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L'endettement occidental
corrélé par la hausse du niveau des réserves de change des pays émergents et
pétroliers
de 1999 à 2014 Pour comprendre la crise économique mondiale et les mesures prises pour redresser la situation économique, en Occident et dans le monde, il faut rappeler que la croissance économique occidentale, de 1999 jusqu'à l'irruption de la crise immobilière en 2007, suivie de la crise financière en 2008, s'est faite sur fond d'endettement. En effet, les pays occidentaux ont, massivement, émis de liquidités dans la «consommation» des biens et services émis par les pays du reste du monde et les dépenses militaires dans les guerres au Moyen-Orient. Le seul créneau qui resta a été l'investissement massif dans l'immobilier, devenu un faire-valoir en raison de la perte de compétitivité dans le commerce mondial et aussi des crises boursières occidentales en cascades entre 2000 et 2003. Dans cette croissance, ce sont essentiellement les pays émergents qui ont profité des délocalisations d'une grande partie de l'industrie occidentale non compétitive au regard de la production industrielle et manufacturière de ces pays, pratiquement d'égale qualité et à moindre coût. Les pays exportateurs de pétrole, notamment arabes, ont aussi profité de la croissance économique mondiale jusqu'en 2008. D'abord par la frénésie de la consommation énergétique occidentale et par les besoins en pétrole des industries du reste du monde. La Chine qui est devenu un des plus grands importateurs de pétrole du monde. Cette situation pantagruélique des deux parties du monde, tant pour l'Occident en consommation, en investissement immobilier et en dépenses de guerre, que pour les pays émergents et exportateurs de pétrole du monde qui, en accumulant des réserves de change considérables, et en les plaçant en Occident, sont devenus les «créanciers de l'Occident». La dette publique des États-Unis passe de 37,612% du PIB, en 1999, à 64,032% du PIB, en 2008. La dette publique américaine a presque doublé en neuf années. La dette publique du Royaume-Uni passe de 43, 62% du PIB, en 1999, à 55,651% du PIB, en 2008. La dette publique de la France de 58,869% du PIB, en 1999, à 64,901% du PIB, en 2008. La dette publique de l'Allemagne de 39,15% du PIB, en 1999, à 41,987% du PIB, en 2008. La dette publique du Japon de 93,328% du PIB, en 1999, à 139,798% du PIB, en 2008. Seule l'Allemagne échappe à cette hausse incroyable de la dette des gouvernements centraux des États occidentaux. Sa dette publique a augmenté de 2,837 % du PIB, durant ces 9 années, comparativement aux augmentations de 26,42 % du PIB et 46,47 % du PIB pour, respectivement, les dettes publiques des États-Unis et du Japon. Soit respectivement neuf fois et seize fois plus, pour ces deux pays par rapport à la dette publique allemande. (2) Alors que les réserves de change accumulées par les pays émergents et exportateurs de pétrole ont explosé entre la fin des années 1990 et l'année de la crise financière, en 2008. Les chiffres donnés par la Banque mondiale pour ces pays sont éloquents. En 2008, les réserves de change de la Chine passent de 161,414 milliards de dollars, en 1999, à 1966 milliards de dollars. Les réserves de changes de la Fédération de Russie passent de 12,325 milliards de dollars, en 1999, à 478,822 milliards de dollars, en 2007. En 2008, elles diminuent avec la crise financière, et s'établissent à 426,279 milliards de dollars. Les réserves de change de l'Arabie Saoudite passent de 18,321 milliards de dollars, en 1999, à 451,279 milliards de dollars, en 2008. Les réserves de change de l'Inde passent de 36,005 milliards de dollars, en 1999, à 257,423 milliards de dollars, en 2008. Les réserves de change du Brésil passent de 36,342 milliards de dollars, en 1999, à 193,783 milliards de dollars, en 2008. Les réserves de change de l'Afrique du Sud passent de 7,497 milliards de dollars, en 1999, à 34,07 milliards de dollars, en 2008. Les réserves de change de l'Algérie passent de 6,146 milliards de dollars, en 1999, à 148,099 milliards de dollars, en 2008. (3) Que constatons-nous ? En une décennie, entre 1999 et 2008, les réserves de change ont été multipliées pour la Chine par 12, pour la Fédération de Russie par 34, pour l'Arabie Saoudite par 24, pour l'Inde par 7, pour le Brésil par 5, pour l'Afrique du Sud par 4,5 et pour l'Algérie par 24. Regardons maintenant l'évolution de la dette publique des pays occidentaux de 2008 à 2014. La dette publique des États-Unis passe de 64,032% du PIB, en 2008, à 97,108% du PIB, en 2014. La dette publique du Royaume-Uni passe de 55,651% du PIB, en 2008, à 108,605% du PIB. La dette publique de la France passe de 64,901% du PIB, en 2008, à 97,666% du PIB, en 2014. La dette publique de l'Allemagne passe de 41,987% du PIB, en 2008, à 53,533% du PIB. La dette publique du Japon de 139,798% du PIB, en 2008, à 193,433% du PIB. (2) Regardons maintenant l'évolution des réserves de change des pays émergents et exportateurs de pétrole pour la même période. En 2014, les réserves de change de la Chine passent de 1966 milliards de dollars, en 2008, à 3900 milliards de dollars. Les réserves de changes de la Fédération de Russie passent de 478,822 milliards de dollars, en 2008, à 386,216 milliards de dollars, en 2014. Il faut rappeler pour la Russie que les réserves de change s'élevaient en 2012, à 537,816 milliards de dollars. La diminution de ses réserves de change est liée, essentiellement, à la crise ukrainienne et l'annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, les sanctions occidentales qui ont suivi et les attaques spéculatives sur le rouble ont fait fondre fortement les réserves de change de la Russie. Les réserves de change de l'Inde passent de 257,423 milliards de dollars, en 2008, à 325,081 milliards de dollars, en 2014. Les réserves de change du Brésil passent de 193,783 milliards de dollars, en 2008, à 363,57 milliards de dollars, en 2014. Les réserves de change de l'Afrique du Sud passent de 34,07 milliards de dollars, en 2008, à 49,122 milliards de dollars, en 2014. Les réserves de change de l'Arabie Saoudite passent de 451,279 milliards de dollars, en 2008, à 744,441 milliards de dollars, en 2014. Les réserves de change de l'Algérie passent de 148,099 milliards de dollars, en 2008, à 186,351 milliards de dollars, en 2014. En 2013, les réserves de change ont plafonné à 201,437 milliards de dollars. (3) Que donnent, entre 2008 et 2014, les évolutions des dettes publiques occidentales et l'accumulation des réserves de change par les pays émergents et exportateurs de pétrole ? En 6 ans, les dettes publiques occidentales ont augmenté respectivement de 51,65% pour les États-Unis (par rapport à leur niveau de 2008), 95,15% pour le Royaume-Uni, 50,48% pour la France, 27,49% pour l'Allemagne et 38,36% pour le Japon. Quant aux réserves de change, pour la même période, elles ont augmenté en 2014, par rapport à leur niveau de 2008, respectivement de 98,3% pour la Chine, 26,2% pour l'Inde, 87,6% pour le Brésil, 44,1% pour l'Afrique du Sud, 64,9% pour l'Arabie Saoudite, 25,8% pour l'Algérie (36% en 2013). Pour les réserves de change de la Russie, elles ont augmenté de 12,3% en 2012, par rapport à leur niveau de 2008. Pour des raisons énoncées supra, elles ont diminué ensuite de 19,3%, en 2014, par rapport à leur niveau de 2008. L'endettement de l'Occident, «moteur» de la croissance mondiale. Une externalité positive historique pour le progrès du monde ? Que peut-on dire de cette situation qui étonne à plus d'un titre ? Tout d'abord les évolutions des dettes publiques et l'accumulation des réserves de change sont corrélées entre elles. D'un côté, un «endettement drastique» pour l'Occident, de l'autre, une «accumulation drastique de réserves de change» pour les pays émergents et exportateurs de pétrole. Cette évolution n'a été possible que grâce à la crise financière de 2008 qui a amené les Banques centrales à mener des politiques monétaires fortement expansives, d'un nouveau type, les «politiques monétaires non conventionnelles», ou «quantitative easing». Ironie de l'histoire, cette crise et les mesures prises qu'elle a provoquées pour redresser l'économie occidentale, ont encore endetté l'Occident et favorisé les économies du reste du monde, en excédents commerciaux, et donc en réserves de change. Cette inversion d'agrégats macroéconomiques corrélés à l'échelle mondiale, n'est pas venue ex nihilo, i.e. du néant, mais s'est enchaînée et a produit ce processus. Donc elle relève de causes historiques précises, dans le sens que les Banques centrales occidentales étaient astreintes de mener des politiques monétaires ultra-expansives, durant ces 6 années qui a suivi la crise financière, pour sauver leurs systèmes bancaires et leurs économies. «Il devait être ainsi.» De même, les pays émergents et exportateurs de pétrole ont beaucoup profité de ces politiques ultra-expansives, «il devait aussi être ainsi.» Dès lors, peut-on dire, que les politiques monétaires non conventionnelles étaient impératives pour les Banques centrales. Il n'y avait pas d'alternative. La politique monétaire conventionnelle, i.e. l'utilisation du taux d'intérêt directeur, les opérations open-market et la fixation des réserves obligatoires, arrivée à ses limites ? le taux d'intérêt d'intérieur au plancher, près de zéro ?n'apportait pas de solution à la crise. Donc, pour débloquer la situation de crise, le seul moyen qui restait aux Banques centrales était de passer au financement au non-conventionnel. Ce qui, en clair, signifiait que les Banques centrales, en tant que prêteur en dernier ressort, devaient recapitaliser leurs banques par des rachats de titres publics et privés, y compris des créances «toxiques». Ce financement non conventionnel, en allégeant les bilans des banques et rétablissant la confiance entre elles, et fort du soutien de leurs États, amènera de nouveau les banques occidentales publiques et privées à financer leurs économies. Ce processus nécessaire relevant de l'histoire, n'a pu être possible que parce que de nombreux pays du reste du monde ont réussi leur envol industriel et manufacturier. Grâce au faible coût de leur main-d'œuvre, faut-il le spécifier, qui leur a permis de bénéficier des délocalisations massives d'entreprises occidentales. L'Occident, en délocalisant, visait à rentabiliser ces entreprises par des joint-ventures... ou tout simplement par leurs ventes (au lieu de les fermer). Et à gagner de nouveaux marchés. Donc, un processus historique naturel qui explique l'endettement occidental et l'enrichissement du reste du monde. Si, dans les années 1980, c'était le reste du monde qui était lourdement endetté, suite à la hausse des taux d'intérêt de la Fed américaine, suivi des autres Banques centrales d'Europe et d'Asie (Japon), et aujourd'hui, c'est l'Occident, bien qu'il soit détenteur et émetteur des monnaies internationales, se retrouve, à son tour, endetté, cela ne doit pas étonner. Pour la simple raison, est que dans les années 1970 et même une partie des années 1980, le reste du monde était le «moteur de la croissance» pour l'Occident, et pour le monde. Il faut se rappeler les crises monétaires, au début des années 1970, qui opposaient les États-Unis à l'Europe, et il a fallu mettre fin au dollar-or, le 15 août 1971. Les guerres monétaires intra-occidentales, à cette époque, et l'inflation qui a suivi n'a pu être absorbée que grâce au reste du monde qui s'est, fortement, financé auprès des banques occidentales et, par ce financement, a dopé, par ses importations massives, l'industrie occidentale. Et donc a fortement atténué la crise économique multiforme qui a suivi, après la fin du système monétaire de Bretton Woods, de 1944, bâti autour du dollar-or, et remplacé par le «pétrodollar», un privilège discrétionnaire exorbitant qui demeure efficient jusqu'à aujourd'hui, depuis les crises pétrolière de 1973. Nous connaissons la suite pour le reste du monde. L'endettement massif depuis que les Banques centrales occidentales ont relevé leur taux d'intérêt directeur. C'est le reste du monde qui en a pâti par l'endettement et les crises économiques, politiques et sociales, à répétition. Que l'inflation ait perdu de ses effets depuis les années 1980, et que les pays du reste du monde, subissant de plans d'ajustement sur ajustement, ont, pour une bonne partie d'entre eux, fini, à force de persévérance dans l'ajustement structurel «piloté par l'Occident» via le FMI, par émerger et devenir comme leurs prédécesseurs ? les dragons et tigres asiatiques ?, des «Émergents», reste que le processus de rattrapage est tout à fait naturel. Que la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie, le Vietnam... soient devenus aussi des pays émergents, ce processus ne peut s'arrêter à eux. Il est appelé à s'étendre, à gagner d'autres pays. C'est une loi de la Nature, de l'histoire. Comme les peuples colonisés ont fini par gagner leur indépendance. Et avant eux les peuples d'Europe libérés du servage. Le même processus est en train d'agir sur le plan économique, tout en maintenant les peuples liés par les échanges économiques. Aussi se comprend pourquoi les déséquilibres mondiaux étaient nécessaires, par conséquent, l'endettement occidental est une «Nécessité». C'est grâce à ces déséquilibres que deux grands pays, à forte démographie, la Chine particulièrement et l'Inde, ont émergé. Même s'il a une part importante dans la production de richesses dans le monde, l'Occident, perdant de compétitivité, ne produit pas assez parce que les biens et services trop chers se placent, difficilement, sur les marchés mondiaux. Et cette insuffisance est compensée par la consommation de produits qu'il importe du reste du monde. Devenant un importateur net en produits industriels et manufacturiers, en énergie fossile et matières premières, cette situation l'a transformé en «moteur de la croissance» pour le reste du monde, et du monde entier puisqu'il a tiré et tire une forte part de la croissance mondiale. D'autre part, pouvait-il faire autrement ? Adam Smith a énoncé la «main invisible». En effet, l'Occident a cherché, comme tout un chacun normal, à ne penser qu'à son intérêt, sans savoir que cet intérêt allait jouer, positivement, pour le reste du monde. Dès lors qu'il en est ainsi, ignorant inconsciemment d'être le moteur de l'écosystème mondial, il s'est forcément intégré, par ses propres politiques économiques, financières et monétaires, en «externalité positive» pour le monde. Et c'est là où se trouve l'intérêt d'un Occident à la fois «dominateur» et «dominé» par ses propres forces, bien que déclinant ? qui relève d'une dynamique historique vers plus de progrès ?, à œuvrer inconsciemment au devenir du monde. L'importance des réserves de change dans la stabilité des pays ne disposant pas de monnaies nationales mondiales. La Grèce, sauvée par l'euro, une monnaie mondiale Dès lors, de ce qui précède, les déséquilibres mondiaux s'avèrent nécessaires pour la marche de l'économie mondiale. Sinon comment, sans ces déséquilibres, et, par conséquent, sans des réserves de change, les pays émergents et exportateurs de pétrole qui ne disposent pas de monnaies nationales mondiales seules ayant cours dans les transactions internationales, pourront financer leurs économies et être intégrés dans le commerce mondial ? Comment leurs économies pourront croître s'ils ne disposent pas suffisamment de réserves de change qui leur permettent une auto-assurance pour une période donnée, qui se compte en mois et jours d'importations ? Ces réserves de change permettent à ces pays de financer leurs comptes courants, en cas de contraction de leur commerce extérieur. Donc d'affronter des situations économiques difficiles. Du moins pour un temps donné. Prenons, par, exemple, les réserves de change du Maroc. Dans une analyse d'un média marocain, on lit : «L'Indicateur (niveau des réserves de change) est suivi de près puisqu'il constitue une auto-assurance. Le stock de réserves internationales équivaudrait à 7 mois et 6 jours d'importations cette année, selon les prévisions de Bank-Al-Maghrib. La banque centrale prévoit la poursuite de la consolidation du matelas de devises en 2017 pour atteindre 7 mois et 20 jours.» (4) Ce qui signifie que le Maroc est assuré, pour la période suscitée, de couvrir les importations de biens et services pour répondre aux besoins de l'économie. Passé ce délai, si les réserves de change diminuent fortement, les rentrées de devises de leur côté baissent, la balance commerciale se détériore, la situation économique du Maroc deviendrait précaire, et aura des répercussions sur la stabilité du pays. Pour l'Algérie, les indications donnés par l'aps.dz, «Selon ses prévisions, le matelas de devises devrait s'établir à 85,2 mds usd, à fin 2018, soit l'équivalent de 18,8 mois d'importations, et à 79,7 mds usd, en 2019 (18,4 mois d'importations) avant d'atteindre 76,2 mds usd en 2020 (17,8 mois d'importations).» (5) Même analyse. Si les réserves de change diminuent fortement par une baisse prolongée des prix du pétrole, la balance commerciale se détériore, la même situation précaire peut survenir, avec des répercussions sur la stabilité du pays. Alors que pour les pays occidentaux, en tant que détenteurs et émetteurs de monnaies internationales, ce problème ne se pose pas. On comprend pourquoi l'Union européenne des Dix-Neuf, grâce à la monnaie unique, l'euro, deuxième monnaie mondiale, la protège des graves crises économiques que vivent les pays du reste du monde. Les pays faibles économiquement certes peuvent tomber dans de graves crises économiques comme fut le cas de la Grèce qui a souffert le plus parmi les pays d'Europe du Sud. Cependant ces pays ont assuré d'être soutenus financièrement et économiquement même s'ils sont soumis à des ajustements éprouvants. Dans une analyse, l'économiste Nouriel Roubini avait recommandé la sortie de la Grèce pour sauver l'Europe monétaire (zone euro). «NEW YORK ? La tragédie grecque de l'euro en est au dernier acte : il semble évident que le risque est élevé que la Grèce cesse d'honorer sa dette cette année ou l'an prochain, en même temps qu'elle quitte la zone euro. [...]Le fait de remettre la sortie de zone après l'élection de juin d'un nouveau gouvernement, en faveur d'une variante des mêmes politiques inopérantes (l'austérité amplificatrice de récession et les réformes structurelles) ne fera pas revenir la croissance et la compétitivité. La Grèce est prisonnière d'un cercle vicieux d'insolvabilité, de perte de compétitivité, de déficits externes et d'une dépression qui prend, de plus en plus, d'ampleur. La seule façon de sortir de cette crise consiste d'instaurer un processus ordonné de sortie de zone et de défaut de paiement, coordonné et financé par la Banque centrale européenne, l'Union européenne et le Fonds monétaire international (la «Troïka»), et qui réduira au minimum les dégâts collatéraux, pour la Grèce et le reste de la zone euro. [...] Ceux qui prétendent que la sortie de la Grèce contaminera les autres pays sont aussi en déni. Les autres pays périphériques sont déjà confrontés à des problèmes à la grecque de viabilité et d'érosion de compétitivité. Le Portugal, par exemple, devra éventuellement restructurer sa dette et abandonner l'euro. Les économies en manque de liquidités, mais éventuellement solvables, comme l'Italie et l'Espagne, auront besoin de l'appui de l'Europe, peu importe si la Grèce quitte ou non ; en fait, sans cet apport en liquidité, il est fort probable qu'une chute de la valeur de la dette publique italienne et espagnole se déclenche par elle-même.» (6) Peut-on accepter le raisonnement de l'économiste américain ? Si on regarde les données de la Banque mondiale, la balance des paiements courants de la Grèce est passé de - 28,583 milliards de dollars d'euros en 2011 à - 6,183 milliards d'euros en 2012. En même temps, la dette publique de la Grèce a augmenté mécaniquement, passant de 111,113 % du PIB en 2011 à 165,478 % du PIB en 2012. Quant aux réserves de change (Réserves comprenant l'or, $ US courants) qui devaient financer les déficits courants, ils étaient de 6,743 milliards de dollars, en 2011. Comment la Grèce pourrait-elle financer les déficits courants de 2011 qui s'élevaient à - 28,583 milliards de dollars en 2011, avec des réserves de change 4 fois et demie plus faibles ? D'autant plus que la Grèce a déjà bénéficié d'un plan de sauvetage de 110 milliards d'euros, en 2010. Malgré les réformes drastiques extrêmement éprouvantes pour la population, la Grèce a, encore, bénéficié d'un deuxième plan d'aide en 2012. «Le deuxième plan d'aide est scellé le 27 octobre 2011. Il combine des prêts supplémentaires de 130 milliards d'euros, l'effacement d'une partie de la dette des banques privées (107 milliards sur 206 milliards d'euros) et leur recapitalisation. Ce plan, approuvé en mars 2012, avec une échéance prévue fin 2014, avait été prolongé jusqu'au 30 juin 2015, après la victoire de la gauche radicale (Syriza), aux élections législatives de janvier.» (7) Les réserves de change au lieu de baisser en 2012 compte tenu du fort déficit de la balance courante ont, au contraire, augmenté, elles s'élèvent à 7,255 milliards de dollars, en 2012. C'est évidemment grâce au plan d'aide de l'Union européenne. Si la Grèce était sortie de la zone euro, la situation aurait été catastrophique. Les réserves de change auraient fondu, ce qui reste se compterait non en milliards de dollars mais en millions de dollars, non en mois d'importation mais en jours d'importation. Les étals des marchés seraient vides, les produits de première nécessité seraient distribués par les forces armées. Le paiement des fonctionnaires serait aléatoire. Une guerre civile guetterait ce pays. Ce serait alors courir le risque d'une junte militaire qui reviendrait, seul moyen pour ramener la paix. Il n'y aurait pas de solution, le sort de la Grèce ne serait point différent des autres pays en voie de développement. Par conséquent, la situation de la Grèce en Europe, malgré toutes les souffrances de la population grecque (diminution des salaires, des retraites, du niveau de vie, hausse des prix, du chômage, exil d'une partie de la jeunesse, des élites), est bien meilleure que ne le sont les situations des pays en voie de développement d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie. Quant au pronostic de Nouriel Roubini, il a raison de dire que la Grèce doit sortir de la zone euro, et il n'est pas le seul économiste occidental à le dire. Pourquoi ? Pour la simple raison qu'il raisonne en «américain», en «occidental». Mais s'il raisonnait en «occidental» mais en prenant en compte les non-nantis de la mondialisation, i.e. les pays pauvres d'Afrique, les pays faiblement développés, et ils concernent des continents entiers, Roubini n'aurait jamais émis cette idée ? une sortie la Grèce de la zone euro serait inconcevable. En effet, en pareille «situation de banqueroute», comment la Grèce, si elle venait à sortir, pourrait s'en sortir économiquement ? Le premier problème qui va se poser est sa monnaie, la «drachme». Sur quoi va s'adosser la drachme grecque ? L'ancrage de la drachme sur un panier de monnaies internationales constituerait un problème majeur pour la Grèce et pour les institutions financières et monétaires de la zone euro. La Grèce, en sortant de la zone euro, obligera la BCE et éventuellement, le FMI à la soutenir financièrement. L'octroi de liquidités à la Grèce serait nécessaire pour permettre à la Banque centrale grecque de disposer de réserves de change pour émettre des drachmes. Sans le soutien de la zone euro, le retour à la drachme est impossible. Le pays étant insolvable, de surcroît sur-endetté, aucun pays ne s'aviserait de lui prêter. Aucune chance pour la Grèce de rembourser tant les créanciers qui lui ont prêté attendent de retrouver leurs capitaux. Donc la sortie de la Grèce de l'euro, non seulement n'aura pas de sens, mais elle est quasiment impossible. En supposant même une sortie de la Grèce, la faiblesse de l'économie grecque, en situation de crise, serait telle qu'elle obligerait les institutions européennes et occidentales, i.e. américaine... à la sauver parce qu'elle fait partie de l'Occident. Son exemple, au contraire, poussera les autres pays de la zone euro à faire corps autour de l'euro, donc plus de cohésion. Et c'est la raison pour laquelle le soutien de la Grèce en interne est bien plus avantageux qu'en externe. La Grèce ne pourrait sortir de la zone euro que si la fin de la zone euro est décrétée, ce qui est impossible en regard de la nouvelle configuration du monde. Le cas de la Grèce n'a été mentionné que pour souligner l'extrême importance des réserves de change dans l'équilibre macroéconomique d'un pays. Elles jouent un rôle primordial dans le financement des déficits courants, i.e. avec l'extérieur. Elles soutiennent la monnaie nationale, elles soutiennent les dépenses publiques. C'est le niveau des réserves de change et les anticipations sur le commerce extérieur futur qui permettent de poser les projections des gouvernements en matière de préparation et d'élaboration des lois de finance pour chaque exercice annuel. Tout en n'oubliant pas le service de la dette publique qui doit être prélevé, chaque année, des réserves de change. Plus la dette extérieure d'un État croît plus le service de la dette pèse sur les réserves de change, la balance des paiements et le budget de l'État. *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective - Officier supérieur de l'ANP/FN en retraite Notes : 2. Dette du gouvernement central, total (% du PIB), par la Banque mondiale https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GC.DOD.TOTL.GD.ZS?locations=US https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GC.DOD.TOTL.GD.ZS?locations=XC https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GC.DOD.TOTL.GD.ZS?locations=GB https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GC.DOD.TOTL.GD.ZS?locations=JP 3. Total des réserves (comprend l'or, $ US courants), par la Banque mondiale https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=CN https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=RU https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=SA https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=IN https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=BR https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=ZA https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=DZ 4. «Analyse Réserves de changes. Comment le matelas s'est reconstitué», par L'ECONOMISTE.com. Le 14 novembre 2016 http://www.leconomiste.com/article/1004845-reserves-de-changes 5. «Les réserves de change à 102,4 milliards de dollars à fin septembre 2017», Par APS/Algérie. Le 12 novembre 2017 http://www.aps.dz/economie/65453-les-reserves-de-change-a-102-4-milliards-de-dollars-a-fin-septembre-2017 6. «La Grèce doit quitter», par Nouriel Roubini. Project Syndicate. Le 17 mai 2012 https://www.project-syndicate.org/commentary/greece-must-exit/french 7. «L'article à lire pour comprendre comment la Grèce en est arrivée là», par France Info. Le 9 juillet 2015 https://www.francetvinfo.fr/monde/grece/l-article-a-lire-pour-comprendre-comment-la-grece-en-est-arrivee-la_988001.html |