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L'anarchie qui caractérise le fonctionnement du football algérien, depuis longtemps, se généralise et produit des déceptions considérables dans la société, et en particulier chez la jeunesse. En ce sens, la fin de l'exercice 2007/2008, avec ses matchs truqués et ses magouilles, a été la plus illustrative de cette anarchie. Il n'était pas permis, durant cette période, de réfléchir ni d'écrire sur le football algérien, sans être taxé de subjectivisme et de défense d'une chapelle donnée. Depuis, il y a eu les vacances de l'intersaison de l'été, beaucoup de réunions des ligues et de la fédération ainsi que quelques «élections», mais la reprise des championnats s'est faite sans aucun changement dans la conduite de notre football. Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, ces championnats sont déjà accompagnés des mêmes problèmes et scandales qu'auparavant, et, malheureusement, des mêmes violences dans les stades. La crise a atteint son paroxysme et nul ne peut continuer à se taire devant cette situation, sans devenir complice de l'incompétence (ou de la démission) des dirigeants du football national. Jusque-là piégés à l'extrême, et obnubilés par la seule recherche de la paix sociale, les pouvoirs publics ne semblent pas saisir l'ampleur de la crise, et affichent comme de l'indifférence, en acceptant le fait accompli. L'Etat continue à verser, sans compter, des subventions colossales au secteur du football, dont une grande partie sera, malheureusement, détournée par la corruption. Ces mêmes pouvoirs publics, inquiets du phénomène de violence dans les stades, ne saisissent pas que les dysfonctionnements dans la gestion du football génèrent des déceptions et des sentiments d'injustice, et donc mettent le feu aux poudres. La preuve est qu'il n'y a pas de violence autour des autres disciplines sportives. Et même en football, les rencontres inter-quartiers, organisées les fins de journées et les tournois à six sur des terrains de proximité, drainent relativement plus de monde que les matchs officiels. Ils se passent sans service d'ordre, dans de belles ambiances et offrent de bons spectacles footballistiques. Pourtant, l'adversité ne manque pas entre les quartiers voisins, où les défis y sont plus intenses qu'entre des villes voisines. La violence dans les stades est, peut être, à lier avec le phénomène de hooliganisme dans le monde, qui accompagne dorénavant le football de haut niveau. Egalement, la violence de ces dernières années en Algérie, devenue sociale, expliquerait en partie, celle qui se manifeste dans les stades. Mais l'absence de spectacle, le trucage des matchs, la corruption des arbitres et les décisions injustes des ligues et de la fédération, constituent à notre sens, la vraie raison à ce phénomène. Car les gens qui vont au stade n'ont pas ce qu'ils attendent. Ils n'ont ni les beaux gestes d'antan, parce que le niveau est lamentable, ni des stars du football qui font l'événement, car nos internationaux évoluent à l'étranger. Quand, de plus, les résultats ne sont pas conformes à la physionomie du match et défavorables à l'équipe du village, le dérapage peut tout de suite arriver. L'éradication de la violence engendrée par le football passe par sa réhabilitation sociale en dehors de la sphère mercantile. Or, le déclin de notre football national peut être arrêté. Car, si la situation générale du pays explique en partie son recul, tout comme le recul d'autres secteurs, tous les observateurs avisés pensent qu'on peut mieux faire, au vu des infrastructures disponibles et des moyens mis à disposition, comparativement à d'autres nations. En ce sens, les autorités administratives et politiques, en charge du sport, ont bien fait quelques tentatives. Il y a eu un ministre qui a affiché la volonté d'apporter du changement, en faisant prendre au gouvernement des décrets sur les fonctionnements des ligues et des fédérations. Il a rencontré plein d'oppositions et puis il est parti. Son successeur a bien mis en place une commission pour faire des propositions censées améliorer le fonctionnement du football. Les résultats sur le terrain ne sont pas visibles. Mais logiquement, peut-on s'attendre à quelque chose, connaissant la composition de ladite commission ? Quand la plupart de ses membres ont participé à la gestion du football algérien et sont des militants du maintien du système actuel, car ne pouvant se départir de réflexes construits pendant des années. Ils sont, aussi, responsables de la situation de malaise du football algérien. Le problème du football algérien réside dans le mode d'organisation et de fonctionnement des ligues et des clubs. Car, malgré les moyens financiers et infrastructurels mobilisés, le niveau des championnats et les résultats de la sélection nationale restent faibles. Quand bien même on fait appel aux Algériens évoluant à l'étranger ou à des entraîneurs de renommée internationale, la situation demeurera inchangée. Il devient, alors, urgent de revoir les textes qui organisent le fonctionnement des clubs, des ligues et fédération, et de décider de critères sur le choix des hommes, appelés à gérer le football national. L'Algérie est en droit de mettre en place l'organisation simple, souple et efficace, qu'elle décide, pour réhabiliter son sport roi, dans le respect des règles universelles et en plein accord avec la Fédération internationale. Que les tenants de l'immobilisme arrêtent d'agiter le spectre des sanctions internationales, quand l'Etat finance, seul, le fonctionnement du football. On somme l'Etat à mettre à la disposition du club de football des millions de dinars annuellement, sous la menace de perturber l'ordre public, sans pouvoir participer au choix du président de ce club ou de ses dirigeants, qui, généralement, sont désignés par une bande d'amis, sous forme d'assemblée générale. A notre sens, le mode de désignation par élection des dirigeants des clubs, des ligues et de la fédération, n'est pas contradictoire avec la mise en place de critères d'accès aux candidatures. Ensuite, la constitution des assemblées générales de clubs est à réviser pour être simplifiée et clarifiée, dans la transparence, sans remise en cause du principe démocratique. Les vrais représentants des fondateurs, des joueurs, des anciens joueurs, des anciens dirigeants, des supporters et des adhérents, constitueront les assemblées générales, dans des proportions mesurées. Car, la participation à une assemblée est une responsabilité. J'ai eu à découvrir, il y a quelques années, que l'AG élective d'un grand club que j'ai approché, a fait voter des personnes qui ignoraient leur appartenance à cette AG. D'un autre côté, les présidents de club doivent répondre à des critères de bonne conduite, parce qu'ils sont éducateurs, et de probité, parce qu'ils sont gestionnaires de deniers publics. Je ne pense pas que M. Blatter soit élu à la tête du football mondial, sans que sa personnalité soit étudiée sous tous les angles. Car la démocratie n'est pas le laisser-faire, ni le laisser-aller. L'autre problème grave est le mode de financement lui-même. Il explique, largement, la situation de désordre et de dilapidation des deniers publics. L'Etat dépense des sommes énormes à travers les fonds de wilaya, les subventions des communes, le ministère, etc., sans un contrôle sérieux et, en tout cas, sans aucune efficacité. Ni résultats. Si «ne commande les airs que celui qui paie les violons», l'Etat payeur devrait veiller à ce que les subventions accordées soient utilisées pour les athlètes et la pratique du sport. Le fonds de wilaya est attribué sans aucun critère objectif comme, par exemple, sur le nombre d'athlètes signataires ou sur le nombre de spécialités du club. Seul le niveau de d'évolution de la section football compte. Quant aux subventions des communes, elles sont tout simplement attribuées selon le bon vouloir de l'APC. Et enfin, la contribution du sponsoring privé n'apparaît généralement, dans aucune comptabilité du club. Comme s'il s'agissait de dons aux dirigeants et non au fonctionnement du club. L'exemple typique de cette incohérence est l'attribution, dans une wilaya donnée, à deux clubs évoluant en DI et DII, d'une subvention équivalente à celle octroyée aux 30 autres clubs de la wilaya, jouant en régionales et inter-régions. Egalement, il n'est pas normal qu'un club pluridisciplinaire, de plus de deux cents athlètes et 4 sections, puisse fonctionner annuellement avec moins de 200 millions de centimes, quand un seul joueur de football de Division une, de niveau moyen, reçoit le double de cette somme pour simple prime de signature. Il apparaît, donc, important de revoir le mode de financement et améliorer le contrôle. La première mesure viserait à séparer les subventions accordées au football, de celles des autres sections, pour les clubs pluridisciplinaires. Les exemples sont nombreux de sections ayant fait leurs preuves en sport collectif, en athlétisme, ou encore dans les sports de mer, qui ont été étouffées par la section football. Il serait faux de croire que le football puisse réussir quand tout le reste du sport ne «marche pas». L'autre disposition à prendre concernerait les critères et les normes qui fixeraient le niveau de la subvention (niveau d'évolution, nombre d'athlètes, existence d'école de formation, etc.). Et enfin, l'Etat doit s'impliquer pour contrôler les comptes des clubs, ligues et fédérations. Le système actuel où le président fait «son» bilan, le valide par «son» commissaire au compte et le fait voter par «son» AG, n'est certainement pas le meilleur moyen de protéger la destination des subventions. Si le contrôle continuera à se faire à travers les AG, comme le veut la tradition universelle, rien ne contredit à ce que l'Etat, payeur, le fasse aussi par l'intermédiaire de ses propres institutions. Le niveau des compétitions est, également, conditionné par la qualité des terrains et des moyens pédagogiques qui y sont mis. L'Etat ayant cette responsabilité doit assurer la maintenance et l'entretien des nombreux stades et terrains réalisés, pour les maintenir aux niveaux requis. A ce propos, et pour la vérité, l'Algérie offre au football national de grandes possibilités, comparativement à beaucoup d'autres pays du continent. Le problème de l'encadrement technique est d'importance. L'Algérie a formé des centaines de spécialistes en football, qui sont sous utilisés, alors que nos équipes restent insuffisamment encadrées. L'apport des anciens joueurs et tout ce qui ont «appris dans le tas» n'est pas à négliger. Mais le football, comme tout le reste, s'apprend. Et par des scientifiques. Il est, alors, impératif qu'un dosage soit réalisé, que des critères soient établis, et que les clubs choisissent leurs entraîneurs parmi des listes habilitées. Il est clair qu'à travers cette proposition, je ne fais pas de préférence subjective d'une catégorie d'entraîneurs, par rapport à une autre. La réalité est que je ne connais aucun scientifique qui n'a pas réussi, quand on lui a donné du temps. Et inversement. Cette question de l'encadrement et de la formation est, sans doute, liée à l'exigence de développer des écoles de football, qui prennent en charge les jeunes, dès le bas âge. Outre que ces écoles participent à la formation, elles permettent l'émergence des aptitudes. C'est, d'ailleurs, dans ces espaces là, que les spécialistes scientifiques côtoient les hommes d'expérience, et que les rôles des uns complètent et vérifient ceux des autres. Dans cet ordre d'idées, le développement du sport scolaire et universitaire reste à même de contribuer au mouvement sportif national. Il n'y a pas de miracle à cela : le jeune universitaire a plus de capacités, que les autres, à assimiler des gestes et à rentrer dans des schémas. Et puis, historiquement, les pays qui ont le mieux réussi en sport, sont ceux qui se sont appuyés sur les scolaires et les universitaires. L'expérience de l'introduction des ASUC (association sportive universitaire de compétition) en compétition dans les différents championnats civils, a été une large réussite, tant ces dernières étaient financées par l'enseignement supérieur. Elles ont amené plus de rigueur, en tout cas plus d' «honnêteté» dans ces championnats. De plus, le sport féminin avait commencé à prendre de l'élan, grâce aux ASUC. Au-delà de ces mesures techniques, au demeurant faciles à réaliser, pour réhabiliter le football en Algérie, il s'agira de développer une politique de promotion du sport, avec toutes ces disciplines. Car le football fait partie d'un tout et son épanouissement ne peut se faire de manière séparée des autres spécialités. Il s'agira de promouvoir une ambiance et un environnement qui traduit l'adage qui évoque «un esprit sain dans un corps sain». En ce sens, les mesures annoncées dans le plan d'action du gouvernement, sont à encourager. Nous citerons quelques-unes, comme : - l'enseignement du sport en tant que matière, au même titre que les autres matières, au niveau de l'enseignement moyen et du secondaire, - l'organisation des championnats scolaires et universitaires, - la création des lycées sportifs pour constituer une élite. Pour conclure, nous pensons que la réhabilitation du football exige, comme préalable, la révision de l'organisation et du financement des clubs sportifs et des ligues. Ce sont les choix transparents des hommes et des modes de fonctionnement, qui permettront le développement de tous les sports et le football en particulier, qui autoriseront le sport féminin à trouver sa place, et le sport scolaire et universitaire à contribuer au succès du mouvement sportif national. Dans ce domaine, on n'inventera rien, il suffit de regarder du côté de ceux qui ont réussi leur sport. Et enfin, cette ambiance retrouvée participera à la sérénité dans les stades. * Universitaire, ancien président de club. |