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BERKELEY
- L'Union européenne est sur le point de subir une révision bien nécessaire de
son statu quo budgétaire. Des experts de la Commission européenne réfléchissent
actuellement à la manière dont les règles budgétaires de l'UE devraient être
révisées, et le nouveau gouvernement allemand a discrètement signalé sa volonté
d'envisager des changements - bien que toute modification dans ce domaine sera
très probablement limitée, compte tenu des désaccords au sein de la coalition
et du contrôle du ministère des Finances par les libéraux-démocrates
conservateurs sur le plan fiscal.
Les arguments en faveur d'une réforme sont convaincants. Pour commencer, les taux d'intérêt sur la dette publique ne représentent qu'une fraction de ce qu'ils étaient en 1992, lorsque les règles budgétaires de l'UE ont été négociées. En 1992, les taux des Bunds du gouvernement allemand à dix ans étaient en moyenne de 8 %. À l'époque, 60 % du PIB était considéré comme une limite prudente quant au montant de la dette qu'un gouvernement pouvait rembourser en toute sécurité, avec des déficits budgétaires annuels plafonnés à 3 % du PIB. La limite supérieure prudente est donc certainement plus élevée aujourd'hui. En fait, les ratios d'endettement post-COVID ont largement crevé le plafond de 60 % pour les emprunts publics. La dette publique à l'échelle de la zone euro représente 100 % du PIB. La dette publique grecque est supérieure à 200%. Une règle ajoutée en 2011 oblige les gouvernements à éliminer 5 % de l'excédent chaque année jusqu'à ce que le seuil de 60 % soit atteint. Ainsi, le gouvernement grec est ostensiblement tenu de dégager un excédent budgétaire de 5 % du PIB, en supposant que l'économie croisse aussi rapidement que 2 % par an, ce que le Fonds monétaire international juge peu probable. Or, générer des excédents continus pendant des décennies serait sans précédent pour une économie moderne - c'est-à-dire que personne ne s'attend à ce que cela se produise. Et il n'y a aucune bonne raison qui le justifierait. Les valeurs de référence de 60 % et 3 % pour les dettes et les déficits n'ont aucune base économique. Le chiffre de 60 % était simplement le ratio dette/PIB moyen en 1992. Trois pour cent du PIB étaient simplement le déficit compatible avec le maintien d'un ratio d'endettement stable à 60 %, compte tenu des taux d'intérêt et des taux de croissance en vigueur à l'époque. Les conducteurs obéissent à des règles de circulation qui ont du sens ; ils méconnaissent les règles arbitraires et capricieuses. Nous avons vu des comportements similaires de la part des décideurs budgétaires européens. Ces raisons sont suffisantes pour repenser les règles européennes. Néanmoins, aujourd'hui, il y en a un autre : la nécessité de faire de la place aux investissements publics liés au climat. Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Europe de 55 % d'ici la fin de la décennie coûtera plus de 5 000 milliards d'euros (5 600 milliards de dollars). Parce que la réduction des émissions de GES est un bien public, les entreprises livrées à elles-mêmes investiront trop peu dans la production de ce bien. De plus, lorsque l'infrastructure a des caractéristiques de réseau, comme dans les transports, quelqu'un doit coordonner les investissements pertinents. Il s'ensuit qu'une grande partie de ces dépenses seront effectuées par les gouvernements. Alors, d'où viendra la majeure partie de ces 5 000 milliards d'euros ? Les gouvernements européens devraient-ils emprunter ? Et faut-il revoir les règles de l'UE pour les y encourager ? Dans le passé, divers gouvernements ont adopté une «règle d'or» qui exempte l'investissement public des limites auto-imposées sur les dépenses déficitaires, la justification étant que l'investissement public peut s'autofinancer. S'il est productif, il augmente le dénominateur du ratio dette/PIB. S'il est très productif, il génère des recettes fiscales suffisantes pour le service et le remboursement de la dette supplémentaire. Les investissements dans l'économie verte pourraient être dans ce cas. Même s'ils ne stimulent pas la croissance économique, ils pourraient éviter une catastrophe climatique dans laquelle le PIB s'effondrerait et le fardeau de la dette deviendrait ingérable. Le bas niveau actuel des taux d'intérêt crée une présomption que de nombreux projets d'investissements verts passeront le test. Bien entendu, rien ne garantit que les taux d'intérêt resteront bas. S'ils augmentent, les arguments en faveur d'emprunts pour financer des investissements verts deviendront plus difficiles. Si certains investissements verts échouent au test de la rentabilité, cela ne signifie pas nécessairement qu'ils ne doivent pas être réalisés. Le changement climatique est une question morale ainsi qu'une question strictement économique, et c'est à la société de décider combien dépenser pour le combattre. En revanche, cela implique d'augmenter les impôts ou de réduire d'autres dépenses afin que les investissements verts puissent être entrepris sans générer de déficits ni compromettre la viabilité de la dette. Ainsi, la décision concernant le montant à emprunter et le montant à collecter au moyen d'impôts et de réductions d'autres dépenses devrait dépendre des prévisions sur les taux d'intérêt et les taux de croissance, et de la manière dont ces variables seront affectées par les investissements verts. Il y a bien sûr une incertitude autour de ces prévisions. C'est la vie. En fait, ne serait-il pas préférable que d'autres formes de dépenses publiques soient également soumises à cette évaluation ? Les gouvernements européens pourraient systématiquement expliquer comment leurs divers programmes de dépenses affecteront le PIB et les recettes fiscales et donc comment le taux d'endettement évoluera. Ils pourraient reconnaître l'incertitude entourant leurs prévisions et spécifier des scénarios à la hausse et à la baisse. Ils pourraient déléguer la responsabilité de l'évaluation à des experts nationaux indépendants et à la Commission européenne. Les litiges pourraient être jugés par une chambre spécialisée de la Cour européenne de justice. Mais, attendez, ces propositions existent déjà ! Malheureusement, elles représentent probablement un pas encore trop important pour la nouvelle cohorte de décideurs prudents de l'Allemagne. Traduit de l'anglais par Timothée Demont *Professeur d'économie à l'Université de Californie à Berkeley - Il est l'auteur de nombreux livres, dont In Defense of Public Debt (Oxford University Press, 2021). |