|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les hôpitaux,
ainsi que les systèmes de soins, pour aboutir à leur forme actuelle, moderne,
ont dû faire l'objet d'une longue évolution et même mutations majeures dans
lesquelles, entre autres, l'économie de santé y a pris une place importante,
car comme tout le monde le sait, «la santé n'a pas de prix, mais elle a un
coût» !
Le secteur de la communication de santé, assez négligé ces dernières décades, a suscité l'intérêt des différents acteurs de la santé depuis les années 60, afin de promouvoir une collaboration multidisciplinaire entre les différents acteurs y activant. Depuis la Grèce antique, les malades venaient se faire soigner dans des sanctuaires en pèlerinage qui portaient le nom d'asclépieions, en référence à Asclépios (Esculape), 350 ans avant J.-C., où Hippocrate aurait été formé et reçu sa formation dans l'un d'entre eux, l'asclépieion de l'île de Kos, Suivis, à l'époque romaine, des infirmeries furent réservées spécialement aux soldats de métiers ainsi qu'aux esclaves puis une transformation progressive, à Byzance, 325 après J.-C., en une forme d'établissements d'assistance charitable dans lesquels, les invalides, les pauvres et les voyageurs y étaient hébergés et soignés, l'hôpital n'a jamais changé de vocation depuis 02 millénaires : soigner les malades et y enseigner la médecine ! Après les différentes évolutions observées durant les 40 dernières années marquées par une véritable «révolution managériale» et une nouvelle gestion publique, une réorganisation des activités du secteur de la santé et mise en place des systèmes de qualité inspirés de la gestion des structures privées est apparue en bouleversant les habitudes administratives dans lesquelles la rationalisation des tâches ayant pour finalité un souci constant d'efficacité représentaient alors un challenge permanent, à tel point que, par exemple, l'OMS a dû faire 02 définitions de l'hôpital : - l'une pratique, «Établissement desservi de façon permanente par au moins un médecin et assurant aux malades, outre l'hébergement, les soins médicaux et infirmiers»; - et l'autre fonctionnelle, «L'hôpital est l'élément d'une organisation de caractère médical et social dont la fonction consiste à assurer à la population des soins médicaux complets, curatifs et préventifs, et dont les services extérieurs irradient jusqu'à la cellule familiale considérée dans son milieu; c'est aussi un centre d'enseignement de la médecine et de recherche bio-sociale». La technicité croissante du monde médical, l'apparition de «nouvelles disciplines» tant médicales que chirurgicales hyperspécialisées, le rôle et la diversité des technologies de la communication, essentiellement électronique, ont fortement impacté l'évolution du fonctionnement des hôpitaux et se sont octroyés une part importante pour ne pas dire quasi centrale, en s'imposant aux détriments des échanges classiques, directs entre les différentes équipes soignantes à tel point que les termes de «télémédecine», «télétravail», «visioconférence» se sont imposés d'eux-mêmes, surtout depuis le début de la pandémie de Covid-19 ! C'est pour cela qu'il me semble important que devant les réductions imposées des effectifs en personnels, par soucis (légitimes ?) de rentabilité, et, par voie de conséquence logique, l'augmentation de la charge de travail qui leur sera imposée, les échanges et les possibilités de dialogue directs entre les acteurs du monde hospitalier vont se réduire peu à peu; c'est pour cela, il faudra comprendre l'importance et les enjeux de la communication à tous les niveaux de l'organisation hospitalière qui permettra, en retour, de mieux cerner les impacts des changements apparus ces dernières années dans ces institutions de soins au fonctionnement, certes devenu, complexe. Et comme nous savons que les services des urgences, en général, sont le «cœur de l'hôpital» dans lequel on y lutte de manière acharnée contre la mort et la douleur, on y trouve du sang, de la sueur, des larmes, du stress, de la vie, de la tristesse, de la délivrance, de la fatigue, de la colère, etc., Ils représentent aussi un véritable miroir de l'établissement auquel ils sont rattachés. Au niveau du CHU d'Oran, une structure entièrement dédiée aux urgences d'une importance stratégique au niveau de l'Ouest algérien, dans laquelle des soins hautement spécialisés y sont prodigués ainsi qu'une formation hospitalo-universitaire de qualité, à la manière d'un «Trauma center» fut inaugurée en 1995 par l'ex-ministre de la Santé, feu le Professeur Yahia Guidoum, auquel je tiens à témoigner ici mon immense respect pour l'homme et sa forte personnalité, le chirurgien orthopédiste et le ministre qu'il fût ! Cette structure, et vu les impératifs de grande demande de soins, tant d'urgences chirurgicales, toutes catégories confondues, allant du polytraumatisé grave à la «bobologie» de tous les jours, que des urgences médicales, fut baptisée «Urgences médicochirurgicales -UMC- CHUO». En 26 ans d'existence et autant d'expériences, avec plus de 03 millions de consultations et près de 100.000 interventions chirurgicales qui y ont été effectuées, ce qui représente, à mon avis, un capital expérience non négligeable, il me paraît opportun et légitime de partager les conclusions de cette grande expérience dans le domaine de la gestion, du fonctionnement et de l'organisation de ce genre de structures, y relever les multiples points positifs notamment en matière de travail d'équipe, de ferveur du personnel y exerçant, de son abnégation, de ses sacrifices et bien entendu certaines imperfections que nous avons relevées, et ceci à des fins d'amélioration qui seront proposées ultérieurement ! En Anglais, et strictement sur le plan étymologique, le terme de Trauma center signifie «Centre de traumatologie» et, par extension, certains lui préfèrent celui de «Centre de polytraumatologie» ! En Français, en plus de ces 02 appellations, il y englobe, aussi, tous les services d'urgences et peut concerner ce qui est connu sous le terme de «Services des urgences chirurgicales» auxquelles y sont ajoutées les «urgences médicales» pour s'appeler «Urgences médicochirurgicales» plus connues sous l'acronyme «UMC» ! Néanmoins, ces structures, totalement autonomes, quelle que soit leur appellation en anglais ou en français, car il s'agit de la même chose, du moins chez nous en Algérie, ne seront efficaces que si elles sont intégrées dans une stratégie communicationnelle qu'elle soit interpersonnelle, interne ou externe, appelée soit réseau organisationnel, soit «trauma system», c'est selon les préférences linguistiques. C'est tout l'intérêt du sujet de la communication dans le domaine de la santé de surcroît quand il s'agit d'urgences médicochirurgicales que je souhaite aborder devant ce que j'appellerais un «autisme fonctionnel» de la gestion des structures de santé qui communiquent très peu entre elles ! Devant la situation de fait que subit le CHUO, qui lui aussi doit faire face à tous les différents aspects technico-adminstratifs et médicaux de gestion et de fonctionnement de ses services tels que la maintenance des équipements médicaux de blocs opératoires et de réanimation, de conditions d'accueil et d'hébergement des malades, des conditions de travail du personnel, de sous-effectifs en spécialistes, etc., par exemple, les évacuations que nous avons qualifiées d'abusives, déjà en 1998, car ne respectant que très peu les circulaires ministérielles fixant les modalités d'évacuations de patients d'hôpital à hôpital (n° 03 d'avril 1998 et n° 2 d'avril 2012), pouvant être pris en charge au niveau des nombreux «hôpitaux évacuateurs» disposant de médecins spécialistes affectés par l'Etat et qui représentent 60 - 65% de la totalités des évacuations, venant se greffer et aggraver les problèmes internes de chaque service hospitalier. Ces 02 circulaires interdisent formellement à tout directeur d'établissement de santé de procéder à une évacuation de patients vers une autre structure hospitalière sans l'accord préalable de la structure d'accueil. Mis à part les hôpitaux du Sud, ceux du Nord ne les respectent nullement et créent, par conséquent, des désagréments dont nous aurons pu nous en passer ! En effet, la communication directe entre le «médecin évacuateur» et le spécialiste, ou le médecin régulateur, va permettre un échange d'informations cruciales sur l'état du blessé, évaluer son état de gravité, définir une stratégie thérapeutique ainsi que sa prise en charge précoce et permettre de poser l'indication ou non de procéder à l'évacuation, et ceci en commun accord. La notion d'évacuation «abusive» disparaîtra d'elle-même ! Les avantages de la communication directe sont: - meilleure organisation, - absence de rupture de «la chaîne des soins», donc diminution des complications, en préparant le lit, l'équipe soignante et s'assurer de la disponibilité des équipements adéquats de réanimation ou de bloc opératoire en fonction de la gravité des lésions afin de gagner un temps précieux au niveau de l'hôpital d'accueil et lui assurer les soins appropriés, - éviter les risques d'accidents de la route au personnel, - éviter aux familles des déplacements, parfois, onéreux, - intérêt évident de formation médicale continue par une forme d'audioconférences, ou «audio-médecine», «télémédecine» facilitée par les nouvelles technologies ! - diminuer la pression des évacuations abusives et inutiles sur les CHU. - donner une image positive d'une santé algérienne bien organisée et professionnelle, - création et mise place d'un véritable réseau organisationnel régional transposable et applicable au niveau national, à l'image des «trauma system». Mais quoi qu'il en soit, il faut noter l'importance du rôle majeur de l'administration dans la supervision, la régulation et le respect strict de ces modalités qui sont dans l'esprit de la circulaire n° 2 du 10/04/2012, par exemple. Néanmoins, il faut préciser qu'il n'a été et ne sera jamais question de refuser un patient pour quelque raison que ce soit, de surcroît quand il s'agit d'urgences vitales, mais devant cette anarchie organisationnelle «bien organisée» au niveau régional, de cette «situation répétée du fait accompli», spécialement lors des week-ends et jours fériés. Nous pensons que le moment est venu de mettre sur place une véritable organisation régionale en matière d'urgences médicochirurgicales en général, dans laquelle l'administration doit jouer son rôle et impliquer directement les hôpitaux périphériques. En conclusion, nous pouvons dire que s'il y a bien un secteur dans lequel la communication doit jouer un rôle encore plus important, pour ne pas dire fondamental, c'est bien celui de la santé car elle a une place essentielle, entre autres, dans le parcours de soins des patients, de surcroît dans le domaine des urgences et, comme pour les pathologies cérébrales aigues dans lesquelles le facteur temps est vital, nous utilisons l'expression «the time is brain» ! *Professeur - Médecin-chef - Service de Neurochirurgie - CHUO Oran |