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Mohamed Mebarki se veut rassurant à l'égard de la famille universitaire
en ce début d'une nouvelle année. Il promet aux étudiants de «ne ménager aucun
effort pour continuer à apporter les correctifs et les ajustements à même de
régler les dysfonctionnements qui émaillent le système LMD».
Il rassure aussi les enseignants en leur affirmant qu'il continuera de veiller «à la création de toutes les conditions de facilitation de soutenance de leurs thèses et d'œuvrer à l'élargissement du nombre des revues nationales et internationales pour leur permettre la publication de leurs travaux.» Il a tenu à en donner plus de détails dans cette interview. Le Quotidien d'Oran: L'année 2014 a connu une grande contestation estudiantine liée au LMD (Licence-Master-Doctorat). Pourquoi ce système a-t-il instauré un malaise dans le monde universitaire ? Mohamed Mebarki : Je voudrais préciser que l'année 2014 n'a pas été dans son ensemble caractérisée par des perturbations ou des arrêts de cours pour les étudiants. Mais effectivement, à la fin du mois de novembre, début décembre 2014, nous avons enregistré quelques perturbations aux établissements de l'enseignement supérieur en raison des étudiants qui revendiquaient en particulier la levée d'un certain nombre d'équivoques au sujet de l'insertion des diplômés du LMD dans le monde du travail. Il y avait la question des masters en architecture et leur intégration dans la profession, celle posée par les étudiants en éducation physique, ceux de la formation d'infirmiers à Mostaganem et à Bejaia, et la question du recrutement des diplômés du LMD à l'Education nationale. Mais en général, beaucoup d'entre les problèmes posés étaient liés à l'insertion des diplômés LMD dans le monde du travail. Ils ont été posés exactement à cette période précise parce que c'est cette année-là que les effectifs des sortants du système LMD sont en nombre important. La généralisation de ce système a été faite depuis 2009 même s'il a été mis en place bien avant (2004). C'est donc maintenant qu'il y a les premières grandes promotions. Les étudiants qui sont dans la première ou la seconde phase du LMD, voyant les difficultés que vivent leurs collègues diplômés à propos de leur insertion dans le monde du travail, ont posé tout naturellement ce problème. Ce n'est pas lié à une absence de prise en charge de cette question ni de l'organisation de la relation diplômé universitaire-monde du travail, mais parce que la question est nouvelle. Elle l'est tout autant pour les recruteurs (Fonction publique, entreprises?). Il faut noter que la Fonction publique a déjà recruté des diplômés du LMD. Néanmoins, il y a avait un certain nombre de réglages à apporter et de problèmes à régler pour que les choses deviennent plus claires. En ce sens, une des premières mesures prises, c'est une circulaire du 1erministre qui instruisait tous les secteurs d'activités de tenir compte de cette nouveauté et précisait que les diplômes officiels de l'Etat algérien sont issus du système LMD. Par conséquent, il fallait faire un effort d'organisation et d'ajustements entre les statuts dans les différents secteurs et ces diplômes. Le Quotidien d'Oran : Y aurait-il une inadéquation de niveau entre ces nouveaux diplômés et celui de l'administration algérienne qui, lui, serait obsolète? M.Mebarki: C'est une question d'adaptation des textes. Par exemple, en architecture le nouveau diplôme algérien s'appelle master en architecture, mais avant, il y avait le diplôme d'architecte. Il y avait donc des textes propres à l'organisation de cette profession qui relèvent du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, et de l'ordre des architectes. Des textes qui, aujourd'hui, sont quelque peu en décalage. Par exemple, le décret exécutif 98-153 qui n'a pas été changé ne peut être adapté au diplôme LMD, parce que, dans ses dispositions, il ne parle que du diplômé d'architecture (un diplôme classique). Nous avons corrigé cette disposition avec le ministère de l'Habitat en lui ajoutant les diplômes LMD. Autre exemple, à la Fonction publique, il y a des licences en éducation physique qui s'appellent dans la nomenclature «licences de sports». Ce sont ce genre d'appellations, auxquelles nous n'avons pas fait attention, qui ont posé problème. Une commission est à pied d'œuvre au ministère qui travaille par domaines à uniformiser les dénominations des diplômes de même nature. Le Quotidien d'Oran: L'application du système LMD étant une décision politique, n'aurait-elle pas été improvisée ? Ne fallait-il pas commencer par ces ajustements des textes en vigueur avant d'en faire un système pédagogique ? M. Mebarki : Je ne sais pas à quoi faites-vous allusion lorsque vous dites que l'application du LMD est une décision politique. Sinon tout est politique?Le LMD a été adopté un peu partout dans le monde. L'Algérie l'a fait pour répondre à un certain nombre d'objectifs. On voulait, en premier, réduire les déperditions que nous enregistrions dans l'enseignement supérieur. Des déperditions qui se comptaient par milliers. Beaucoup d'étudiants intégraient l'université, séjournaient pendant deux, trois ans parfois, réussissaient, mais pour une raison ou une autre quittaient l'université sans aucun diplôme. Ce qui expliquait en partie cet abandon, c'est que les cursus pour l'obtention d'un diplôme étaient longs. Le second constat est que dans le système classique, l'enseignement supérieur était trop académique. Il fallait qu'au moins une partie de cet enseignement réponde aux besoins de l'économie, de l'entreprise et du développement du pays. Le LMD, de part le monde, a amené ce type de formation de caractère professionnalisant qui prend en charge ce côté important du rôle de l'université. Rôle d'encadrement économique et social d'un pays en parallèle de l'enseignement académique pour élever le niveau scientifique et culturel moyen du citoyen. Je suis d'accord avec vous que la préparation des conditions de départ pour lancer ce système n'étaient pas toutes réunies. En particulier, nous n'avons pas associé suffisamment les enseignants du supérieur qui, pour la plupart, ne se sentaient pas concernés par cette forme d'enseignement et ne l'ont pas portée comme il se doit. Le Quotidien d'Oran: En avaient-ils les moyens pédagogiques ou de formation pour le faire? M. Mebarki : Bien sûr ! Nous avons toujours les moyens. Le système LMD est une architecture de diplômes qui n'exigent pas une révolution dans la science parce que la science c'est la science. Sur le plan intellectuel, scientifique, académique, les enseignants universitaires algériens ont tout à fait les compétences pour mener à bien ce travail. Il est possible qu'au plan du nombre et du grade, nous n'avons pas tout ce qu'il faut parce que le système LMD exige beaucoup d'enseignants de part son organisation et son architecture. Peut-être qu'à cette époque, l'université algérienne n'en avait pas en nombre suffisant. Autre problème lié à ce système et qui est à mon avis beaucoup plus important, le LMD a réussi dans des pays développés sur la plan économique et industriel parce qu'une grande partie de ses diplômes est de type professionnalisant afin de répondre aux besoins de développement de l'économie. Chez nous, pour appliquer ce genre de formation, il fallait l'adosser à l'entreprise et à l'industrie. Mais, comme chacun sait, l'environnement économique et national n'est pas forcément au même niveau que celui des pays occidentaux. Le Quotidien d'Oran: En attendant que cette jonction entre le monde universitaire et le monde économique devienne effective, est-ce qu'aujourd'hui, les étudiants commencent par le L, vont au M et terminent jusqu'au D ou alors, quittent-ils avant comme c'était le cas dans le système classique ? M. Mebarki : L'évaluation de ce système n'a pas été faite de façon systématique. Mais certains établissements l'ont faite. Et dans au moins deux ou trois d'entre eux nous avons remarqué que le séjour moyen d'un étudiant pour faire une licence de trois ans était de quatre ans. Il y a aussi des études qui ont été faites dans certaines universités et qui ont démontré que le taux d'abandon des études considéré comme un départ définitif et donc un non retour dans les examens suivants a été estimé entre 9 et 15%. Et la majorité des abandons étaient dès la première année. Ce qui diffère des anciennes licences classiques où le taux d'abandon a été évalué de manière un peu plus importante et qui se faisait un peu plus tard, c'est-à-dire qu'il y avait des déperditions parce que les études étaient longues. Le Quotidien d'Oran: Prévoyez-vous d'autres ajustements et correctifs pour rendre le système LMD plus efficace et plus approprié au contexte national ? M. Mebarki : Nous sommes en train d'approfondir ce système et surtout en train de le corriger. Il y a une évaluation qui se fait régulièrement. Au niveau des établissements du ministère, dans chaque domaine, il y a une commission d'évaluation qui travaille tous les jours et qui repère les dysfonctionnements du système et les corrige. Ceci pour pouvoir un jour, dans un avenir très proche, évaluer le système dans son ensemble. Je dois signaler que jusqu'à cette année, il y a deux systèmes parallèles dans l'enseignement universitaire, le classique et le LMD. Ce n'est qu'en septembre 2014 que nous avons arrêté les inscriptions en licence classique. C'est un provisoire qui a duré quand même plus de dix ans. Les deux systèmes ont cohabité pendant longtemps. C'est donc difficile d'évaluer celui du LMD à part. C'est pour cela que je dis que l'heure est à l'approfondissement, à l'évaluation continue et à la correction de ces dysfonctionnements. Le Quotidien d'Oran: En dehors de l'adaptation des statuts de la Fonction publique, à quel niveau devraient être apportés les premiers correctifs, à celui de la formation des enseignants, des programmes ou des méthodes d'enseignement ? M. Mebarki : Le premier constat qui a été fait est qu'il y avait beaucoup de disparités dans les programmes pour un nombre extrêmement élevé de licences. Presque tous les enseignants de grade de professeur ont eu, chacun selon sa spécialité, à assurer des cours différents pour une licence différente. Ce qui n'est pas l'objectif recherché parce que n'importe quel pédagogue peut vous dire que les premières années après le bac sont des enseignements fondamentaux et non pas de spécialisation. Nous avons donc commencé par mettre des socles communs d'au moins deux ans pour toutes les licences. Deux années qui doivent être identiques et que ce n'est qu'à la troisième année qu'on laisse la liberté à une option à l'étudiant pour qu'il commence à préparer le master. Le deuxième correctif : pour les mêmes programmes, les mêmes contenus, les mêmes profils de licence, les appellations étaient différentes comme je l'ai signalé tout au début. Nous avons uniformisé ces appellations, ce qui participe à lever les équivoques une fois que l'étudiant porteur de ce diplôme est en face du monde du travail pour son recrutement. Ce sont des corrections qui sont apportées tous les jours pour donner au système LMD sa véritable portée et dimension. Le Quotidien d'Oran: Vous avez évoqué le manque d'encadrement au début de l'entrée en vigueur du LMD. Mais qu'en est-il de la formation des enseignants lorsqu'on doute parfois de leur compétence ? M. Mebarki: La formation d'un enseignant de l'université en Algérie se fait exactement comme elle se fait dans tous les pays du monde. Elle se fait essentiellement par la recherche et par les soutenances de magisters, de doctorat? La formation à la pédagogie et à l'enseignement de disciplines n'a pas jusque-là constitué une priorité. Elle est prise en charge dans beaucoup de pays développés. Chez nous, ce n'est pas le cas. Mais sur le plan académique, en matière de compétences scientifiques et pour assurer des cours de qualité à l'université, nos enseignants sont tout à fait capables de le faire. Maintenant, sur le plan du nombre, nous enregistrons cette année 51.000 enseignants pour quelque 1,330 million d'étudiants. Ce qui nous donne un enseignant pour à peu près 22 étudiants. C'est un taux tout à fait acceptable comparé à des pays de même niveau de développement que l'Algérie. Seulement dans ces 51.000 enseignants, il y a effectivement quelques petits problèmes puisqu'on a à peine 30% de maîtres de conférence et à peine 20% qui sont des professeurs. Tout le reste, ce sont des maîtres assistants et des assistants. La pyramide dans les grades est donc un peu faussée chez nous. Il va falloir, -et ceci vient avec le temps, avec la formation par la recherche, la formation et la production scientifiques, pédagogiques -, faciliter le déroulement de la carrière de l'enseignant pour arriver à un encadrement de rang magistral beaucoup plus important. Le Quotidien d'Oran: Qui évalue l'enseignant à l'université ? Quelle est l'autorité capable et habilitée à le faire ? M.Mebarki: A l'université, nous avons affaire à des adultes, à des étudiants qui doivent participer et contribuer à leur propre formation. L'enseignant n'est pas là, comme pour le moyen ou le lycée où ni la pédagogie ni les objectifs ne sont les mêmes, pour donner toute la science et le savoir à son élève. Son rôle est d'amener l'étudiant à participer à sa formation et de l'orienter. Ceci étant, l'évaluation de l'enseignant de l'université n'est pas absente. Elle se fait par les différents conseils scientifiques, comités pédagogiques et conseil régionaux qui sont des structures officielles dans tous les départements et toutes les facultés du pays. Le Quotidien d'Oran: L'évaluation par ces structures est jugée quelque fois subjective par des enseignants eux-mêmes. Ne serait-il pas nécessaire de revoir leurs critères ? M. Mebarki : Le concept d'évaluation n'est pas totalement absent mais il a été jusque-là négligé. Il y a des pays comme le Canada, où l'évaluation se fait à tous les niveaux et d'une manière systématique. L'évaluation de l'enseignant se fait par exemple dans ce pays par ses propres étudiants. C'est une évaluation scientifique qui est totalement acceptée. En Algérie, nous sommes en train d'introduire cette notion de qualité de l'enseignement et cette conception de l'évaluation qu'il faut organiser à l'intérieur de l'université. Il est vrai que le développement de la carrière de l'enseignant se faisait par la production scientifique au niveau de la recherche. Avec l'accord des enseignants et leurs représentants syndicaux, nous avons décidé que dorénavant, la carrière de l'enseignant et sa promotion d'un grade vers un autre ne se feront plus uniquement que par la production scientifique, et par la recherche, mais également par la production pédagogique, en l'occurrence, la production de manuels, de polycopiés, le montage de travaux pratiques, le travail de stages en entreprise... Ce côté pédagogique va dorénavant prévaloir dans le développement de la carrière et la promotion de l'enseignant au même titre que celui scientifique. Je reconnais que s'il y a une faiblesse dans la promotion ou la gradation des enseignants, c'est parce qu'ils rencontrent des problèmes d'organisation pour soutenir leur doctorat, leur magister, leur habilitation à diriger des recherches ou des thèses. Ce sont des difficultés que nous sommes en train de lever. Pour soutenir un doctorat par exemple, il faut au moins une publication originale dans une revue indexée, reconnue au niveau international. En Algérie, il n'y a pas suffisamment de revues de ce niveau. Il en existe deux ou trois, mais nous sommes en train de faire en sorte qu'il y ait beaucoup plus. Les scientifiques algériens, ceux qui préparent des thèses doivent pouvoir publier leurs travaux originaux en Algérie. Nous sommes également en train d'uniformiser les revues existantes parce qu'une revue internationale est reconnue par un établissement, mais peut ne pas l'être par d'autres. Dés qu'une revue est reconnue par un conseil scientifique d'un établissement, il faut qu'elle le soit par tous les autres. Ceci pour donner plus de possibilités et de facilitations aux chercheurs, à ceux qui veulent publier, de trouver soit au niveau national ou celui international, des revues de niveau pour le faire. Nous avons pris cette disposition à la demande des syndicats et des enseignants eux-mêmes parce que c'était une difficulté réelle. Nous sommes en train de faciliter l'accès à la publication dans des revues internationales et non l'inverse. Nous avons mis en place une commission nationale pour faciliter ce travail de publication aux chercheurs. Malheureusement, nous avons des échos inverses et des interprétations complètement erronées pour dire que ce sont les exigences scientifiques qui sont en train de changer et qu'on est en train de compliquer et non pas de faciliter. C'est complètement faux. Nous sommes en train de travailler à ce qu'il y ait plus de revues nationales habilitées à recevoir des publications originales et reconnues et nous sommes en train de généraliser les revues internationales reconnues par un établissement pour les faire reconnaitre par tous les autres. Autre facilitation à ceux qui préparent leur doctorat et pour leur permettre d'aller vite, l'utilisation des moyens qui sont donnés à la formation à l'étranger. Jusque-là, je reconnais que dans beaucoup d'établissements, c'est un peu l'anarchie. Les formations à l'étranger ne bénéficient pas toujours à ceux qui les méritent. Nous veillions à partir du ministère, à ce que cette mentalité change. C'est pourquoi nous avons fait un texte pour dire qu'il faut organiser ces formations à l'étranger, pour qu'elles soient essentiellement destinées à ceux qui préparent des thèses en vue de leur permettre d'aller vite et bien dans leur travail. Nous avons constaté que la préparation d'une thèse peut aller jusqu'à 6 ou 7 ans. Ce n'est pas normal. Les conseils scientifiques doivent travailler à améliorer cette performance. Troisième facilitation, l'amélioration de la relation entre l'encadreur et le candidat à la soutenance qui est souvent lui aussi enseignant, et la relation entre le doctorant et son conseil scientifique. Souvent, le doctorant termine sa thèse et la publie, mais il doit attendre des mois, voire des années pour que son encadreur donne son accord et le conseil scientifique lui décide de la date de sa soutenance et lui désigne un jury. Toute cette attente est une période de retard pour la carrière de l'enseignant, mais aussi un désavantage et des inconvénients pour le fonctionnement de l'université. Pour mettre fin à tout cela, nous avons élaboré une espèce de charte qui est prête, il faut que toutes les parties s'accordent à la respecter pour faciliter les soutenances de thèses. En fait, ce sont des dysfonctionnements et des mauvaises habitudes qui se sont installées sans qu'il y ait de réaction pour qu'ils soient pris en charge. Il faut que chacun prenne ses responsabilités dans la transparence. Le Quotidien d'Oran: Qu'en est-il de l'évaluation du reste, de tout ce qui fait l'université ? M. Mebarki: Nous avons introduit l'évaluation des programmes, de l'apprentissage, de la gouvernance, de la recherche. Toutes ces formes d'évaluation se font par des commissions qui sont mises en place. Les conseils scientifiques évaluent les profils de formation. Ces évaluations se font surtout depuis la réforme du système LMD. Le Quotidien d'Oran : Quel est le rôle de la commission universitaire nationale ? M. Mebarki: Il y a deux commissions, une régionale et une autre nationale. L'habilitation d'un programme par la commission nationale se fait en présence des secteurs économiques. Dans cet espace, ces secteurs ont la liberté de formuler leurs besoins en matière de profils de formation. C'est cet espace que nous tendons à développer pour qu'il y ait une meilleure concertation, un meilleur rapprochement entre ces parties. Le Quotidien d'Oran : Les hospitalo-universitaires semblent constituer un monde à part dans cette réforme. Leurs concours posent toujours problème. Qu'elles en sont les raisons ? M. Mebarki : Il faut dire que les hospitalo-universitaires se sont organisés un peu avant toutes les autres disciplines pour ce qui concerne cette question de promotion et de gradation. Ils ont des commissions et des jurys à tous les niveaux pour les organiser. En 2014, nous avons eu quelque trois ou quatre concours. Dans le fond, nous n'avons enregistré aucune réclamation importante qui remet en cause la viabilité et l'honnêteté du travail effectué par les jurys. En septembre dernier, il y a eu le concours de résidanat. Chaque année, ce concours posait d'énormes problèmes. Mais en 2014, personne n'a réclamé quoi que ce soit parce que nous avons pris nos précautions pour tout uniformiser, le jour de sa tenue, le travail des jurys, le logiciel de correction, une correction immédiate, des sujets tirés au sort le matin même et des résultats immédiats. Donc, zéro réclamation. Nous sommes en train d'organiser le concours de maître-assistant, il est presque fini, pour l'instant aucune réclamation. Nous avons organisé le concours de professeurs, pas de réclamation non plus. Nous avons organisé le concours de chef de service, il y a eu des problèmes qui ont été soulevés mais nous n'avons tenu compte d'aucune réclamation parce que le concours a été préparé deux ans avant, la grille des critères a été discutée par tout le monde, les syndicats, les hospitalo-universitaires eux-mêmes et définie par un arrêté interministériel deux ans avant le concours. Tout était donc connu à l'avance. Les candidats avaient préparé leur dossier sur la base de cette grille. Aucune réclamation n'a été émise avant le concours. La remise en cause de la grille ne pouvait plus dans ce cas, se faire après les résultats. Le Quotidien d'Oran : Beaucoup de candidats ont remis en cause l'interférence des syndicats dans la préparation de ce concours ? M. Mebarki : Ce ne sont pas les syndicats qui ont organisé le concours. Il l'a été par les administrations des deux ministères (enseignement supérieur et santé). Les syndicats tout autant que les enseignants hospitalo-universitaires qui ne sont pas dans les syndicats, ont participé à la définition de cette grille, c'est leur rôle et leur travail, ils ont fait des propositions comme tout le monde. Mais la grille qui a été arrêtée en 2012 n'est ni celle du ministère, ni celle des syndicats, ni celle d'un lobby d'enseignants. C'est une synthèse qui a été acceptée par tout le monde et qui a fait l'objet d'un arrêté interministériel. Remettre en cause les critères en 2014 alors qu'ils ont été arrêtés en 2012, n'est pas accepté. Il fallait le faire avant le concours. Ceci étant, je reconnais que certains critères ne sont pas justes. Le Quotidien d'Oran : Envisagez-vous de réviser cette grille ? M. Mebarki: Elle va être révisée sur la base de toutes les réclamations et le travail qui a été fait. Nous avons demandé aux présidents des jurys de nous faire part de toutes les remarques qui ont été faites. Il y a aussi une conférence des doyens de facs de médecine qui est en train de plancher sur ce qui a été fait. Et avant d'organiser ce concours de chefferie de services, on établira une nouvelle grille en associant tout le monde. Le Quotidien d'Oran : Il est reproché aux deux ministères de ne pas fixer une périodicité précise à ce concours, on dirait que c'est fait comme ça ? M. Mebarki: Justement, ça été fait comme ça. Le concours de la chefferie de service n'a pas été organisé depuis dix ans ! Et quand il l'a été en 2014 sur la base de critères qu'eux ont choisi, il a été remis en cause. Désormais, ça ne peut plus se passer comme ça. Je tiens à dire que dans ce concours, personne n'a été recalé, mais comme il y a des CHU qui ont été ouverts dans le sud du pays, personne n'a voulu y aller. Le Quotidien d'Oran : Est- ce que vous appliquez la circulaire du 1er ministre qui oblige les cadres à aller à la retraite à 60 ans y compris chez les hospitalo-universitaires ? M. Mebarki: Dans notre secteur, il y a une disposition spécifique qui permet au corps enseignant d'aller au-delà de 60 ans pour des besoins précis d'encadrement. Dans beaucoup de spécialités et de disciplines, ce besoin d'encadrement continue d'exister. Nous sommes en train de réfléchir à quel âge, des enseignants qui n'ont pas de charge pédagogique pourront-ils aller à la retraite même s'ils devront être contractualisés en cas de besoin. Le Quotidien d'Oran : La création d'universités à travers le territoire national n'a-t-elle pas cassé une dynamique d'échanges interculturels entre les jeunes algériens ? M. Mebarki: La politique nationale de l'enseignement supérieur est basée sur un principe fondamental qui est celui d'accorder une place pédagogique à l'université à chaque Algérien ayant obtenu le bac. La deuxième orientation politique de notre État, c'est de faciliter le service public dans l'enseignement supérieur. C'est ainsi qu'a été développé le réseau universitaire à travers le territoire national. Toutes les wilayas ont aujourd'hui au moins un centre universitaire. Il y a des avantages et des inconvénients. Les avantages, ce réseau permet à tous les Algériens d'accéder à l'enseignement supérieur, surtout aux filles. L'implantation de toutes ces universités est un avantage certain pour elles. Parmi les inconvénients, celui de l'encadrement. Il y a des déficits en professeurs de grade dans certaines disciplines même dans les grandes villes. Pour parer à cette question, nous n'avons pas développé toutes les spécialités dans ces universités. Nous avons fait en sorte de développer que des spécialités qui peuvent être prises en charge, qui correspondent un peu à l'environnement de la wilaya et qu'on peut encadrer sans grands problèmes. En parallèle, il y a une politique de développement de l'excellence. Il y a des écoles de formation qui sont ouvertes en rapport avec l'environnement socio-économique. Ces écoles sont nationales et reçoivent les étudiants de tout le pays comme c'est le cas de l'institut des hydrocarbures à Boumerdes. Il y a aussi les grandes écoles qui reçoivent les meilleurs étudiants de tout le territoire national. Le Quotidien d'Oran: Les œuvres universitaires suivent-elles aussi ce développement ? M. Mebarki : Nous avons développé bien entendu les œuvres universitaires en transport, en hébergement, en restauration. Nous avons quelque 650 000 lits à travers le pays, c'est-à-dire de quoi loger un étudiant sur deux en comptant 1,3 million d'étudiants. Ce sont des possibilités importantes. Avec le développement du réseau universitaire à travers le pays, il y a moins de demandes et moins de pressions dans les cités universitaires. On compte à peine 37% des étudiants qui demandent à être hébergés. Le Quotidien d'Oran : Beaucoup d'étudiants demandent quels sont les critères pour bénéficier d'une bourse à l'étranger ? M. Mebarki : L'Algérie n'envoie plus à l'étranger pour des formations de graduation depuis longtemps. Ça a été limité à des spécialités et disciplines soit qui n'existent pas en Algérie ou sont insuffisamment développés, mais dont elle a besoin. Les choses ont beaucoup changé. La formation à l'étranger concerne les étudiants majors en graduation, et sur concours dans certaines disciplines. Pour cette année, il y a eu pour ceux qui ont terminé leur licence et ont été major de promo dans les mathématiques, l'informatique, les langues et littératures étrangères. C'est donc une réduction drastique du nombre. La formation à l'étranger bénéficie aussi aux enseignants doctorants quand ils sont à la fin de leur thèse. Ils peuvent avoir 18 mois de formation. Ce sont les conseils scientifiques qui décident de leur envoi. Il y a par contre, beaucoup de programmes internationaux auxquels adhèrent beaucoup d'universités algériennes. Il y a les programmes Erasmus Main dus, aujourd'hui Erasmus plus, ils existent pour toutes les filières, c'est à la portée de tous les étudiants. Ils peuvent faire des démarches personnelles qui sont appuyées par les universités dans le cadre des conventions internationales. Ils n'ont qu'à s'impliquer dans les réseaux internationaux. Le Quotidien d'Oran: Le classement de l'université algérienne à l'international est une question classique presque inévitable... M. Mebarki: On ne va donc pas s'étaler sur, mais je tiens à faire savoir que nous sommes classés 48ème au niveau mondial en productions scientifiques en sciences médiales, et 39ème au niveau mondial en recherches en sciences des matériaux. Ce sont des choses mesurables et vérifiables. C'est une performance intéressante, ce n'est pas rien. Mais personne n'en parle. Dommage... |