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Pour la
cancérologie il faudra mettre en place des structures de contrôle importantes
en raison du coût des pathologies concernées et surtout pour baliser les
dépenses inutiles en expertisant au quotidien les frontières entre soins
curatifs et soins palliatifs ; cela si l'on veut maîtriser les dépenses de
santé et préserver réellement l'organe de solidarité qu'est la sécurité
sociale. Idéalement, ces activités de niveau 3 doivent être l'apanage des
établissements publics universitaires.
Le secteur privé La réintroduction du secteur libéral dans l'exercice médical a été opérée à travers la loi 88-15 du 3 mai 1988 relative aux cliniques privées. Il est essentiel, pour la compréhension de la situation actuelle du secteur privé, de relever que la réintroduction du privé médical ne répond pas à une démarche constructive de planification. Elle s'est faite dans une logique de solution à court terme des problèmes du secteur public dans une conjoncture économique défavorable et à la suite de mouvements sociaux d'une ampleur non appréhendée par les pouvoirs publics de l'époque. Ceci explique que ce secteur qui rend actuellement d'énormes services aux populations ne soit pas, jusqu'à l'heure actuelle, «légitimé» ni accompagné par les administrations qui se sont succédé depuis sa renaissance. En effet, la complémentarité public-privé ne peut se concevoir, en matière de santé, que dans le cadre d'un secteur privé réglementé, s'appuyant sur un secteur public fort et bien structuré. Cette notion bafouée au départ semble se perpétuer puisque l'on parle en ce moment de structures privées à caractère public et que le conventionnement CNAS ne concerne que les soins tertiaires alors que la logique voudrait que ce soit l'inverse. L'assuré social, dans un cadre normalisé incluant la tarification des actes, devrait avoir accès aux structures privées alors qu'il est condamné actuellement à recourir exclusivement au secteur public. Le secteur privé, ainsi reconnu et accompagné, pourra prendre en charge toutes les pathologies du niveau 1 et accessoirement 2, déchargeant ainsi le secteur public, en particuliers les CHU, EHU et les EHS, pour qu'il développe les activités inhérentes à sa vocation, c'est-à-dire les niveaux 2 et 3. Pour ne reprendre que l'exemple du moment les services de gynécologie-obstétrique des CHU seraient déchargés d'une grande partie des accouchements et des césariennes sans risques avec tous les avantages que cela inclut pour ces structures. Or jusqu'à l'heure actuelle il n'y a que l'hémodialyse, la chirurgie cardiaque et certains actes de cardiologie interventionnelle qui bénéficient du conventionnement et en projection il est question de la cancérologie, c'est-à-dire des pathologies dont la prise en charge pose problème dans le secteur public. Force est de constater que dans les faits le secteur libéral est cantonné au statut de suppléant du secteur public, il n'est toujours pas considéré comme un acteur à part entière du système de santé. Le privé est trop souvent traité de secteur sans moralité et accusé de mercantilisme par les médias, et parfois même par des représentants des pouvoirs publics, de manière empirique, sans aucun fondement. Sur quelles bases peut-on porter de tels jugements en l'absence d'une tarification des actes actualisée. Il est pourtant aisé de concevoir qu'il subit, au même titre que le reste des secteurs, les effets de l'inflation et de la dévaluation de la monnaie mais, à la seule différence qu'il ne bénéficie d'aucun des avantages de l'économie de marché, ne serait-ce qu'au niveau des mentalités. Il ne pourra trouver la place qui lui est due que si le secteur public, après une réforme réelle et profonde, redevient un secteur fort, assurant ses missions de prise en charge des soins tertiaires, des pathologies lourdes, de la formation et de la recherche d'un côté et de soins primaires et de prévention de l'autre. Car sa place, dans l'offre des soins normalisée, doit se situer au milieu, dans les soins de niveau 1 et 2. Il pourra alors, très vite, à la fois participer à l'amélioration de la qualité des soins en Algérie mais aussi participer à l'économie nationale en se positionnant en compétiteur réel avec les cliniques tunisiennes et turques dans le marché important du tourisme médical. Il est de notoriété publique que beaucoup d'Algériens s'adressent à ces structures. Celles-ci, conscientes de l'importance du «marché» algérien multiplient les offensives médiatiques en direction de nos concitoyens : rencontres organisées les 12 avril 2015 à Alger et le 14 avril 2015 à Oran par la mission commerciale tunisienne et spots publicitaires en boucle sur des chaînes de télévision nationales pour les prestations de santé turques. Les transferts pour soins à l'étranger et le développement des soins de haut niveau Les transferts pour soins à l'étranger (TSE) ont été instaurés par l'arrêté interministériel (AIM) 007 du 11 octobre 1986, modifié par AIM 001 du 19 mars 1989. Il précisait dans son article premier que la mesure ne concernait que les soins non assurés en Algérie et dans son article 14 les critères d'exclusion. En parallèle aucun dispositif de recueil, de quantification et d'analyse n'a été mis en place ; il faut admettre que cette insuffisance peut être justifiée par la faible performance de tout le système d'information médicale. Le coût des TSE n'a pas été pris en compte sérieusement pendant des années, du fait qu'il ne faisait partie d'aucun des contrôles des budgets de l'Etat. Ce laxisme était très probablement lié au fait que les cotisations CNAS ne font pas partie du budget de l'Etat. Le paiement, ainsi que l'endettement encore plus coûteux, par la CNAS a conduit à une hémorragie financière que même le grave déséquilibre de la CNAS ne semblait pas en mesure de juguler. Dès 1992, cette disposition, par l'ampleur qu'elle avait prise et la démesure qu'elle avait induite, dans un contexte économique et social délicat est devenue un véritable problème. Ainsi en 1994, le budget consacré à la prise en charge de 4 à 5000 malades (4539 départs initiaux en 1994 + les prolongations de séjours + les soins inopinés) était équivalent au budget de tous les grands hôpitaux algériens en charge de 1,5 millions de malades ; ces dépenses dépassant les possibilités financières du pays, contribuaient pour partie au déficit de la trésorerie de la CNAS. En plus, les dettes contractées auprès des hôpitaux français étaient d'environ 12 milliards dont 4 milliards à honorer dans l'immédiat (sources CNAS). Cette situation critique interpellait les pouvoirs publics pour des actions à la hauteur des enjeux et la conscience et l'engagement de professeurs de médecine pour mener à bien une lourde mission dans une conjoncture difficile et d'insécurité avec de lourdes contraintes tant relationnelles, morales et éthiques que de résistance à des axes de pression divers. Trois actions ont été menées par le ministère de la Santé : 1/ Création de la Commission nationale pour le renforcement des soins de haut niveau et le développement des nouvelles technologies en Algérie par décision interministérielle du 27 juillet 1994. Cette commission avait pour mission d'établir une liste ouverte de services et de structures hospitalières devant faire l'objet d'une dotation spécifique en moyens humains et matériels à l'effet de les préparer à la prise en charge des patients relevant des soins dits de « haut niveau» dans l'optique de la substitution aux TSE. Dans le court terme cette approche avait des limites objectives : la performance des structures ciblées étant liée à celle d'autres unités d'exploration, d'imagerie, de réanimation. Toutes ces prestations étant complémentaires en aval et en amont, elles imposaient une réorganisation en profondeur et un financement important. Il s'agissait donc de mettre en place d'une manière progressive tous les moyens susceptibles d'améliorer la performance du sommet de la pyramide des activités de santé. 2/ Réactivation et réorganisation des commissions médicales régionales (CMR) par AIM 046 du 5 novembre 1994 suivi de l'AIM 050 du 8 novembre 1994 modifiant et complétant celui du 19 mars 1989 relatif aux conditions et modalités de TSE. La réorganisation des trois CMR, Est, Ouest et Centre devait permettre de limiter les transferts abusifs, de réduire les prolongations de séjours et de développer la politique du placement national des soins de haut niveau. C'est dans cette optique que le formulaire de demande passe du libellé de transfert pour soins à l'étranger à celui de placement pour soins de haut niveau. 3/ Redynamisation du réseau des structures de soins spécialisés avec : -Mise à la disposition du secteur de la santé par le gouvernement d'une enveloppe de 500 millions de DA -Inscription d'une opération d'acquisition d'imagerie au Conseil national de la planification -Redistribution géographique plus rationnelle des activités de soins spécialisés au sein des trois grandes villes universitaires du pays avec des restructurations de service -Renforcement des structures spécialisées dans les soins de haut niveau et dont les coûts de fonctionnement feront l'objet d'un conventionnement CNAS en 1996. Le séminaire sur la suppression des transferts pour soins à l'étranger qui s'est tenu à Oran, Les Andalouses, les 25 et 26 mai 1995, a clairement défini les objectifs à atteindre, pour la suppression des TSE : leur substitution par le développement national de l'offre des soins de haut niveau qui représentent un investissement scientifique indispensable à la mission des CHU dans le système de formation médicale nationale. Il précise également que les compétences nationales dans les domaines concernés ont le devoir de préciser les choix scientifiques les plus efficaces à même de permettre les soins, la guérison, la qualité de vie. Le coût de ces investissements de remplacement des TSE et son acceptation à l'intérieur du système de santé reste une prérogative des autorités politiques en charge des choix de la société. Suite à la réunion d'étape de la Commission nationale pour le renforcement de soins de haut niveau du 21 juin 1995, durant laquelle il est constaté une baisse des TSE, il est décidé de consolider le processus par la mise en place d'une commission nationale regroupant les 3 CMR, avec un cycle de réunions hebdomadaires en alternance CMR, Commission nationale : AIM 026 du 3 août 1995. Ainsi pendant 3 ans les professeurs, membres de commission, ont activé de manière volontaire et bénévole ; ceux de l'est et de l'ouest du pays se déplaçant tous les 15 jours à Alger. Ceci a instauré un climat de transparence et d'équité dans le traitement national des dossiers mais aussi de responsabilité partagée par tous les acteurs de cette mission dans un cadre de concertation, et de confiance. La dynamique s'est révélée féconde : les résultats sont spectaculaires dès la première année : 4539 départs initiaux et 2558 prolongations de séjours pour 1994 contre 2411 et 1716 pour 1995. Cette réduction ira en progressant jusqu'à moins de 500 départs initiaux accordés en commission plénière en 1997. Au dernier trimestre 1998, contre toute logique et dans le secret absolu une nouvelle réglementation est préparée à l'insu des membres des commissions qui sont «remerciés» de la manière la plus ignoble qui soit. Des professeurs de médecine qui, il faut le rappeler, de manière bénévole et volontaire, dans une période d'insécurité, ont affronté pendant 4 ans et demi de lourdes contraintes relationnelles, éthiques, d'axes de pression divers, ont réussi à réduire de 90 pour cent la charge du fléau TSE. L'AIM du 10 janvier 1999 modifiant et remplaçant celui du 3 août 1995 réduit la Commission nationale (article 11) à une commission paritaire de six membres, trois professeurs en médecine et trois médecins CNAS. Il prévoit des staffs techniques par spécialités (article 13) et des commissions médicales régionales (articles 18). Aucune de ces structures ne verra le jour en raison du «dégoût» de l'expérience préalable et la Commission nationale active depuis dans l'opacité et la marginalité réglementaire la plus totale. La tristesse ne réside pas dans la procédure mais dans le fait que la problématique au moment de cette ignominie n'était plus celle de la réduction des TSE mais celle de la substitution réelle par le développement des soins de haut niveau et la mise en place de centres de référence régionaux. Cela est d'autant plus triste que le président de la Commission nationale pour le renforcement des soins de haut niveau et le développement des nouvelles technologies de santé en Algérie, commission dès lors «euthanasiée», a eu en charge le ministère de la Santé au moment de son passage à la réforme hospitalière sans pour cela reprendre ce dossier ni exploiter l'expérience capitalisée. L'activité complémentaire L'activité complémentaire a été rendue grandement responsable des maux du secteur public, ce qui laisserait supposer que son gel, en l'attente de sa suppression, allait améliorer les rendements. Celle-ci étant à l'origine de la baisse des activités dans certains services et de détournements de malades. Pour les lecteurs avertis, et beaucoup de ceux qui ne le sont pas, il s'agit là d'un faux débat, un faux débat qui n'est pas sérieux d'autant que concomitamment à cela il n'est nulle part question des nombreuses pratiques délictuelles vécues par les citoyens à l'intérieur même des établissements publics et qui sont autrement plus inquiétantes que certaines dérives liées à cette activité «hybride». Bien évidemment, comme toute activité humaine, elle a généré des dépassements qu'il faut condamner et réprimander. En fait, il faut savoir que très peu de praticiens détenaient une autorisation réglementaire, la majorité des pratiquants le faisaient «au noir», ce que l'on retrouve dans tous les secteurs et toutes les activités. Le gel d'autorité de cette activité à ce jour légale et réglementaire, n'a donc pénalisé qu'une minorité de praticiens ; une minorité qui, il faut le signaler, s'inscrivait dans la légalité. L'activité complémentaire a été introduite par la loi 98-09 du 19 août 1998 et réglementée par le décret 99-236 du 22 décembre 1999. La forme particulière qu'elle a revêtue atteste que cette initiative a été prise pour enrayer la saignée des professionnels de santé publique faute de satisfaction matérielle et professionnelle. Elle concerne, en effet, l'ensemble des spécialistes de plus de 5 ans d'activité alors que dans les autres pays elle ne s'adresse qu'aux enseignants hospitalo-universitaires de rang magistral (professeurs et agrégés), l'objectif étant de retenir les compétences les plus brillantes pour la formation, l'enseignement et la recherche. Le décret 02-256 du 3 août 2002, modifiant le précédent, introduit à travers l'article 4 bis une disposition qui, encore une fois, singularise la «note» algérienne : l'incompatibilité de l'activité complémentaire avec la fonction supérieure de chef de service ou de chef d'unité. Partout ailleurs c'est le «capital» expérience et donc l'ancienneté qui sont les critères d'accessibilité à ce mode d'exercice. En Algérie, à travers ce texte, c'est tout à fait l'inverse ?! La circulaire du 3 mai 2003, relative aux modalités d'application de ce décret, motive cette disposition universellement unique par le fait que «la chefferie de service ou d'unité nécessite en effet une disponibilité entière et continue pour la réalisation des objectifs rattachés aux missions de chaque catégorie de spécialistes et une capacité à veiller sur l'aspect moral très sensible lorsque la logique de l'activité privée devient imbriquée dans le secteur public » ?!? Dieu merci, ce cheminement intellectuel n'est pas appliqué dans le reste des activités sinon il faudrait fonctionner sans DAMP de CHU, de DAMS d'EHU, de doyens de facultés, sans vice-doyens, sans chefs de départements et sans présidents de conseils scientifiques?à moins qu'à ce niveau aussi il faille nommer les moins anciens ?! A suivre... |