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Depuis janvier 2014, la monnaie russe ne cesse de s'effondrer. Profonde décroissance, flambée des prix, le système bancaire russe est fragilisée. « Le mouvement de panique boursière le 15 et le 16 décembre, quand l'euro a crevé le plafond inimaginable des 100 roubles, et le dollar des 80 roubles, ressemble à un cauchemar qui vient conclure un an de baisse progressive, sur fond de crise ukrainienne et baisse des cours de pétrole, principale source de revenus de l'Etat. A l'origine du rebond: le gouvernement est sorti de sa passivité et a joint ses efforts à ceux de la banque centrale, acculée à une hausse de taux radicale (17% contre 10,5%). Mais surtout, les prix du pétrole ont rebondi. Vladimir Poutine a tenté de rassurer en affirmant qu'une sortie de crise était " inévitable ", mais qu'elle prendrait au maximum deux ans. Et il n'a annoncé aucune mesure pour soutenir une économie ébranlée ", que vient de publier, aujourd'hui, Germain MOYON dans AFP, sous le titre " APRES LE PLONGEON DU ROUBLE, LE PIRE RESTE A VENIR ". Il faut seulement rappeler que le cours du rouble a fluctué, de janvier à juin 2014, entre 0,030 dollar (environ 33,3 roubles) à 0,0296 (environ 33,8 roubles), avec un plus bas en mars 2014, à 0,0278 dollar (35,9 roubles), ce qui montre que la fluctuation de la monnaie russe était tout à fait normale au premier semestre de cette année. L'effondrement du rouble n'a commencé qu'en juillet 2014, en concomitance avec les cours du pétrole. Est-ce un hasard ? La baisse de la monnaie russe est allée donc de pair avec la baisse des cours du pétrole qui ont chuté d'environ 50%. Le pétrole WTI est coté à 57 dollars le baril, en décembre 2014. Y a-t-il une relation entre le rouble et le pétrole ? Il y a effectivement un impact de la baisse du pétrole sur le rouble via la diminution des recettes fiscales, donc des réserves de change, mais le pétrole ne peut expliquer à lui seul l'effondrement monétaire de la Russie. LA «MEGALOMANIE» DE L'OCCIDENT Dans sa conférence de presse de fin d'année, le président russe Vladimir Poutine a promis aux Russes une sortie dans les deux ans de la sévère crise économique dans laquelle est plongé le pays avec l'effondrement du rouble. Il a accusé l'Occident de se compter en " empire " dictant la marche à suivre à ses " vassaux ". " Dans le scénario le plus défavorable pour la conjoncture internationale, la situation peut durer deux ans mais elle peut se corriger avant ", a-t-il dit, avouant la difficulté à établir une quelconque prévision face à " de nombreux facteurs d'incertitude ". Quant à la situation en Ukraine, le président russe maintient sa position, et accuse les autorités de Kiev de mener une " opération punitive " contre les rebelles de l'Est. A Londres, deux jours avant la conférence, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait prévenu que les sanctions occidentales pouvaient être levées " en quelques semaines " ou " en quelques jours ", en fonction des choix du président Poutine. Auquel le président russe a opposé une fin de non-recevoir à l'appel du pied de Washington. L'orchestration de la déstabilisation de la Russie, par l'Occident, sur le plan économique, financier et monétaire est liée à l'annexion de la Crimée et de Sébastopol par la Russie, au début de l'année 2014. Mais si on regarde l'essence de la vie humaine, de la vie des peuples, une population majoritairement russophone dans une région donnée " a le droit de choisir son destin, d'être rattachée à son ethnie d'origine ". Prenons les pays anciennement colonisés, ils l'étaient longtemps par la force, puis sont venues d'autres donnes historiques qui ont changé le cours de l'Histoire. Et ces ex-colonies sont devenues, après des luttes souvent sanglantes, des nations libres. Pareillement, les peuples de Crimée, de Sébastopol, les républiques de Donetsk et de Lougansk en sécession avec le pouvoir central ukrainien, ont le droit de choisir leur ethnie d'origine. Peu importe, si la Russie s'ouvre une voie stratégique sur la Mer Méditerranée puisque ce sont les populations russophones qui l'ont choisi, et elles s'y sentent le plus en sécurité avec la Russie. Si ces populations étaient ukrainiennes, ethniquement liées à la Pologne, ou à l'Occident, la Russie aurait été impuissante à changer le cours historique. C'est donc une question de choix des peuples, qui constitue l'essence même des peuples, c'est-à-dire là où ils sont le plus en sécurité. Si, par exemple, la Russie avait vu dans l'Occident des valeurs vraiment humaines, où elle verrait que l'Occident cherchait le bien des peuples, la Russie elle-même, et non seulement la Crimée ou les populations russophones, " elle serait elle-même tentée de faire partie de cet " Occident " censé être meilleur ". Mais ce n'est pas le cas. L'Occident n'arrive pas à se départir de ses tares historiques, de chercher à vouloir toujours dominer. Sans comprendre que le monde " n'est pas colonisable, ni dominable ". Donc chercher à intégrer des populations de force à un Etat n'est pas la bonne solution, et ne fera que provoquer des divisions ethniques et verser du sang. Ce qui ne fera que compliquer les relations internationales qui sont déjà complexes. Et l'erreur de l'Occident est de croire parce que des pays d'Europe centrale et orientale ont rejoint l'Union européenne qu'il pourra demain intégrer la Géorgie, l'Azerbaïdjan, la Moldavie, et pourquoi pas le Kazakhstan, l'Ouzbékistan? la Russie. Un Occident qui rêve d'absorber l'ex-Union soviétique devient de la " mégalomanie ". Mais comment est-ce possible de telles visées occidentales à à l'échelle planétaire ? C'est tout là le problème de l'Occident qui ne veut pas comprendre que le monde a changé, qu'il peut même évoluer sans lui. C'est juste une question de temps. Aujourd'hui, la Russie est considérée comme une " puissance faible et influençable ". Or cette Russie est en train de démontrer le contraire. Au temps de l'Union soviétique,"ces plans occidentaux n'étaient même pas pensables tant l'URSS imposait des lignes rouges " au bloc occidental. Nonobstant qu'elle n'est pas l'ex-Union soviétique, la Russie reste toujours imprégnée de cette ex-Union soviétique. Ce qui est tout à fait normal dans sa " configuration généalogique passée ". UNE CONVERTIBILITE DU ROUBLE PREMATUREE On sait très bien que la Russie ne fait pas le poids sur le plan économique, financier et monétaire, face à l'Occident. Et ce sont les crises économiques, financières et monétaires qui ont eu raison de l'ex-URSS. Mais il n'empêche que la Russie reste toujours une grande puissance dans le monde. Ne serait-ce que par sa " à parité " avec les États-Unis sur le plan du nombre d'ogives nucléaires alignées dans le monde. La Russie agit donc comme contrepoids à la puissance militaire occidentale. L'économique et le financier ne sont pas tout dans l'équilibre géostratégique mondial. Et si l'Occident a orchestré la chute du prix du brut pétrolier et des attaques spéculatives contre le rouble russe, rien n'empêcherait les décideurs russes de tirer leçon de ce bras de fer d'abord politique avec l'Occident, puis financer, et de prendre les mesures qui s'imposent sur le plan financier et monétaire. Ce qui signifie que si la Russie arrive à sortir de cette " descente aux enfers monétaire ", cela constituerait un nouvel échec pour la puissance occidentale. " Ce qui ne peut que se produire. Car c'est la sanction même de la cause juste sur la cause injuste ". D'autant plus que la Russie qui subit le choc monétaire aujourd'hui, n'est ni en 1991, époque de l'éclatement de l'URSS, ni en 1998, époque des crises systémiques à l'échelle des continents. Il y a évidemment les populations de Russie qui, très angoissées, voient leurs économies amassées par des années de travail et d'économie, " fondre " par le simple effet de la " dépréciation du rouble " sur l'économie russe. Mais que faire ? " C'est le prix à payer du peuple russe pour s'asseoir en tant que peuple qui compte dans le monde, en tant que peuple qui se tient debout devant l'Histoire ". La Russie, en conflit avec l'Occident, a aussi commis des erreurs, ce qui explique la mauvaise passe que vit la Russie, et cette erreur se situe essentiellement dans la convertibilité totale du rouble. Si cette convertibilité avait été retardée, probablement la Russie ne serait pas affectée comme elle l'est aujourd'hui. Cependant, les erreurs se corrigent face à la pression des événements. Et c'est ce qui se passe aujourd'hui. D'ailleurs, le président russe, l'a reconnu, face à la presse, le 18 décembre 2014. " La Russie a une part de responsabilité ". N'ayant pas profité suffisamment des années passées pour diversifier son économie, dit-il, elle reste très dépendante des hydrocarbures. Il faudrait peut-être aller plus loin dans cette affirmation. " La crise monétaire en Russie incombe aussi à la Russie, l'Occident n'ayant pris qu'au vol ce qui existait déjà en puissance dans l'économie russe. " Il faut le souligner, depuis que la Russie a libéré sa monnaie, le rouble flotte sur les marchés monétaires internationaux. Et une convertibilité totale d'une monnaie peut faire l'objet d'"attaques spéculatives massives ", qui viennent compléter l'"arsenal de sanctions décrétées contre la Russie par l'Occident ". Si on regarde le libellé monétaire des réserves de changes mondiales, on constate que le dollar et l'euro constituent près de 90%, la livre sterling et le yen en constituent près de 7%. Le reste du monde (Chine, Russie, Brésil, Corée du Sud, Malaisie, Arabie Saoudite, Singapour?) environ 3% à 4%. De plus que représente l'économie russe en termes de PIB ? Environ 2,8% du PIB mondial. L'Union européenne 23,6%, les États-Unis 22,6%, la Chine 12,6% et le Japon 6,7%. Ceci montre que la Russie est bien loin des puissances occidentales, y compris avec la Chine. Un rouble qui n'est ni une monnaie de réserve, ni de compte international, donc dépendant d'un panier de monnaies occidentales (dollar, euro, yen et livre sterling), n'a ni la puissance économique en termes de PIB des autres puissances, " ni n'est protégé en cas d attaques spéculatives orchestrées " puisqu'il est convertible sur les marchés Ce qui nous fait dire que " la convertibilité totale du rouble est prématurée ", d'autant plus que la Russie s'oppose à la domination de l'Occident sur le reste du monde. L'ANALYSE DE PAUL KRUGMAN, UNE PARTIE DU PROBLEME DE LA RUSSIE Paul Krugman, prix Nobel d'économie et chroniqueur du New York Times, a livré une analyse qui explique en partie la crise russe. Cette analyse peut être lue dans Atlantico.fr, " La bulle Poutine vient de se dégonfler ", du 20 décembre 2014. Il rappelle au passage la phrase de l'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, expliquant que Poutine " c'est ce que vous appelez un leader ". Pour lui, le problème, c'est que le leader en question n'a pas forcément les moyens de ses ambitions. Paul Krugman, souligne que " l'économie russe est à peu près de la même taille que celle du Brésil. Et comme nous le voyons en ce moment, elle est très vulnérable aux crises financières, une vulnérabilité qui a beaucoup à voir avec la nature du régime de Poutine ". Pour lui, la crise qui est survenue à la Russie, Vladimir Poutine n'y est pour rien. Elle revient à la baisse rapide des cours du pétrole, liée à la fois à la surabondance de l'offre venant notamment du pétrole de schiste américain et à la faiblesse de la demande, essentiellement chinoise. La question que le prix Nobel pose. " Pourquoi les difficultés de la Russie sont disproportionnées par rapport au choc subit. Les cours du pétrole ont fortement baissé. Le rouble encore plus et les dommages à l'économie russe ont été bien plus loin que l'industrie pétrolière et gazière ". La réponse que le Nobel d'économie donne est que le mécanisme de la crise russe est semblable à celui qui a touché l'Argentine en 2002, l'Indonésie en 1998, le Mexique en 1995, le Chili en 1982. " De très mauvaises choses arrivent à une économie rendue vulnérable par des emprunts massifs réalisés à l'étranger, plus particulièrement des emprunts massifs du secteur privé avec une dette en devises étrangères, pas dans la devise du pays débiteur? Quand la devise nationale tombe, le bilan des entreprises nationales, qui ont des avoirs en roubles et des dettes en dollars ou en euros, explose. Cela, à son tour, inflige de sévères dommages à l'économie domestique minant la confiance et affaiblissant encore plus la devise ". Et Paul Krugman ne va pas par quatre chemins, il énonce que c'est là où la responsabilité du régime russe est considérable. Car les pays émergents qui ont connu des crises du même type avaient des déficits commerciaux et extérieurs considérables et s'endettaient pour payer les importations. Ce n'est pas le cas de la Russie qui dégage des excédents commerciaux depuis des années grâce aux exportations de pétrole et de gaz. " Alors pourquoi s'endetter ? " s'interroge Krugman. " Parce que les protégés et les soutiens du régime russe de Poutine, les oligarques, ont accumulés des actifs à l'étranger, des appartements à Londres, à Manhattan, à Genève, à Monaco, des investissements, des œuvres d'art, des clubs de football? Et ce n'est que la partie visible des centaines de milliards de dollars investis à l'étranger. " " Ce système était tenable tant que les prix de pétrole restaient élevés. Mais maintenant que la bulle a éclaté, la corruption qui est à la base du régime de Poutine met la Russie dans une situation désespérée ". Evidemment, Paul Krugman ici a entièrement raison. Ce qu'on peut dire du mal qui frappe indifféremment pays émergents et pays en voie de développement, c'est la surabondance des richesses, du luxe, en Occident, qui souvent se confond avec la luxure, ce qui attire oligarques russes, arabes, chinois, africains? Un trait commun à tous les pays riches ou nouvellement riches. L'Occident exerce un attrait un peu comme un aimant, ainsi se comprennent la fuite des capitaux, la corruption, etc., dans les pays nouvellement capitalistes. Si ces forces parasitent les économies de ces pays, pour la Russie, elles ne restent qu'une partie du problème. L'ORCHESTRATION D' «ATTAQUES SPECULATIVES MASSIVES» CONTRE LA RUSSIE L'Histoire est là pour rappeler les crises économiques et financières ont touché sans distinction les économies émergentes que les économies occidentales. La crise asiatique a été due aux fuites soudaines de capitaux occidentaux (fonds de pensions, d'assurances, etc.). La crise brésilienne et russe en 1998. La Russie elle-même a subi sa plus grande financière de son histoire, dans les années 1980, lorsqu'elle constituait, avec les quatorze républiques socialistes, l'Union s soviétique. De même, combien de crises ont affecté l'Occident au cours des siècles passées, jusqu'à la dernière crise immobilière et financière de 2007 et de 2008. En réalité, les crises participent à la " rénovation architecturale du monde ". Sinon, pourquoi les crises? " Il n'y a de crise que parce qu'il faut qu'il y ait une crise, que parce que la crise participe d'une manière ou une autre à l'évolution du monde. " Quant à la spéculation financière, elle est inhérente à l'homme. L'homme spécule pour savoir, comme il spécule pour gagner. On spécule dans l'existence, on spécule qu'on va décrocher un examen, un travail, ou n'importe quelle visée qui représente un plus pour l'existence. De la même manière, on spécule sur les produits dérivés, dans les Bourses. Qu'un taux de change d'une monnaie se déprécie, et on spécule sur elle. Que l'on perde ou l'on gagne, cela relève des aléas du jeu économique. En loterie, on écrit des chiffres sur un bulletin dans l'espoir de gagner. Même dans les sciences, on spécule pour découvrir une loi, une formule. La spéculation fait partie de la nature de l'homme. Souvent l'homme spécule sans savoir pourquoi il spécule. Bien sûr, on a attribué à la spéculation un sens étendu, mains il est non moins vrai. Georges Soros, n'a-t-il pas spéculé sur la livre sterling, un 16 septembre 1992 ? N'a-t-il mis en ballotage plusieurs de ses milliers de milliards de dollars en empruntant de la livre pour ensuite la revendre, et par ce jeu d'emprunt-vente-remboursement, n'a-t-il pas obligé la Banque d'Angleterre à sortir la livre du système monétaire européen ? " Georges Soros savait-il qu'il serait l'homme qui a fait tomber la livre sterling " ? Si son attaque spéculative sur la livre lui a permis d'enregistrer un gain financier considérable, il aurait pu aussi perdre des sommes colossales. Mais cela a fait partie de ses défis. La France qui faisait face, dans les années 1990, à des attaques spéculatives sur le franc, ne devait-elle son sauvetage à l'Allemagne ? Une Allemagne, naguère ennemie, a racheté massivement des francs sur les marchés, faisant échec aux spéculateurs. L'effet a été inverse, ce sont les spéculateurs qui ont perdu des sommes considérables au profit de l'Allemagne et de la France. On ne peut pas savoir ce qui en découlera des défis spéculatifs. De même, les crises asiatiques, brésiliennes et russes ont, malgré les pertes, été mises à profit par ces pays qui ont subi la crise. La fuite des fonds de pensions américains, européens, des assurances, etc., ont, à cette époque, permis aux pays occidentaux d'enregistrer des dividendes dans le sens que les pays attaqués ont vu leurs monnaies fortement dévaluées et enregistré des pertes financières considérables. Il reste cependant que les pays d'Asie, comme le Brésil ou la Russie ont rebondi, qu'ils ont appris et tiré des leçons sur leurs mésaventures financières et monétaires. Pareillement la crise financière et monétaire qui frappe la Russie, et très fortement ressentie par toutes les couches sociales, peut être une occasion pour de nouveau rebondir. Mais si la Russie est encore " impréparée " dans la gestion de son système financier et monétaire, elle peut être " préparée " demain. On sait très bien " que la spéculation joue que s'il y a matière à spéculer ". Qu'un spéculateur qu'il s'agisse de fonds spéculatifs, banques, etc., anticipe, par exemple, une dépréciation d'une monnaie d'un Etat, qu'il emprunte une quantité importante de cette monnaie, et qu'en la convertissant, par exemple, en euro ou en dollar, il investit cet emprunt en Europe, aux États-Unis, ou ailleurs qui offre un taux plus intéressant. Ce qu'on appelle communément le Carry Trade. Rappelons que le Carry Trade est un procédé financier très prisé par les spéculateurs. Il consiste à jouer sur un différentiel de taux d'intérêt entre deux pays, et entre deux devises. Un spéculateur s'endette dans une devise à faible taux d'intérêt et à placer ces fonds empruntés dans une autre devise à taux d'intérêt supérieur. L'inconvénient du Carry Trade, c'est qu'il peut se transformer en " attaque spéculative ". En effet, le surplus issu de la conversion de cette monnaie sur les marchés, effectué par ce spéculateur, peut, si le montant emprunté est important, affecter la monnaie de l'Etat visé, en la dépréciant. Le spéculateur, en remboursant son emprunt avec une monnaie dépréciée, aura alors enregistré un gain financier. Mais une spéculation qui se transforme en " attaques massives " ne peut s'opérer que si elle trouve matière pour s'engouffrer dans un " système financier et monétaire jugé fragile, et dont la devise est susceptible d'être dépréciée ". Surtout si ce système est en conflit avec le pouvoir financier mondial, en l'occurrence l'Occident. Pour comprendre la gravité d'une " attaque spéculative ", si un spéculateur (Hedge funds, Entreprise financière, etc.) emprunte auprès de la Banque de Russie, par exemple, 1 milliard de dollars, qui lui remet 30 milliards de roubles au taux d'intérêt de 10% et au taux de change de 30 roubles pour un dollar. Ce fonds convertit sans attendre ce capital en dollar, et les réinvestit à un taux de 5% dans un autre Etat. Le spéculateur n'opte pas pour un taux d'intérêt supérieur. Cette opération lui fera perdre 5% d'intérêt du capital. Donc, à l'échéance de l'emprunt, il doit rembourser 105% du capital emprunté. Prenons le fait que ce n'est pas un Hedge funds mais plusieurs qui s'accordent et empruntent auprès de la Banque de Russie des sommes au même taux d'intérêt et au même taux de change dollar/rouble. Supposons que l'ensemble des emprunts par les hedges funds s'élèvent à 50 milliards de dollars soit 1500 milliards de roubles, et que ces emprunts sont aussitôt convertis en dollars et investis dans d'autres Etats au taux d'intérêt de 5%. Ces fonds, à l'échéance des emprunts, doivent rembourser 105%. Donc, des opérations qui leur font payer 5% de plus à payer sur les capitaux empruntés. Supposons maintenant que la conversion massive des roubles en dollars sur les marchés a entraîné une forte dépréciation de la monnaie russe. Supposons qu'à l'échéance des emprunts, le taux de change est passé de 30 à 60 roubles pour un dollar - comme il l'est à peu près aujourd'hui -, les Hedges funds n'auront alors à rembourser à la banques de Russie que 50% du capital emprunté plus les intérêts contractés. Les 1500 milliards de roubles empruntés, au taux de change de 60 roubles pour un dollar, ne constituent plus que 25 milliards de dollars. De même, le différentiel de taux d'intérêt de 5%, rapporté au capital emprunté et au nouveau taux de change dollar/rouble, ne représente plus que de 2,5%. A l'échéance de l'emprunt, les Hedges funds n'auront à rembourser que 52,5% du capital emprunté. Donc, ils enregistreront un gain de 47,5% du capital emprunté. Une échéance à trois mois, par exemple, amènerait la Banque de Russie à perdre 5,9375milliards de dollars sur les 50 milliards de dollars prêtés (équivalent en roubles) avant la dépréciation. Sans compter les pertes de changes que la Banque centrale russe aura à enregistrer pour soutenir sa monnaie. Puisque il se produirait, sur les marchés financiers, une véritable " ruée à la curée ". Les spéculateurs, à l'affût de bonnes affaires, se précipitent pour" arracher chacun une part du butin ". La Banque centrale doit racheter une partie des milliards de roubles en surplus sur les marchés monétaires, ce qui se traduit par des pertes de réserves de change considérables. De plus, elle doit " augmenter le taux d'intérêt directeur pour tenter de dissuader les spéculateurs ". Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2014, la Banque de Russie a augmenté le taux d'intérêt de 6,5%, qui est passé de 10,5%à 17%. Les conséquences pour ce " mini-krach du rouble " ont été sévères pour l'économie russe en pertes en réserves de changes. La hausse drastique du taux d'intérêt a pénalisé les entreprises publiques et privées. Des conséquences en chaîne se sont produites, une hausse des prix des biens et services, l'arrêt du système de paiement électronique en Russie, des dépôts de bilans, des sauvetages d'entreprises et de Banques, etc. Vu les dommages opérés sur son économie, la Russie a fait l'objet d'une " orchestration d'attaques spéculatives massives " par l'Occident. LE «BON SENS» DANS LE DOMAINE MONETAIRE DOIT L'EMPORTER Rappelons les pressions américaines qu'a subies la Chine pour libérer sa monnaie. Combien de voyages ont effectué les responsables américains, du président Obama aux hauts responsables des finances et du Trésor américain en Chine ? Toujours pour pousser la Chine à mettre fin à la " politique dirigiste de son yuan ". La Chine a toujours opposé une fin de non-recevoir. Et les appréciations de sa monnaie, elle a servies au compte-goutte à l'Occident. Toute la puissance économique, financière et monétaire dépend en grande partie de la valeur qu'elle octroie à son étalon monétaire. C'est cet étalon " commandée " qui, non seulement lui octroie une compétitivité commerciale sur le plan international - ces produits sont toujours moins chers par rapport aux autres produits de même qualité -, mais " évacue toute tentative de spéculer sur le yuan ". C'est ce qui explique la stabilité économique et financière de la Chine, et son taux de croissance maintenue à 7% malgré la dépression économique mondiale. Pourtant la Chine est le premier détenteur des réserves de changes du monde, environ 4000 milliards de dollars, la Russie possède environ 430 milliards de dollars. La Chine est la deuxième puissance économique du monde, alors que la Russie est la 8ème puissance du monde (données 2013). La Chine maintient une " politique dirigiste sur sa monnaie ", même si elle a commencé à internationaliser son yuan, et toujours aux valeurs fixées par la Banque de Chine. Quant à la Russie, elle a libéralisé sa monnaie. Il y a un non-sens dans la comparaison du système financier chinois et russe. " Mais ce non-sens peut passer pour un bon sens pour la Russie dans la mesure où les cours pétroliers sont élevés et surtout qu'il n'y ait pas de frictions géostratégiques avec les États-Unis - l'Europe globalement plus suiveuse dans la stratégie américaine ". En tout état de cause, on peut pronostiquer que la crise sera douloureuse pour la Russie. En raison de la chute du rouble qui rend plus coûteux les produits venant de l'étranger, de la fuite des capitaux, du bas cours pétroliers et la hausse de l'inflation. L'économie russe risque d'être durement affectée, et même d'entrer en récession en 2015. Mais ce ne sera que transitoire. Le peuple russe, par son histoire, son endurance, son nationalisme, et surtout la cause qu'il défend et qu'il estime juste - et qui est juste pour tous les peuples du monde -, s'en sortira. Il reste cependant une donne, " que la Russie s'imprègne du bon sens de la Chine, dans le domaine monétaire ". Il revient à l'actuelle gouverneure de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina, et au comité directeur de la monnaie, de s'imprégner du " bon sens de la Chine ". D'autant plus que le taux directeur de la Banque centrale russe de 17% aura à affecter durement l'économie. * Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,Relations internationales et Prospective. |