisations. Cependant, certes, il s'agit de lois imparables du capital, mais exécutées consciemment par ses agents lucides, les grands puissants et leurs sbires gouvernementaux, nullement dans un esprit complotiste, mais dans un processus mû par une dynamique interne du capital en perpétuelle transformation pour surmonter les obstacles de sa valorisation. Le capital tient à imposer le télétravail, quoi qu'il en coûte, même au prix de la détérioration des conditions de travail, de la santé des salariés, de l'éclatement de la législation du travail (lire notre précédent texte consacré à la souffrance au travail publié sur le Quotidien d'Oran le 24 juin 2021). Les États entendent réduire la voilure immobilière, donc la masse salariale À cet égard, selon les économistes, la mutation des lieux de travail tend à s'accélérer dans le secteur privé mais également dans les services publics et leurs administrations. À terme, les administrations publiques auront moins de bureaux et d'espaces collectifs affectés à l'accueil du public (depuis le début de la pandémie, dans de nombreux pays, les démarches s'effectuent uniquement par téléphone ou en ligne, service dénommé désormais e-démarche. Inéluctablement, ce réaménagement administratif va se pérenniser). Assurément, les États entendent réduire la voilure immobilière et, par conséquent, la masse salariale. Pour nous cantonner au cas de la France, comme le souligne Alain Resplandy Bernard, à la tête de la Direction de l'immobilier de l'Etat, lors des Rencontres autour de l'immobilier public demain, organisées le 22 juin 2021 par le ministère de l'Economie et des Finances : avec « 97 millions de mètres carrés sous-entretenus malgré sept milliards de dépenses annuelles en loyers, entretien et investissements, l'État entend réduire la voilure immobilière et libérer des mètres carrés de bureaux ». L'objectif fixé : « faire baisser de deux tiers la consommation énergétique et adapter les espaces de travail à une moindre occupation par les agents publics, passés eux aussi à un rythme plus soutenu de télétravail avec la crise sanitaire ». Le directeur de l'immobilier de l'État prône le «Flex office» tribal [bureau non attitré] par familles de métiers. De surcroît, à terme, certes le télétravail aura des conséquences sur les espaces immobiliers, réduits à minima, mais il impactera également les emplois qualifiés. L'essor du télétravail va entraîner une délocalisation professionnelle massive. Par suite, avec la généralisation du télétravail, de nombreuses entreprises des pays capitalistes développés pourraient recourir à une main-d'œuvre moins coûteuse des pays émergents. C'est ce qui ressort de l'étude de Tony Blair Institute for Global Change. Selon cette organisation mondialiste, l'amplification du télétravail pourrait entraîner un «mouvement massif de délocalisation des postes qualifiés dans le secteur des services». À en croire cet institut libéral britannique, le renforcement du télétravail pourrait déclencher des effets similaires à « la perte d'emplois manufacturiers observée dans les années 1970 ». Au Royaume-Uni, quasiment 20% de la main-d'œuvre, soit 6 millions de salariés, exercent une activité professionnelle dans le tertiaire potentiellement «délocalisable». Cette délocalisation professionnelle concernerait les ingénieurs, les comptables, les graphistes, les développeurs Web ou encore les responsables marketing. Outre-Atlantique, les économistes estiment même que 40% des emplois américains hautement qualifiés pourraient être concernés par la délocalisation professionnelle, désignée sous le vocable de «télémigration», concept développé par Richard Baldwin, économiste à l'Institut des hautes études internationales de Genève. L'année dernière, au début de l'instauration du télétravail, le Groupe d'études géopolitiques (think tank français et européen) avait, dans une note, alerté sur le développement de ce phénomène de «télémigration» : « Alors que les travailleurs qualifiés ont jusqu'ici été protégés des effets de la mondialisation, la donne pourrait changer, de nombreux freelancers compétents, notamment issus des pays du Sud, étant dorénavant capables de rentrer en compétition avec eux ». Pour l'économiste Richard Baldwin, l'accroissement des technologies en matière de communication à distance favorise ce phénomène de «télémigration». Selon lui, les outils technologiques en matière de traduction permettraient à terme à « des centaines de millions de travailleurs indépendants talentueux et peu coûteux qui ont été exclus de la «télémigration» faute de compétences linguistiques de communiquer dans un anglais ou un français suffisamment bon ou dans toute autre langue largement répandue ». Ce phénomène s'accentuera avec l'implantation progressive et massive de la 5G, qui multipliera par 100 les vitesses de transmission. Ainsi, l'instrumentalisation de la pandémie par les gouvernants vise, outre la destruction des secteurs dits non essentiels (?), jugés obsolètes du point de vue du grand capital en phase de numérisation et de dématérialisation de son économie, mais également le renforcement du télétravail, source de substantiels gains de production. C'est dans ce contexte de reconfiguration de l'économie qu'il faut inscrire l'offensive des gouvernements des pays européens, en particulier, du bloc atlantiste, en général. Le narratif covidal gouvernemental masque le scénario de refondation du capital Depuis le début de l'apparition de la pandémie, les États capitalistes travaillent sur deux fronts. Pendant qu'ils occupent les populations par le narratif covidal, ponctué de scénarios catastrophistes à rebondissements, sur fond de propagation effrayante de psychose propre à susciter la sidération, les gouvernants œuvrent, dans les coulisses, à la refondation du système capitaliste, à la fois par la destruction des secteurs obsolètes (dits non essentiels : restaurants, bars, théâtres, cinémas, salles de sport, discothèque, hôtels, stations de ski, en résumé tous les secteurs de loisirs), et la construction de modèles de production numérisés, objectivée notamment par la généralisation du télétravail. Les dernières résolutions du gouvernement Macron participent de cette dynamique d'accélération du renforcement du télétravail, jugé insuffisamment opérationnel. Ces dernières semaines, sous prétexte de la flambée du variant Omicron, tous les États européens sont passés à l'offensive pour imposer le télétravail. En France, à la suite du Conseil de défense du lundi 27 décembre 2021, le Premier ministre a confirmé que le télétravail sera désormais obligatoire : « Dès la rentrée, le recours au télétravail sera obligatoire dans toutes les entreprises et pour tous les salariés pour lesquels il est possible à raison de trois jours minimum et si possible quatre jours », a-t-il déclaré, lors d'une conférence de presse. Pour acter cette résolution gouvernementale, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, est chargée de réunir les partenaires sociaux afin de mettre en place cette mesure vouée à se pérenniser après son adoption par une loi officiellement intégrée dans le code du travail. Dans cette perspective, notamment en France, pour donner un coup d'accélérateur au télétravail, le gouvernement Macron a décidé d'augmenter les contrôles et les sanctions contre les entreprises « qui ne voudraient pas appliquer le télétravail quand elles le peuvent ». Ce durcissement répond au calendrier du pouvoir résolu à généraliser le télétravail, avant l'effritement et la décrédibilisation du feuilleton covidal, la démystification de l'imposture sanitaire. Le porte-parole du gouvernement, lors des points de presse, sur un ton apocalyptique, n'a cessé de rappeler à de multiples reprises la nécessité de déployer le télétravail. « Le virus s'engouffre dans chacune des brèches que nous lui laissons. Un grand nombre de contaminations surviennent sur les lieux de travail », avait-il souligné, précisant que « près de la moitié d'entre elles sont liées à des personnes qui ont été travailler en étant symptomatiques ». Ainsi, incidemment, le gouvernement français -comme la majorité des gouvernements des pays occidentaux- reconnaît que le lieu de travail constitue le principal foyer de contamination du Covid-19, suivi des établissements scolaires. Or, s'il a ordonné à toutes les entreprises de service, du tertiaire et de l'administration publique, de fermer leurs locaux pour recourir au télétravail, il n'a jamais contraint les autres entreprises de production, de la logistique et du bâtiment, qui concentrent pourtant des centaines de salariés par site, à arrêter leur activité pour éviter la propagation du virus. Le gouvernement français agit-il par souci médical, auquel cas il devait ordonner la fermeture de toutes les entreprises pour endiguer la propagation du virus, ou par calcul économique, dans le dessein de généraliser le télétravail dans les secteurs du tertiaire et de l'administration ? Pourquoi deux poids et deux mesures ? Pourquoi livrer les travailleurs de la production, de la logistique et du bâtiment au soi-disant dangereux virus en les maintenant au travail ? Paradoxalement, depuis deux ans, en dépit du maintien de l'ouverture de ces entreprises, de la promiscuité sur ces lieux de travail censés être vecteurs de contamination du Covid-19, on n'a assisté à aucune hécatombe de travailleurs décimés par le virus. « La solution est le télétravail. Nous renforçons le télétravail, nous incitons les entreprises à y avoir recours. Nous avons une exigence toute particulière vis-à-vis des administrations pour des raisons sanitaires, mais aussi d'exemplarité. Nous allons renforcer les contrôles et sanctions pour les entreprises qui, manifestement, ne voudraient pas appliquer cette mesure », avait ajouté le porte-parole du gouvernement. Sans attendre, le gouvernement Macron a annoncé la promulgation d'un décret pouvant permettre à l'Inspection du travail, donc sans passer par une procédure judiciaire, de sanctionner d'une amende administrative allant jusqu'à 1.000 euros par salarié, dans la limite de 50.000 euros, les entreprises récalcitrantes. Le capital est résolu, sous couvert de la menace d'un banal virus grippal, de bouleverser radicalement l'organisation du travail par la généralisation du télétravail. Déjà, pour ne citer que le cas de la France, dans le sillage des successifs confinements, le télétravail avait donné lieu à la conclusion de nombreux accords d'entreprise négociés avec les partenaires sociaux : 2.720 en 2021, selon les chiffres du ministère du Travail, après 1.980 pour l'année 2020. Pour autant, même si le nombre d'accords d'entreprises avait bondi de presque 40% depuis l'an dernier, la moitié de ces accords ne prévoit que deux jours de télétravail maximum par semaine. Or, l'objectif du gouvernement Macron, autrement dit du capital, est d'accroître substantiellement le nombre d'accords d'entreprises, mais surtout d'augmenter le nombre de jours de télétravail à 4 jours, puis, au final, à 5, c'est-à-dire toute la semaine. Une chose est sûre, d'après une récente étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), relayée par le quotidien d'information économique et financière Les Échos, daté du 29 décembre 2021, la tendance du télétravail devrait se pérenniser. Pour étayer ses prévisions, l'OCDE s'est appuyée sur l'évolution des offres d'emploi disponibles sur la plateforme Indeed dans 20 pays. Les offres d'emploi en télétravail sont en très forte augmentation. Aussi, selon l'OCDE : «le télétravail est là pour rester, en particulier dans les pays ayant des niveaux élevés de préparation numérique». Sans conteste, le télétravail est appelé à se généraliser, se pérenniser. Pour des raisons d'économie, de réduction des coûts de production des connaissances, le prochain secteur voué à passer sous les fourches caudines du télétravail est le système éducatif. L'enseignement distanciel va se développer. Les futurs télétravailleurs seront les professeurs qui dispenseront leurs cours depuis leur domicile à des élèves, isolés chez eux, installés devant leur écran, leur unique lien social virtuel. Sans conteste, s'élabore une refondation professionnelle profitable aux patrons, mais préjudiciable pour les télétravailleurs, aux plans social, financier et psychologique. Parce que le télétravail, selon de nombreuses études récentes, notamment celle du cabinet Empreinte Humaine, fait exploser le burn out, matérialisé par des dépressions sévères, des troubles psychologiques multiples, des idées suicidaires, il doit devenir un enjeu majeur de préoccupation de santé publique pour l'ensemble des salariés, donc de lutte contre la dégradation des conditions de travail. Actuellement, la petite bourgeoisie d'affaires, des services et du tertiaire est la première catégorie ciblée par les attaques patronales et gouvernementales. Immanquablement, ces violentes mesures antisociales, par ailleurs psychologiquement destructrices, entraîneront sa précarisation, sa paupérisation et, à terme, sa prolétarisation. Certes, ces catégories socioprofessionnelles doivent organiser leur résistance, mais non contre les nouvelles technologies, les applications numériques et le télétravail, mais contre la détérioration de leurs conditions sociales, la baisse de leur salaire réel; la déterritorialisation de leur activité dans les pays émergents à bas coûts, donc la spoliation de leur force de travail; leur isolement professionnel, vecteur de dégradation de leur état psychologique, d'anéantissement des interactions sociales, de dislocation de leurs organisations de lutte. Une chose est sûre : l'ensemble des travailleurs auront intérêt à soutenir la résistance des salariés du tertiaire soumis au «spoliateur» et déshumanisant télétravail forcé despotiquement décrété par le capital pour son grand profit. |