|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les désillusions
Si la création, annuellement, de 70 000 à 100 000 PME de même typologie et de même répartition par taille, représente numériquement certes, une source de satisfaction, comme signe d'un dynamisme apparent de l'économie, en termes de potentialités économiques réelles, ce sont, malheureusement, les mêmes tares et les mêmes déceptions qui, se reproduisent. Le Forum des Chefs d'Entreprises et le syndicat majoritaire des travailleurs (UGTA) qui reconnaissaient, certainement par enthousiasme de bien séance, à l'occasion de la tenue de la Tripartite, lors du troisième trimestre de 2014, que le marché algérien avait besoin de 2 000 000 de PME, n'en précisaient pas, toutefois, la typologie. Bonne prophétie ; car, si cet optimisme devait se concrétiser, le plein emploi serait atteint avec, en plus, un grand besoin en main d'œuvre à importer, mais sans apporter les solutions aux questions économiques, technologiques, managériales et d'exportation, indispensables à la diversification économique recherchée et à la substitution aux exportations des hydrocarbures, tout aussi recherchée. En effet, le nombre de 1 022 231 entreprises privées, tous types confondus, recensées au 31 décembre 2016, n'est pas loin des 1 340 000 entreprises projetées par les pouvoirs publics pour 2020. Au rythme de créations réalisées en 2016 (108 538), cet objectif sera sûrement atteint. Quant à l'objectif de 2025, fixé à 2 000 000 entreprises de même typologie que celle qui existait à fin 2016, il serait, largement atteint, au rythme des créations de cette dernière année (2016), mais, avec les mêmes tares, si des mesures pratiques de redressement ne venaient pas bousculer la redondance actuelle. Et ce, en favorisant la création d'entreprises plus viables, par la facilitation parallèle de la mutation des entreprises existantes, à majorité de statut familial, vers de véritables PME, à l'image des PME des pays développés et par l'orientation des nouvelles créations en direction de ce type de PME. CAD vers des PME à statut juridique plus compatible avec des statuts bancables. Des sociétés par actions, notamment, pour être ambitieux de vision. Le potentiel numérique, encore disponible en Algérie, s'explique par la faiblesse actuelle du ratio comparé au ratio, du même type, dans le monde. L'Algérie ne dispose actuellement (2016) que de 25 PME « sous développées », tous statuts juridiques confondus, pour 1000 habitants selon la typologie telle que sus diagnostiquée, contre 45 véritables PME dans le monde. Ce ratio, appliqué aux PME de statut juridique «personnes morales», laisse apparaitre un potentiel de PME à créer aussi important. L'existant en Algérie n'est, également, que de 27 PME « personnes morales» contre 45 PME «personnes morales» dans le monde. Le nouveau cadre législatif (nouvelle loi d'orientation sur le développement de la PME sus évoquée (n°2017-01 du 10 janvier 2017) qui apporte des aménagements à la loi de 2001, rappelle la nomenclature ou typologie ou charte des PME telle que nous l'avons rapportée plus haut , en y apportant quelques relèvements de plafonds, au niveau du chiffre d'affaires annuel et du total bilan et, aussi, en élargissant le champ d'application aux PME dont le capital social est détenu par une ou plusieurs sociétés de capital-investissement, dans les limites des entreprises respectant la définition d'une PME. La nouvelle loi introduit, également, d'autres mesures de soutien, plus adaptées aux besoins de chaque entreprise ou « soutien modulé ». Comme elle prévoit la restructuration et l'élargissement des prérogatives de l'ANDPME (l'Agence Nationale de Développement des PME avec l'introduction de deux nouveautés, sans en définir les modalités : (a) la création d'un Fonds d'amorçage destiné à accompagner financièrement les start-up dans leurs premiers pas. Ambition qui est actuellement contrariée par les difficultés financières du pays et, (b) la création, auprès du ministère en charge de l'industrie, d'un Conseil National de concertation pour le développement de la PME, voulu comme un espace de concertation entre l'Etat et les bénéficiaires de la politique de développement des PME. Sa mission essentielle est d'assurer la médiation et l'intermédiation entre les donneurs d'ordres (sociétés-mères) et les receveurs de ces ordres que sont les PME sous-traitantes, dans le but de briser le travail en «isolé» des PME, que nous avons déjà relevé. Mais l'absence de grandes entreprises qui drainent, vers elles, la sous-traitance intégratrice à confier aux PME, continuera à constituer l'handicap déterminant quant à l'efficacité de ce conseil, en l'absence en même temps, d'entreprises de sous-traitance, en nombre et en spécialités. N'étant pas prêt de s'estomper, de sitôt, en l'absence de ces entreprises demandeuses de sous-traitance, cet isolement est porteur d'asphyxie, d'échec et de disparition qui pèsent sur ces PME. Ce conseil, dans l'esprit des initiateurs de la loi, devrait aider à mettre en place, par mutation et/ou par créations nouvelles, des PME « en tant qu'instruments d'appui pour l'amélioration de leur contribution à une réelle diversification de l'économie nationale». (3) Mais ce double emploi avec les prérogatives de L'ANDPME est aussi porteur d'ingrédients qui pourraient produire le même «mauvais» sort pour les PME, s'ils venaient à être mis en conditions de réactions explosives! Cette loi parait traduire (A) un aveu d'insuccès successifs dans la mise en œuvre de la vision et des politiques en matière de promotion des PME et (B) une volonté tenace de rattrapage de ces insuccès. Très loin, encore, sont les ambitions de croissance, de maitrise de la nouvelle technologie, de création d'emplois en nombre suffisant, de promotion de la Recherche- Développement, d'innovation et, enfin, de diversification qui constitue, ici, notre principale préoccupation. L'accent mis ci-dessus, sur l'objectif assigné à cette loi, sur une meilleure contribution à une réelle diversification de l'économie nationale, rappelle, avec un décalage de 18 ans, un objectif visionnaire du programme électoral gagnant lors des élections présidentielles de 1999 et représente, par ailleurs, un aveu d'insuccès, dans sa complète mise en œuvre, par ceux qui se sont relayés au niveau de cette mission. Comme les dispositions législatives de cette nouvelle loi constituent, intentionnellement, de belles perspectives qui exigent, toutefois, pour être concrétisées, l'existence d'incubateurs industriels comme les outils que constituent, dans l'immédiat, les (65) grandes entreprises publiques économiques et les (390) véritables PME publiques industrielles résiduelles qui ont échappé, à fin 2016, à de pénibles épreuves d'endurance, dont nous avons eu, déjà, à relever les péripéties subies aux différentes étapes du traitement qui fut « administré », en général, aux entreprises du secteur public. Ce secteur, en grandes difficultés, est constamment, en salles de réanimation en mal, toutefois, de tout le dispositif requis à cette fin. Signe de la cruauté d'une mort lente, à défaut d'une euthanasie et faute, pour le moment, de réels soins intensifs et de meilleures perspectives parallèlement, en attendant, au maintien de la suppléance constante que lui assurent, diversement, les pouvoirs publics. Comme pour réparer le tord qui a été causé à ce secteur à toutes les étapes. En rappelant que le SPMI comptait quelques 896 entreprises, soit 22,7% des 3950 entreprises publiques recensées en septembre 2008, représentant 3,2% des 28 352 entreprises industrielles nationales, tous statuts juridiques confondus.(4). La situation depuis, en termes de proportionnalité, n'a, vraiment pas changé. Mais ce secteur ne compte plus, en 2017, que 455 (65+390) entreprises contre les 896 entreprises sus rappelées; la différence étant constituée d'entreprises privatisées, regroupées et fermées. Cette «dynamique» se poursuit sans visibilité suffisante, quant à la poursuite ou non des opérations de privatisation, de restructuration et d'investissement partenarial avec le capital étranger qui est ciblé pour apporter la technologie, le savoir faire managérial et des parts de marchés extérieurs. La désillusion que nous venons d'établir quant à la capacité, dans l'immédiat, du secteur privé industriel algérien à réaliser ou participer à l'industrialisation du pays et à assurer sa croissance économique diversifiée, ferait-elle tomber, à jamais, les thèses soutenant, depuis 1979 à nos jours en 2017, que le secteur privé algérien constituait, toujours, l'instrument à privilégier pour le développement du pays ? Autrement, l'Algérie ne serait-elle pas là à souffrir d'une économie en mal de diversification avec, pourtant, 1 022 231 entreprises occupant quelques 2 600 000 salariés. Cependant, la moitié de ces effectifs est constituée des patrons de ces entreprises et, pour l'autre moitié, de» gagne-pain » dans la majorité des cas. C'est par conséquent, d'un secteur «vivrier» par excellence qu'il s'agirait et qui appelle une reprise en main de fond en comble, avec «l'implication modulée» des pouvoirs publics, nécessairement. Le ressaisissement Artisanal dans sa majorité et sans effet d'entrainement structurant sur l'économie nationale, au vu de la typologie des entreprises le composant sus exposée, le secteur privé se nourrit sur «les ratages» du secteur public, sur les importations et sur l'adhésion des pouvoirs publics à ses répétitives doléances. Les importations sont toujours volumineuses, en nombre, en poids, en valeur, de plus en plus rémunératrices, juteuses et empruntant, pour leur paiement, à défaut du canal officiel, des circuits propres, sous forme d'«importations sans paiement » informellement réalisées, de surcroit, par le recours à d' «d'ingénieux» subterfuges, échappant, de plus en plus, à la fiscalité et au paiement des cotisations sociales, brassant, en dehors du circuit bancaire, des liquidés colossales, souvent aidées dans cela, par de véreux agents de tous bords. Evitant la complexité du management des fonctions de production, allant de l'investissement à la commercialisation, y compris toutes les fonctions «staff et line», de très nombreux opérateurs privés, ont intégré dans leur système d'appréciation, sous l'effet du vécu, que l'enrichissement, consistant et rapide, souriait plus facilement, aux importateurs sur paiement assuré par les réserves de change de la collectivité nationale gérées par la Banque d'Algérie (Banque Centrale). Par extension digressive, le cas suivant est très édifiant : Un représentant de la corporation des grossistes en cours de constitution, s'ingéniait lors d'un débat télévisé, à la faveur de la menace des pouvoirs publics de passer à l'usage de la rigueur pour la lutte contre l'informel dans les transactions commerciales de gros notamment, que « la «misérable» marge bénéficiaire de 2% qu'ils disent prendre actuellement sur leurs ventes, grimperait à 20% dès le passage à la transparence de leurs affaires , prétend-il, au détriment du pouvoir d'achat des petites bouses, essentiellement ; s'agissant des produits de large consommation ». Le soubassement de ces invraisemblables propos est clair: pas de transparence, pas de formel, pas de fiscalité, pas de cotisations sociales, pas de réformes! Les mauvaises habitudes quand elles perdurent, finissent par avoir la peau dure, au point de devenir, presque, «jurisprudentielles ! Dans la lignée, des superstructures destinées, théoriquement, à l'origine, à abriter des usines, se transformèrent en espaces de stockage et de livraison de biens importés. Ainsi, aux premiers éternuements du stock des réserves de change du pays, les importateurs «Bazardeurs» remuent dans les brancards. Les symptômes de 2017, à cet égard, paraissent présenter beaucoup de ressemblances avec les tenants et les aboutissants des événements du 5 octobre 1988, selon l'approche que nous avons privilégiée quant à leur interprétation et que j'ai eu à livrer, récemment, dans la presse écrite en arabe et en français et sur les réseaux sociaux. Ainsi, nous sommes, en 2017, devant l'impasse: un tissu privé industriel minuscule et sans attaches de sous-traitance d'envergure, perdant l'une après l'autre, celles que lui fournissait le secteur public marchand industriel-SPMI (hors hydrocarbures) en difficultés ou, tout au plus, en lente reprise, qu'il n'arrive, pas encore, à relayer, malgré l'extraordinaire élan numérique qu'il a enregistré (en nombre : 1 022 231 entreprises). Lequel secteur public qui, lui-même, est en attente de l'aboutissement, de la mise en œuvre complète des programmes de privatisation, de restructuration et d'investissements stratégiques complémentaires, arrêtés au début des années 2000. Puissent, les complexes pétrochimiques d'Arzew déjà réalisés en partenariat avec le capital étranger et ceux à réceptionner en rattrapage d'un vide incompréhensible dans les programmes de développement des années 1970, notamment ceux devant produire les matières premières pour les industries plastiques qui sont jusqu'à l'heure actuelle fortement importées, les projets de transformation des phosphates, de souffre et de minerais de fer etc.?, le complexe moteurs-tracteurs de Constantine dans sa partie montage tracteurs agricoles en partenariat avec la firme américaine «Massy Fergusson», l'usine de turbines électriques de Batna en partenariat avec le géant américain «Général Electric»É le complexe sidérurgique de Bellara (Jijel) en partenariat avec Qatar et dont l'entrée en production est imminente, la reprise en main du complexe sidérurgique d'El Hajjar à 100% en capital détenu par un EPE en attendant une meilleure cohérence avec le statut juridique plus normatif du complexe sidérurgique de Bellara, la fabrication des plaques de silicium pour l'énergie solaire à (Alger et SBAbbès), l'usine de montage de voitures Renault d'Oran voulu comme premier franchissement, psychologiquement symbolique, vers l'industrie automobile, si critiquée soit-elle, les industries militaires, devant, nécessairement, conduire vers l'impérative émergence d'un complexe militaro-industriel à la mesure des ambitions algériennes légitimes, etc.., puissent constituer (ces réalisations) des exemples à suivre dans la poursuite du traitement du dossier «secteur Public Marchand Industriel» (SPMI), tel que lancé au début des années 2000 en application du programme gagnant des élections présidentielles de 1999. L'élargissement, à terme, de ce complexe (militaro-industriel) aux technologies numériques et biologiques, est d'une acuité vitale, pour coller, de très près, aux avancées scientifiques, technologiques et économiques dans le monde. Comme l'est, dans cette perspective, l'ouverture sur le secteur privé industriel dans la périphérie sous-traitante de ce complexe, dans une première étape. Puissent, également, les 50 zones industrielles projetées à moyen terme, constituer le réceptacle adéquat, notamment d'une partie des usines fruits de cette renaissance, désormais effective, en partenariat entre le secteur public marchand industriel et le capital étranger, en plus des usines du secteur privé auquel sont destinées ces zones qui constituent, par ailleurs, l'une des suggestions phares dans la plate-forme du FCE visant à «relancer l'économie nationale». Faute d'une plate-forme industrielle nationale faisant axiomatiquement appel à une indispensable sous-traitance, véritablement d'intégration, même un tissu privé industriel constitué de véritables PME mais sans l'existence de grandes entreprises ou grandes usines localisées dans tout le pays et créant des liens permanents de sous-traitance avec ces PME, n'équivaudrait, en réalité, qu'à une alternative conte productive, scellant à jamais, son état actuel dont nous venons de rejeter la fatalité, parce que jugé incapable d'induire le grand développement du pays que nous voulons à la mesure de nos ambitions. Celles-ci sont réalistes et évolutives dans le cadre de notre vision-rêve. C'est une dynamique de développement à deux optiques globalement possibles dans le cas du tissu industriel privé actuel, poursuivant, l'une, la forte tendance actuelle à développement fortement dépendant, telle que nous l'avons diagnostiquée, et l'autre, vers un développement à large espace d'indépendance dans sa conduite ; l'indépendance totale étant chimérique dans la logique de l'économie en général. De ce fait : (i) Ou un tissu de PME tournant à vide et de portée «vivrière», traduisant une résignation à demeurer sous-développé avec d'humbles ambitions, en matière industrielle, en matière économique et, par conséquent, en matière d'amélioration du bien-être de tous les algériens. Ce seraient alors, de petites unités se contentant de mettre sous emballage, contenants et contenus importés, qu'il s'agira. A savoir: - i.1 des unités de transformations agro-alimentaires dont les dérivées des céréales et dérivées des laits, en bonne partie à activités saisonnières, à l'image des unités de transformation de la tomate industrielle, d'encapsulation de la majorité des gélules et comprimés médicamenteux (à de rares émergences près) qui sont, dans leur majorité, importés en l'état avec, toutefois, de plus en plus, de fabrication locale depuis l'option prise en 2006, en faveur des médicaments génériques qui sont en progression régulière depuis, pour atteindre en 2016, plus de 50% de la consommation nationale de médicaments, pour un objectif qui avait été fixé en 2006 à environ 70-75% à l'horizon 2020; - i.2 ou de petites usines de tissage et de confections vestimentaires, souvent à base d'inputs importés qui, dans le meilleur des cas, transforment de rares inputs nationaux; - i.3 ou des ateliers pour des activités d'assemblage de bas étages, tels le façonnage de petits outillages, l'assemblage de petits équipements et outillages et l'assemblage de différents véhicules(voitures, camions, engins TP, tracteurs agricoles?) à base de kits ou parties prêtes à l'assemblage, totalement importés, entretenant des leurres d'intégration industrielle, avec, en prime, un appauvrissement permanent du pays, en l'absence d'exportation d'une bonne partie des produits ainsi assemblés. A suivre *Economiste, ancien ministre Note 3- DG. De la PME au Ministère de l'industrie et des Mines.APS.in «Liberté» du 9 août 2017. 4- Banque d'Algérie Rapport annuel .de 2008. Juin 2009. P. 33. |