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Les causes sont multiples mais
la plus importante nous semble relever de ce que l'on a opté pour un
professionnalisme débridé d,ans
un pays où l'idée même de profession peine à émerger. Il n'est qu'à voir les
autres métiers pour se rendre compte que l'apprentissage, la formation, l'amour
du travail bien fait, la conscience professionnelle sont la dernière roue de la
charrette pour des gens dont l'esprit continue de carburer par la rente. Sans
cela les maçons chinois ne seraient pas plus adroits que les nôtres. En Algérie
le professionnalisme est au football ce que le « marché » est à l'économie.
Sensé susciter la concurrence et produire de l'excellence, il a enfanté le
bazar, la corruption et l'informel. On s'est précipité de les décréter, sans
doute sur injonction extérieure, sans tenir compte du contexte local qui est
loin de réunir les conditions de leurs succès. Sans cahier de charge ni feuille
de route, le professionnalisme ne fut qu'une opportunité de plus à des
trabendistes /arrivistes, lesquels ne se sont pas faits prier pour s'engouffrer
dans un créneau porteur, pourrissant par l'argent, souvent sale, un sport qui
aura bien du mal à s'en remettre; transformant en machines à sous un domaine
dans lequel, par prédilection, devraient normalement éclore et se perpétuer les
valeurs humaines les plus nobles. Il n'est qu'à voir la violence et la manière
de se comporter des athlètes pour se convaincre que l'éducation dans les clubs
est en priorité d'ordre musculaire. Sur un autre plan, c'est la recherche du
gain immédiat au détriment : de la qualité du « produit », de la formation et
de l'investissement dans la durée.
A l'exception du PAC « Paradou Athlétic Club » qui dispose d'une école de formation digne de ce nom? Pour beaucoup, investir dans le football, l'hôtellerie ou le chocolat à tartiner, relève de la même démarche : seul le niveau de rendement financier intéresse les dirigeants, leur intérêt pour le football se résume au score et aux multiples avantages qu'il leur permet d'en tirer. D'où cette course au recrutement des meilleurs joueurs du moment, en fait les moins médiocres ; solution de facilité au détriment de la formation, qui se traduit par une surenchère, conduisant à « l'assemblage » d'équipes de mercenaires sans attache affective avec leur club, ses couleurs, son passé, ses valeurs, sans lien ni avec les canons du métier ni avec la culture et la rigueur du professionnalisme. Les anciens amateurs avaient au moins cette « grinta », ce « nif » qui squattaient constamment leur âme, faisant d'eux des guerriers, des obligés de leur environnement socioculturel. Ils se sentaient investis d'une mission, celle de remplir honnêtement, par leur sueur, un contrat moral qui les liait à leur milieu, à leur passé. Les « professionnels » d'aujourd'hui n'ont ni cette « grinta » du terroir ni le savoir-faire des professionnels. Le résultat ne peut alors être autre que ces parties de « baballe », à peine dignes d'un match de quartier ; ce qui n'empêche pas les télévisions en mal de programmes de nous en abreuver jusqu'à la « footphobie ». Composée de joueurs venus des quatre points cardinaux, la JSK, plus que toute autre équipe, souffre de cet état de fait, pour la simple raison que l'absence de ce sentiment de jouer pour quelque chose de plus grand que soi, fut prégnant, là plus que partout ailleurs. Les futurs dirigeants de la JSK devraient comprendre que s'ils veulent donner une nouvelle vie à ce club, ils auront à revenir, impérativement, aux fondamentaux, s'imprégner d'une autre philosophie, refaçonner la composante humaine des athlètes, en donnant la priorité à la formation de joueurs du cru, loin de tout sectarisme et sans discrimination, en les liant contractuellement, à une fidélité maximale de sorte à sortir d'un certain chantage et éviter ces mouvements de va-et-vient intempestifs, qui font que les joueurs sont étrangers à leur milieu. Avec un tel nomadisme et sans « culture de club » aucun entraîneur ne peut former un collectif digne de ce nom. Si un club est, avant tout, une famille, c'est en second lieu une entreprise. En tant que telle, elle se doit d'être soumise aux règles de gestion les plus rigoureuses. La loi l'y oblige, sa survie encore plus. Dans le cas de la JSK, aucun diagnostic sérieux n'a été fait ou rendu public, pour connaître les causes exactes de sa mauvaise gestion et de ses déboires financiers. Lorsqu'en juin 2010, l'Assemblée générale adopta la résolution de passer au professionnalisme, aucun débat sérieux ne fut ouvert pour discuter de l'opportunité, de la faisabilité, du moment et des conditions à réunir pour y parvenir. Pas plus que ne fut élaboré un plan de mise en œuvre. Tout fut décidé sur un air de défi, de suffisance, voire de grandiloquence. Bien sûr, pour beaucoup l'ex président en est responsable, mais il ne suffit pas de charger un homme, aussi têtu soit-il, pour s'ouvrir les voies menant à la solution. Ce serait trop facile. Lorsqu'une entreprise bat de l'aile, il est de tradition d'opérer un audit et de relever toutes les anomalies structurelles ou conjoncturelles, avant de déboucher sur un plan de sauvetage fixant les objectifs, les priorités, les moyens à mettre en œuvre. Rien de tout cela, à la JSK, le responsable, contesté, se contentait de consommer avec une rare boulimie les entraîneurs et dilapidait son énergie à faire face à une contestation, chaque jour plus virulente. Vu de l'extérieur, il semble que parmi tous les problèmes de la JSK, le volet financier est le plus préoccupant. Des partenaires sont contactés, prêts à investir, mais rencontreraient des blocages dès qu'il est question de s'approcher du capital. C'est à croire que ce capital est un trésor détenu par des gens qui ne veulent, en aucun cas, ni le partager ni en montrer la cachette. Ce flou autour du cœur même de l'équipe, entretenu par une gestion opaque, se doit d'être éclairci, au plutôt, pour retrouver une confiance grandement entamée. Que l'on explique, entre autres, comment une minuscule structure amateur peut détenir la majorité du capital d'une association professionnelle. Comment, à quel prix et à qui a été cédé le reste des actions sociales ? Dans tous les cas il n'y a que deux solutions : ou les détenteurs de ce capital mettent la main à la poche et fassent, eux-mêmes, une augmentation de capital ou ils ouvrent celui-ci et fassent un appel d'argent frais. Encore faut-il évaluer l'action, à sa juste valeur, et inscrire cette ouverture dans un projet global, à long terme, qui assure la pérennité des ressources. Se contenter de « l'exploit » d'avoir mis fin au règne d'un président, jusque-là inamovible, pour prendre sa place et produire les mêmes tares, ne pourra que conduire au cimetière des éléphants. Un club doit avoir ses propres ressources, suffisantes régulières et durables pour garantir son autonomie. Il doit reposer sur un encadrement intègre, compétent et capable de sauvegarder le cachet d'une Association dont l'authenticité et l'histoire reposent sur des valeurs bien plus importantes que le sport proprement dit. Eviter que, sous le prétexte de professionnalisme, un patrimoine national séculaire en devienne «artefact» entre les mains de pyromanes ou objet marchand à la solde du plus offrant. Penser qu'une association comme la JSK peut continuer à évoluer entre copains et en vase clos, en faisant appel uniquement à l'aide de l'Etat (6) au mécénat et à quelques sponsors, relève d'une vision étroite et d'une gestion à la petite semaine. Aérer la gestion, ouvrir le capital, dans la transparence, aux bonnes volontés et au public le plus large, en donnant, si possible, la majorité aux supporters (quitte à ce qu'ils se constituent en personne morale), n'est pas brader la JSK ni la soustraire à son ancrage populaire. Ceux qui refusent de le faire, au prétexte de ne pas privatiser une association appartenant à tous, ne sont que des hypocrites car ils ne le font que pour mieux se l'accaparer eux-mêmes. Il faut, aussi, des garde-fous, en renforçant le rôle du comité de supporters, du comité des sages et toute autre structure de veille pour prévenir toute dérive. Enfin prendre toutes les dispositions juridiques et administratives, pour éloigner les cercles occultes, la soustraire à toute instrumentation et éviter qu'elle ne devienne la chasse gardée de quelques spéculateurs, charognards ou de mégalomanes en mal de considération. Vaste programme qui exigera de la vigilance, des sacrifices et du temps. Prions pour que les hommes en charge soient conscients et à la hauteur, que tous les amoureux de la JSK sachent faire preuve de pondération et de patience pour laisser au chêne le temps de se régénérer. * Coauteur, avec Kendel Idir, du livre « JSK, 40 ans de Football », édité en 1986 aux éditions ENAP. Ouvrage édité sous le pseudonyme de Naïm Adnane. Note 5. Albert Ebossé, international Camerounais, trouva la mort au stade, le 23 août 2014, à l'issue du match JSK-USMA. A ce jour nombreux sont ceux qui se posent la question quant aux circonstances de sa mort. Depuis le sort s'est acharné encore plus sur la JSK. 6. Aide nettement insuffisante en comparaison de ce que la JSK a offert en termes de joueurs, d'encadrement à l'équipe Nationale et de trophées à la Nation. |