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1ère partie
L'emploi constitue à la fois un instrument de croissance et de protection sociale, et devrait se trouver au centre des préoccupations des autorités publiques. Or, au-delà des promesses et des actions ponctuelles, une stratégie inclusive et maitrisée n'existe pas encore en Algérie. Notre proposition d'agenda de réformes se veut globale afin detrouver un équilibre entre diverses tensions, notamment entre l'offre et la demande detravail, les attentes des entreprises et celles des travailleurs, entre ceux qui recherchent untravail et ceux qui en ont un, et entre les exigences du secteur formel et celles de l'informel. L'expérience internationale rappelle que la mise en œuvre de cet agenda requiert les moyens de son ambition, à savoir un ancrage institutionnel fort et des sources de financement stables de la part du budget de l'Etat, des partenaires au développement et du secteur privé. CONTEXTE ET ENJEU Promouvoir l'emploi est une promesse faite par presque tous les politiciens de la planète En Algérie, cette promotion apparait des plus urgentes quand on voit de jeunes commerçantsqui survivent grâce aux combines et à l'informel dans les rues de nos villes, qui attendent leur prochainemploi saisonnier. Ce désarroi se perçoit plus globalement par le constat qu'un nombre important de jeunes se trouve en quête d'un emploi ou est sous-occupé, et lorsqu'il travaille, il ne gagne que l'équivalent d'un salaire misérable par mois. Enfin, on comprendra à quel point la situation devient préoccupante quand on saura que de milliers de jeunes arriventchaque année sur le marché de l'emploi. Or, il n'existe pas encore une stratégie de l'emploi inclusive de la part des autorités. Celles?ci préfèrent réagir ponctuellement aux pressions sociales et économiques, avec par exemple des effets d'annonce concernant les travaux publics à haute intensité de maind'œuvre ou les emplois d'attentes. Cette défaillance nuit non seulement à l'émergence de l'emploi décent, dans le sens où il puisse permettre aux travailleurs d'émerger de la pauvreté, mais elle présente également unesource de tensions entre une minorité de privilégiés (ceux qui ont un travail décent etrémunérateur) et tous les autres. La promotion de l'emploi présente un double enjeu pour le pays Premièrement, l'enjeu économique car le travail est le moteur de croissance de l'économieprivée du fait de son abondance et des salaires compétitifs. Ce n'est pas un hasard si lessecteurs les plus dynamiques ? ceux qui attirent les investisseurs locaux et étrangers - sont letourisme, le textile et la construction tous intensifs en main d'œuvre (exception faite du secteuragricole, qui continue à croître moins vite que le reste de l'économie). Au niveaumicroéconomique, la valorisation du facteur travail pour une entreprise qui opère dans le secteur textile compte pour 3 fois le poids de sa facture en électricité. Toutefois, sans une main d'œuvre qualifiée et productive, une entreprise ne fait preuve d'aucune compétitivité et ne peut donc paspleinement contribuer à l'émergence d'une croissance économique accélérée en Algérie. Deuxièmement, l'enjeu social car l'emploi constitue le meilleur moyen pour les ménages algériens d'émerger de la pauvreté. Les enquêtes auprès des ménages rappellent que lemaintien du pouvoir d'achat par un emploi stable et rémunérateur demeure leur première priorité, bien avant les aides publiques ou l'accès à des biens sociaux. Pour un ménage démuni, l'accès àl'éducation n'a de sens qui si celui-ci lui permet de mieux vivre, c'est-à-dire d'obtenir unmeilleur emploi et un salaire plus intéressant. Il convient de souligner que cet objectif deprotection sociale par le travail ne répond pas uniquement à un souci d'équité. Il constitue aussiun élément prépondérant de la stratégie de la croissance accélérée. En effet, des travailleurs plusqualifiés et mieux protégés deviendront automatiquement plus productifs, ce qui permettra auxentreprises locales et nationales de devenir plus compétitives et de s'étendre, notamment sur les marchésinternationaux, pour finalement embaucher plus de travailleurs. L'émergence de ce cercle vertueux devrait permettre à l'Algérie de réussir son pari d'émergence économique et de réduction de la pauvreté. Les contraintes au développement du marché du travail Les contraintes qui nuisent au développement du marché du travail concernent tant lademande de la part des entreprises que sur la qualité de la main d'œuvre. Au risque deschématiser, mais avec l'idée d'aboutir à des propositions concrètes de réformes qui doivent s'exerceractuellement Algérie. L'insuffisance de la demande de travail de la part des entreprises. Bien souvent, il est invoquéque la faiblesse de la création d'emplois trouve son origine dans le manque de croissance desentreprises et que, dans ces conditions, l'accent doit être mis sur l'amélioration du climat desaffaires. La politique de relance de l'emploi est privilégiée via l'encouragement à la créationd'entreprises, y compris des PME et des micro-entreprises ainsi que l'auto-emploi dans le secteuragricole qui représentent les principales sources d'emploi, à travers l'allègement des contraintes administratives qui nuisent à leur création et à leur extension et l'accès au financement. Cetteapproche est correcte mais réductrice car même les secteurs qui ont bénéficié d'une croissancerelativement forte en Algérie au cours de ces dernières années n'ont contribué quemarginalement à la création d'emplois. En fait, les entreprises dynamiques ont souvent préféréfavoriser les investissements dans les autres facteurs de production, notamment les biens encapitaux (machines). Si une entreprise embauche un travailleur, c'est parce qu'il va lui rapporterplus qu'il ne lui coûte ou qu'elle n'a pas la possibilité de le remplacer par un autre facteur deproduction plus rentable. Or, les données montrent que si les salaires pratiqués sont compétitifs, les travailleurs ne ressortent plus du lot en termes decoûts par unité produite en raison de leur faible productivité. Cette comparaison met en avant lebesoin d'améliorer la productivité du travail pour continuer à attirer des entreprises étrangères età développer des entreprises locales tout en promouvant la création d'emplois. La faiblesse des compétences. La faible productivité du travail est d'abord liée au manque de qualification de la main-d'œuvre (on ne parle pas de diplôme) Pourquoi les jeunes abandonnent-ils leurs études ? La première raison tient au fait que lesétudes pèsent lourd dans les budgets familiaux. Ce coût doit se mesurer non seulement dans lecoût direct des livres mais également en termes de coût d'opportunité car il est possible degagner (un peu) d'argent en n'allant pas à l'école, surtout dans les campagnes où plus de lamoitié des enfants âgés entre 10 et 14 ans déclarent travailler de temps en temps. Ce calcul, peutêtrefaussé par l'appât du gain à court terme, est souvent celui de familles qui se trouvent à lalimite de la pauvreté et pour lesquelles chaque dinar supplémentaire compte. La solution seraitdonc de subventionner ces familles dans le besoin. L'utilisation de bons, quiseraient distribués séquentiellement quand les enfants sont inscrits à l'école puis quand leursrésultats scolaires sont acquis, permettraient aux familles de relâcher leur contrainte financièretout en les motivant directement et en assurant un contrôle sur leur utilisation de ces fonds. Desrésultats probants ont déjà été atteints au Mexique et au Brésil en suivant cette approche. Ladistribution de kits scolaires et de repas gratuits, déjà pratiqués ailleurs, s'inscrit dans cette même logique. Il serait cependant illusoire de voir l'unique explication des abandons scolaires dans le coûtassocié aux études. Si les jeunes n'investissent pas autant dans l'éducation, c'est que celle-ci ne leur rapporte pas énormément de gains financiers comme cela est évoqué pour beaucoup de demandeurs d'emploi. Accroître le taux de rendement de l'éducation post-primaire devient donc prioritaire afinque les familles envoient leurs enfants à l'école, cette stratégie va toutefois prendre du temps. A court terme, nous y reviendronsplus loin dans le texte, l'urgence consiste aussi à d'assister ceux qui sont sortis prématurément dusystème scolaire par des mécanismes parallèles, comme par la reconnaissance des apprentissagestraditionnels, en particulier dans le monde rural où la large majorité des jeunes demeurent dansl'informel. L'inaptitude au monde du travail Au-delà du déficit chronique de qualification de la maind'œuvre, la faible productivité du travail en Algérie trouve également son origine dansl'inadéquation entre l'offre et la demande de travail, due à un cursus scolaire inadapté, auxexigences des entreprises. En outre, la formation continue et professionnelle ne restequ'embryonnaire, alors qu'elle est essentielle pour assurer l'adaptation des travailleurs aux exigences du monde du travail. La formation ne s'arrête pas à la sortie de l'école et doit sepoursuivre tout au long de la vie professionnelle. Malheureusement, la formation continue coûtecher, notamment pour les PME et les entreprises ainsi que pour les travailleurs opérant dansl'informel, qui ne disposent pas des moyens financiers et humains pour former leurs employés. La création de partenariats entre les secteurs privés et public doit voir le jour à travers quelques initiatives ponctuelles et qui répondent au mieux aux problèmes de qualification ou de formation emploi. Le manque de mobilité des travailleurs à cause d'une réglementation excessive Les freins à lamobilité des travailleurs nuisent à leur allocation optimale, ce qui engendre des pertes deproductivité. Non seulement les chercheurs d'emplois ne se déplacent pas vers les posteséventuels, mais aussi la faible « rotation » à l'intérieur des entreprises formelles empêche unrenouvellement naturel, notamment par l'incorporation des jeunes. La cause de ce frein à lamobilité se trouve souvent dans la réglementation excessive du travail, qui impose des conditions très favorables à pour une minorité de privilégiés ayant réussi à obtenir un emploi formel audétriment de la majorité de travailleurs qui sont encore à la recherche d'un emploi formel. Le coût à l'entrée, plus élevéque les normes internationales, décourage l'embauche de la part des entreprises dynamiques et même, provoque la réticence de certains travailleurs à passer dans le formel car les coûts dupassage dépassent les gains qu'ils peuvent en espérer (les prélèvements sociaux sont supérieurs aux prestations futures). Il faut toutefois reconnaître que le manque de flexibilité de lalégislation du travail provient plus du caractère incomplet du cadre légal et de sonapplication que du Code proprement dit. Aujourd'hui, le principal problème réside dansl'absence de nombreux textes d'application qui rendent l'interprétation du Code difficile etimprévisible. Le manque d'appui aux chercheurs d'emploi L'accès à un travail ne s'avère guère aisé car lestravailleurs potentiels se trouvent confrontés à de nombreux obstacles. L'information n'est pastoujours disponible et le manque d'expérience ainsi que de moyens financiers représente desfreins rencontrés fréquemment par les jeunes à la recherche d'un premier emploi. Dans ces conditions, le soutien du Gouvernement devrait être développé, comme cela est pratiqué dans plusieurs pays qui consacrent en moyenne plus de 1% de leur revenu national au financement de programmes de promotion de l'emploi (ce pourcentage atteint même 2% dans des pays comme la Suède ou la Finlande). La politique de la promotion de l'emploi reste limitée avec quelquesinitiatives ponctuelles visant à promouvoir l'auto-emploi par des programmes demicrocrédits en milieu urbain mais qui restent virtuellement absents dans les campagnesoù pourtant le besoin se fait cruellement sentir. CE CONSTAT REFLETE : (1) des dépenses de fonctionnement excessives ; (2) un manque de coordination entre cesprogrammes qui ciblent presque les même bénéficiaires et (3) la quasi-absence de suivi etd'évaluation indépendante qui permettrait d'identifier les déficiences et de les corrigerau fil du temps. Ce dernier déficit nuit non seulement à l'efficacité de ces programmes mais aussià leur bonne gouvernance, ce qui engendre un cercle vicieux qui va à l'encontre de leurextension. En effet, si ces programmes ne peuvent pas garantir qu'ils sont bien gérés et que leursrésultats sont fiables, il devient alors difficile de mobiliser le budget national, ce qui limite leur portée. Des conditions indignes sur le lieu de travail Enfin, la productivité des travailleurs dépendégalement des conditions régnant sur leur lieu de travail. Celles-ci incluent les conditionssanitaires et d'hygiène qui, par ricochet, influent sur l'état de santé des employés. Les insuffisances dans l'environnement socialau sein de l'entreprise et dans la filière réduisent la productivité du secteur privé car la présenced'un dialogue sain et transparent aide les employés à s'investir davantage dans leur travail, àcoopérer et à se former. LES ELEMENTS POUR UNE STRATEGIE INTEGREE EN FAVEUR DE L'EMPLOI Il est bien souvent rappelé que pour sortir de la pauvreté, il faut travailler et que pourtravailler il faut être productif. C'est donc dans cette logique qu'on formulera une série derecommandations dont les contours sont dessinés ci-dessous. Le point de départ de cet agenda deréformes s'inscrit dans le besoin de renforcer la demande de main d'œuvre de la part desentreprises, y compris celles qui opèrent dans l'informel et l'auto-emploi, tout en incluant desactions visant à accroître la productivité du travail, notamment par une amélioration descompétences. L'accent est également mis sur la nécessité d'encourager l'accès au marché dutravail, notamment pour les jeunes, par la mise en place de véritables programmes d'appui. En outre, lamobilité d'un emploi à l'autre, notamment en direction du formel, doit être facilitée en rendantplus flexible le cadre réglementaire. Enfin, il faut souligner l'importance de mettre en place demeilleures conditions sanitaires et sociales sur les lieux de travail. D'emblée, il semble important de préciser que, dans notre pays, lastratégie doit se concentrer sur les travailleurs de l'informel à travers une action tripleportant sur : le rattrapage des exclus de l'école : l'assistance à l'auto-emploi et ledéveloppement des activités dans les campagnes (par la diversification des tâches agricoles etnon-agricoles). La création d'emplois passe non seulement par l'expansion des postes dans lesecteur formel mais aussi, et surtout, par la« mise à niveau » des emplois informels qui doiventpermettre l'émergence de jeunes entrepreneurs et ainsi propulser l'économie nationale vers unetrajectoire accélérée de croissance. Mostaganem A suivre |