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Comment
comprendre la chute des cours pétroliers dans le monde ? Que s'est-il passé sur
le plan économique et financier, dans le monde, pour que les cours de pétrole
se retournent, subitement, à partir du second semestre 2014 ? Alors que les
Banques centrales occidentales ont opposé une politique monétaire fortement
contra-cyclique, à la double crise hypothécaire et financière de 2008.
Pourquoi ce retour de manivelle sur les réserves de change des pays émergents et pétroliers qui fondent d'année en année ? Et malgré les formidables injections monétaires, opérées par le système financier occidental, dans le cadre des politiques monétaires non conventionnelles ou, en anglais, «quantitative easing», qui ont un impact considérable sur l'économie occidentale, et par ricochet sur l'économie mondiale, qui reste toujours entre stagnation et transition. La forte expansion monétaire, grâce aux politiques monétaires non conventionnelles des grandes Banques centrales du monde, depuis une décennie, donne de la déflation au lieu de l'inflation. Un véritable mystère. Une déflation dans le monde a des conséquences graves pour l'économie mondiale. La question est pourquoi ? D'autant plus que l'histoire économique du monde ne donne pas un précédent historique qui nous permet de comprendre aujourd'hui la «formidable expansion monétaire sans inflation» dans les grands pays développés. L'approche de Nouriel Roubini sur «Le mystère de l'inflation manquante» ? Dans une tribune publiée par ?Project Syndicate', Nouriel Roubini, docteur en économie et professeur d'économie au Stern School of Business de l'Université de New York, fait une analyse très intéressante sur l'inflation. (1) Il écrit : «Depuis l'été 2012 l'économie mondiale traverse une période d'expansion modérée, avec un taux de croissance qui augmente progressivement. Par contre, au moins dans les pays avancés, ce n'est pas le cas de l'inflation. La question est de savoir pourquoi. Aux USA, en Europe, au Japon et dans d'autres pays développés, l'accélération de la croissance est due à une augmentation de la demande agrégée. Cette dernière est la conséquence de mesures d'expansion monétaire et budgétaire prolongées et d'un retour de la confiance des entreprises et des ménages. Cette confiance est motivée par une baisse des risques financiers et économiques et par la limitation des risques géopolitiques qui jusqu'à présent n'ont guère eu d'impact sur l'économie et les marchés. Une hausse de la demande conduisant à un resserrement du marché du travail et de celui des produits, on pouvait s'attendre à ce que l'accélération récente de la croissance dans les pays avancés s'accompagne d'inflation. Pourtant l'inflation sous-jacente a baissé cette année aux USA et ne parvient pas à décoller en Europe et au Japon. Il en résulte un problème pour les grandes banques centrales - à commencer par la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) - qui essaient de sortir de leur politique monétaire non orthodoxe : elles ont réussi à améliorer la croissance, mais ne parviennent pas encore à leur taux d'inflation cible de 2%. Le mystère d'un taux d'inflation minime alors que la croissance est plus forte pourrait s'expliquer par des chocs d'offre positifs dans les pays développés. Ces chocs prennent différentes formes. Du fait de la mondialisation, produits et services bon marché en provenance de Chine et d'autres pays émergents affluent. En raison de l'affaiblissement des syndicats et du pouvoir de négociation des travailleurs, la courbe de Phillips [qui décrit empiriquement une corrélation négative entre chômage et inflation] est aplatie et le faible niveau du chômage structurel n'entraîne guère de hausse des salaires. Le prix du pétrole et des matières premières est bas, voire en baisse, tandis que l'innovation technologique, en commençant par la révolution d'Internet, réduit le coût des biens et des services. [...] Si les responsables politiques se trompent, en croyant que les chocs d'offre positifs qui limitent l'inflation sont temporaires, normaliser pourrait être une mauvaise stratégie et les mesures non orthodoxes devront être prolongées. Mais on pourrait en tirer la conclusion opposée : si les chocs sont permanents ou plus persistants qu'attendus, il faut normaliser, encore, plus rapidement, car nous avons déjà atteint une «nouvelle normalité» en ce qui concerne l'inflation. C'est le point de vue de la Banque des règlements internationaux (BRI) qui estime que le moment est venu de baisser de 2% à 0%, le taux cible d'inflation - le taux auquel on peut maintenant s'attendre, étant donné le caractère permanent des chocs d'offre. Essayer de parvenir à 2% dans le contexte de ces chocs, avertit la BRI, conduirait à un relâchement monétaire excessif, avec pour conséquence la hausse du prix des actifs à risque et la formation de bulles dangereuses. D'après cette logique, pour éviter une nouvelle crise financière, les banques centrales devraient normaliser plus tôt et plus rapidement leur politique monétaire. Or la plupart des banques centrales des pays avancés ne partagent pas ce point de vue. Elles pensent que s'il y avait une inflation du prix des actifs, elle pourrait être limitée par des mesures macro-prudentielles visant le crédit, plutôt que par des mesures purement monétaires. [...] Aussi, les banques centrales ne veulent pas abandonner leur objectif formel de 2% d'inflation, mais veulent plus de temps pour y parvenir, comme elles l'ont déjà fait à de multiples reprises, reconnaissant ainsi que l'inflation pourrait rester faible plus longtemps qu'initialement prévu. Sinon, il leur faudra prolonger leurs mesures monétaires non orthodoxes, notamment le relâchement monétaire et les taux d'intérêt négatifs ? une stratégie qui ne plait guère à la plupart d'entre elles (à l'exception peut-être de la Banque du Japon). La patience des banques centrales pourrait pousser à la baisse l'attente d'inflation. Mais prolonger, encore longtemps, les mesures monétaires non orthodoxes présente des risques : une inflation du prix des actifs, une croissance excessive du crédit et la formation de bulles. Aussi longtemps que l'on n'est pas sûr des causes de la faiblesse de l'inflation, les banques centrales devront naviguer, entre ces différents risques.» Que peut-on dire de l'analyse de Nouriel Roubini ? Certes, le raisonnement se tient dans les grandes lignes, mais il n'éclaire pas sur les causes véritables de la déflation qu'il qualifie de «manque d'inflation». Et cette précision est très importante. Dans le sens que le mystère sur l'«inflation manquante» doit avoir, certainement, des réponses tout à fait rationnelles, compréhensibles. Pour cause, lorsque des Banques centrales injectent, massivement, des liquidités en monnaie centrale, elles le font d'abord dans une situation de crise, et par leurs émissions de liquidités massives, elles visent à alléger les bilans de leurs systèmes bancaires respectifs du problème que posent les créances hypothécaires insolvable, toxiques. Et cet allègement financier favorise les échanges interbancaires et l'octroi des crédits pour la relance de leurs économies. D'autre part, Nouriel Roubini fait état «des chocs d'offre positifs dans les pays développés qui pourraient expliquer le mystère d'un taux d'inflation minime alors que la croissance est plus forte. Du fait de la mondialisation, produits et services bon marché en provenance de Chine et d'autres pays émergents affluent.» (1) Ce qu'on peut énoncer comme remarque importante, l'affaiblissement de la mondialisation qui est, de plus en plus, ressentie dans le monde. On érige progressivement des barrières protectionnistes en Occident. Par conséquent, les produits et services bon marché en provenance de Chine et d'autres pays émergents affluent, de moins en moins. D'autre part, le prix du pétrole a fortement baissé, il a été pratiquement divisé par deux. L'impact est très important sur l'économie mondiale. Certes il baisse le coût des importations pétrolières des pays industrialisés. Mais, en impactant négativement les revenus des pays exportateurs de pétrole, et donc leurs importations poussées à la baisse, cette situation, du fait de la baisse de la demande mondiale, est préjudiciable à la croissance économique et à l'emploi pour l'Occident et pour le reste du monde. Or, les pays pétroliers, par leur absorption, sont un des moteurs de la croissance économique dans le monde. Pour ce qui est de la corrélation négative de la courbe de Phillips, l'auteur américain la décrit comme «aplatie et le faible niveau du chômage structurel n'entraîne guère de hausse des salaires.» Ce qui signifie une inflation très faible et un faible niveau de chômage structurel. Mais qu'indique la courbe de Phillips d'une manière générale ? Si, sur l'axe des abscisses est porté le taux de chômage, et sur l'axe des ordonnées, est porté le taux d'inflation, il va de soi que si une Banque centrale, par exemple, en période de crise, injecte massivement des liquidités dans le système bancaire, il s'ensuit forcément un regain de croissance. En effet, l'octroi des crédits à l'économie, en dopant l'offre de biens et services, i.e. la production, va pousser à plus d'emplois, et donc à moins de chômage. A son tour, plus d'emploi va pousser à plus de demande de biens et services. La courbe de Phillips ne s'aplatit pas, elle aura tendance à s'élever, moins de chômage. Et plus d'inflation. La courbe de Phillips aura l'allure d'un «L» majuscule. Inversement, la chute des émissions monétaires produit la baisse de l'inflation, due à la hausse du taux d'intérêt et les crédits plus chers, et donc baisse de la demande et de l'offre, et par conséquent, une hausse du chômage. La courbe de Phillips aura l'allure d'un «L couché», le bras court de la lettre se superposant à l'axe des ordonnées, et le bras long à l'axe des abscisses. Ce qu'on a constaté d'ailleurs dans les années 2003 à 2007. Les liquidités injectées par le système bancaire occidental ont provoqué une baisse du chômage et une hausse de l'inflation. Sauf que la hausse excessive du prix de l'immobilier aux États-Unis qui a perdu tout sens de la réalité est devenue le facteur déclenchant de la crise immobilière en 2007, entraînant la crise financière en 2008. De nouveau, une politique contra-cyclique par des injections massives de liquidités pour relancer l'économie. Cependant, si la courbe de Phillips confirme l'impact des émissions monétaires et l'évolution des deux agrégats macroéconomiques, le taux d'inflation et le taux de chômage, comme en font état les cycles économiques passés, les émissions monétaires occidentales, aujourd'hui, font exception à la règle. Elles produisent de la déflation, et la remontée de l'emploi n'est pas régulière, pour tous les pays occidentaux. Certains pays enregistrent une hausse de l'emploi, d'autres, leur situation est plutôt irrégulière, voire négative. Dans l'ensemble, l'économie occidentale est en stagnation, et elle infère sur le reste du monde. Comment comprendre cette stagnation ? Quel sens peut-on donner au «mystère de l'inflation manquante» ? A suivre *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective - Officier supérieur de l'ANP/FN en retraite Note : 1. «Le mystère de l'inflation manquante», par Nouriel Roubini. Le 13 septembre 2017 https://www.project-syndicate.org/commentary/monetary-policy-missing-inflation-by-nouriel-roubini-2017-09/french |